Série: Les Béatitudes
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Heureux ceux qui sont doux

LA TROISIEME BEATITUDE

Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre.
Matthieu 5.5

Qui sont les vainqueurs ?

Selon les versions, le mot "doux" est rendu par débonnaire, humble, aimable, soumis. Je rappelle que le mot "heureux" désigne un état de pleine satisfaction dans l’action, dans la marche en avant.

Une fois de plus, cette béatitude exprime exactement le contraire de ce que pense l’homme naturel : la conquête du monde promise aux doux, aux humbles, aux soumis ! Le monde pense en termes de force, de capacité, de prestige, d’assurance de soi, d’agressivité. Plus on a tout cela, plus on aura du succès. Et Jésus dit que ceux qui sont le contraire posséderont la terre. De nouveau, les chrétiens se distinguent essentiellement de l’homme du monde. Les chrétiens sont des créatures nouvelles ; ils appartiennent à un autre royaume. Le monde ne peut pas les comprendre; pour lui, ils sont une énigme.

N’oublions pas que Jésus parlait à des Juifs. Cette parole doit les avoir choqués, car leur idée du royaume de Dieu n’était pas seulement matérialiste, mais aussi militariste. Le Messie devait les conduire à la victoire sur les nations par la force. Mais Jésus contredit cette idée-là. Il dit, en fait : «Non, je ne suis pas comme cela. Mon royaume n’est pas ainsi. Heureux les humbles, car ils hériteront la terre».

Nous ne raisonnons pas autrement que les Juifs d’alors. L’Église de notre temps ne pense-t-elle pas qu’il faut de grandes organisations, des rencontres impressionnantes? Car, dit-on, l’ennemi est puissant, et l’Église est divisée; formons donc une union œcuménique assez puissante pour combattre cet ennemi; ainsi on aura un impact et on vaincra. Mais Jésus dit que les vainqueurs ne sont pas ceux qui ont confiance en la force des grandes organisations.

La Bible fournit des exemples frappants qui illustrent le principe de Dieu pour vaincre. J’en prends pour preuve le récit qui se trouve dans Juges 7. Gédéon devait faire la guerre aux Madianites, une armée innombrable. Il avait réuni 32000 combattants autour de lui. Mais il fallait les réduire à 10000, puis – chose invraisemblable – à 300! Avec ces 300 hommes, Gédéon remporta la victoire. Dieu n’a pas ajouté au nombre, il en a enlevé. C’est la méthode spirituelle.

L’ordre des béatitudes

Je rappelle que l’ordre dans lequel Jésus aligne les béatitudes n’est pas arbitraire. Chaque béatitude suivante présuppose les précédentes et devient plus difficile à appliquer. Ainsi, quand nous comprenons ce que nous devrions être, ce que nous devrions faire, nous devenons des pauvres en esprit ; c’est un état de conscience de ma nullité et de mon impuissance face aux exigences de Dieu et ma totale dépendance de Dieu face à la loi, à l’évangile. Cela mène – si je suis honnête envers moi-même – à une conviction de mon péché, du mal qui habite en moi, de ma perdition ; je suis alors affligé ; mais le salut par grâce en Jésus-Christ que Dieu m’accorde, me console. Je suis prêt à accepter ces deux choses. Mais suis-je aussi prêt à en témoigner à autrui? C’est moins facile. Et cela me mène à la troisième béatitude.

Quelques exemples bibliques d’hommes doux

Pour mieux saisir ce que c’est d’être doux, humble, soumis, dans le sens où Jésus l’entend ici, cherchons des exemples dans la Bible :

– Abraham: Pensons à ses rapports avec Lot, son neveu, plus jeune et moins spirituel. Son oncle le laisse choisir la meilleure part des pâturages quand ils arrivent près de Sodome avec leurs troupeaux.
– Moïse: Quelles possibilités à la cour de Pharaon! Il y renonce afin de sauver son peuple. La Bible le décrit comme étant le plus humble des hommes, et le voyage dans le désert à la tête d’un peuple récalcitrant en donne maints exemples.
– David: Il savait qu’il serait le roi d’Israël, puisque Samuel l’avait oint. Saül aussi le savait, et il chercha par tous les moyens à le tuer. A deux reprises, il était à la merci de David, qui prononça cette parole remarquable : «Comment toucherais-je à l’oint de l’Éternel» ? Saül devait bien mourir un jour, mais David en laissa le soin à Dieu.
– Jérémie: Les autres prophètes parlaient de choses agréables et avaient la faveur du roi. Jérémie ne parlait pas pour faire plaisir et dut en souffrir. «C’est un individualiste, il s’isole, il est non-coopératif… » aura-t-on dit. Jérémie continuait à donner le message reçu de Dieu malgré le mal qu’on disait de lui. La tradition veut qu’il soit mort en martyr, scié en deux dans un arbre creux. Cela peut être le prix de l’obéissance inconditionnelle.
– Paul: Lisez ses lettres aux Corinthiens, à la lumière de tout le mal que certains chrétiens disaient de lui : quelle patience, quel amour!
– Jésus-Christ: «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, je vous donnerai le repos… Je suis doux et humble de cœur» (Mat 11.28). Toute sa vie en est le reflet continuel. Persécuté, il pardonne. Paul décrit le caractère de Jésus : il n’a pas tiré avantage de son égalité avec Dieu mais s’est soumis à lui (lisez Phil 2.5-11). Il s’est fait serviteur, lui, le Maître de l’univers! Il s’est laissé battre et a subi la torture de la croix, par soumission à Dieu le Père.

Regardons encore à Jésus pour cerner de plus près quelle est l’essence de l’humilité. Son humilité foncière ne l’a pas empêché de débarrasser le temple des profiteurs avec un fouet, ni d’apostropher les pharisiens en les nommant "hypocrites" huit fois d’affilée, ni encore de reprendre le serviteur du temple qui lui avait donné une gifle. Parce que, justement, la douceur et l’humilité dont parle Jésus ne sont pas une sorte de lâcheté à l’égard du mal; ce n’est pas "se laisser marcher sur les pieds".

Ce que l’humilité n’est pas… et ce qu’elle est

Examinons un peu ce que l’humilité n’est pas:

1. Ce n’est pas une disposition naturelle. Tous les chrétiens doivent devenir ainsi, pas seulement ceux qui y seraient disposés. David était par nature violent ; Moïse était imbu de son savoir-faire; Paul était supérieurement intelligent et cultivé, jouissant d’un prestige social. Et voyez ce qu’ils sont devenus sous la main paternelle de Dieu!
2. L’humilité n’est pas de l’indulgence, ni du laisser-faire (vivre et laisser vivre).
3. Ce n’est pas la recherche d’un compromis qui arrangera tout le monde. "Passons sur toutes ces divisions et ces distinctions théologiques (comme si elles étaient sans importance!)." – «Soyons un à tout prix, même au prix de la vérité!» N’avez-vous jamais entendu cela?

Voyons donc ce qu’est l’humilité du chrétien régénéré:

1. C’est une affaire intérieure, de l’esprit. Elle est compatible avec la force et avec une grande autorité. Elle n’est jamais de la faiblesse (les martyrs ne sont pas des faibles).
2. L’humilité découle d’une évaluation de soi-même devant Dieu ; elle s’exprime par la conduite envers autrui. C’est chose impossible sans être pauvre en esprit et conscient de son péché. L’humble ne revendique pas ses droits. La psychologie enseigne le contraire: se donner de la valeur, s’imposer par sa personnalité. Jésus-Christ s’est imposé parce qu’il était d’essence divine. C’est aussi Dieu en nous qui nous donne la seule autorité valable face aux autres.
3. L’humble n’est pas susceptible. Il ne s’apitoie pas sur lui-même. Il en a fini avec le Moi revendicateur, car il est mort avec Christ. Comme on ne peut pas faire mal à un mort, on ne peut plus me faire du tort. Bunyan s’exprime ainsi: «Celui qui est par terre n’a plus peur de tomber.»
4. Personne n’a jamais été plus abordable et disponible que Jésus, toujours prêt à écouter l’autre. Sommes-nous prêts à nous laisser enseigner par ceux qui connaissent le conseil de Dieu, même si leur statut est inférieur au nôtre?
5. Finalement, l’humble abandonne sa vie, son travail, ses relations entre les mains de Dieu. Comme Paul, il dira: «À moi la vengeance, dit le Seigneur, c’est moi qui rétribuerai!"

L’héritage promis

Qu’en est-il de la seconde moitié de cette béatitude? «Heureux les humbles, car ils hériteront la terre».

Dans un sens, ils l’héritent déjà maintenant, de la façon suivante : le véritablement humble est toujours satisfait, il est heureux.

– N’ayant rien, il a tout, comme Paul l’exprime: «Nous sommes comme n’ayant rien, et nous possédons toute chose» (2 Cor 6.10).
– Il remercie les Philippiens de leur don en sa faveur et ajoute : « Je sais vivre dans le besoin, aussi bien que dans l’abondance».
– Remarquez aussi ce qu’il écrit aux Corinthiens: «…tout est à vous, …soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit les choses présentes, soit les choses à venir. Tout est à vous, et vous êtes à Christ, et Christ est à Dieu» (1 Cor 3.21-23).
– Aux Romains: «Si nous sommes enfants (de Dieu), nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ» (8.17). C’est-à-dire nous hériterons le monde.
– Ailleurs: «Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui» (2 Tim 2.12). En d’autres termes : "Ne t’en fais pas si tu souffres. Reste humble et souffre, même injustement, et tu régneras avec lui. Tu hériteras la terre avec lui."

Rappelons-nous que le royaume de Dieu commencera d’une manière visible sur la terre, où Christ régnera depuis Jérusalem, règne auquel il associera ceux qu’il en jugera digne. Son critère: «Quiconque s’exalte sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera exalté» (Luc 14.11). Comprenons bien: "s’exalter" = se suffire à soi-même; ne vouloir devoir rien à Dieu ; être son propre Dieu (archétype: Satan); "s’abaisser" = se soumettre à Dieu ; savoir qu’on lui doit tout (archétype: Jésus).

Nous n’en aurons donc jamais fini avec la terre! Mais il y aura une nouvelle terre, comme il y aura de nouveaux cieux. "Au ciel avec Jésus" voudra donc aussi dire : "sur la terre (régénérée) avec Jésus", terre sur laquelle s’étendra son règne. Les expressions "royaume des cieux" et "royaume de Dieu", parfaitement interchangeables, recouvrent cette double réalité: hériter le royaume et hériter la terre. Dans la parabole des dix mines (Luc 19), les serviteurs fidèles reçoivent, l’un dix villes, l’autres cinq villes à gouverner. Où y a-t-il des villes à gouverner sinon sur la terre? Une chose est certaine: Jésus veut nous associer au gouvernement des cieux et de la terre.

Il est intéressant de constater que le Psaume 37, dont je recommande la lecture entière, faisait déjà entrevoir cette béatitude. Je citerai ici le v.11, une des cinq allusions à cette béatitude: «Les humbles posséderont le pays et feront leurs délices d’une paix complète».

Comment devenir vraiment humble ?

Voilà donc ce que Jésus entend par cette béatitude : « Heureux les humbles, car ils hériteront la terre ».

Mais je ne voudrais pas terminer sans rappeler à nouveau que l’humilité est chose impossible à l’homme naturel (pécheur non régénéré). Jamais homme n’a réussi à se "faire" humble. Ceux qui, en se faisant moines, abandonnant la vie humaine normale, s’imposant toutes sortes de renoncements, pensaient y arriver, ont tous échoué. Seul le Saint-Esprit peut nous faire pauvres en esprit, nous attrister à cause de notre péché et nous mener à la repentance. Lui seul peut produire en nous l’humilité qui caractérise le chrétien né de l’Esprit.

C’est une chose sérieuse. Tous ceux qui sont enfants de Dieu ont reçu le Saint-Esprit. Aucun n’a d’excuse pour être orgueilleux. L’humilité est le fruit direct de l’Esprit.

Tout ce que je puis faire, c’est méditer continuellement sa Parole, et particulièrement ce Sermon sur la montagne, m’en laisser imprégner en regardant au Seigneur Jésus-Christ, et maintenir avec lui une relation ininterrompue par la prière. Je dois en finir avec le vieil homme et le considérer comme mort avec Christ, afin que ce dernier puisse prendre possession de tout mon être, lui qui m’a racheté à un si grand prix.

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