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L’autorité des Ecritures

UNE PAGE D’HISTOIRE

L’autorité des Ecritures

Le témoignage de l’Histoire (2e partie)

J.-H. MERLE D’AUBIGNÉ

L’histoire, par le tableau des égarements du temps passé, prémunit contre ceux du temps pré- sent. […] Il y a trois siècles que l’on remarquait une grande agitation dans la « ville théologique ». – Deux plumes spirituelles qui se sont plus ou moins prononcées en faveur du système anti-scripturaire que nous combattons, ont désigné récemment, sous ce nom, notre cité, avec un peu de malice que nous leur pardonnons de tout notre cour. plût à Dieu que Genève méritât plus réellement ce nom de « ville théologique »! car la théologie, c’est ce qui parle de Dieu. – Il y a donc trois siècles que, comme de nos jours, il y avait une grande agitation dans la ville théologique, et en voici la cause.

Calvin avait connu à Strasbourg, en 1540, un jeune savant, nommé Châtillon, alors âgé de vingt-cinq ans. Plein du désir de réunir dans Genève des hommes éclairés, il y appela ce professeur, nous disent toutes nos annales. Châtillon était doué de talents remarquables, de connaissances variées, de sentiments vifs et d’un esprit très amateur de la liberté. Sa conduite était irréprochable, et il y avait quelque chose d’intéressant dans toute sa personne. « Faveo ingenio et doctrinae », disait de lui Calvin: «]’aime son esprit et sa science.» Mais le Réformateur reconnut bientôt que le savant helléniste manquait de jugement et qu’il avait une confiance immodérée en lui-même. Théodore de Bèze lui donna en conséquence le nom grec d’idiognomon, comme qui dirait un individualiste par excellence, un homme qui ne reçoit pas la lumière qui vient du dehors (par exemple des Ecritures de Dieu), mais qui abonde dans son propre sens. Il y joignait de l’imprudence et peu de ménagements pour ses adversaires; pourvu qu’il frappât fort, peu lui importait qu’il frappât juste. « Ses écrits, dit un biographe de Calvin, étaient marqués au coin de la dialectique la plus touchante et de l’esprit le plus mordant. » Le célèbre historien Schlosser l’appelle « le savant, mais le malheureux, l’orgueilleux et le remuant Sébastien » (c’était son nom de baptême). Un autre historien (P. Henry) dit qu’il était « ganz was die Franzosen », une mauvaise tête « nennen », tout à fait ce que les Français appellent « une mauvaise tête ». Quoique venu de Strasbourg, il n’y était pas né; il y était venu de France (Strasbourg n’était pas alors français). Il prenait habituellement le nom de Castellio ou de Castalio. Il se livra à Genève à des travaux exégétiques, et il publia plus tard, en 1551, une nouvelle traduction de la Bible, avec des annotations, qu’il dédia au roi d’Angleterre, Edouard VI.

La critique dominait la foi dans Châtillon; il niait l’autorité de l’Ecriture, « La Parole, disait-il, ne suffit pas pour décider les controverses religieuses (neque Verbum sufficere); il faut une révélation plus parfaite (ampliorem revelationem) ». Il séparait l’Ecriture de l’Esprit et, selon lui, l’Esprit pouvait éclairer l’homme sans l’Ecriture. Il pensait que tout changerait de face à la suite de la révolution qu’il demandait (car c’était une révolution qu’on voulait opérer). « L’Esprit, disait-il, éclipsera la1umière de l’Ecriture, comme le jour éclipse la lumière d’une lampe: Spiritus splendore suo Scripturae lucem obscurabit ». « Il y avait dès le commencement, dit un historien suisse, un élément mystique dans le caractère de Châtillon, et s’il ne tomba pas dans des rêveries fantastiques, il le dut surtout à sa culture classique très approfondie. »

A ces tendances mystiques, le jeune savant en joignait de rationalistes; il avait de grandes hardiesses exégétiques, surtout pour ce temps. Il retranchait hardiment tel livre du Recueil sacré; c’est ce qu’il fit, au grand scandale de Cal- vin, pour le Cantique des Cantiques.

Calvin, Théodore de Bèze et les autres théologiens genevois combattirent ces doctrines aventureuses. Alors Châtillon ayant perdu, à ce qu’il semble, toute mesure, attaqua ses adversaires dans une congrégation du jeudi; puis il donna lui-même sa démission et quitta Genève. Calvin et ses collègues eurent cependant pour lui de bons procédés. «C’est un ambitieux et un querelleur, écrivait Calvin à Viret, le 26 mars 1544; mais j’estime sa science et aussi son caractère, qui, au fond, n’est pas mauvais.» Calvin lui donna un témoignage dans lequel il déclara que, si Châtillon les quittait, ce n’était ni pour quelque faute de la vie ni pour quelque dogme impie; il exposa les points de leur dernier dissentiment et ajouta: «Nous l’avons conjuré de ne pas attribuer mal à propos à son jugement plus qu’il n’était équitable de le faire, surtout puisque dans toutes ces choses soi-disant nouvelles qu’il proposait (en particulier sur le Nouveau Testament), il n’y avait rien qui ne fût connu et plus que connu bien longtemps avant qu’il fût né.» Châtillon se retira à Bâle, où, en 1553, il devint professeur de grec. Il se jeta toujours plus dans la mystique et publia divers ouvrages des mystiques du Moyen-Age. Il eut la gloire d’être de son temps un des plus chauds défenseurs de la liberté religieuse.

Tel est le premier coup, faible encore, donné dans Genève à l’autorité de l’Ecriture inspirée de Dieu. Cette divine autorité est le fondement sur lequel reposent la foi et la morale du chrétien. Le chrétien évangélique croit une vérité, parce qu’elle est écrite dans les oracles de Dieu; il fait une ouvre, parce qu’elle y est commandée. Si donc vous détruisez ce fondement, il est naturel de penser que vous détruirez par cela même la foi et la morale qui y trouvaient leur appui. Châtillon se contenta d’attaquer la base sans porter la main sur l’édifice; mais voyons si cet édifice subsistera longtemps après lui.

Châtillon n’avait pas encore quitté Genève qu’on y avait vu arriver un homme qui avait ravi toute l’Italie, le général des capucins, Bernardin Ochino, dont l’éloquence avait ému les grandes villes de sa patrie. Il devint à Genève l’ami de Châtillon, et bientôt le petit conseil ayant accordé une chapelle aux protestants italiens près de la cathédrale de Saint-Pierre, on entendit dans notre cité le célèbre prédicateur transalpin. Toutefois, on ne fut pas longtemps à reconnaître dans ses discours si clairs et si vivants, même en général si évangéliques, quelques germes d’un esprit ultra-individualiste et ultra-spiritualiste. «Le Saint-Esprit, disait le grand orateur, éclaire les fidèles, immédiatement et indépendamment de la Parole de Dieu dans la sainte Ecriture!» Il allait même plus loin, et prêchant un jour sur le moyen de connaître les inspirations divines et de les suivre, il disait: «Ainsi donc, c’est l’Esprit de Dieu qui doit être notre règle, et il faut être plus prompt à lui obéir qu’à tous les hommes et les anges, qu’à la propre sagesse et même qu’aux paroles de Christ (imo e che alle parole di Christo).» Remarquons ici l’un des plus grands dangers du système que nous attaquons. Si c’est, non dans l’Ecriture, mais dans nous-mêmes que nous devons chercher la règle de la vérité et de la sainteté, qu’arrivera-t-il? Tandis que c’est la religion qui doit former notre cour déchu, ce sera notre cour déchu qui formera la religion, et nous aurons alors un paganisme peut-être plus subtil, mais aussi dangereux que celui que produisit dans les temps anciens le cour souillé de l’homme. Dès qu’on cesse d’établir l’Ecriture comme source de la religion, on voit s’accomplir cette parole du prophète Jacobi: « Dans tous les temps, la religion de l’homme a été ce qu’était son état moral »; et cette autre parole, profane mais trop vraie (elle est de Voltaire): « Dieu a fait l’homme à son image, et l’homme le lui a bien rendu. » Avec ce fatal système, il n’y a plus de pure religion et plus de pure morale. L’homme, laissé juge de ce qui est bon, trouve toujours que ce dont il a envie est bon, il n’existe plus un péché qui n’ait une excuse; et cette excuse, on la met sur le compte du Saint-Esprit. C’est ce dont l’éloquent Ochino fut, au seizième siècle, un mémorable exemple. Non seulement il tomba bientôt dans de tristes erreurs de doctrine, en particulier sur la divinité du Sauveur, mais encore, selon lui, il suffisait d’avoir une lumière intérieure qui nous poussât à une chose, pour que cette chose fût bonne. « Les bons chrétiens seuls, disait-il un jour dans un de ses sermons, et ceux qui ont une lumière vivante de Dieu, peuvent, sans pécher, prendre les armes et attaquer leur prochain quand ils y ont été inspirés de Dieu ».

Le pauvre Ochino, ayant décliné l’autorité de la Bible, alla même plus loin encore, et il opposa tellement l’Esprit à la Parole de Dieu, qu’il en vint presque à dire que l’Ecriture et l’Esprit s’excluent. Il déclara hardiment qu’il fallait obéir aux inspirations de l’Esprit-Saint, quand même elles étaient contraires à l’Ecriture. Voici ce que nous lisons dans son catéchisme (ces écrits se trouvent dans notre bibliothèque publique). Le ministre dit: « Tu crois donc que les sages-femmes d’Egypte péchèrent en mentant? » L’illuminé (illuminato, c’est le nom dont il se sert), répond: « Sans doute, car Dieu ne leur avait pas inspiré de mentir. Rahab, continue-t-il, ou fut inspirée à mentir, ou pécha (o fu inspirata a mentire, o pecco)… » Le mensonge n’est pas le seul péché qui devienne aussi légitime. Nous lisons dans le même catéchisme: « Et si quelqu’un est inspiré de Dieu à se suicider? » L’illuminé répond: « Il ne pèchera pas (non pecherebbe), comme Samson ne pécha pas. » De tout temps on a vu des mystiques charnels se livrer aux actions les plus désordonnées, parce que, disaient-ils, pendant ces débauches l’Esprit demeurait en eux. L’erreur que nous combattons vient de la chute, et elle est la mère de toute erreur et de tout égarement moral.

Ochino quitta Genève et se rendit à Bâle vers son ami Châtillon.

Châtillon avait été le premier échelon, Ochino fut le second; cet homme illustre, estimable encore à divers égards, avait déjà fortement ébranlé la foi et la morale. Mais continuons courageusement à descendre les marches de cette ténébreuse échelle; elle plonge dans un affreux abîme.

Deux ans environ après que Ochino eût quitté Genève, en 1548, on y vit arriver un homme bien plus important, un jurisconsulte de Sienne, Lélio Socin. « Il était d’un esprit couvert et caché, dit un historien, et se faufilait auprès des personnes les plus considérables. » On lui faisait beaucoup de prévenances parmi les protestants, parce qu’on espérait qu’il travaillerait utilement à la réformation de l’Italie. Peu à peu il s’enhardit. « Après avoir longtemps caché son venin, dit Calvin, il le vomit parmi nous. » Les Socins (Lélio et son neveu Fauste) hésitaient quant à l’inspiration des Ecritures. Quelquefois elle paraissait réelle, émanant d’une influence extraordinaire de l’Esprit-Saint; d’autres fois, elle n’était guère que celle d’hommes qui ont le Saint-Esprit comme tout fidèle a le droit de l’attendre et le devoir de le désirer. En général, aucun des docteurs du seizième siècle n’est allé aussi loin que quelques docteurs de nos jours: aucun d’eux ne s’est contenté de voir dans les Ecritures le noble accent de la voix humaine. Toutefois, les Sociniens se sont rapprochés de ces errements modernes. S’il fallait croire les écrivains sacrés, c’était seulement, selon les Sociniens, parce qu’ils étaient des hommes saints, des chrétiens illustres, et qui avaient vu de près les choses dont ils parlent. Ils trouvaient des contradictions et des erreurs dans la partie historique des Ecritures. Surtout ils déplaçaient l’autorité: au lieu d’être objective dans la Bible, elle était pour eux subjective pour les chrétiens: l’individu devait primer. L’individu ne devait se soumettre à une vérité qu’autant qu’il trouvât en lui quelque chose qui correspondît à cette vérité et qui la confirmât. C’est alors qu’on vit se précipiter cette grande oeuvre de démolition que ces principes subversifs devaient accomplir dans la doctrine chrétienne. Devant les théories mises en avant par Châtillon, Ochino et Socin, il n’y a plus de dogme qui subsiste. L’expérience subjective de Socin rejette le dogme de l’expiation, quand même, dit-il, il se trouverait partout certifié par les paroles les plus claires (ubique clarissimis verbis testatum). Cette expérience subjective rejette de même la divinité du Fils. « Que répondez-vous aux témoignages par lesquels on établit que le Fils est de la même naissance que le Père? » dit-on dans la catéchisme socinien. La réponse est: « Avant que d’examiner les divers témoignages, il faut d’abord que l’on sache que cette génération de l’essence du Père est impossible! » Ainsi, avant même que de lire et d’examiner l’Ecriture, l’individualisme, ennemi de l’inspiration, se prémunit contre elle par l’incrédulité. Vous savez, mes- sieurs, toutes les désolations, les erreurs, les hérésies qui provinrent de ce subjectivisme des Socins. Partout où il a prévalu l’Eglise en a été ébranlée, appauvrie, desséchée, détruite.

Ce vent, qui se faisait sentir alors un peu partout, et qui tendait à renverser les Ecritures de Dieu, après avoir soufflé sur Genève, de France, d’Allemagne, d’Italie, y arriva aussi d’Espagne. Il y vint, en 1553, un homme qui cachait de profondes tendances rationalistes sous des apparences spirituelles, sous un langage métaphysique, mystique et obscur, en quoi il se distinguait des Socins, plus portés vers le rationalisme pur.

Ce nouveau docteur, qui se nommait Michel Servet, s’était échappé des prisons archiépiscopales de Vienne en Dauphiné, où, ne pouvant le brûler en personne, on le brûla en effigie, le 17 juin 1553. Il arriva à Genève vers le milieu de juillet, se proposant, s’il le pouvait, de renverser Calvin et d’accomplir, de Genève, ce qu’il appelait la restauration du vrai christianisme (restitutio christianismi). Il attaquait l’autorité et la nécessité des Saintes Ecritures, et prétendait qu’à la suite de l’affranchissement qu’il méditait, le Saint-Esprit reprendrait dans l’Eglise la place qui lui appartient. « La vraie Eglise du Christ, disait-il, peut subsister sans les Ecritures. La prédication, l’interprétation, la voix vivante de l’Eglise vaut mieux que l’Ecriture morte (vox viva praefertur scripturae mortuae). La doctrine du Christ, disait-il encore, est tout entière spirituelle; n’avons-nous donc pas honte d’appeler ainsi une lettre qui tue (aeque vocare litteram occidentem)?»

Servet, très épris de lui-même, et qui s’imaginait être le restaurateur du christianisme, se plaçait au-dessus de l’Eglise romaine et de l’Eglise protestante, et, au système de ces deux Eglises, il en substituait un troisième, le sien, qui, selon lui, réunissait ce qui restait de vérité dans les deux autres Eglises, tout en rejetant les erreurs. Il s’élevait fort contre l’orthodoxie, prétendant qu’elle n’était qu’un certain intellectualisme. «La foi, disait-il, est une confiance et non une intelligence; c’est une énergie vivante (vivens energia), une action continue (actio continua).» Il couvrait ses doctrines délétères de paroles en apparence spirituelles, qui jetaient de la poudre aux yeux des simples. En s’élevant contre un christianisme dogmatique, il se présentait comme avocat de la voie intérieure. Il parlait beaucoup d’émanations, et voulait que l’idéal de Christ s’imprimât sur tout son être. «Par la foi, disait-i1, Christ prend une forme en nous; son image essentielle, sa vraie idée, sa forme lumineuse, est imprimée dans notre âme (veram in nobis imprimit ideam filii).» Déjà Pierre, dans sa seconde épître, avait demandé davantage: il avait dit que les chrétiens ont communication de la nature divine; mais c’est, selon lui, par les très grandes et précieuses promesses de la Parole que cette communication s’opère. Malgré toutes ses prétentions à une spiritualité sublime, il est évident, pour quiconque a lu les écrits de Servet, que, comme partout où manque le respect pour le témoignage de Dieu, la foi était essentiellement pour lui une croyance théorique, des idées philosophiques, recouvertes d’une fausse spiritualité. Vous savez les funestes erreurs que répandait ce prétendu rèstaurateur du christianisme. Ce qui le caractérise, ce n’est pas seulement un esprit remuant, une tendance mystique, un langage nuageux, mais c’est principalement l’usage de paroles choquantes, cassantes, énormes, que ses amis mêmes condamnaient; c’est ainsi qu’il appelait la sainte Trinité du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint, un cerbère à trois têtes. Le gouvernement genevois, ayant pris l’avis de Berne, de Zurich, de Bâle et de Schaffhouse, crut que, s’il ménageait un hérétique, condamné au feu par les papistes, il justifierait les accusations d’hérésie intentées par eux à la Réformation, et, après que Calvin eut intercédé en vain pour adoucir la peine, Servet fut mis à mort par le feu. Cette mort est une tache, un reste de papisme dans notre histoire.

Mais la « ville théologique » ne trouva pas le repos. Il y avait encore un pas à faire. Socin et Servet avaient tiré les conséquences des principes de Châtillon quant à la foi, d’autres devaient se charger de les tirer quant à la morale. Depuis longtemps, un parti actif s’était glissé dans Genève et s’y était emparé même de quelques-uns de ses hommes les plus influents. Un nommé Coppin d’Yssel dans les Flandres, peut être regardé comme le chef de cette secte qui, par de douces paroles, par des discours spirituels, avaient gagné, en Belgique et en France, plusieurs personnes pieuses et de considération. Gruet, qui demeurait au Bourg-de-Four, était à Genève l’un des principaux chefs. La doctrine que nous combattons, et qui nie l’autorité de l’Ecriture dans la sphère religieuse, est en rapport naturel avec les doctrines qui, dans la sphère politique, nient l’autorité du magistrat et de la loi. Ce fut ce rapport entre la sphère politique et la sphère religieuse que la secte réalisa. Elle se proposa d’établir une fausse liberté, c’est-à-dire un horrible désordre dans la politique, la religion et la morale, et, pour cela, elle professa des principes semblables à ceux de Châtillon. Voici les doctrines que ces hommes publiaient alors dans notre cité: « Nous ne devons pas être soumis à la lettre qui occit (qui tue), mais suivre l’Esprit qui vivifie. L’Ecriture, prise en son sens naturel, n’est que lettre morte et qui tue, et partant il faut la laisser, pour venir à l’Esprit vivifiant. Qu’on ne s’arrête pas à ce qui est écrit, pour y acquiescer du tout, mais qu’on spécule plus haut et qu’on cherche révélations nouvelles. » Ces docteurs choisissaient donc dans les Ecritures ce qu’ils voulaient prendre et laisser, ce qu’ils trouvaient vrai ou faux, historique ou fabuleux. Ils se distinguaient dans les discussions par un esprit moqueur uni à une grande présomption, et cherchaient à faire rire leurs auditeurs aux dépens de leurs adversaires. Leur esprit sarcastique, qu’ils donnaient pour l’Esprit divin, allait plus loin et n’épargnait pas même les apôtres. Ils appelaient Paul, « Pot cassé »; Pierre, « Renonceur de Jésus »; Jean, « Jouvenceau et Follet »; Matthieu, « Usurier ». Ils prétendaient en savoir plus long sur la religion que les écrivains sacrés eux-mêmes; ils les corrigeaient en beaucoup de choses, et parfois même, se laissant aller à l’esprit du temps, qui aimait les injures, les appelaient coquins et marauds. Ils s’appelaient eux-mêmes les spirituels, parce qu’ils prétendaient surtout rétablir le règne de l’esprit; on les appela les libertins.

Le spirituel, disaient-ils (c’est-à-dire celui qui prend pour règle de conduite, non l’Ecriture, mais l’Esprit), est devenu comme Adam avant la chute, il ne sait plus rien du péché. Il est libre de toute loi; il n’a pas besoin de se faire une conscience de quelque chose, car c’est l’Esprit qui le pousse; ses désirs et ses ouvres sont les désirs et les ouvres de Dieu. Tout lui est permis, si seulement il se laisse conduire par l’Esprit qui est en lui. Il n’y a plus aucune espèce de liens pour le spirituel; le mariage même ne le lie pas; il peut et il doit former des mariages spirituels avec qui l’Esprit le désire, et le peut aussi longtemps que l’Esprit le veut. En conséquence de ces principes, la femme de l’un des membres du petit Conseil de Genève, Mme Benoîte Ameaux, forma un mariage spirituel avec un libertin. Elle s’excusa en disant que, si cela était contraire à l’Ecriture, cela était conforme à l’Esprit qui l’y avait poussée. Elle fut séparée de son mari, puis condamnée à la prison perpétuelle, et, ensuite, sur la demande de ses parents, relâchée comme folle.

Tel était l’esprit de ténèbres qui, à la suite de tous ces faux docteurs, s’était glissé dans la Réformation. Le papisme était moins à craindre. Sous le voile d’un pieux spiritualisme, sous la forme d’une doctrine nouvelle et plus parfaite, un esprit d’égarement et de désordre s’efforçait de gagner les esprits faibles. L’excellente sour de François Ier, la femme la plus éclairée de son siècle, Marguerite de Valois, endoctrinée par Pocquet, y succomba quelque temps. Une lettre de Calvin la ramena. L’ennemi était venu et semait abondamment l’ivraie parmi le bon grain.

Calvin ne pouvait sommeiller. Il se leva et porta à la fausse spiritualité de son temps des coups qui tombent sur celle de tous les siècles, même sur celle qui demeure dans la mesure de Châtillon et de Servet, sans se jeter dans l’immoralité. « Bien que cette secte, dit le Réformateur, soit bien diverse de celle des papistes, qu’elle soit même cent fois pire et plus pernicieuse, néanmoins toutes les deux ont ce principe commun ensemble, de transfigurer l’Ecriture en allégorie et d’affecter une sagesse meilleure et plus parfaite que celle que nous y avons. »

Tous deux, continua Calvin, tous deux d’un commun accord prennent pour couleur cette parole de Saint Paul que la lettre tue, mais que l’Esprit vivifie. Calvin explique alors le sens de ce passage qui, vous le savez, est souvent al- légué de nos jours. « L’Apôtre, en ce passage, dit-il, compare la loi séparée de Jésus-Christ avec l’Evangile. Il appelle la loi lettre, parce que, sans grâce de Dieu, elle est froide et sans efficace, surtout puisqu’elle n’entre point jusqu’au cour. Il appelle au contraire l’Evangile doctrine spirituelle, parce que Jésus-Christ y est compris, lequel vivifie la Parole, la faisant profiter en nos âmes par son Esprit. La loi, demeurant ainsi littérale, tue, continuait-il, puisque nous ne pouvons trouver en elle que condamnation. Mais l’Evangile vivifie, puisqu’il nous apporte la grâce de Jésus-Christ, par laquelle il fructifie en nous à salut. Voilà le simple sens de saint Paul, qui nous apprend ainsi qu‘il ne faut point séparer la Parole de Dieu de Jésus-Christ, qui en est l’âme. Que nous veulent donc ces bons expositeurs? Ils nous veulent, par ce passage, faire de l’Ecriture un nez de cire, ou la démener comme une pelote. Il est plus que certain que jamais Paul ne pensa à cela. Qu’ils cessent donc de produire un tel témoin pour aider à leur cause. Leur seconde intention, continue notre Réformateur, est encore plus diabolique: ils tâchent de nous égarer hors des limites des Ecritures afin que chacun suive ses propres songes et les illusions du diable, au lieu de la vérité de Dieu. Si Dieu nous a promis son Esprit, ce n’est pas afin qu’en délaissant l’Ecriture nous soyons conduits de cet Esprit et promenés par les nues, mais afin d’avoir la vraie intelligence de cette Ecriture et de nous en contenter.

Les libertins ne sauraient entamer un propos que le mot d’esprit ne soit incontinent par les rangs (c’est toujours Calvin qui parle). Ils appliquent le nom d’Esprit à tout ce que bon leur semble. Comme les curés des villages font quelquefois servir un marmouset qui est en leur paroisse à cinq ou six saints (en sorte qu’il représente tantôt l’un, tantôt l’autre), pour avoir d’autant plus d’offrandes, de même ceux-ci font-ils quant au mot d’esprit: c’est une sauce commune à toutes les viandes. Davantage, il est à noter qu’en appliquant ainsi confusément le mot d’esprit à tout ce qui leur vient à la tête, non seulement ils troublent l’intelligence des auditeurs, en mêlant les choses qui doivent être distinctes, mais aussi les embabouinent, en leur faisant accroire qu’ils sont tout spirituels et divins, et qu’ils sont à demi ravis avec les anges. Si donc quelqu’un de bon zèle tombe entre les mains de ces galants, quand il les entendra ne parler que d’esprit, dire que la Parole de Dieu n’est qu’esprit, et que Jésus-Christ semblablement est esprit, et qu’il nous faut être esprit avec Lui et que notre vie doit être esprit, il lui semblera de prime face que ce soient de bons zélateurs, qui se fâchent de voir la Parole de Dieu ainsi entortillée et mise en opprobre par la méchante vie des faux chrétiens. Etant ainsi amiellé, il concevra d’eux une bonne opinion, qui l’induira à leur porter amour et leur ajouter foi. Mais, puis après, ils viennent dégorger leur venin et tombent de ce haut parler, comme dit saint Jude, à une doctrine brutale. Quoi donc? dira quelqu’un, le nom d’Esprit doit-il pourtant être suspect? Qu’il ne m’advienne de le penser. Mais il nous convient être prudent pour discerner à quel usage on l’approprie. Si donc on aperçoit un homme y aller simplement, montrant que la Parole de Dieu est spirituelle, pour former nos cours à foi et sainte vie, si en reprenant la vanité de ceux qui n’ont la Parole de Dieu que sur le bout du bec, il avertit qu’il faut la prendre en autre usage, qu’on l’écoute de bon cour! Mais si l’on entend quelqu’un parler par ambages, on doit lui couper la broche court et lui demander ce qu’il veut signifier. S’il persévère à tourner à l’entour du pot, et qu’il entortille ses paroles comme une queue de serpent, alors qu’on le tire au jour, quoi qu’il dise, comme si on tirait un larron ou un malfaiteur de sa cachette. Chacun sait comment et à quel titre ces gens ont acquis le nom de spirituels, duquel ils s’enorgueillissent tant, que le nom de chrétiens ne leur est rien au prix.

Pour éviter un tel inconvénient, ajoutait le Réformateur, ne désirons point de rien saisir que ce qu’il a plu à Dieu de nous révéler en son Ecriture. N’assujettissons point la sacrée Parole de Dieu, ni à notre sens, ni à nos concupiscences, mais plutôt rangeons-nous entièrement à ce qu’elle nous dit. Ne soyons point convoiteux de choses nouvelles, et n’ayons point les oreilles chatouilleuses pour nous adonner à curiosité, mais cherchons ce qui est de profit et d’édification. Etant adressés au vrai chemin, tenons-nous-y; ayant la vérité de Dieu, adhérons ferme à icelle. Au reste, que nul ne s’ébahisse ou se trouble de voir des erreurs tant étranges et exorbitantes de toute manière. Que nul ne prenne de là l’occasion de s’ébranler ou de reculer de l’Evangile. Mais plutôt cherchons à nous fortifier en lui, afin qu’il nous soit un appui perpétuel, sûr et fidèle, pour nous soutenir au milieu de tous les troubles et de tous les scandales qui nous pourront accueillir.»

Ainsi parlait, dans Genève, le Réformateur. Mais ces sectaires étaient fortement appuyés: Perrin, Vandel, Berthelier, étaient avec eux. Le 18 mai, les spirituels, à la suite d’un souper où le vin les avait échauffés, entreprirent d’attaquer la maison de Baudichon de la Maisonneuve, où quelques réfugiés et autres Genevois, amis de Calvin, étaient réunis. «Ils se mirent, dit Bonivard, en soupant et faisant collation, à déchiqueter à beaux coups de langue ces Français et porte-Français; et après que la langue eut fait son office, le vin émut les pieds et les mains à faire aussi le leur.» Il y eut une émeute à neuf heures du soir sur la place de la Fusterie. Le syndic Aubert accourut, le bâton syndical à la main. Les spirituels furent saisis en flagrant délit de rébellion, jugés et bannis. Je termine ici l’histoire de cette controverse du seizième siècle dans Genève, controverse que j’ai jugée propre à être remise sous vos yeux. Nous avons achevé de descendre l’échelle: c’est dans la fange qu’elle finit.

Un historien allemand, parlant des faux spirituels qui parurent après la Réformation, a dit: «Le réveil d’un nouveau principe amène toujours quelque chose d’extraordinaire. Quand l’esprit humain est remué par de grandes choses, il s’élance en avant avec la même hardiesse qu’il a mise à renverser les idoles humaines, et il se livre facilement à des idées qui battent tout ordre en brèche.» Ce qui est arrivé au seizième siècle après la Réformation, on ne doit pas s’étonner de le revoir, au dix-neuvième, après le réveil. Vous connaissez tous la parole de Luther, qui comparait l’humanité à un homme ivre à cheval: il tombe d’un côté; on le remet droit, et aussitôt il tombe de l’autre. Voici ce que signifiait cette comparaison. Il y a deux sphères dans la religion: la sphère objective, qui, renferme ce qui est hors de nous (par exemple, l’Ecriture et l’ouvre expiatoire de Christ), et la sphère subjective, qui renferme ce qui est en nous (l’ouvre de l’Esprit et la régénération). Pour que la religion soit vraie et salutaire, il doit y avoir équilibre entre ces deux sphères; mais dès que l’équilibre est rompu d’un côté ou de l’autre, la religion court de grands périls. La Réformation les établit en une parfaite harmonie. Mais, de même que la corruption de la papauté était venue de ce qu’elle s’était jetée du côté objectif et l’avait perverti, le mal des doctrines que nous combattons provint de ce que leurs auteurs se jetèrent du côté subjectif et le dénaturèrent. La tendance subjective, si elle devient exclusive, est une tendance maladive, une fièvre. Cette maladie provient du manque de santé de l’individu, de ce qu’il n’y a pas eu de conversion pour lui, ou, tout au moins, de ce que sa conversion n’a pas été assez profonde. Le moi, qui n’a pas été assez humilié, assez crucifié, se relève tout à coup et se met au-dessus de l’Ecriture de Dieu. On tombe plus facilement dans cette maladie morale, si l’on a cultivé une faculté, l’intelligence par exemple, aux dépens des autres; si l’on a vécu dans son cabinet en dehors des expériences chrétiennes et de la vie chrétienne. « Ah ! nous écrivait tout récemment un pasteur, qui a déjà quelques années d’expérience, et qui est sorti de notre Ecole, que nos frères, les étudiants, entrent seulement dans l’ouvre du ministère; qu’ils s’efforcent de persuader, de convaincre; et, revenant de leur erreur, s’ils ont prêté l’oreille aux nouvelles idées, ils verront bien que, pour faire du bien, ils n’ont pas de plus puissantes armes que les Ecritures de Dieu. »

Messieurs, je redoute cette tendance subjective pour notre époque. Je la redoute, convaincu qu’elle ne peut manquer d’avoir les mêmes développements et les mêmes conséquences qu’elle eut au seizième siècle. Vous aurez remarqué la progression funeste de cette opinion. Châtillon enseigna simplement la doctrine qui substitue l’autorité de l’esprit individuel à l’autorité de l’Ecriture divine. Mais toute semence porte ses fruits. Cette doctrine, professée bientôt par Socin et par Servet, renversa d’abord toutes les doctrines de la foi; puis, interprétée par Coppin, Pocquet, Gruet et les libertins, elle renversa tous les préceptes de la morale. Elle enfanta ainsi de grandes hérésies et un hideux dérèglement. La progression est terrible, mais inévitable. Nous tenons donc à bien l’établir. Si nous nous opposons maintenant aux principes professés parmi nous, ce n’est pas seulement pour défendre l’autorité de la Parole inspirée de Dieu, cela certes en vaudrait déjà la peine, mais nous avons d’autres motifs encore. Nous nous y opposons, parce que (nous en avons la conviction), ce qui est en cause dans cette affaire, ce sont au fond les dogmes chrétiens et la morale chrétienne. Nous devons le répéter, afin que chacun le comprenne: ce qui est en cause dans cette affaire, ce sont les dogmes chrétiens et la morale chrétienne. Nous demander donc, comme on l’a fait, d’admettre ces doctrines pernicieuses, c’est nous demander, non seulement d’abandonner les Saintes Ecritures, mais encore d’abandonner le christianisme, sa foi et ses mours. Autant vaudrait nous demander la vie. Et si l’on nous disait: « Sur quoi basez-vous une opinion si étroite, si étrange, si en arrière du siècle? » nous répondrions: sur le témoignage de Dieu et sur le témoignage des faits. C’est afin de faire, s’il est possible, sauter cette opinion aux yeux des plus incrédules, que nous venons de retracer un chapitre de l’histoire religieuse de Genève. Je crois à la voix de l’Ecriture, et je crois aussi à la voix de l’histoire. Je dois combattre ce dont elles me signalent les redoutables dangers (ich kann nicht anders, je ne puis autrement, parole de Luther à Worms).

Sans doute, Messieurs, les erreurs dont nous sommes maintenant témoins à Genève, pas plus que celles de Châtillon, n’ont aucune ressemblance, sous le rapport moral, avec celles de la dernière catégorie, celles des faux spirituels. Des caractères d’une admirable pureté préviendront, j’en suis convaincu, quelque temps encore, les conséquences fatales de ces principes. On peut même espérer, vu le progrès général, que les excès seront moins grands qu’ils ne le furent il y a trois siècles. L’esprit humain marche en spirale: après un certain temps, il revient au point où il s’est trouvé quelques siècles auparavant. Mais, comme la courbe dont je parle, l’esprit de l’homme, tout en revenant vers le point où il a déjà passé, s’en écarte de plus en plus à chaque révolution qu’il opère. Toutefois, les conséquences des principes que nous combattons sont naturelles, et, je le ré- pète, inévitables. Il ne serait pas nécessaire de sortir de la Suisse pour trouver des gens qui, à cette heure même, tirent ces conséquences et les pratiquent. Quand l’homme est parvenu à abattre, ou du moins, à tourner la digue solide que Dieu a mise à ses doutes et à ses passions, l’Ecriture, il ne trouve plus rien qui l’arrête. Les scandaleux désordres auxquels se livrèrent les spirituels dans Genève, il y a juste trois siècles, sont un avertissement solennel donné à la génération actuelle. Celui qui a voulu que, au commencement de la dispensation évangélique, il y eût des Ananias, des Saphira, des nicolaïtes, pour effrayer les siècles futurs, a voulu aussi qu’au commencement de notre bienheureuse Réformation, il y eût des libertins spirituels pour épouvanter tous ceux qui seraient tentés d’oublier l’autorité unique et souveraine de ce qui est écrit dans la Parole de Dieu.

Quelques-uns mêmes pensent que l’erreur qui se propose de renverser l’autorité de l’Ecriture de Dieu pour lui substituer l’autorité personnelle, a plus de chances de succès de nos jours qu’elle n’en avait au seizième siècle. « Cette erreur, disent-ils, n’était pas dans l’esprit général du seizième siècle; mais elle est tout à fait dans l’esprit du nôtre. » Je dois reconnaître ce qu’il y a de fondé dans cette pensée. Cette doctrine est en effet, pour ainsi parler, le complément théologique de l’idée fausse et funeste de notre siècle qui, à la soumission à une autorité supérieure, substitue partout l’indépendance et l’autorité individuelle. Il y a donc dans la décadence de la société chance pour ces erreurs.

Mais si le mal a progressé, le bien a progressé de même. Si les entendus tombent facilement dans ces doctrines fatales, les simples, les chrétiens vivants ne se laisseront pas entamer. Il en est des enfants de Dieu comme «des corps organisés qui ont la faculté de rejeter toute substance étrangère par le jeu de la vie.» L’Eglise vivante sentira partout que ces erreurs lui sont contraires et les repoussera. Elles ne seront que comme un tamis destiné à séparer ce qui a parmi nous la vraie vie de ce qui n’en a que l’apparence.

Cela est si vrai que nous avons plutôt à craindre une réaction exagérée. Oui, Messieurs, et c’est un fait qui demande toutes vos prières, la nacelle de l’Ecole, et je puis dire de l’Eglise, vogue maintenant entre deux courants opposés: il y a le courant des amis de la science, qui s’oppose à la Sainte Ecriture de Dieu; il y a le courant des amis de la Sainte Ecriture de Dieu qui s’oppose à la science. D’un côté se trouve la beauté intellectuelle du savoir et du talent; de l’autre, la beauté spirituelle de la vie intérieure et de l’activité chrétienne. S’il fallait absolument, pour garder une de ces choses, rejeter l’autre, notre choix ne serait pas douteux: nous abandonnerions l’intellectualisme des savants pour la piété des humbles. Mais, Messieurs, nous ne voulons nous laisser entraîner dans aucun extrême. Nous rejetons la science qui se fait la maîtresse des Ecritures de Dieu, mais nous réclamons celle qui se fait leur servante. Nous voyons de grandes misères pour l’Eglise, si l’on repousse l’un ou l’autre de ces éléments: la science ou la foi. Maintenant plus que jamais, une science vraiment scripturaire est nécessaire pour combattre de subtiles erreurs et ramener sans cesse l’Eglise aux sources primitives de la vie.

Comprenez le bien, si nous voulons conserver les Ecritures, c’est pour conserver la vie, la doctrine, Jésus-Christ lui-même. On a entendu quelques personnes dire que, tout en rejetant les attaques dirigées contre les Ecritures, elles sympathisaient avec d’autres manifestations provenues récemment de la même plume, et croyaient que la vraie sanctification était dans la conformité à l’image de Jésus. Est-ce là, je le demande, ce qui est en question? Les enfants de Dieu de tous les siècles, qui jour et nuit méditent dans la loi de l’Eternel, n’ont-ils pas toujours cherché leur sanctification dans la conformité à l’image de Jésus? Non, la question n’est pas là, mais voici où elle se trouve. Faut-il se conformer à l’image de Christ, telle que nous la donnent les Ecritures inspirées de Dieu, du Christ vrai, du Christ toujours le même, ou bien, faisant un triage dans ces Ecritures, et en retranchant ce qui ne nous plaît pas, faut-il nous conformer à l’image muable du Christ, de nos rêveries, de notre entendement et de notre imagination? Voilà la question.

Messieurs, Christ notre sagesse, Christ notre justice, Christ notre sanctification, Christ notre vie, Christ notre espérance, Christ notre rédemption, voilà Celui qu’il nous faut garder. L’ennemi cherche sans cesse à l’enlever, dût-il même se présenter comme un ange de lumière. Résistons à l’ennemi, et ils ‘enfuira loin de nous. L’Ecriture Sainte maintient seule Jésus-Christ, et l’Esprit seul nous le donne par l’Ecriture. Ah! gardons Jésus-Christ, et pour cela gardons l’Ecriture par le Saint-Esprit!

J.-H. M. d’A.
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