12 principes d’interprétation biblique
Dans cet article, je me concentrerai sur un problème simple, auquel tout lecteur sérieux de la Bible est confronté : Quels textes de la Bible sont des injonctions contraignantes pour nous, et quels textes ne le sont pas ?
Prenons quelques exemples. « Se saluer par un saint baiser » : les Français le font, mais en général, pas les Américains. N’obéissent-ils donc pas à la Bible ? Jésus dit à ses disciples qu’ils doivent se laver les pieds les uns aux autres (Jean 13.14), mais la plupart d’entre nous ne l’ont jamais fait. Pourquoi « désobéissons-nous » à cette simple injonction, alors que nous obéissons à sa demande concernant la cène du Seigneur (« Faites ceci en mémoire de moi ») ? L’injonction faite aux femmes de garder le silence dans l’église est-elle absolue (1 Cor 14.33-36) et si ce n’est pas le cas, pourquoi ? Jésus dit à Nicodème qu’il doit naître de nouveau s’il veut entrer dans le royaume ; il dit au jeune homme riche qu’il doit vendre tout ce qu’il possède et le donner aux pauvres. Pourquoi faisons-nous de la première exigence une obligation absolue pour tous, alors que nous esquivons la seconde ?
Ce qui suit n’est pas une recette complète pour répondre à toutes les questions d’interprétation difficiles, mais quelques lignes directrices préliminaires pour résoudre ces questions, qui ne sont pas classées par ordre d’importance.
1. Cherchez aussi consciencieusement que possible l’équilibre de l’Écriture et évitez de succomber aux oppositions historiques et théologiques.
Historiquement, de nombreux baptistes réformés en Angleterre entre le milieu du XVIII e siècle et le milieu du XX e ont tellement insisté sur la grâce souveraine de Dieu dans l’élection qu’ils se sont sentis mal à l’aise avec les déclarations générales de l’Évangile. Comment dire aux incroyants de se repentir et de croire à l’Évangile, puisqu’ils sont morts dans leurs offenses et leurs péchés, et qu’ils ne peuvent en aucun cas faire partie des élus ? Ils devraient plutôt être poussés à s’examiner eux-mêmes pour voir s’ils ont en eux les premiers signes de l’action de l’Esprit, une conviction de péché, un sentiment de honte. Cette façon de voir n’est a priori pas très biblique, mais de nombreuses Églises ont pensé que c’était la marque de la fidélité. L’équilibre de l’Écriture a été perdu. Un élément de la vérité biblique a été élevé à une position qui lui permet d’annuler ou de prendre le pas sur un autre élément de la vérité biblique.
En fait, « l’équilibre de l’Écriture » n’est pas facile à maintenir, en partie parce qu’il y a différents types d’équilibres dans l’Écriture. Par exemple, il y a l’équilibre des diverses responsabilités qui nous incombent (prier, être fiable au travail, être un conjoint et un parent bibliquement fidèle, évangéliser un voisin, etc.). Il y a aussi l’équilibre de vérités que nous ne pouvons pas encore réconcilier, mais que nous pouvons facilement déformer si nous n’écoutons pas attentivement le texte. Dans chaque cas, un type d’équilibre biblique légèrement différent entre en jeu, mais il reste indispensable de rechercher l’équilibre biblique.
2. Reconnaissez que la nature antithétique de certaines parties de la Bible, est un artifice rhétorique et non un absolu.
C’est le contexte qui doit décider si tel est le cas.
C’est vrai en particulier dans les enseignements de Jésus.
Bien sûr, il y a des antithèses absolues dans l’Écriture qui ne doivent en aucun cas être édulcorées. Par exemple, les oppositions entre les malédictions et les bénédictions de Deutéronome 27-28 : la conduite qui attire les malédictions de Dieu et celle qui gagne son approbation sont en claire opposition.
Mais lorsque Jésus insiste sur le fait que pour devenir son disciple, on doit haïr ses parents (Luc 14.26), nous ne devons pas penser que Jésus approuve la haine entre les membres de la famille. L’enjeu est de prendre conscience que les exigences de Jésus sont plus urgentes et plus contraignantes que les relations humaines les plus précieuses et les plus chères (comme le montre clairement le parallèle de Mat 10.37).
Parfois, l’antithèse apparaît en comparant deux passages éloignés l’un de l’autre. D’une part, selon Jésus, la prière de ses disciples ne doit pas ressembler au bavardage des païens qui pensent être entendus à cause de leurs nombreuses paroles (Mat 6.7). D’autre part, Jésus peut aussi raconter une parabole dont la leçon est que ses disciples doivent prier avec persévérance et ne jamais se lasser (Luc 18.1-8). Pourtant, si nous imaginons que ces deux injonctions s’opposent, nous démontrons non seulement notre ignorance du style de prédication de Jésus, mais aussi notre insensibilité à ses exigences pastorales. La première est vitale pour ceux qui pensent séduire Dieu par leurs interminables prières ; la seconde est vitale pour ceux dont la vie de prière se limite à quelques phrases vite marmonnées.
3. Gardez-vous d’absolutiser ce qui n’est dit ou ordonné qu’une seule fois.
Non pas que Dieu doive dire les choses plus d’une fois pour qu’elles soient vraies ou contraignantes.
Mais plutôt parce que si quelque chose n’est dit qu’une seule fois, il est facile de mal la comprendre ou de l’appliquer à mauvais escient. Lorsqu’une vérité est répétée à plusieurs reprises et dans des contextes légèrement différents, le lecteur saisit mieux le sens et l’enjeu.
Ce principe sous-tend l’une des raisons pour lesquelles la plupart des chrétiens ne considèrent pas le commandement du Christ de se laver les pieds les uns aux autres comme une troisième ordonnance. Le baptême et la cène sont assurément évoqués plus d’une fois, et il y a de nombreuses preuves que l’Église primitive les observait tous les deux, mais on ne peut pas en dire autant du lavage des pieds.
4. Examinez soigneusement la justification biblique de toute parole ou de tout commandement.
Je ne veux pas dire que, si vous ne pouvez pas discerner la justification, vous devriez ignorer le commandement. Il s’agit d’affirmer que Dieu n’est ni arbitraire ni capricieux et qu’il fournit généralement des raisons et des structures de pensée derrière les vérités qu’il révèle et les exigences qu’il formule. Essayer de découvrir cette logique aide à comprendre ce qui constitue l’essence de ce que Dieu dit, et ce qui en est l’expression culturelle particulière.
Avant de donner quelques exemples, il est important de reconnaître que toute l’Écriture est liée à la culture. Une interprétation prudente et pieuse n’implique pas qu’il faille dépouiller ces formes culturelles pour découvrir la vérité absolue sous-jacente, car c’est impossible : nous ne pouvons jamais échapper à notre finitude. Il s’agit de comprendre ces formes culturelles et, par la grâce de Dieu, de découvrir la vérité que Dieu a révélée à travers elles.
Ainsi, lorsque Dieu ordonne aux gens de déchirer leurs vêtements et de revêtir le sac et la cendre, ces actions précises sont-elles à ce point constitutives de l’essence de la repentance qu’il n’y ait pas de véritable repentance sans elles ? Il n’y a pas de théologie du sac et de la cendre ; il y a une théologie de la repentance qui exige à la fois un chagrin radical et un changement profond.
Si ce raisonnement est juste, il a une incidence à la fois sur le lavage des pieds. Bien que cet acte n’apparaisse qu’une seule fois dans le N.T. comme un acte commandé par le Seigneur, l’acte lui-même est théologiquement lié, en Jean 13, au besoin urgent d’humilité du peuple de Dieu et à la croix.
5. Observez attentivement que l’universalité formelle des proverbes n’est que rarement absolue.
Si les proverbes sont traités comme des lois ou des jurisprudences, des erreurs majeures d’interprétation — et d’application pastorale — s’ensuivront inévitablement. Comparons ces deux paroles de Jésus : (a) « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, et celui qui n’assemble pas avec moi disperse » (Mat 12.30) et (b) « Qui n’est pas contre nous est pour nous. » (Marc 9.40) Ces affirmations ne sont pas contradictoires si elles sont un avertissement pour la première à des personnes indifférentes, et pour la seconde aux disciples à propos de personnes dont le zèle dépasse la connaissance. Mais les deux déclarations sont certainement difficiles à concilier si chacune est prise de manière absolue, sans réfléchir à ces questions.
Prenons par exemple deux proverbes adjacents : « Ne réponds pas à l’insensé selon sa folie […] Réponds à l’insensé selon sa folie […] » (Prov 26.4-5) S’il s’agit de lois ou d’exemples de jurisprudence, la contradiction est inévitable. D’un autre côté, la seconde ligne de chaque proverbe fournit une justification suffisante pour nous faire entrevoir ce que nous aurions dû voir de toute façon : les proverbes ne sont pas des lois. Ils sont une sagesse distillée, souvent exprimée sous forme d’aphorismes piquants qui demandent réflexion ou qui décrivent des effets dans la société en général (mais pas nécessairement chez chaque individu), ou qui demandent de réfléchir à la manière dont ils s’appliquent et au moment où ils s’appliquent.
6. L’application de certains thèmes doit être traitée avec un soin particulier du fait de la distance historique.
Certains thèmes sont délicats — non seulement en raison de leur complexité intrinsèque, mais aussi à cause des changements dans les structures sociales entre les temps bibliques et notre époque.
« Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. » (Rom 13.1) Une difficulté nouvelle pour appliquer ce texte se fait jour lorsqu’on vit dans une démocratie. En théorie au moins, une démocratie permet de s’opposer à un gouvernement sans violence ni effusion de sang.
Quelles sont précisément les responsabilités du chrétien dans ce cas (quel que soit votre point de vue sur la signification de Romains 13 dans son propre contexte) ?
En d’autres termes, nous vivons dans de nouvelles structures sociales, qui dépassent tout ce que Paul aurait pu imaginer ; elles ne renversent pas ce qu’il a dit, mais elles peuvent nous forcer à introduire des considérations que Paul n’a pas prévues pour appliquer de façon valable et réfléchie ses propos.
Il est très réconfortant, et épistémologiquement important, de se rappeler que Dieu les avait prévues, mais cela ne réduit pas les responsabilités herméneutiques qui sont les nôtres.
7. Déterminez non seulement comment les symboles, les coutumes, les métaphores et les modèles fonctionnent dans les Écritures, mais aussi à quoi ils sont liés.
Est-il acceptable de célébrer la cène avec des ignames et du lait de chèvre dans une église de village en Papouasie ? Et si nous utilisons du pain et du vin, ne sommes-nous pas en train d’insinuer subtilement que seule la nourriture des étrangers blancs est acceptable pour Dieu ?
C’est un problème non seulement ecclésiastique, mais aussi linguistique auquel les traducteurs de la Bible sont confrontés en permanence. Comment traduire « pain » et « vin » ? En effet, ces éléments sont liés à d’autres éléments de la Bible et il est presque impossible de les démêler. Après avoir remplacé « pain » par, disons, « ignames » afin d’éviter tout impérialisme culturel, que faire des liens entre la cène et la Pâque, où seul du pain sans levain devait être mangé : pouvons-nous parler d’« ignames sans levain » ?! Qu’en est-il du lien entre le pain, la manne et Jésus (Jean 6) ? Jésus (je le dis avec respect) va-t-il devenir l’igname de Dieu ?
Ainsi, ce qui commence comme un effort charitable de communication interculturelle conduit à des problèmes d’interprétation majeurs. En outre, les traductions de la Bible ont une durée de vie beaucoup plus longue que ne le pensent généralement les traducteurs. Cinquante ans plus tard, une fois que la tribu s’est familiarisée avec les cultures au-delà de ses forêts et qu’il semble préférable de revenir à un plus grand degré de littéralisme dans une révision, essayez de remplacer « ignames » par « pain » et voyez quel genre de querelles ecclésiastiques éclateront.
Dieu ne nous a pas donné une révélation culturellement neutre. Ce qu’il a révélé par des mots est nécessairement lié à des lieux et à des cultures spécifiques. Toutes les autres cultures doivent faire un effort pour comprendre ce que Dieu voulait dire lorsqu’il a dit certaines choses dans une langue particulière, à un moment et en un lieu précis. Pour une expression, un élément analogue peut être la meilleure façon de la rendre ; pour d’autres expressions, en particulier celles qui sont profondément liées à d’autres éléments de l’histoire de la Bible, il est préférable de rendre les choses plus littéralement, et d’inclure éventuellement une note explicative.
8. Limitez les comparaisons et les analogies en observant les contextes proches et lointains.
Les comparaisons et les analogies sont toujours autolimitées d’une manière ou d’une autre. Sinon, il ne s’agirait pas de comparaisons et d’analogies, mais de deux choses identiques. Ce qui rend possible une comparaison ou une analogie, c’est que deux choses différentes se ressemblent à certains égards. Il est toujours crucial de découvrir les plans sur lesquels les parallèles opèrent — ce qui est généralement précisé par le contexte — et de refuser toute généralisation.
Un disciple doit ressembler à son maître ; nous devons imiter Paul, comme Paul imite le Christ. Sur quels points ? Devons-nous marcher sur l’eau ? nettoyer le temple local avec un fouet ? fournir miraculeusement de la nourriture à des milliers de personnes à partir du repas d’un petit garçon ?
Devrions-nous être crucifiés ? Observons que la plupart des injonctions des Évangiles à suivre Jésus ou à faire ce qu’il fait sont liées à son abnégation : par exemple, de même qu’il est haï, nous devons nous attendre à être haïs (Jean 15.18) ; comme il va à la croix, nous devons prendre notre croix et le suivre (Mat 10.38 ; 16.24). Ainsi, la réponse à la question « Devrions-nous être crucifiés ? » est certainement oui et non : non, pas littéralement, diront la plupart d’entre nous, et pourtant cela ne justifie pas d’échapper complètement à l’exigence de prendre notre croix et de le suivre. Dans ce cas, la réponse est donc « oui », mais pas littéralement.
9. De nombreux mandats sont limités pastoralement par l’occasion ou les personnes auxquelles ils s’adressent.
L’Écriture offre de nombreux exemples de l’importance du contexte pastoral. Paul peut dire qu’il est bon pour un homme de ne pas toucher une femme (1 Cor 7.1). Mais, poursuit-il, il y a aussi de bonnes raisons de se marier, et il conclut finalement que le célibat et le mariage sont des dons de Dieu (1 Cor 7.7). Il n’est pas nécessaire de lire entre les lignes pour comprendre que l’église de Corinthe comprenait des personnes portées à l’ascétisme et d’autres en danger de promiscuité sexuelle (cf. 1 Cor 6.12-20). L’argument « Oui, mais » de Paul est empreint d’une sensibilité pastorale, qu’il déploie plus d’une fois dans cette lettre. En d’autres termes, il existe des limites pastorales à la ligne de conduite préconisée, limites rendues évidentes par le contexte.
Face à une doctrine complexe, les éléments particuliers sur lesquels il faut insister à un moment donné seront déterminés, en partie, par un diagnostic pastoral des problèmes prédominants du moment.
10. Faites toujours attention à la manière dont vous utilisez les récits.
Les récits sont évocateurs, suscitent l’empathie, sont faciles à mémoriser. Mais si l’on n’y prend garde, ils sont plus facilement mal interprétés que les textes doctrinaux.
En fait, les récits individuels doivent être interprétés non seulement dans le cadre du livre dans lequel ils sont insérés mais aussi dans celui du canon.
Prenons, par exemple, le récit des premières années de Joseph en Égypte (Gen 39). On peut en tirer d’excellentes leçons sur la manière de résister à la tentation. Mais Une lecture attentive des premiers et derniers versets du chapitre montre également que l’un des points importants du récit est que Dieu est avec Joseph et le bénit même au milieu des circonstances les plus épouvantables : ni la présence de Dieu, ni sa bénédiction ne se limitent à des moments de vie heureux. Lisez ensuite le chapitre dans le contexte du récit précédent : Juda devient alors le faire-valoir de Joseph. L’un est tenté dans des circonstances de confort et d’abondance, et succombe à l’inceste ; l’autre est tenté dans des circonstances d’esclavage et d’injustice, et conserve son intégrité. Lisez maintenant le même chapitre dans le contexte du livre de la Genèse. L’intégrité de Joseph est liée à la manière dont Dieu soulage providentiellement de la famine non seulement des milliers de personnes, mais aussi en particulier le peuple de l’alliance de Dieu. Élargissez maintenant l’horizon pour embrasser l’ensemble du canon : soudain, la fidélité de Joseph dans les petites affaires fait partie de la sagesse providentielle qui préserve le peuple de Dieu, et conduit finalement au lointain fils (!) de Juda, David, et à son fils encore plus lointain, Jésus.
Ainsi, Genèse 39 va bien au-delà d’un récit moralisateur de résistance face à la tentation. La perspective acquise en élargissant les contextes révèle des dizaines de connexions et de significations supplémentaires que les lecteurs réfléchis (et les prédicateurs) ne devraient pas ignorer.
11. Rappelez-vous que vous êtes, vous aussi, culturellement et théologiquement situés.
Il ne s’agit pas simplement de considérer que chaque partie de la Bible est culturellement située ; les lecteurs attentifs reconnaîtront qu’ils sont eux aussi situés dans une culture spécifique, imprégnés du langage, des hypothèses et des perspectives de leur temps. D’où l’importance d’une lecture méditative, autocritique, humble, honnête, pour découvrir où la Parole remet en question les perspectives et les valeurs de notre époque et de notre lieu.
Les exemples sont légion. Les interprétations bibliques avancées par les féministes évangéliques sont-elles influencées par l’accent mis actuellement sur la libération des femmes, ou bien les interprétations des exégètes plus traditionnels sont- elles biaisées par leur dépendance involontaire à des hypothèses patriarcales ? Ignorons-nous certains proverbes sur la pauvreté simplement parce que la plupart d’entre nous vivent dans une relative richesse ?
Reconnaissons honnêtement nos préjugés et acceptons progressivement de les réformer et de les remettre en question lorsque nous percevons que la Parole de Dieu nous emmène dans une direction tout à fait différente. À mesure que notre culture devient de plus en plus séculière, le besoin de ce type de lecture se fait de plus en plus pressant.
12. Admettez franchement que de nombreuses décisions d’interprétation s’inscrivent dans un système théologique plus vaste, que nous devons en principe accepter de modifier si nous voulons que la Bible ait le dernier mot.
Il s’agit bien sûr d’un sous-ensemble du point précédent, mais il mérite d’être traité séparément.
Certains chrétiens donnent l’impression que si l’on apprend le grec et l’hébreu et que l’on maîtrise l’herméneutique de base, on peut oublier la théologie historique et la théologie systématique : il suffit de faire son exégèse et l’on obtiendra la vérité directement de la Parole de Dieu. Mais bien sûr, tout n’est pas si simple. Inévitablement, votre exégèse dépendra de votre tradition ecclésiastique et de votre système théologique.
Les systèmes ne sont pas intrinsèquement mauvais. Ils ont pour fonction de rendre l’interprétation un peu plus facile et un peu plus réaliste : grâce à eux, il n’est pas nécessaire de chaque fois revenir aux bases. Si la tradition est largement orthodoxe, le système permet de s’éloigner des interprétations hétérodoxes. Mais un système peut être si étroitement rigide qu’il ne se laisse pas corriger par l’Écriture, ni même renverser par l’Écriture. En outre, de nombreux points d’interprétation litigieuse sont imbriqués dans d’autres : pour changer d’avis sur un détail, il faudrait changer d’avis sur des structures de base, ce qui est inévitablement beaucoup plus difficile. C’est également la raison pour laquelle un réformé pieux et un baptiste pieux ne parviendront pas à déterminer ce que dit l’Écriture au sujet, par exemple, du baptême, simplement en sortant quelques dictionnaires et en travaillant ensemble sur quelques textes pendant une demi-journée. Ce qui est en jeu, pour l’un comme pour l’autre, c’est la manière dont ces questions sont imbriquées dans un grand nombre d’autres points, qui sont eux-mêmes liés à toute une structure théologique.
Si l’on s’en tenait là, les postmodernistes auraient raison : l’interprète déterminerait toujours le sens.
Mais si les croyants sont a priori ouverts à changer d’avis (c’est-à-dire de système !), et s’ils acceptent humblement de tout soumettre, y compris leur système, à l’épreuve de l’Écriture, et s’ils sont disposés à entrer dans une discussion courtoise avec des frères et des sœurs d’un avis différent mais eux aussi désireux de laisser l’Écriture avoir l’autorité finale, alors les systèmes peuvent être modifiés, abandonnés, réformés.