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Le Pardon

VIE CHRÉTIENNE

Genèse 50.17

«Oh! pardonne le crime de tes frères»

Le message biblique sur le pardon est très cher à mon cœur. Lors de notre tout récent séjour en Martinique, six des dix-huit conférences bibliques inscrites au programme lui étaient consacrées. Je n’ose penser à ce que serait ma vie aujourd’hui, et celle de notre foyer, si la pratique du pardon, demandé, donné, vécu, n’y avait occupé une place prépondérante.

Mon âme bénit et chante «le Dieu des pardons» (cf. Néh 9.17); remarquez avec moi ce pluriel d’excellence, de plénitude, d’absolu, qui aiguillonne mon désir de sonder les Ecritures pour y découvrir toutes les riches couleurs de cet arc-en-ciel parfait du pardon divin.

Nul n’ignore que le pontificat de Jean- Paul II a été jalonné de «demandes de pardon », amplement analysées et commentées par les médias, pour des fautes commises par l’Eglise Catholique Romaine au fil de sa longue et tumultueuse histoire. Je me suis plus d’une fois interrogé sur la valeur de ce type de démarche qui m’a toujours laissé profondément perplexe, réservé, insatisfait.

Mes interrogations se sont faites plus aiguës et ma perplexité s’est sensiblement accrue lorsque j’ai découvert, dans plusieurs périodiques, l’annonce de demande de pardon s’inscrivant dans le paysage évangélique français. Ainsi, dans le cadre d’une rencontre des présidents d’Union d’églises évangéliques, le président d’une organisation évangélique nationale a spontanément demandé pardon «de la part de celle-ci pour toutes les souffrances du passé générées par des attitudes, des écrits ou des paroles blessantes ». Quelque temps après, les responsables de deux Unions d’églises ont effectué une démarche épistolaire allant dans le même sens. Loin de moi la pensée de contester la sincérité de telles démarches et de suspecter leurs auteurs d’un esprit manœuvrier ou d’autres motivations répréhensibles. Pour autant, rien ne m’autorise à escamoter une réflexion de fond quant à la légitimité de telles demandes de pardon de caractère global et concernant le passé. Quelle valeur, quelle validité faut-il leur donner au regard de la Parole de Dieu?

Résumons brièvement donc, sans entrer dans les détails ni préciser certaines nuances, le message fondamental de la Bible sur la demande de pardon émanant d’un authentique enfant de Dieu dans le cadre des relations humaines.

Lorsque j’offense, lèse, blesse mon prochain, je plaide toujours coupable devant Dieu, tout péché étant d’abord un outrage envers Lui, un mépris de Sa Parole (2 Sam 12.9; Ps 51.6). Sans tarder, je demande sincèrement pardon à la personne que j’ai offensée. Je lui confesse le ou les péchés commis envers elle. Si cette offense est publique (envers un groupe de personnes, l’église locale réunie, etc.), il est juste que la confession le soit également.

Avons-nous, dans les Ecritures, des exemples de demandes de pardon semblables à celles qui nous intéressent présentement?

Les textes d’Esdras 9, Néhémie 9 et Daniel 9 n’en sont pas, puisqu’il s’agit de prières de confession et d’intercession adressées à Dieu par Esdras et Daniel. Bien qu’aucune faute particulière de leur part ne soit mentionnée dans la Bible, ils s’humilient personnellement et s’identifient entièrement au peuple d’Israël dans son évidente culpabilité. Leur profonde sensibilité à la nature et à la gravité du péché, leur perception affinée de l’infinie sainteté de Dieu, la connaissance de leur propre nature pécheresse les garde d’une condamnation froide et pharisienne du peuple auquel ils appartiennent. 1 Samuel 25 présente une situation particulière: Abigaïl, femme de bon sens, s’humilie devant David et prend sur elle le péché de son fou de mari, Nabal. Elle le fait en tant qu’épouse et parce qu’il y a grave péril en la demeure! N’étant pas personnellement coupable, elle peut, au même moment, exercer un ministère de répréhension plein de tact envers l’offensé. Une telle attitude aurait été inconcevable de sa part si elle avait ellemême offensé David.

A vrai dire, je n’arrive pas à donner à ces démarches de demande de pardon qui me préoccupent une assise solidement biblique. Qu’un responsable d’organisation prenne spontanément l’initiative de demander pardon de manière très globale, très générale, au nom de la totalité du groupement qu’il représente, pour des attitudes, des écrits ou des paroles blessantes situées dans le passé, voilà qui soulève en moi un certain nombre de questions précises: jusqu’où faut-il remonter dans le passé? De quelles fautes précises s’agit-il exactement? A quelle époque ces fautes ont-elles été commises? Que pensent de cela les membres «du passé et du présent» de cette organisation? Ont-ils été consultés? Font-ils la même analyse? Adhèrent- ils pleinement à une telle démarche? Y a-t-il eu, Bible en main et devant Dieu, une réflexion sérieuse aboutissant à une réflexion commune, à différents niveaux (comité ou conseil)?

Cette liste de questions, qui n’est pas exhaustive, met en évidence le caractère particulièrement délicat, pour le moins aventureux et risqué, quelque peu arbitraire, d’une semblable démarche très globale tournée vers un passé élastique parce que non défini.

D’autant plus que toute véritable confession de faits, toute repentance digne de ce nom doit se traduire par un changement radical de comportement de la part des coupables! Comment cela sera-t-il possible sur une base aussi floue et aussi propice aux interprétations les plus variées? Faut-il se considérer coupable pour des souffrances du passé générées par des prises de position verbales ou écrites d’ordre doctrinal ou moral, fermes et respectueuses, motivées par un souci d’humble soumission à la Parole de Dieu? N’y aura-t-il pas d’autres blessures inévitables dans le futur par suite d’un refus courtois de collaboration ou d’adhésion à telle ou telle tendance ou prise de position?

Dans un de ses livres, le théologien protestant allemand Dietrich Bonhoeffer a dénoncé «la grâce à bon marché», celle qui justifie le péché plutôt que le pécheur. Dans ce domaine si important de la demande de pardon dans les relations humaines, il est impératif de rester profondément enraciné dans le terrain solide et sûr des Ecritures. Plaider coupable, confesser des fautes, se repentir, voilà des démarches qui ne doivent à aucun prix être banalisées ou être perçues comme des banalités. Car derrière chacune d’elles apparaît comme en filigrane la personne de mon Sauveur bien-aimé au visage ensanglanté, aux mains, aux pieds et au côté percés, l’Agneau de Dieu sans défaut et sans tache, immolé par ma faute pour que je puisse recevoir le pardon de tous mes péchés. Un pardon libérateur, réconciliateur, total, absolu, définitif!

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