Série: Vie chrétienne
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La Preuve du Véritable Amour

VIE CHRÉTIENNE

L’auteur de l’article, de nationalité congolaise, est marié et père de deux filles. Il est professeur à temps plein à l’Institut Supérieur Théologique de Bunia, en République Démocratique du Congo. Il est aussi Ancien d’une église évangélique à Bunia. Il est auteur de plusieurs exposés théologiques et animateur d’émissions évangéliques de deux radios locales.

«Mais si quelqu’un possède les biens du monde, voit son frère dans le besoin et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui? Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni de langue, mais en action et avec vérité» (1 Jean 3. 17, 18). Dans ces deux versets, Jean poursuit le thème de l’amour qu’il a introduit peu avant (3. 10) et qu’il développera dans la suite (4. 1-12). Le verset précédent (v. 16) donne l’exemple du Seigneur Jésus. «Donner sa vie pour ses frères» (v. 16) a le sens de voir les intérêts des autres plutôt que le sien propre. Il est clair que, au sens littéral, nous aurons rarement l’occasion de donner notre vie, de mourir, pour un autre… C’est pourquoi Jean parle ensuite de l’expression pratique de l’amour par ceux qui ont des biens et qui viennent en aide à ceux qui n’en ont pas. Donner sa vie dans ce sens signifie «donner de ses biens».

Les deux versets que nous allons étudier nous parlent de l’application pratique de l’amour et de sa conclusion logique: le véritable amour (v. 17) consiste à assister le nécessiteux (v. 18). Telle est la preuve de l’amour selon Dieu. Reprenons plusieurs expressions de ces versets pour les détailler.

«Mais»: Jean montre par un exemple typique ce que ne doit pas être la conduite d’un vrai croyant qui, n’étant pas dans le besoin, prive celui qui est réellement dans le besoin. Le mot traduit par «mais» marque le contraste frappant entre deux attitudes:
– d’une part, le dévouement poussé jusqu’à l’extrême (v. 16);
– d’autre part, une sécheresse de cœur indigne même d’un homme du monde!

«Quelqu’un» : ce pronom indéfini, joint à l’emploi du subjonctif, suggère une situation qui peut éventuellement arriver.

«Les biens du monde» 1 désignent les aspects extérieurs de la vie, comme la nourriture, le vêtement, l’argent, qui aident à maintenir la vie. C’est l’ensemble des moyens de vie, mais cela ne sous-entend pas forcément de grandes possessions (cf. Marc 12. 44).

«Dans le besoin» : le verbe utilisé2 suggère plus qu’un simple coup d’œil! Jean ne semble pas faire allusion à un regard indifférent, qui n’enregistre rien dans l’esprit de celui qui observe. Il parle ici d’un regard clairvoyant, qui permet de bien saisir quelle est la situation de l’autre. C’est également une des caractéristiques de Jésus- Christ, notre Maître: les besoins des hommes exerçaient sur Lui une attraction irrésistible. Il convient de noter qu’il n’est pas question des frères en général, mais «d’un frère en particulier qui se trouve dans le besoin».

Les besoins peuvent être matériels et corporels, tout comme moraux et spirituels: le pauvre est celui qui n’a pas de maison ou d’argent, mais aussi celui qui est seul, qui manque d’affection, etc.

«Il ne manifeste pas de la miséricorde envers lui» (littéralement: «il lui ferme ses entrailles»). Le mot grec rendu par «entrailles»3 désignait pour les Grecs le siège des émotions, et le siège de la miséricorde pour les Juifs (cf. Gen 43. 30). Ici, comme souvent ailleurs dans le N.T., ce mot exprime la compassion; il suggère un profond intérêt émotionnel ou une chaleureuse sympathie, une miséricorde active. Jean fait allusion à celui qui se figure qu’il lui coûterait trop cher d’aider son frère et qui décide de lui «fermer ses entrailles»4.

La question que pose Jean engendre la réponse: une telle personne n’a pas l’amour de Dieu en lui. Il convient ici de relever une ambiguïté, peut-être intentionnelle, de l’auteur. En effet, l’expression «l’amour de Dieu»5 peut se comprendre de plusieurs façons:

‚ D’abord, l’amour qui vient de Dieu. Il s’agit d’une réelle expérience de l’amour qui vient de Dieu, amour qui doit se manifester à son tour par celui exprimé envers les autres.
‚ Ensuite, il y a l’amour pour Dieu. Un véritable amour pour le Seigneur doit également s’exprimer dans un amour concret pour les enfants de Dieu.
‚ Finalement, le troisième sens peut être: l’amour comme celui de Dieu.

Partant de la comparaison faite avec Christ (cf. v. 16), il pourrait être question d’un amour comme celui de Dieu. En 1 Jean 4. 20, passage parallèle à celui- ci, où le principe est encore exprimé plus explicitement, Jean parle clairement de l’amour du croyant pour Dieu, ce qui cadre bien avec la deuxième possibilité, pour laquelle d’ailleurs j’opterais. D’ailleurs, ces divers sens se complètent plus qu’ils ne s’excluent. En tous les cas, celui qui n’aime pas son frère d’une manière pratique ne connaît rien de l’amour de Dieu. Effectivement, le fidèle en qui l’amour de Dieu demeure, aime son prochain, car c’est un feu qui réchauffe l’être tout entier et consume ce qui risquerait de s’y opposer…

On en vient alors au v. 18. Finalement, avec encore une expression de son amour et de sa relation avec ses lecteurs, qu’il appelle «teknia» («petits enfants»), Jean les convie à manifester leur amour d’une manière concrète : «Petits enfants, n’aimons pas en par oles ni de langue» 6. Il faut un acte, et pas seulement des expressions de sympathie, comme le précise Jacques: «Si un frèr e ou une sœur sont n us et manquent de la nour riture de chaque jour , et que l’un d’entr e vous leur dise: Allez en paix, chauf fez-vous et rassasiez-vous! et que v ous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il?» (Jac 2. 15,16) Aussi la vérité (à la fin du verset) veut-elle que l’amour ne reste pas superficiel, ne se contente pas d’une simple apparence, mais qu’il soit un amour réel, un amour qui répond à l’amour de Dieu manifesté en Christ. Le véritable test de l’amour n’est pas la profession verbale qu’on peut en faire: «ni de langue» montre que cette exhortation est nécessaire.

Ainsi, l’idée principale du verset 17 est l’action qui s’impose. Il condamne donc celui qui ferme ses entrailles à son frère nécessiteux, et il approuve par contre l’attitude de celui qui agit, à l’image du bon Samaritain qui, voyant le voyageur blessé, fut ému de compassion (Luc 10. 33).

Plus largement, dans ce chapitre, l’apôtre appuie son argumentation par une série de contrastes:
• Diable – haine – tue – manifeste la mort éternelle – montré dans le cas de Caïn.
• Dieu – amour – se sacrifie – manifeste la vie éternelle – montre l’exemple de Christ.

Il oppose ainsi la vérité au mensonge, c’est-à-dire la réalité à l’apparence.

Nous venons de parler de la preuve du véritable amour. L’apôtre Jean nous affirme la nature de celui qui peut manifester un tel amour: un véritable enfant de Dieu, c’est-à-dire celui en qui l’amour de Dieu demeure. Deux questions s’imposent:
– A qui manifester cet amour? Assurément en priorité au nécessiteux, c’està- dire à celui qui est réellement dans le besoin.
– Comment le manifester? En pratique et non en théorie.

Sommes-nous vraiment enfants de Dieu, dignes de ce nom? Faisons-nous réellement preuve de cet amour dont parle Jean dans le passage ci-dessus? Combien de fois l’avons-nous montré à l’égard des frères en difficulté? Et d’autre part, sommes-nous réellement «nécessiteux » pour mériter un tel amour fraternel et pratique?

Notes :
1 L’expression grecque («ton bion tou kosmou»), signifie littéralement «les moyens d’existence de ce monde» pour dire tout simplement «les biens de ce monde».
2 «thêorê», dont l’infinitif veut dire «voir», est ici au subjonctif.
3 «ta splagchna», seul emploi de ce mot dans les écrits de l’apôtre Jean. Dans le N.T., ce mot se retrouve une fois au sens littéral (Act. 1. 18) et 9 autres fois au sens figuré (Luc 1. 78; 2 Cor. 6. 12; 7. 1; Phil. 1. 8 ; 2. 1; Col. 3. 12; Phm 7, 12, 20).
4 Littéralement de «fermer ses entrailles contre lui».
5 «hê agapê tou theou».
6 La combinaison «pas de paroles… ni de langue», est une figure de rhétorique appelée «hendiadys», laquelle souligne la stérilité d’un amour qui s’exprime par des paroles seulement, sans une réalisation concrète face aux besoins.

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Série : Vie chrétienne
Mbabaz Kawha Isaac
L’auteur, marié et père de deux enfants, a été professeur à l’Institut Supérieur Théologique de Bunia (ISTB), en République Démocratique du Congo (RDC). Actuellement il poursuit ses études de maîtrise en théologie à la NEGST (Faculté de théologie évangélique, Nairobi Evangelical Graduate School of Theology). Il est aussi traducteur des COHETA News, forum par courrier électronique pour un échange périodique de nouvelles, d’informations et de ressources issues de la COHETA (Conseil pour l’Homologation des Etablissements Théologiques en Afrique), des institutions en liaison avec cette dernière ainsi que des écoles théologiques, des organismes de soutien et des personnes intéressées. Son siège est à Jos (Nigeria). La COHETA est une agence de la commission chargée de la formation théologique et chrétienne de l’AEA (Association des Évangéliques en Afrique).