Etude biblique
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Les violents s’en emparent

(Mat. 11 :12)

Réflexion sur un verbe
L’expression hardie de notre Seigneur a pu nous choquer. Elle met néanmoins en lumière une vérité essentielle: La bonne nouvelle, la lumière, la vie, le Royaume…ne sont pas pour les indifférents ou les passifs, mais pour ceux qui en reconnaissent le prix et s’en saisissent avec empressement.
N’est-ce pas une leçon analogue qui découle de Jean 1, 5?
Le verbe grec «katalambanô» ici employé mérite l’examen, comme le montre la simple comparaison des traductions proposées:

Segond:«les ténèbres ne J’ont point reçue»
Synodale:«les ténèbres ne l’ont point accueillie»
Segond rév.:«les ténèbres ne l’ont point accueillie» ou, en note:
 «les ténèbres ne l’ont point dominée»
 «les ténèbres ne l’ont point comprise»
Darby:«les ténèbres ne l’ont point comprise»
Jérusalem:«les ténèbres n’ont pu l’atteindre»
Crampon:«les ténèbres l’ont repoussée».
«Katalambanô» est un composé de «kata» et «lambanô», ce dernier verbe apparaissant à nouveau au verset 11 modifié par le préfixe «para», et au verset 12, dans sa forme simple. Nos versions rendent mal ces nuances, Segond surtout, qui dans les trois cas, a recours au verbe «recevoir».
Tous les traducteurs s’accordent à traduire ainsi la forme simple «lambanô». Recevoir, c’est offrir un terrain bien disposé, c’est être réceptif, «accepter» avec la nuance de la disponibilité et, d’une manière générale celle de la reconnaissance (reconnaître et être reconnaissant). Il s’agit cependant d’une attitude plus que d’une action. Celui qui reçoit est l’objet, un objet volontaire, mais un objet et non pas le sujet.
Ce sens est modifié au verset 11 par l’emploi du préfixe para. Un certain cadre, un certain environnement vient compléter l’idée de «recevoir», d’une attitude intérieure active. Dès lors, la meilleure traduction nous semble être «recevoir avec empressement» ou, du moins, «accueillir».
«Katalambanô», au verset cinq, aurait-il un sens entièrement différent? Du fait de l’emploi du grec «ou», négation objective plutôt que du «mê» subjectif, on pourrait conclure à une simple constatation sans mise en cause de la volonté du sujet. Un tel point de vue semble accrédité par la version de Jérusalem. En réalité, le préfixe «kata» l’exclut à lui seul. Accompagné de l’accusatif, «kata» ajoute au verbe l’idée d’un mouvement, d’une action, d’un déplacement. L’attitude du sujet est dès lors amplement impliquée.

A la lumière de cette remarque, que valent les traductions proposées? «…les ténèbres ne l’ont point reçue» fait l’économie de la nuance, nous l’avons vu. «…les ténèbres ne l’ont point accueillie» est bien meilleur en ce que s’y trouve incluse la volonté active du sujet. Mais l’examen des autres emplois néotestamentaires de notre verbe nous conduit à l’abandonner cependant; nous verrons pourquoi. «…les ténèbres ne l’ont point dominée» (ou éteinte» comme l’avance une version haïtienne) ne nous paraît tenir compte que du seul contexte. Nous ne pouvons retenir cette traduction.
«…ne l’ont point comprise» trouverait sa justification en Ephésiens 3, 18; mais ce dernier verset ne peut-il être rendu autrement? Quoi qu’il en soit, c’est faire bon marché de la responsabilité. Comprendre est un verbe passif qui s’accommode mal du préfixe «kata».
La version de Jérusalem emploie le verbe «atteindre». Il est plus proche d’une signification commune applicable à tous les textes. Pourtant, on n’est pas très loin du contresens avec l’introduction du verbe «pouvoir». Les ténèbres auraient-elles tenté d’atteindre la lumière sans pouvoir y parvenir?
La volonté négative ou, du moins, la carence des ténèbres par rapport à la lumière offerte est soulignée par la version Crampon: «Les ténèbres l’ont repoussée…» Il reste néanmoins hasardeux de traduire une négation par l’idée opposée présentée affirmativement.
Dans le cas du verbe «katalambanô», une traduction est possible qui tienne compte de tous les emplois bibliques. C’est le verbe «saisir» ou mieux: «s’emparer, se saisir de.»

Romains 9, 30«Les païens qui ne la cherchaient pas se sont saisis de la justice…»
1 Cor. 9, 24«Tous courent mais un seul reçoit (lambanô) le prix. Courez donc afin de vous en saisir (katalambanô). »
Phil. 3, 12 et 13
 
 
«Ce n’est pas que j’aie déjà reçu (lambanô) le prix ou que j’aie déjà été rendu parfait; mais je persévère, m’efforçant de m’en saisir (katalambanô), puisque j’ai, quant à moi, été saisi (katalambanô) par Jésus-Christ. Frères, je ne pense pas l’avoir saisi (katalambanô) ; mais je fais une chose…je cours…»
1 Thes. 5, 4«Vous n’êtes pas dans les ténèbres pour que ce jour vous saisisse comme (le ferait) un voleur.»
Jean 12,35«…afin que les ténèbres ne puissent se saisir de vous.»
Eph. 3,18
 
«…fondés et enracinés dans l’amour afin qu’avec tous les saints vous puissiez être pleinement aptes à vous saisir de la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et connaître l’amour du Christ qui passe l’entendement…»

 

Dans ce dernier texte, la traduction habituelle: «comprendre», peut se justifier par la présence du pronom interrogatif «ti». Il nous parait préférable de maintenir ici aussi le verbe saisir. Il s’agit de s’emparer de ce que signifie, de ce qu’implique (idée exprimée par le pronom interrogatif) l’amour de Dieu en son ultime dimension. Seul le chrétien qui se repose sur l’amour de Dieu et fait de cet amour l’aliment de ses racines, est véritablement capable de s’emparer, dans sa plénitude de signification, de l’amour incommensurable de Dieu. Cet amour submerge ceux qui le désirent avec ardeur, qui s’en saisissent par la foi. Revenant à Jean 1, nous lirons ainsi les versets 5, 11 et 12: La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne s’en sont point saisies…Elle est venue chez les siens et les siens ne l’ont point accueillie. Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir d’être enfants de Dieu.

 

Chacun de ces trois verbes répond admirablement à son contexte. La lumière s’étant offerte à ce monde plongé dans les ténèbres, les hommes, au lieu de saisir cette lueur d’espérance ont fait corps avec les ténèbres et l’ont dédaignée, indifférents. Serait-elle, du moins, accueillie chez les siens? Son peuple Israël montra la même indifférence et lui refusa l’accueil qu’elle était en droit d’attendre. La responsabilité des Juifs et des païens se trouve ainsi entièrement engagée. Il leur appartenait d’accueillir la lumière, de s’en saisir. Ils ne l’ont point fait.
En contraste vient le verset 12. Non plus ce que l’homme aurait dû faire et n’a point fait, mais ce que Dieu fait en réponse à la seule volonté réceptive de l’homme. Que ce dernier reçoive seulement, qu’il ne tourne pas délibérément le dos, et Dieu accomplit le miracle! Il donne cette autorité: être enfant de Dieu, participant de Sa vie, membre de Sa famille.
Voilà soulignées, une fois de plus, par la précision d’un verbe, l’entière gratuité du salut en même temps que la totale liberté, – d’où la redoutable responsabilité – de la créature.
Sommes-nous de ceux qu’une sainte violence pousse à saisir dans leur plénitude les grâces divines?



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