Dossier: L'Eglise face à de nouveaux enjeux
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La croissance de l’église locale par des cellules vivantes

L’auteur de cet article est marié et père de deux enfants. Il est pasteur d’une église évangélique à Bulle, en Suisse romande, qu’il a fondée il y a 19 ans. Il a fait ses études à l’Institut Biblique « Emmaüs », à Saint-Légier, en Suisse romande, et a suivi des cours dans les facultés de Vaux-sur-Seine et d’Aix-en-Provence, France. Il a également suivi des stages comme aumônier auprès des malades au CHUV (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois) à Lausanne, en Suisse romande. En tant que conférencier il travaille spécialement avec les jeunes et a élaboré un cours de formation biblique dans le cadre du CyFoJe (Cycle Formation Jeunesse) pour former des moniteurs et monitrices de camps. Il est auteur d’un cours sur les Dix Commandements, disponible comme module pour Bible ProWorkshop et vendu par la Maison de la Bible.

Une expérience

Dans notre ministère d’implantation d’église, j’ai constaté que nous avons passé par 4 phases (ou périodes), avant de nous constituer en une église véritable avec des anciens établis.

1. Nous étions, au départ, quelques couples qui nous réunissions dans notre appartement. Nous nous retrouvions entre 10 et 12 personnes pour des études bibliques en semaine ; ce nombre était idéal pour une cellule de maison. Ce groupe, embryon de notre église locale, a duré environ un an, avant que naisse le désir de se constituer en église.

2. Au bout de trois ans de vie d’église, nous avons commencé à ressentir que nous perdions le contact les uns avec les autres. Certains ne s’exprimaient plus aussi librement qu’auparavant. Par ailleurs, il y avait aussi un problème pratique chez les jeunes couples à cause de leur enfants : ils n’avaient pas la possibilité d’assister ensemble aux études bibliques de l’église locale et devaient s’alterner. Que faire ?
Après avoir pris du temps dans la prière, j’ai proposé aux anciens de faire deux groupes d’étude biblique : chaque sujet était donné deux fois au lieu d’une, pour permettre aux épouses ou aux époux de suivre ensemble la même étude biblique, à une semaine d’intervalle. Cette solution présentait deux avantages :

– les couples pouvaient désormais grandir ensemble au même rythme dans la connaissance de la Parole de Dieu,
– le groupe est passé d’une bonne vingtaine de personnes à une douzaine, la taille d’une cellule de maison.

3. La troisième phase a été celle de la multiplication des cellules : le besoin fut ressenti de former, à côté des deux cellules existantes, une nouvelle cellule pour les nouveaux convertis venus dans l’église. Cette cellule avait été appelée "études des fondements de la foi chrétienne".

4. Le quatrième stade correspond à la situation actuelle : depuis trois ans, nous avons 5 cellules de maisons, de 10 à 12 personnes chacune. Nos cellules sont dirigées soit par des anciens, soit par des frères qui ont été formés par le conseil des anciens pour diriger une cellule de maison.

Une nouveauté a consisté à inviter les jeunes à participer à nos cellules de maisons à un rythme de deux fois par mois. Cette intégration des jeunes au sein de nos cellules a été un grand encouragement pour l’église. Ils grandissent dans leur foi, conjointement aux adultes. C’est cela, la véritable église : hommes et femmes, jeunes et vieux, rassemblés autour de la Parole de Dieu. Nous avons maintenu une rencontre par mois destinée uniquement aux jeunes, où nous étudions des thèmes avec eux (par exemple, le mariage, l’homosexualité, évolution ou création, etc.).

Le modèle de l’église primitive

Nous trouvons pour la première fois la notion des cellules de maison dans Actes 2.46 : "Chaque jour avec persévérance, ils étaient au temple d’un commun accord, et ils rompaient le pain dans les maisons." De même, en Actes 5.42, quand l’Eglise comptait environ 5 000 personnes, nous lisons : "Chaque jour, au temple et dans les maisons, ils ne cessaient d’enseigner et d’annoncer la bonne nouvelle du Christ-Jésus."

J’ai l’impression qu’une église sans cellules aura bien plus de peine à répondre aux besoins concrets que tous, jeunes et moins jeunes, rencontrent, au travail et dans les familles. Les chrétiens ont besoin de partager librement leurs soucis, sans jugement de valeur. On doit cesser de faire de la théologie théorique ; il vaut mieux faire de la théologie appliquée, en vivant l’évangile.

Nous devons veiller à ce que Dieu et Sa Parole aient la première place dans nos rencontres (Jean 17.17 ; 1 Tim 3.16), en n’oubliant pas le partage et la prière les uns pour les autres, comme les premiers chrétiens : "Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières" (Act 2.42 ; cf. Act 12.5).

Les cellules sont en quelque sorte le cœur de l’église qui motive les gens à s’engager dans les autres secteurs d’activités de l’église (l’école du dimanche, la garderie, le groupe des adolescents, les activités d’évangélisation, etc.).

Dans une cellule de maison, nous pouvons partager notre foi à domicile en invitant des voisins qui ne connaissent pas encore les richesses de la Parole de Dieu et de notre Seigneur Jésus-Christ (Rom 10.10-14). Nous encourageons tout le monde à participer, mais sans forcer personne. Pour participer à un groupe biblique de maison, il suffit de croire que la Bible vaut la peine d’être étudiée. A la fin de chaque rencontre, les participants reçoivent un questionnaire pour préparer l’étude suivante, afin d’éviter la passivité et de stimuler une participation active de chaque membre de la cellule.

Quelques questions délicates

1. D’après la Parole de Dieu, qui peut enseigner dans les cellules de maisons ?
2. Le responsable est marié ou célibataire : cela joue-t-il un rôle ? Et lorsqu’un responsable est marié, doit-il partager son ministère avec son conjoint ?
3. Quelle formation faut-il au responsable ?
4. Est-il nécessaire que la personne qui désire participer à une cellule se rattache à une église locale ?
5. Faut-il être chrétien pour faire partie d’une cellule ?
6. Comment l’église locale garde-t-elle le lien avec une cellule ?
7. Dans les groupes mixtes, à qui appartient l’autorité de l’enseignement : aux hommes, ou aux femmes ?
8. Si, pour une raison ou une autre, il y a un conflit d’ordre spirituel dans une cellule, qui doit résoudre ce problème : l’animateur, ou le conseil des anciens ?
9. Faut-il la même structure pour toutes les cellules de l’église ?
10. Comment démarrer une cellule ?

Toutes ces questions sont importantes et doivent être discutées dans chaque église locale. Chaque église n’a pas forcément les mêmes sensibilités, ni les mêmes exigences.

Les avantages

Pour bien démarrer il faut absolument être au clair au niveau des avantages et des pièges à éviter.

– Favoriser une répartition des responsabilités : le groupe conduit chacun à s’impliquer activement dans une fonction précise (1 Cor 12.3-13). Par exemple, dans la plupart de nos groupes, nous insistons pour que chacun prenne une question à tour de rôle.
– Il y a plus d’intimité dans les maisons, chaque membre se sent le bienvenu et à l’aise. Depuis que nous avons des plus petits groupes (12 personnes au maximum), chaque participant est valorisé. De ce fait, il y a beaucoup plus d’assiduité.
– On a plus de liberté à partager les fardeaux et les souffrances les uns avec les autres (Gal 6.2). Les cellules permettent à beaucoup de résoudre certains problèmes par le dialogue, sans attendre que leur situation soit devenue désespérée. La relation d’aide se fait spontanément durant chaque rencontre, à travers les moments de partage et de prières. En règle générale, les contacts sont plus intimes, plus profonds. Une cellule de maison est comme une grande famille (1 Cor 12.25).
– La structure souple et mobile des cellules stimule le désir de croissance et de multiplication, puisque chacun peut se responsabiliser. A travers des témoignages personnels, nous pouvons évangéliser et en amener d’autres à la foi chrétienne.

Les pièges à éviter

– Les cellules de maisons risquent de faire éclater l’unité de l’église. C’est pourquoi les anciens doivent veiller avec soin et discernement à la nomination des responsables (cf. Ex 18).
– Les cellules peuvent conduire à la formation de clans, de tendances, qui nuisent à l’unité du corps dans l’église locale (par exemple, une cellule fondamentaliste, une autre libérale, une autre plutôt charismatique, etc.). En conséquence, les responsables des cellules ne devraient pas oublier de se voir régulièrement, pour prier pour tous les participants et se concerter sur l’enseignement à donner.
– Les groupes peuvent devenir trop centrés sur eux-mêmes en cultivant leurs problèmes. Pour éviter ce risque, nous remanions toutes les cellules au début de chaque année scolaire. Cela favorise le partage avec d’autres frères et sœurs de l’église locale. En règle générale les participants s’engagent à rester au minimum une année dans la même cellule.
– Nous veillons aussi à ce qu’il y ait un lien entre la prédication du dimanche, et la matière étudiée dans la semaine dans les cellules de maisons qui, à leur tour, peuvent apporter des éléments qui viendront nourrir la prédication.
– Dans notre église, nous étudions dans chaque cellule le même livre biblique ou le même thème, en sorte que nous puissions croître ensemble et qu’il y ait moins de risque d’isolement ou de division.

Qui peut être responsable de cellule ?

Cette question est un de celles mentionnées ci-dessus. Nous sommes convaincus que, dans les groupes mixtes, l’autorité dans l’enseignement appartient aux hommes. 1 Timothée 3 donne une liste de qualifications spirituelles du berger d’une cellule. En voici les principales :

– être né de nouveau, baptisé, actif dans son église locale, et avoir manifesté des dons qui lui permettent d’assumer sa charge ;
– avoir un témoignage crédible pour ceux du dehors (1 Tim 3.7) ;
– avoir un esprit constructif pour édifier l’église locale et s’abstenir des critiques et des polémiques (Jac 3.2,14,18 ; Héb 12.15) ;
– désirer agir en bonne coordination avec le reste de l’église et en particulier les conducteurs (Héb 13.17) ;
– vivre en paix avec sa famille et avoir une vie conjugale ou un célibat en accord avec l’éthique biblique (1 Tim 3.4 ; 5.8).

Un temps de formation devrait être proposé au frère responsable, lui permettant d’assumer progressivement la charge spirituelle et la direction d’une cellule de maison. Il peut bénéficier de la présence, du soutien et des conseils d’un responsable expérimenté, par exemple en recevant la direction de la cellule en cours d’année, étant déjà intégré dans cette cellule en tant que membre participant.

L’engagement de chaque participant

– Le responsable de la cellule de maison doit être reconnu et accepté par les participants.
– Il faut que chaque cellule se réunisse le plus régulièrement possible selon la planification. Ceci est très important pour garder la dynamique du groupe.
– Il est nécessaire de préciser régulièrement les buts poursuivis afin d’éviter des malentendus ou des déceptions.
– Chacun doit s’engager à garder secrètes les confidences des uns et des autres, à veiller au respect mutuel et à ne pas blesser autrui dans ses sentiments (1 Cor 13.4-8).
– On doit viser la transparence et la franchise les uns envers les autres, en ayant le courage de se parler ouvertement, notamment lorsque les malentendus menacent de perturber nos relations (Jac 3.13-18).

C’est ainsi qu’à travers une cellule de maison, on apprend :

– à se connaître, dans la diversité de nos dons et de nos langages, sans préjugés et avec un désir de se comprendre (1 Cor 12.4-6) ;
– à vivre le soutien de nos frères et sœurs, malgré nos points faibles et avec nos besoins, tant manifestés que cachés (1 Cor 12.24-25).

Conclusion

Les cellules vivantes sont en quelque sorte le cœur de l’église locale. Elles motivent les participants à la lecture de la Bible, à la prière, à la communion fraternelle et à l’engagement concret dans les divers secteurs d’activité dans l’église. Finalement, c’est un moteur stimulant pour le rassemblement de l’église locale au culte (Héb 10.24-25). J’encourage donc vivement les conducteurs à favoriser la création de cellules de maison.

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De Mooy Jan-Bert
Jean-Bert de Mooy est marié et père de deux enfants. Il est pasteur d'une église évangélique à Bulle, en Suisse romande et conférencier bien connu. Il a fait ses études à l'Institut Biblique "Emmaüs", à Saint-Légier, en Suisse romande, et a suivi des cours dans les facultés de Vaux-sur-Seine et d'Aix-en-Provence, en France. Il travaille aussi avec les jeunes et a élaboré un cours de formation biblique dans le cadre du CyFoJe (Cycle Formation Jeunesse). Il est l'auteur d'un cours sur Les Dix Commandements, disponible comme module du logiciel Bible Workshop Pro vendu par la Maison de la Bible (2004).