Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page

Argent et Service de Dieu

Article extrait de la revue Ichthus, no 82, Mars 1979


I. Les bénédictions de la libéralité

L’Ecriture déclare sans détour que la générosité du chrétien sera récompensée. Elle lui promet la bénédiction en abondance (Mal 3.10), le bonheur (Act 20.35), du fruit (Phil 4.17), et elle dit à ceux qui donnent: Il vous sera donné (Luc 6.38). Il reste cependant à déterminer si ces textes peuvent justifier le lien étroit et direct que certains prédicateurs établissent entre leurs appels d’argent et des offres de succès matériel et de guérison divine. Est-il légitime de présenter la prospérité corporelle et financière comme «la moisson d’un don-semence» et comme faisant partie intégrante de «la vie abondante promise par l’Evangile ?» Il nous semble qu’en interprétant de telle façon ces promesses, on va au-delà de ce qui est écrit et à l’ encontre de certains enseignements bibliques connexes.

Nous trouvons décrite dans l’Ecriture une certaine façon de mélanger l’argent et la religion qui conduit à un «trafic», c’est-à-dire à un culte commercialisé. Jésus purifia le Temple en s’écriant: Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic (Jean 2.16). Pierre nous avertit: Par cupidité, ils trafiqueront de vous au moyen de paroles trompeuses (2 Pi 2.3). Mais en quoi, au juste, consiste un trafic? A quel moment des mouvements de fonds dans l’Eglise revêtent-ils un caractère illicite?

1. Il y a abus, et par conséquent «trafic» lorsque la somme versée perd son caractère de «don» (Phil 4.17), de «libéralité»et de «sacrifice» (Héb 13.16) et devient un paiement en vue d’une acquisition. Simon le magicien offrit de l’argent aux apôtres en échange d’une bénédiction et d’un pouvoir spirituels. On se souvient de la réponse de Pierre: Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s’acquérait à prix d’argent (Act 8.20). Dieu donne gratuitement et il accepte aussi nos offrandes volontaires, mais Il n’entre en transaction avec personne. C’est à la vue des «vendeurs» et des «changeurs»dans le Temple que s’est enflammée la colère de Jésus (Jean 2.15-16). En revanche, qu’il y ait commerce et négoce en dehors du Temple, rien de plus normal à ses yeux (Mat 25.16-17).

En d’autres termes, que l’argent entre dans le Temple, sous forme d’offrandes, Il ne pouvait que l’approuver (Luc 21.1-4). Mais un marché dans le Temple voilà ce qui lui était en abomination. Les bienfaits de Dieu ne s’obtiennent pas «donnant-donnant». Une oeuvre chrétienne n’a le droit en aucun cas d’offrir ces bénédictions en échange d’une contribution pécuniaire.

2. Il y a également trafic lorsque la rétribution du versement est présentée comme devant nécessairement être accordée en biens matériels. Cela risque de faire appel, on le conçoit sans peine, à des mobiles qui ne sont pas purs. La promesse de Mal. 3.10 est-elle vraiment «un pacte d’abondance garantissant la prospérité financière?» Et la somme versée par un chrétien au nom de ce verset devient-elle de la sorte un «placement infaillible ?» Il n’est pas exclu que Dieu récompense nos largesses en pourvoyant à tous nos besoins (Phi14.17 -19), mais il est précisé: Vous serez de la sorte enrichis à tous égards pour toute espèce de libéralité (2 Cor 9.11). Son but n’est pas que nous accroissions notre fortune mais que nous soyons à même de venir en aide aux autres. Celui qui contribuerait à une oeuvre chrétienne par intérêt et pour un avantage matériel irait à l’encontre de la parole de Héb. 13.5: Ne vous livrez pas à l’amour de l’argent: contentez-vous de ce que vous avez. C’ est le mobile du versement qui serait mauvais. Ce n’est pas l’argent qui est une racine de tous les maux mais bien l’amour de l’argent (1 Tim 6.10).

D’autre part, s’il en était ainsi, les généreux seraient toujours des riches et la disette serait une preuve de parcimonie. Or, que nous est-il dit de nombreux héros de la foi ? Ils allèrent ça et là vêtus de peaux… dénués de tout (Héb 11.37). Et Paul couvrait de sarcasmes les Corinthiens prospères en ces termes: Déjà vous êtes rassasiés, déjà vous êtes riches. Dieu, ce me semble, a fait de nous, apôtres, les derniers des hommes… Jusqu’à cette heure, nous souffrons la faim, la soif; la nudité (1 Cor 4.8-11). Asaph constatait avec perplexité la prospérité des méchants (Ps 73) et Jésus déclare: Heureux vous qui êtes pauvres (Luc 6.20). L’Ecriture ne justifie tout simplement pas l’établissement d’un lien direct et nécessaire entre la piété ou l’esprit de sacrifice et l’abondance financière. Le «culte de la prospérité» et «l’évangile du succès» ne sont pas d’inspiration biblique.

3. On trafique aussi des gens en leur promettant de la part de Dieu la récompense de leurs dons ici-bas et maintenant. L’ enseignement de l’Ecriture sur le moment où sont accordées les récompenses est clair. C’est au tribunal du Christ (2Cor5.10), au jour de son retour (1 Cor 3.12-15; 4.5) et après la mort qu’elles le seront (Apoc 2.10). C’est pour cela que Jésus nous exhorte: Ne vous amassez pas des trésors sur la terre… mais amassez-vous des trésors dans le ciel… car là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur (Mat 6.19- 21). Le prédicateur qui offre un trésor sur la terre le fait contrairement à l’ordre du Seigneur et favorise, chez ses auditeurs un attachement aux choses de ce monde. En écartant résolument de leurs campagnes financières ces trois abus, les églises et les oeuvres chrétiennes pourront éviter les principaux éléments propices à un trafic.

2. Déontologie en matière de gestion ecclésiastique

1. Il faut éviter des appels financiers à des personnes non-converties: Le sacrifice des méchants est quelque chose d’abominable (Prov 21.27). Dieu ne veut rien recevoir de personne tant qu’on rejette son Fils. Nous ne devons pas aider les impénitents à apaiser Dieu et leur conscience au moyen d’une obole. On rabaisse l’Evangile aux yeux des non-croyants en l’annonçant à leurs frais. En parlant de la libéralité des Macédoniens, Paul apporte cette précision importante: Mais ils se sont d’abord donnés eux-mêmes au Seigneur (2 Cor 1.5).

2. Il faut que l’ organisation chrétienne soit «une maison de verre» par rapport à ses finances. Paul écrivait: Nous agissons ainsi, afin que personne ne nous blâme au sujet de cette abondante collecte… car nous recherchons ce qui est bien, non seulement devant le Seigneur, mais aussi devant les hommes (2 Cor 8.20-21). L’apôtre insiste qu’il n’est pas suffisant pour celui qui gère des fonds d’avoir la conscience tranquille. Il doit les gérer de manière à rendre impossible le moindre blâme, c’est-à-dire de manière à éviter tout soupçon. Pour ce faire, de nos jours, il faut assurer une vérification annuelle de la comptabilité par un expert comptable ou des firme spécialisées extérieurs. Un résumé de ce bilan doit être communiqué d’office à tous les amis et donateurs. Ce bilan doit permettre de distinguer facilement, outre les dépenses pour frais généraux, celles pour relations publiques et celles faites spécifiquement pour le ministère. Une déclaration décrivant en détail les buts et objectifs de l’organisation ainsi que sa profession de foi doit aussi être tenue à la disposition du public chrétien intéressé.

3. Les structures de l’organisation doivent assurer une certaine séparation des pouvoirs pour que soient dissociés le ministère de la Parole et la gestion financière. Quand il y a cumul des fonctions, c’est toujours au détriment soit des considérations spirituelles, soit des intérêts pécuniaires de l’Oeuvre. L’Eglise de Jérusalem avait connu une dispute au sujet de questions matérielles (Act 6.1 ). Les apôtres, dont la gestion avait été mise en cause, décidèrent que la meilleure façon de dissiper de tels malentendus était de faire élire par l’assemblée des diacres qui jouiraient de la confiance de chacun (6.2-6). Ceux-ci déchargeraient les apôtres des tâches administratives pour que ces derniers puissent davantage se donner à la prière et au ministère de la Parole (v. 4). Cette façon de faire favorisait une saine gestion de la part des diacres – qui se sentaient responsables vis-à-vis des membres – mais favorisait aussi une plus grande confiance et une libéralité accrue de la part de ces derniers.

Pour les organisations qui ne sont pas des Eglises locales et dont tous les amis et donateurs ne pourraient ni ne voudraient devenir membres de l’association, la marche suivante devrait être adoptée: constituer un conseil d’administration vraiment actif, qui assume pleinement ses responsabilités, et qui soit composé principalement de personnes n’étant pas des employés de l’organisation. Il faut nommer un comité des finances et de contrôle composé de personnes également non-employées.

4. L’oeuvre authentique chrétienne doit marcher par la foi et non par la vue (2 Cor 5.7). Tout en agissant avec sobriété et vigilance, elle doit être animée de cet esprit d’ entreprise qui seul est conforme à l’immensité des tâches que Dieu confie à ses enfants. Une gestion statique et dépouillée de risques n’est à la gloire de Dieu ni propre à assurer la croissance de son oeuvre. La conquête de Canaan ne fut possible qu’après le passage du Jourdain. Les eaux du fleuve ne s’écartèrent devant le peuple qu’après que les sacrificateurs eurent fermement planté les pieds dans l’eau et se furent ainsi mouillés(Jos3.l3, l5).Pours’emparer du pays promis, il ne faut pas attendre que tous les moyens d’y parvenir soient préalablement en vue, assurés et acquis. Dieu veut souvent que ses enfants fassent un pas par la foi avant d’ouvrir devant eux le chemin. Pour une oeuvre, un tel pas pourrait comporter un financement. Il ne semble pas qu’un prêt hypothécaire doive tomber sous l’interdiction de Rom. 13.8: Ne devez rien à personne. Celui qui prête ne reçoit pas seulement des intérêts mais il est assuré, en cas de non- paiement, de récupérer le bien immobilier. Si le prêt est conforme aux normes généralement en cours, il s’ agit d’une simple location d’argent.

5. Aucune communauté ou organisation chrétienne ne devrait mettre de côté de l’argent dans le but de vivre de ses rentes. Ce trésor, pas plus qu’un autre, ne sera épargné par la teigne et la rouille (Mat. 6.19). Lorsque le peuple de Dieu au désert accumulait des provisions de manne pour le lendemain, il les retrouvait pourries (Ex 16.20). Il est évident que la recommandation d’amasser pendant l’été (Prov 10.5) doit uniquement permettre de parer à des fluctuations saisonnières, donc, prévisibles. Jésus traita d’«insensé» l’homme qui avait amassé des biens en réserve pour plusieurs années au lieu d’être riche pour Dieu (Luc 12.16-21).

Vouloir parer à toute éventualité est donc une négation de la foi et s’accompagne nécessairement d’un appauvrissement spirituel. Consacrer l’argent qui rentre à l’évangélisation et à l’extension du ministère que Dieu a confié à l’organisation est l’investissement le plus rentable, spirituellement et pour l’éternité. La nécessité de s’attendre au Seigneur pour l’étape suivante permettra à chacun de rester dans la dépendance et l’humilité. C’est par la prière que l’ Oeuvre avance le plus sûrement. Mais comment demander à Dieu ce qu’on possède déjà et comment faire de bonne foi, un appel à la libéralité de ses enfants si un nouveau projet pouvait très bien être financé en puisant dans les réserves?

6. Tout donateur a droit à une pièce justificative. Si ce n’est pas toujours une lettre de remerciement (Phil 4.l8), cela peut être un reçu ou un bon d’encaissement. Lorsque le donateur précise à quoi il destine la somme versée, il faut que ses désirs soient respectés et qu’on n’emploie pas l’argent, même temporairement, à autre chose.

Ces quelques principes à observer dans la gestion des choses matérielles devraient aller de soi, mais il sont d’une importance toute particulière pour les oeuvres chrétiennes. Jésus dit: Si vous n’avez pas été fidèles dans les richesses injustes, qui vous confiera les véritables?(Luc 16.1 1 ).Lorsqu’une Eglise ou une organisation manque de conscience, de vigilance ou même de compétence dans les questions financières (qui ne sont que des moyens) il faut reconnaître, qu’en général, elle ne se voit pas confier par le Seigneur le ministère et le rayonnement spirituels auxquels elle aspire et pourrait prétendre.

G.W.
Si vous n’avez pas été fidèles dans les choses injustes, qui vous confiera les véritables ?
Luc 16.11
Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page