Etude biblique
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Gédéon: Lumières sur un combat nocturne (Juges 7)

ETUDE DE L’ANCIEN TESTAMENT
Pour trouver des principes divins, il suffit de chercher ceux du monde, puis de prendre leur opposé. Une maxime à méditer! En commençant par les béatitudes, bien des textes bibliques semblent la confirmer. A Gédéon, Dieu demande de suivre une stratégie aux antipodes du bon sens: pour vaincre une multitude tu réduiras tes troupes au minimum. Conseil surprenant.

Autre étonnement dans ce combat décisif contre les Madianites: épées, lances, boucliers, frondes, chevaux, chars, sont remplacés par des trompettes, des cruches vides et des torches. De quoi dérouter non seulement les Madianites, mais tout stratège militaire. Même le lecteur familier avec le miraculeux des Ecritures saintes reste perplexe devant la voie suivie par Gédéon. Comment comprendre la réduction de l’armée? Quel sens donner aux instruments de la victoire? Seule une réponse à ces questions fera sauter le double verrou de ce récit énigmatique.

De trente-deux mille à trois cents

La raison invoquée pour réduire le nombre des combattants est donnée par Dieu: si Israël gagne, il pourrait en tirer gloire contre moi et dire: C’est ma main qui m’a sauvé (7.2).

Le problème d’Israël à l’époque des juges est du domaine de la foi. Au lieu de placer sa confiance dans les paroles de l’Eternel, le peuple élu la met dans les choses visibles. Lorsqu’il sent la victoire à sa portée, il engage les hostilités pour chasser les habitants du pays, mais quand l’ennemi est mieux armé, Israël recherche des solutions de compromis. La cohabitation semble préférable à la défaite. Mais ces ententes amicales sont en horreur à l’Eternel qui le leur fait bien comprendre (2.1-5). Israël doit conquérir tout le pays. Peu importe la force respective des armées en présence, puisque c’est Dieu qui décide de l’issue des combats; c’est lui qui désigne vainqueurs et vaincus.

Pour Israël, un succès avec une armée imposante ne résoudrait, qu’un mal secondaire (la domination des Madianites ). Le problème principal resterait (l’incrédulité envers l’Eternel). Or le peuple élu doit apprendre à vivre par la foi. Dieu l’aidera en donnant une victoire où la part de la foi sera immense et la part de la force humaine insignifiante.

La diminution des forces armées se fera en deux étapes. La première réduction purge les troupes de Gédéon de tout craintif. Voilà une des plus sages mesures que peut prendre un général. Mieux vaut être accompagné de dix mille vaillants que de trente-deux mille hommes dont les deux tiers sont craintifs. La peur est un fléau des plus contagieux. Un petit groupe en contamine rapidement toute une troupe. Dans son testament spirituel, Moïse avait déjà recommandé de dispenser de l’armée non seulement tout craintif (Deut 20.8), mais aussi ceux qui risquaient d’être indécis, soit tout homme en passe de jouir d’un bien nouveau important tel que maison, vigne ou épouse (Deut 20.5- 7).

Si les armées modernes faisaient bien de se laisser instruire par la sagesse divine lors d’un enrôlement, les églises devraient aussi veiller à ne pas contraindre les fidèles à des efforts d’évangélisation (ou toute autre action) sous prétexte d’un engagement communautaire. Imposer un combat difficile aux coeurs indécis produit plus de tort que de bien à la troupe. L’histoire de Gédéon offre d’ailleurs une deuxième illustration de ce principe. Après la victoire sur Madian, les craintifs reviennent et provoquent des remous. Ainsi, les hommes d’Ephraïm absents lors du combat décisif, mais présents dès que la victoire est assurée, rejettent immédiatement le blâme de leur absence sur le juge dans un effort d’autojustification (8.1). Seules la sagesse et l’humilité de ce dernier évitent de graves troubles (8.2-3).

La deuxième réduction limite les effectifs de dix mille à trois cents. Le critère de sélection est plus difficile à comprendre. Pourquoi ne garder que ceux qui lapent l’eau comme des chiens ? Par deux fois, les autres guerriers sont décrits comme ayant mis les genoux à terre (7.5,6). Dans cet acte, aucune faute morale, aucun relâchement dans la vigilance, mais un geste qui rappelle l’humiliation présente. Et comme Dieu veut donner la victoire par ceux qui ne plient pas le genou devant l’ennemi, il utilisera le symbole du genou plié pour limiter le nombre des vaillants.

L’intelligence au service de la foi

Réduite à trois cents, l’armée de Gédéon est prête pour le combat. Sans arme, cette poignée de combattants est forcée de dépendre entièrement de Dieu. Lui seul peut donner la victoire.

Le succès sera celui de l’Eternel. Israël ne peut que s’attendre à son Dieu. Celui-ci utilisera, néanmoins, trois cents hommes, ainsi que l’intelligence de leur chef, car la foi que Dieu désire n’est synonyme ni de passivité ni de stupidité. Au contraire, la foi biblique engage tout l’homme: coeur, âme et pensée (Mat 22.37). Aucune opposition entre foi et raison. Dieu s’adresse à tout l’être qu’il a créé.

Gédéon incarne foi et sagesse. En fin stratège, il place l’attaque au moment où la vigilance de l’ennemi est au plus bas. Au commencement de la veille du milieu (7.19) situe l’action vers minuit, soit lorsque le sommeil est le plus profond. Une précision supplémentaire nous est donnée: comme on venait de relever les gardes (7.19). Ce moment est particulier, car en plus du sommeil général, il est marqué par (1) des gardes qui tombent de sommeil (ceux qui viennent de veiller), (2) des gardes encore mal réveillés (ceux qui doivent prendre leur tour de garde), (3) des mouvements d’hommes (les uns allant se coucher, les autres à leur poste). Ce moment est propice pour jeter la confusion. Morts de fatigue ou mal réveillés, les gardes ne disposent pas de tous leurs moyens. Les mouvements à l’intérieur du camp sont pris pour des incursions ennemies, et dans l’effroi et la confusion, ils s’entretuent, chacun croyant voir dans l’autre un Israélite. Ainsi, l’Eternel tourna l’épée des uns contre les autres (7.22).

Les trompettes, les cris et le bruit des cruches brisées galvanisent les Juifs tout en semant la panique parmi les Madianites. Entourés de partout, ceux-ci se croient victime d’une attaque de grande envergure. De plus, si la lumière des torches éclaire et réconforte les Juifs, elle place les ennemis dans une semi-obscurité où les ombres fugitives accroissent la confusion et l’ angoisse.

Avec trois cents hommes non armés, Gédéon met l’ennemi en déroute. Notre juge, qui fait preuve d’un sens psychologique aïgu, a exploité au maximum ses ressources limitées. Cependant, s’il est juste de souligner l’intelligence de notre héros, il faut aussi relever l’origine divine de la stratégie. En effet, la veille du combat, l’Eternel avait conduit Gédéon dans le camp ennemi pour entendre le songe d’un Madianite et son explication annonçant la victoire d’Israël. Non seulement, le juge avait été fortifié par ce récit, mais il avait aussi pu discerner la nature du combat qu’il devait mener.

D’une part, Gédéon découvre l’anxiété des Madianites devant Israël et leur crainte d’une défaite. En homme avisé, il exploitera au maximum cette faiblesse et cherchera, par tous les moyens, à gonfler leur crainte.

D’autre part, la description de la défaite donnait au juge un précieux indice sur la stratégie à suivre. Le songe affirmait que le pain d’orge est venu dans le camp de Madian, jusqu’à la tente, l’a heurtée et elle est tombée, il l’a retournée sens dessus dessous et elle a été renversée (7.13). Si le pain d’orge représentait Israël comme l’a bien compris l’ennemi (Israël servait de grenier à blé aux troupes madianites), la tente représentait l’endroit où le guerrier se repose de ses fatigues. Les éléments du rébus étaient donnés. Pour un esprit éveillé, la solution était évidente: attaque de nuit lorsque les Madianites dorment sous leur tente.

Foi et sagesse ne sont que deux faces d’une même pièce. La confiance accordée par Gédéon aux paroles divines a renouvelé son intelligence. Ainsi, le sage est bien celui qui fonde toute sa réflexion sur la révélation claire et infaillible du créateur, et l’insensé, celui qui croit pouvoir se passer de Dieu, La crainte de l’Eternel est le commencement de la sagesse (Pr 1.7). La sagesse est le fruit de la foi, comme elle est aussi un des instruments par lequel cette foi se concrétise.

Le symbolisme d’un combat idéologique

De la valeur stratégique des éléments du combat, nous passons à leur sens symbolique. Le combat contre Madian doit marquer la priorité de la foi. Tout sera mis en oeuvre pour cela, et chaque élément du récit développera un peu mieux cette lettre ouverte sur la supériorité de la foi.

Aucune arme pour les troupes d’élite de Gédéon. Ainsi obtenue, la victoire manifestera d’autant mieux la place secondaire des armements. La priorité est située sur le plan idéologique. Ce qui importe est la parole de Dieu. Lorsque l’Eternel parle, tout est dit. La réalisation de ses promesses n’est plus qu’une question de temps. Aucun doute n’ est possible, et pour manifester la supériorité de la parole, les armes sont absentes.

La primauté de la parole entraîne la victoire par la parole. Ainsi, les paroles du juge constitueront le premier élément dans l’offensive: pour l’Eternel et pour Gédéon (7.18) ou épée pour l’Eternel et pour Gédéon (7.20). Comme les paroles de Christ sont un parfum de vie pour ceux qui s’y accrochent, mais une odeur de mort pour ceux qui les rejettent, les paroles de Gédéon raniment le courage d’ Israël tout en préparant la perte de l’ennemi. L’épée de Gédéon n’est, ici, pas faite de métal, mais de mots: c’est l’épée de la parole de Dieu, vivante et efficace, plus acérée qu’aucune épée à double tranchant (Héb 4.12).

Victoire par la parole. Aucune épée, aucune arme. Même les torches présentes ne servent pas à brûler l’ennemi. Si elles aident le juge à se situer dans la nuit, elles illustrent surtout certains principes: fils de la lumière, Gédéon et ses vaillants compagnons sont dans la lumière et voient ce qu’ils font; enfants des ténèbres, les ennemis païens et idolâtres sont plongés dans le noir et s’entre-tuent dans leur confusion.

Comme les flambeaux, les trompettes véhiculent aussi un message de vie et de mort. Pour les uns, elles sont une douce mélodie introduisant la venue de leur rédempteur; pour les autres, elles annoncent la venue du jugement dernier.

Quant aux cruches brisées, elles ne représentent pas des vies humiliées comme certains prédicateurs l’affirment, surtout pas les vies des fidèles qui sont tout sauf brisées. A la rigueur pourrait-on y voir la mort des Madianites. Plus vraisemblablement, elles symbolisent la défaite de leur divinité. Baal est le dieu de la fertilité. Mais c’est une idole; un faux dieu qui ne peut tenir ses promesses. Les cruches de ses fidèles ne peuvent être que vides, car Baal est incapable d’envoyer la moindre goutte d’eau. En brisant les cruches vides (oeuvres et symboles de Baal), Gédéon et ses compagnons proclament la défaite du faux dieu. Ainsi, après la démolition de son autel (6.25), Baal est brisé une deuxième; fois par Gédéon surnommé Yeroubbaal (que Baal plaide contre lui).

Crainte paralysante ou foi agissante

Gédéon a conduit le peuple sur la bonne voie; il a donné l’exemple en abattant l’autel de Baal et en précédant ses troupes au combat. Parce que des vaillants l’ont suivi, la victoire sur l’ennemi a pu être obtenue. Combien avons-nous besoin d’entendre cette leçon aujourd’hui! Tellement souvent, nos regards s’arrêtent sur la puissance de l’adversaire ou sur la faiblesse de nos moyens. Avons-nous oublié les paroles de Christ avant son ascension: Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde (Mt 28.20) ? Paul n’a-t-il pas dit qu’il pouvait faire toute chose par celui qui le fortifie (Phi14.13) ?

Que Dieu nous aide à ancrer notre vie dans ses promesses, plutôt que dans les apparences d’un monde en perpétuel changement. Qu’il nous aide à suivre Gédéon dans la brèche qu’il a ouverte.

D.A.
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Arnold Daniel
Daniel Arnold a été, pendant de longues années, professeur à l’Institut biblique Emmaüs. Membre du comité de rédaction de Promesses, il est un conférencier apprécié et l’auteur de nombreux livres, parmi lesquels des commentaires sur des livres bibliques.