Série: Histoire de l'Eglise
Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page

L’Eglise Post-Apostolique (2)

HISTOIRE DE L’EGLISE

Période 2: de 100 à 312 après J-C

I. Résumé

Les Actes des Apôtres fournissent l’essentiel des informations pour l’étude du fonctionnement, des méthodes, de la doctrine et de l’extension de l’Eglise au 1er siècle. Si tous les aspects de cette communauté universelle composée de convertis n’ont pas été traités, il est évident que tous les détails de notre présente étude ne le seront pas non plus en si peu de place, car la tâche est immense. N’oublions pas que cette série vise à améliorer la connaissance de notre «famille» spirituelle et historique. Ignorer notre héritage spirituel et ecclésiastique ou ne pas le comprendre nous rend vulnérables face à l’avenir et aux tromperies les plus habiles.

L’histoire de l’Église de l’an 100 à l’an 312 (année de la «conversion» de Constantin) pourrait s’intituler «la période du Christianisme catholique». Le mot «catholique» a été employé pour la première fois par Ignace (mort en 107) dans le sens d’«universel»: là où est Christ, là est l’Eglise. Ô malheur! Car ce n’est que plus tard que les mots «Église» et «catholique» ont été accaparés par Rome pour désigner la seule église reconnue par Dieu et par les successeurs de Pierre!

II. La continuité et la croissance

Les caractéristiques fondamentales du Corps (des églises locales indépendantes, soumises au Seigneur et à sa Parole, fonctionnant ensemble par le lien de l’Esprit, le sacerdoce universel des croyants, l’œuvre missionnaire, la discipline, le baptêmeimmersion, l’enseignement des convertis, la cène, etc.), si évidentes au 1er siècle, le resteront-elles au 2ème siècle? Malheureusement, l’esprit de domination et de confédération s’impose petit à petit après la disparition des apôtres (au sens strict du N.T.). Les chrétiens s’en remettent à des évêquesanciens et des diacres pour la direction de leur église locale. Puis à ces deux groupes s’ajoute l’évêque local. Celui-ci, devenant d’abord le seul chef hiérarchique de l’église locale, le sera ensuite de toute une région. Avant de considérer la dégénérescence de la qualité de vie, de l’orthodoxie doctrinale et de la pratique des principes du N.T. dans l’église locale, un regard précis sur les aspects positifs de la croissance numérique et géographique du Corps universel rafraîchira notre esprit.

Le développement rapide du christianisme au 2ème siècle, même sans les apôtres, trouve sa cause:

1. dans la réalité de la résurrection de Jésus- Christ vécue au quotidien par les vrais convertis. En effet, leur vie rayonne Christ par:
a) leur éthique: finis le vol, la tricherie, le mensonge, l’immoralité
b) leur style de vie: refus de participer à la vie impériale débauchée, de s’engager en règle générale dans la guerre, de vivre dans le luxe sous toutes ses formes, car ils sont citoyens du Ciel et non de la terre,

2. dans l’amour pur et bon pour les autres, même pour leurs ennemis,

3. dans une évangélisation sincère, gratuite et dynamique inspirée par le Saint-Esprit, dépourvue de spectacles charnels, par le témoignage au un à un – en privé, sur le lieu de travail, et par la prédication dans la rue – témoignage rendu avec la conviction que la Vérité réside en Christ (Act 4.20),

4. dans l’assurance de la véracité doctrinale christique et apostolique qui, seule, régénère (1 Pi 1.18,22-23), édifie (Act 20.32), console (1 Thes 4.18), sanctifie (Jean 17.17), protège de l’erreur (Jude 17-18), etc.,

5. dans l’exercice de l’égalité de tous devant le Seigneur (Gal 3.28), vécue sans distinctions raciales, culturelles ou sociales pour que la communion fraternelle existe réellement,

6. dans la pratique de l’autonomie de la communauté locale liée directement à Christ au Ciel, fondée sur la Parole de Dieu et guidée par l’Esprit.

En résumé, le christianisme du 2ème siècle, dans ses aspects positifs, porte l’empreinte de la simplicité. Il se caractérise par la vie communautaire, l’amour, l’attachement à la Vérité, l’évangélisation et l’entraide.

Où nous situons-nous, dans notre vie personnelle et dans notre église, par rapport à ce type de christianisme?

III. Des faiblesses apparaissent

Avec l’expansion rapide du christianisme biblique, Satan a réagi pour essayer de ralentir la progression et de corrompre la vie intérieure des églises:

1. par dix persécutions virulentes orchestrées périodiquement par les Empereurs depuis Néron (en 64) jusqu’à Dioclétien (303-305) ; au Proche Orient, la persécution continuera jusqu’en 313: des multitudes y laissent la vie; des églises sont ravagées; les traîtres sont nombreux; des églises sont divisées sur l’attitude à adopter à leur égard. Mais ces persécutions ont aussi des effets bénéfiques: les églises sont purifiées des faux frères; seuls les sincères osent se convertir; l’Évangile est répandu partout par des exilés; de vrais chefs spirituels se lèvent, capables de combattre les hérésies; Christ accompagne ses fidèles jusqu’à la mort.

La lecture des récits de ces fidèles martyrisés m’humilie. Elle me jette un défi, me galvanise, m’enseigne et me pousse à la prière afin de rester attaché à Christ alors qu’une persécution future est envisageable (et probable?) avant l’enlèvement de l’Eglise (1 Thes 4.13-18), donc avant les sept années de la Tribulation (Apoc 6 – 19).

2. par le déclin d’une direction collégiale guidée par l’Esprit:
Ignace (mort en 117) écrit que l’église locale a été dominée par l’évêque assisté des anciens et de quelques diacres. Ce mauvais exemple devient universel avant même le 4ème siècle par l’application de Mt 16.18-19 à Rome, sous l’impulsion de Cyprien (mort en 258)!

3. par l’infiltration du gnosticisme (11 types différents!) qui a été un éclectisme philosophique cherchant à réconcilier toutes les religions par l’ésotérisme, l’emploi d’une tradition secrète humaine acquise par l’initiation.

4. par l’attirance mondaine de la culture, de la philosophie et des mœurs païennes, et par le matérialisme (1 Jean 2.14-15).

5. par des sectes comme:
a) les Ebionites.
Ils affirment: Jésus n’a été qu’un homme parvenu à la justice; il faut rejeter les épîtres de Paul; il faut obéir à la Loi mosaïque; Jésus est un docteur et non un sauveur, etc,
b) les Marcionites.
Ils rejettent l’A.T. et mettent en opposition la justice de Dieu et l’amour de Jésus. Pour eux le N.T. ne devrait se constituer que des épîtres de Paul et de l’Évangile de Luc. Ils affirment que Jésus n’est pas né, mais qu’il est apparu à Capharnaüm en l’an 29!
c) les Manichéens.
Ils professent le dualisme gnostique, un panthéisme réel, une hiérarchie «d’élus parfaits» seuls habilités à être baptisés, à participer à l’Eucharistie et à servir d’intermédiaires entre Dieu et «des auditeurs». Il rejettent l’A.T. Il en découle: un esprit d’ascétismemonasticisme (4ème siècle), un esprit de «cérémonialisme» pompeux, le sacerdotalisme (le chef spirituel «négocie » avec Dieu pour qu’Il bénisse les fidèles), la théorie des indulgences.
d) le Montanisme, un mouvement apocalyptique dont les mauvaises caractéristiques masquent les bonnes. Les bonnes sont le désir d’avoir un rapport sincère avec Dieu, l’appel au retour à la simplicité du N.T., la condamnation de la mondanité. Les mauvaises sont des fausses prophéties. La prophétie à cette époque est plus importante pour les Montanistes que la Parole de Dieu. Le mariage est condamné. Ils font la distinction entre péchés mortels et péchés véniels!

6. par des hérésies dont celle des anti-trinitaires, qui se répartissent entre
a) ceux qui nient la divinité innée de Christ, la personnalité du Saint-Esprit, l’essence divine de la Trinité (en postulant que Dieu prend un masque pour jouer tour à tour le rôle du Père, puis du Fils et de l’Esprit); et qui croient que Christ est devenu divin par ses propres efforts
b) ceux qui identifient tellement le Fils avec le Père que le Fils occupe la 1ère place, et qui enseignent que le Fils a été le Père incarné et que le Père est mort à la Croix!

7. par des chrétiens bien intentionnés ayant une bonne base doctrinale, mais qui érigent des règles basées sur des points de vue personnels. Par exemple:
* tout converti s’identifiant avec leur église devrait repasser par le baptême
* la foi en la régénération baptismale
* l’assurance d’être les seuls «purs» (ceux qui sont en dehors de leur église sont des «pollués»)
* l’impossibilité de se repentir d’un péché «grave» après avoir reçu le baptême
* le refus de restaurer ceux qui ont renié Christ pendant les persécutions
* l’obligation de baptiser les enfants pour les sauver
* l’affirmation que leur église était la seule vraie église pure.

Ces frères avaient un authentique esprit de réforme, mais les méthodes employées n’étaient pas celles du N.T. Ils sont restés influents en Afrique du Nord jusqu’à leur annihilation par l’islam aux 7ème et 8ème siècles.

8. par l’invention de l’ascétisme monastique dès la fin du 3ème siècle, puis par le monachisme communautaire à partir de 320. Ceci pour accéder à une vie spirituelle supérieure à la vie «ordinaire» en ville.

Que le Corps de Christ universel ait survécu à toutes ces vicissitudes – extérieures et intérieures, causées par l’éloignement des principes du N.T. – est un témoignage de la grâce et de la souveraineté de Dieu! Il en est de même aujourd’hui!

IV. Le Canon et la littérature chrétienne

Il est important de mettre en évidence au moins deux événements capitaux qui ont influencé les trois premiers siècles, et même tous les siècles depuis:

1. La Bible

La partie néo-testamentaire n’a pas toujours existé dans sa forme actuelle!

Sa rédaction par les Apôtres, Luc, Jude, Jacques et par l’auteur de l’épître aux Hébreux a été assez rapide (1er siècle). Mais sa compilation et son acceptation par les convertis a duré jusqu’au 4ème siècle!

L’Ancien Testament avait été accepté par les Juifs au plus tard en 200 av. J-C, après que chaque livre a passé des tests quant son authenticité, la reconnaissance de son origine divine, sa doctrine (sans contradictions ni erreurs), son caractère (capable d’édifier, de consoler, de corriger, de révéler la présence et la puissance de Dieu lorsqu’on le lisait), et finalement ait été accepté par le peuple de Dieu.

Ces mêmes critères ont, en général, été appliqués pour déterminer quels étaient les livres à retenir et à considérer comme la parole de Dieu de la Nouvelle Alliance, le Nouveau Testament.

Il y avait des raisons pratiques à cette compilation:
a) le désir tenace de préserver ce qui est apostolique (2 Pi 3.15-16; Col 4.16), de répondre aux demandes doctrinales et éthiques (1 Thes 5.27; 1 Tim 4.13; 2 Tim 3.16-17), de définir la norme, l’autorité en matière de foi et de pratique,
b) la menace hérétique par laquelle tel ou tel mouvement rejetait un livre ou un autre qui ne lui convenait pas,
c) la poussée missionnaire voyait beaucoup de conversions et de création d’églises locales; il fallait que ces convertis soient nourris de la parole de Dieu, donc il était nécessaire de savoir quels livres traduire pour eux,
d) la persécution par la Rome impériale avait, entre 303 et 313, comme but essentiel de détruire «les livres des chrétiens »; les chrétiens étaient prêts à mourir seulement pour les «bons livres»; lesquels?

Ce tri des livres en circulation a pris du temps. Plus de 50 livres ont été éliminés petit à petit, soit parce qu’ils n’étaient pas apostoliques, soit qu’ils contenaient des hérésies ou des légendes ridicules qui contredisaient la vérité acceptée par tous, etc.

À travers ces siècles, le Saint-Esprit a surveillé bien discrètement, mais souverainement, cette compilation des livres divinement inspirés. En 367, le théologien Athanase rédige, à Alexandrie en Égypte, une lettre pascale aux chrétiens. Il y affirme que seuls 27 livres sont inspirés et acceptés par tous les Chrétiens et composent ce que nous appelons «Le Nouveau Testament ». Après cette date des synodes à Hippone (393) et à Carthage (397) en Afrique du Nord confirment l’information d’Athanase. Nos actuels 27 livres du N.T. sont les seuls reconnus comme «canoniques», c.- à-d. qu’eux seuls font autorité et sont inspirés du Saint-Esprit.

2. La littérature chrétienne.

L’importance de cette littérature est inestimable:
a) Son contenu confirme par contraste la valeur, la supériorité et l’inspiration du N.T!
b) Cette littérature est la seule source d’informations sur l’évolution du christianisme. Elle nous révèle que le christianisme apostolique s’est dégradé progressivement (doctrine, vie, pratique, culte et institution) jusqu’au moment où il a été reconnu par l’État au 4ème siècle.
c) Elle trace le cheminement qui a conduit à l’acceptation des 27 livres du N.T. comme seuls inspirés de Dieu.
d) Sa diversité décrit toutes les formes de la chrétienté et leurs développements. Cette littérature rend compte de quatre périodes successives:
• celle de l’édification qui s’est faite d’une manière informelle; elle ne mentionne aucune philosophie païenne, mais révèle le christianisme à l’œuvre et un respect pour l’A.T.,
• celle des apologistes qui ont surtout écrit aux Empereurs pour réfuter les accusations d’athéisme (!), d’immoralité et de cannibalisme,
• celle des polémistes qui écrivent pour combattre des hérésies de toutes natures et pour essayer d’établir l’orthodoxie,
• celle de l’approche «scientifique» par des théologiens en Égypte; ils composent une théologie systématique basée sur la Bible, en employant malheureusement la méthode platonicienne et allégoriste; Alexandrie reste le principal centre de la pensée chrétienne jusqu’au 7ème siècle.

V. Conclusion

À la fin du 3ème siècle, le christianisme pénètre tout l’Empire romain, et s’est propagé même en dehors. Il est accepté jusque dans les échelons les plus élevés de la société et du gouvernement. Toutefois, il a encore des ennemis mortels: philosophes, prêtres païens, magiciens, fausses religions et les empereurs. Les chrétiens ont accumulé leur part de richesses, et bien des églises ont de beaux bâtiments.

Hélas, le christianisme a été progressivement déformé dans la chrétienté, car les différences entre l’an 100 et l’an 312 sont grandes à cause:

1. des œuvres méritoires qui ont enfanté l’ascétisme, la perversion de l’amour, la transformation des ordonnances en mystères magiques
2. du fétichisme (culte des reliques)
3. du sacerdotalisme
4. du ritualisme
5. de l’interprétation allégorique
6. du pardon des péchés effectué par l’évêque
7. d’une hiérarchie écrasante
8. du début des synodes/conciles dont les décisions sont devenues des lois, car approuvées par l’Empereur
9. des églises somptueusement décorées
10. de la mondanité du «clergé»
11. de la débauche qui se généralise parmi des chrétiens de toutes conditions
12. de l’entrée des païens dans l’église, sans passer par la conversion
13. de l’instauration de toutes sortes de fêtes religieuses
14. de la vénération des martyrs («saints» plus tard).

Heureusement tout n’est pas sombre (voir le § IV. ci-dessus), car le Seigneur a toujours connu ceux qui lui sont fidèles.

Ce résumé est important: toute la suite du christianisme et de la chrétienté découle, en bien et en mal, des trois premiers siècles.

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page
Série : Histoire de l'Eglise
McCarty Scott
Scott McCarty a fait ses études en théologie au Dallas Theological Seminary, aux États-Unis. Il exerce un ministère d’enseignement biblique en France depuis 1971. Cofondateur du Centre d’information à l’évangélisation et à la mission à Grenoble, il est membre de Promesses et auteur de nombreux articles.