Série: Les béatitudes
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Heureux les affligés

LA DEUXIEME BEATITUDE

Heureux les affligés, car ils seront consolés.
Matthieu 5.4

Une fois de plus, cette parole fait du chrétien quelqu’un qui est très différent du non-chrétien, de celui qui est "de ce monde". En fait, le monde trouve une affirmation pareille tout à fait ridicule: Heureux les affligés! Car s’il y a une calamité que le monde cherche à éviter à tout prix, c’est l’affliction, la souffrance. Tout est organisé dans le but de l’éviter. Voici la philosophie du monde: "Oubliez vos difficultés et vos ennuis; faites tout pour ne pas y penser. C’est déjà assez triste de voir l’état du monde actuel, donc essayons d’être aussi heureux que possible!" Toute la vie est arrangée de telle manière à faire oublier la souffrance; alors on s’abandonne aux plaisirs, poussé par une véritable manie de les rechercher. Tout doit y contribuer, l’argent, notre énergie, nos ressources d’enthousiasme.

Mais Jésus dit: Heureux les affligés. En effet, ce sont les seuls qui sont vraiment heureux, comme nous le verrons plus loin. Dans l’évangile de Luc, Jésus s’exprime d’une manière encore plus frappante: Heureux vous qui pleurez maintenant, car vous serez dans la joie! Le bonheur apparent du monde, son rire, sa jovialité, son insouciance, sont condamnés ici: ce bonheur là est vide, le rire est creux, car après il ne reste plus rien…

Une fois de plus, il est évident que le sens est entièrement spirituel. Jésus ne voulait pas dire que ceux qui sont affligés par la mort d’un être cher – un enfant, un conjoint – sont heureux. Lui-même n’a-t-il pas pleuré devant la mort de Lazare? L’affliction dont Jésus parle dans cette deuxième béatitude n’a rien à voir avec notre vie naturelle dans ce monde, pas plus que la première béatitude avait un sens matériel. Il s’agit de ceux qui sont affligés en esprit. Ceux-ci, dit Jésus, sont des gens heureux.

Cela ne se rencontre jamais dans le monde, avec lequel c’est en contraste frappant, ce qui était plus évident dans l’Église du NT. Si l’Église de notre temps n’a pas un plus grand impact sur le monde aujourd’hui, c’est que la vie de l’Église – je parle dans un sens général – n’est pas en ordre; elle n’est pas en harmonie avec l’enseignement du NT. La seule Église qui attire, qui a un impact sur le monde, est celle qui correspond, dans l’ensemble et quant à ses membres, à la description donnée par les béatitudes.

Pourquoi l’Église s’est-elle éloignée de sa position normale? Il me semble qu’il y a trois raisons:

1. Une réaction contre une fausse piété (un puritanisme mal compris), une piété de surface, d’apparence; une attitude qui donne l’impression que pour être chrétien ("religieux"), il faut avoir l’air misérable. Ces gens là se détournent de choses parfaitement légitimes et naturelles, oubliant qu’un chrétien est libre d’user de toutes choses tant qu’il en reste le maître, et qu’il n’en abuse donc point. La fausse piété donne une image peu attrayante du chrétien, et la réaction contre cette piété de surface a été si vive qu’une partie des chrétiens est tombée dans l’autre extrême: s’amuser comme le monde!
2. Une autre raison, c’est l’idée que si l’Église veut attirer les gens, les croyants doivent délibérément prendre une attitude de jovialité souriante, qui n’est souvent pas l’expression de l’état intérieur. Mais le monde est très sensible à ce manque d’authenticité et pressent que ce n’est qu’un masque.
3. La raison la plus profonde, cependant, me semble être une absence de conviction de péché, une doctrine défectueuse concernant le péché. Cela a pour effet une incapacité de comprendre la véritable nature de la joie chrétienne. Ces deux choses – absence de conviction (de conscience) de péché et conception superficielle de ce qu’est la joie ou le bonheur – produisent une sorte de vie chrétienne inadéquate.

Tout comme il faut être pauvre en esprit avant de pouvoir être rempli de l’Esprit Saint (première béatitude), il faut être devenu pleinement conscient de son péché pour passer par une conversion authentique, et ensuite ressentir la joie du salut. C’est l’essence même de l’évangile!

Il est donc de première importance de comprendre exactement ce que le Seigneur entend par Heureux les affligés.

Regardons à l’apôtre Paul, p.ex. tel que le chapitre 7 de la lettre aux Romains nous le montre. Il invite souvent les destinataires de ses lettres à l’imiter. Le chrétien est donc celui qui connaît ce cri: Misérable que je suis! Qui me délivrera du corps de cette mort? C’est un cri d’affliction, l’agonie de se savoir mauvais. C’est ce que ressentait le péager dans le temple, et il se frappait la poitrine, s’accusant lui-même. Tout chrétien connaît cette agonie de se savoir désespérément méchant en ce qui concerne sa chair, dans laquelle il n’y a rien de bon. Il est pleinement conscient du combat que se livrent son esprit (qui voudrait suivre la loi de Dieu) et son corps (qui suit la loi du péché). Le chrétien, qui par définition a reçu l’Esprit Saint, gémit en dedans de lui-même, comme Paul l’écrit: Nous aussi (comme toute la création), qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps (Rom 8.23). Dans 2 Cor 5, Paul parle du fardeau de ce corps, du désir d’être revêtu du corps céleste. Écrivant à Timothée et Tite, Paul indique comment il faut enseigner les croyants. Les hommes âgés doivent être sobres, graves, modérés, et les jeunes doivent être sobres. Il n’y a rien là de cette jovialité facile, de cette bonhomie continuellement souriante que beaucoup de chrétiens croient devoir afficher pour montrer au monde à quel point ils sont heureux, ayant vaincu tous leurs problèmes…

Que nous disent tous ces passages, sinon que d’être affligé doit nécessairement suivre l’état d’être pauvre en esprit? Quand je contemple Dieu dans sa sainteté, et que je m’examine à la lumière de la vie que Dieu aimerait me voir mener, et puis que je constate mon impuissance à le faire, je suis affligé. Mes actions et mes paroles se révèlent insuffisantes. Paul se savait pardonné, mais il continuait à se dire le plus grand pécheur, parce qu’il avait persécuté Jésus-Christ. Quand il écrit: j’oublie ce qui est en arrière, c’est sa position sociale qu’il oublie, ses distinctions de pharisien respecté, son éducation strictement juive, sa grande culture judaïque, toute sa vie antérieure, qu’il évalue comme du fumier en comparaison de ce que Jésus-Christ lui a donné à la place. Quant à son péché, Paul en était toujours conscient, et affligé.

Mais cela va encore plus loin. Il y a l’affliction causée par le péché des autres. A voir la futilité, le gaspillage de tant de vies autour de lui, en voyant les ravages du péché, qui avait introduit la mort dans le monde (Rom 5.12), voilà ce qui a fait pleurer Jésus. Il a vu l’horreur de la nature du péché. Oui, regardons à Jésus: car le chrétien doit devenir semblable au Seigneur Jésus, qui est le premier-né de beaucoup de frères. Christ est la norme ultime pour le chrétien. Évidemment, n’ayant jamais péché, Jésus n’a jamais été affligé comme l’apôtre Paul et nous pouvons l’être.

Mais commençons par le contraire de l’affliction: la joie. Il n’est jamais dit une seule fois que Jésus ait ri. Il s’est fâché; il a été fatigué; il a eu faim et soif. Bien sûr, on peut penser que quand il riait, cela n’avait pas assez d’importance pour que ce soit noté. Mais le prophète Esaïe nous décrit le Messie ainsi: un homme de douleur habitué à la souffrance.

Dans Jean 8.57, il y a une indication qui peut faire penser que Jésus avait l’air plus âgé qu’il ne l’était. Il avait dit qu’Abraham se réjouissait de voir son jour. Et les Juifs de riposter: Tu n’as pas encore 50 ans, et tu as vu Abraham! Ils dirent cela à un homme de 30 ans, mais qui avait déjà beaucoup souffert…

S’il n’est jamais dit que Jésus eût éclaté de rire, il nous est dit qu’il avait pleuré à la tombe de Lazare. Pas parce que Lazare était mort, car il savait qu’il allait le ressusciter. Alors pourquoi? Il nous est aussi dit que Jésus avait pleuré sur Jérusalem, peu avant sa mort. Sa tristesse était due à l’effet effroyable du péché: la mort physique et la mort spirituelle. Il savait que 1.100.000 Juifs allaient mourir lors du siège de Jérusalem en l’an 70, parmi eux beaucoup d’enfants, qu’il aimait tant. Et il savait que les Juifs chercheraient à le tuer, non seulement lui mais aussi Lazare, dans leur aveuglement spirituel, et que le refus de croire en lui entraîne la perdition éternelle.

Avons-nous jamais pleuré sur le sort épouvantable qui attend nos amis et nos connaissances incrédules? Leur avons-nous dit que la mort de Jésus à la croix est nécessaire pour qu’ils ne périssent pas loin de Dieu à jamais? qu’ils courent ce danger s’ils refusent de reconnaître leur péché et d’obtenir le pardon de Christ en le recevant comme leur Sauveur? Parce que nous risquons de perdre leur amitié? C’est un risque à courir, et je sais quel chagrin l’on éprouve alors. Qu’ils ne puissent nous accuser un jour de ne pas leur en avoir parlé…

Le chrétien éveillé par le Saint-Esprit, est affligé, à l’instar de son Sauveur, parce qu’il comprend ce qu’est le péché aux yeux de Dieu, qui ne peut contempler les ravages qui résultent de la révolte et de l’arrogance de l’homme qui écoute Satan.

Essayons de résumer: L’affliction dont Jésus parle ici est l’antithèse exacte de l’attitude du monde. Il veut rire à tout prix. "Mangeons et buvons, amusons-nous pendant qu’on peut!" Il ne faut surtout pas penser aux choses négatives, car si l’on s’y arrête trop, on est troublé, on risque de s’affoler, de s’affliger, justement. Plus: de désespérer! J’ai un ami qui refuse de prendre tout à la légère, qui voit le désarroi, le chaos, l’impasse dans lesquels se trouve notre monde. Chaque phrase qu’il prononce est imbue d’amertume, de désenchantement, de désespoir. Que ne se tourne-t-il pas vers Jésus-Christ! Mais: "Si même je vous ai attristés…, je ne le regrette pas… Cette lettre vous a attristés momentanément… Je me réjouis… de ce que votre tristesse vous a reportés à la repentance; car vous avez été attristés selon Dieu… tandis que la tristesse du monde produit la mort" (2 Cor 7.8-10). Ce passage confirme ce que j’ai affirmé: la tristesse du monde produit le désespoir, tant qu’il n’a pas compris la cause de toute tristesse: le péché. En être conscient mène à la repentance et au salut, c.-à-d. à Christ. Là où il n’y a plus de péché (parce que Dieu l’a pardonné), il n’y a plus de tristesse; c’est pourquoi au ciel il n’y a plus de pleurs, toutes les larmes étant essuyées. Pourquoi Jésus a-t-il versé des larmes? "Il offrit à grands cris et avec larmes des prières et des supplications" (Héb 5.7): à cause du péché qui le mènera à sa mort. Par contre, Esaü a versé des larmes inutiles, car il ne recherchait pas le pardon de Dieu (Héb12.17).

Il est temps de réfléchir à la raison pour laquelle les affligés sont heureux: car ils seront consolés.

L’homme qui est affligé par le péché est vraiment heureux, dit Jésus. Il devient heureux dans un sens personnel, car il est mené à la repentance que le Saint-Esprit produit en lui, et de là à Jésus-Christ. Car seul l’homme qui s’écrie: Misérable que je suis! pourra aussi s’écrier: Qui me délivrera du corps de cette mort? Comme le jour suit la nuit, la joie suit la tristesse pour le pécheur repentant. Par l’Esprit, il comprend que Christ est mort pour lui, à cause de son état de péché, et il est consolé. C’est cette tristesse positive qui mène au salut.

Or ceci n’est pas seulement vrai à la conversion; cela continue pendant toute la vie chrétienne. Quand, en tant que chrétien, j’ai péché, je me sens abattu et affligé; mais dès que je l’ai confessé à Jésus-Christ, je suis consolé et la joie revient dans mon coeur. Notre vie entière est tissée sur cette toile de fond.

Mais il y a encore une autre consolation, que nous nommons notre espérance, dont Paul parle dans Rom. 8, où il parle de la rédemption de notre corps, à quoi il ajoute: "c’est en espérance que nous sommes sauvés", de sorte que les souffrances présentes sont peu de chose comparées avec la gloire préparée par Dieu pour les siens. Quand le chrétien regarde le monde, il en est affligé et malheureux, car le poids du péché qu’il y voit l’écrase. Mais quand il regarde à Jésus-Christ, il est immédiatement réconforté et consolé; car il sait que Jésus-Christ va revenir et va bannir le péché de cette terre. Il va créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre où habitera la justice. Oui: Heureux les affligés, car ils seront consolés.

Pour terminer, essayons de brosser le portrait de l’affligé consolé, dans le sens de cette béatitude. Quelle sorte de personne est-ce?

Il est affligé par le péché, mais il n’est pas morose. Il est affligé par ses résultats, mais il n’est pas misérable. C’est un homme sérieux, mais pas solennel. Il est sobre, mais jamais terne ou rébarbatif. Sa gravité est accompagnée de chaleur et de cordialité. Il n’a pas besoin de se forcer à être sérieux, ni à être enjoué et heureux. Il est sérieux, il est heureux. Le vrai chrétien n’a jamais besoin de feindre d’être ceci ou cela. Il regarde la vie avec sérieux, non avec désinvolture; il la contemple spirituellement, et il y voit le péché et ses conséquences fâcheuses, et il voit aussi le remède. Il est comme l’apôtre Paul, gémissant intérieurement et cependant heureux, à cause de son expérience de Christ et de la gloire à venir. En un mot: le chrétien n’est pas superficiel en quoi que ce soit; il est fondamentalement sérieux et fondamentalement heureux. Car la joie du chrétien est une sainte joie; le bonheur du chrétien est un bonheur sérieux. Comme le Seigneur, il gémit et pleure, et cependant, en vue de la joie qui lui était réservée, Christ a souffert la croix et l’humiliation (Héb12.2).

C’est cela, le portrait du chrétien. Il n’a pas été poussé à prendre une décision précipitée, sans avoir passé par la profondeur du repentir. Celui qui est attristé en même temps que consolé a reçu un enseignement profond sur le péché et une doctrine élevée de la joie. C’est quelqu’un qui lit la Bible régulièrement, qui la médite et l’étudie dans la prière, et qui demande à Dieu de se révéler à son coeur par le Saint-Esprit. Cela permet à Jésus-Christ de l’éclairer sur lui-même et sur le caractère immuable de Dieu.

Oui: Heureux les affligés, car ils seront consolés.

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