Série: Le fardeau de la dépression
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Le fardeau de la dépression (3)

Dans les 2 derniers numéros de Promesses, le pasteur Peter Masters a défini les différentes formes que peut prendre la dépression, décrit quelques facteurs qui la déclenchent, et indiqué des stratégies de redressement.

En introduction de cet article, on formulera quelques conseils importants dans la pratique de la relation d’aide avec un dépressif. Premièrement, il ne paraît pas souhaitable, ni utile, que les croyants touchés par ce mal soient aidés et suivis par la moitié de l’assemblée, car la dépression tombée «dans le domaine public» conduit à coup sûr à une recherche ou une soif exagérée de marques de sympathie, jusqu’à en rendre le malade dépendant. Ensuite il faut insister sur le rôle vital du sommeil, même si la plupart des dépressifs n’en sentent pas la valeur. Nous devons affirmer que le sommeil est une compensation normale lors d’un tel épuisement physique, psychique et moral. En dernier lieu, on évitera tant que possible d’aborder des thèmes conflictuels à une heure avancée de la nuit, de peur que l’angoisse s’installe jusqu’au petit matin.

Voici les prises de conscience et les attitudes correctives qui devraient ponctuer le retour d’un dépressif à la vie normale:

1) Admettre le côté irrationnel de la maladie

Les personnes qui traversent la vallée de la dépression devraient être conduites, peu à peu, à admettre qu’elles ont une forme de pensée moins rationnelle que d’habitude, puisque par définition cet état est caractérisé par les jugements négatifs et les conclusions pessimistes. David en donne la description en l Sam 27.1 : Je périrai un jour par la main de Saül; il n’y a rien de mieux pour moi que de me réfugier au pays des Philistins. Dans son découragement et son anxiété, David développe une vision déformée de la situation. Toute l’évidence de la puissance protectrice de Dieu sur lui s’évanouit de par la surestimation des dangers environnants. Pour la seconde fois il paraît incapable de se souvenir de l’onction et des affirmations de Dieu en relation avec la royauté à laquelle il est destiné. Sa souffrance intérieure affaiblit sa foi au point de le faire succomber à une folle attitude de fuite et d’abandon. La dépression doit être reconnue comme une atteinte de l’être intérieur tendant à déformer les choses et à ébranler les certitudes, oscillant du simple doute à l’incrédulité ouverte. Par conséquent, il est vital de rééquilibrer le fonctionnement et la faculté de penser de celui que nous voulons aider!

2) Refuser les coups de tête

Aussi longtemps qu’une personne n’est pas complètement hors d’affaire, il faudrait l’empêcher de prendre des grandes décisions. Je connais une quantité de gens qui ont commis des actes plus qu’absurdes en pleine phase d’irréalité, tels que quitter leur emploi, déménager ou briser une amitié; ils en arrivent à développer des situations préjudiciables pour tout le monde; j’ai vu des pasteurs s’écarter de l’église et des anciens, des missionnaires se désintéresser de leur service. A chaque fois, ils sont convaincus que leur situation est insoutenable, leur travail une faillite, leurs collègues antipathiques et que toute espérance de bénédiction est vaine. S’il faut dissuader un dépressif de défaire et briser son oeuvre par un coup de tête, il faut en revanche lui souligner l’obéissance à la volonté de Dieu et chercher à la découvrir avec un esprit sain (cf 2 Tim 1.7 v.a.), en le persuadant que les décisions prises sous le coup du découragement sont émotionnelles et déséquilibrées. Pour arriver à ce résultat, je pense qu’il faut protéger la personne des autres croyants, bien intentionnés, mais formant un cercle de pseudo-psychiatres peu qualifiés !

3) Discerner l’activité du diable

Au cours de l’approche pastorale de celui qui souffre d’abattement, on peut lui expliquer la signification du combat spirituel décrit en Ephésiens 6, même s’il connaît ce thème. Il n’est pas inutile de rappeler que le diable est cruel au point d’attaquer durement celui qui est par terre. Il faut dire aussi que les pensées les plus cyniques, incrédules, accusatrices et pessimistes sont suscitées par Satan. S’il ne peut pas ôter le salut d’un enfant de Dieu, il peut, pour un temps, lui enlever toute joie et toute paix dans la foi et le pousser dans les extrêmes limites de l’angoisse.

4) S’appuyer sur la Parole

Une des caractéristiques de la dépression réside dans le fait que la rébellion et la tromperie propres au coeur humain accablent le malade au point qu’il se croit continuellement sous la condamnation de Dieu. Il incombe au pasteur d’être très clair et de revenir fermement sur l’enseignement biblique des deux natures du croyant sans esquiver le conflit entre la nouvelle nature donnée par Dieu et la vieille nature charnelle déchue. Malgré la turpitude de la vieille nature, il faut reconnaître les marques de la nouvelle, car c’est une réalité infiniment précieuse. Lorsqu’on perd de vue cette doctrine, on se met immédiatement au service de la vieille nature. La nouvelle nature doit être considérée comme le «vrai moi», et la vieille comme un «squatter» blessant qui sera finalement expulsé au seuil de l’éternité. Romains 7, après un dur constat, enseigne une totale délivrance grâce à la force de Jésus-Christ.

5) Exercer sa foi

L’exercice de la foi paraît souvent hors de question pour un dépressif. Il n’éprouve aucune assurance et ne tente rien pour s’approcher de Dieu. Il fait penser à un naufragé qui s’agrippe désespérément à une pièce de bois, sans rien voir d’autre à l’horizon qu’une tempête et des requins! Dans le texte du Psaume 42.6 et 50.15 on lit que l’abattement et la détresse ne suppriment pas la foi; au contraire, l’espérance, la louange et la délivrance prennent la place de la tristesse. Le texte d’Esaïe 50.10, bien connu pour les temps d’obscurité, nous donne l’assurance que l’expression de la foi ne dépend pas de ce que l’on sent: Quiconque marche dans l’obscurité et manque de lumière, qu’il se confie dans le nom de l’Eternel, et qu’il s’appuie sur son Dieu. Il faut oser déclarer qu’il y a des périodes dans la vie, et la dépression en est une, où la faculté de sentir et la force de l’assurance ne sont pas nécessaires à l’exercice de la foi. Assommé par une espèce de torpeur, l’enfant de Dieu connaît l’impasse, mais il lui est demandé de s’appuyer sur son Dieu, de considérer la prière comme un devoir plus qu’un besoin en l’absence de sentiments. C’est la forme la plus élevée de l’adoration, elle est précieuse pour Dieu. Cela s’appelle la foi nue, c’est un noble cri, une loyale adoration que nous trouvons dans le Psaume 130. 1, 5, 6: Du fond de l’abîme je t’invoque, ô Eternel!… J’espère en l’Eternel, mon âme espère, et j’attends sa promesse. Mon âme compte sur le Seigneur, plus que les gardes sur le matin, que les gardes sur le matin.

C’est au plus bas de sa forme que Job prouve son attachement à Dieu; dépourvu de joie et de réconfort, terrassé par les épreuves, il donne toute la gloire à Dieu. Il faut rappeler à celui qui est touché par la grande lassitude que provoque la dépression, que son bien-être spirituel repose entièrement sur l’oeuvre de Christ et non sur ses performances, et lui dire que la période qu’il traverse en ce moment lui permet de fixer son esprit sur les mérites et la justice de Christ, sur son oeuvre parfaite et achevée. Si nos élans de foi ont de la valeur devant Dieu lorsque nous nous sentons heureux et bénis, quel prix ont-ils lorsque nous sommes perdus dans les brumes de la dépression! C’est pourquoi l’impératif de se confier dans le nom de l’Eternel et de s’appuyer sur Dieu (cf Esaïe 50.10) sauvera les dépressifs du pire symptôme de cet état, à savoir l’amour de soi.

6) Persévérer dans la prière

La prière est un exercice pénible quand il y a désintérêt spirituel et difficulté à se sortir de ses propres misères. Lorsque le dépressif prie, c’est un appel au secours continuel; l’engorgement de ses pensées fait penser à un automobiliste qui tente de se maintenir à une distance de 4 ou 5 voitures en pleine circulation alors que l’espace se comble au fur et à mesure. La source intarissable des perceptions négatives se combat Bible en main pour amener à considérer les promesses de Dieu. La lecture de la Parole de Dieu permet de redécouvrir les justes proportions des choses.

De plus, elle pousse à la consécration, à la louange et à la repentance. Il faut limiter la lecture à 10 ou 15 versets dans certains cas, jusqu’à ce que l’influence de l’Ecriture sainte pénètre, noyaute l’obsession personnelle et subordonne l’âme abattue. La persévérance dans la prière est une tâche que le dépressif doit accomplir, non seulement pour sortir de son tunnel, mais pour honorer Dieu. Nous avons le devoir, comme pasteurs, de rappeler le texte d’Ephésiens 6.18… toutes sortes de prières. Le découragement et la blessure intérieure ne dispensent pas des devoirs fondamentaux du chrétien. En dépit du mal-être qui enlise dans l’égoïsme et l’indifférence aux autres, il faut batailler sans faiblir pour amener un croyant démoralisé à sonder l’Ecriture Sainte, à louer Dieu, à le remercier pour son salut, pour la vie nouvelle en Jésus-Christ, l’inviter à persévérer dans la prière et croire, malgré la tristesse de ses sentiments, que Dieu est fidèle, qu’il donne la glorieuse promesse de bonheur éternel, qui surpasse de loin les afflictions présentes.

Dans cet article, je me suis efforcé de fournir une panoplie biblique concrète pour lutter contre la dépression, mais je ne cache pas que souvent tout est par terre le lendemain d’un entretien pastoral et qu’il faut alors recommencer à zéro, rappeler sans cesse que la prière est un ministère que Dieu attend des croyants en dépit de la sensibilité spirituelle engourdie. L’esprit peut être fatigué, diminué, tourmenté et accablé, mais un véritable enfant de Dieu demeure un sacrificateur pour son Père (cf Apocalypse 1.6).

P.M.
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