Dossier: Les doutes
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« Avec foi, sans douter » : la prière selon Jacques 1.5-8

Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée. Mais qu’il la demande avec foi, sans douter ; car celui qui doute est semblable au flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre. Qu’un tel homme ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur : c’est un homme irrésolu, inconstant dans toutes ses voies. (Jacques 1.5-8)

Certains versets pris hors contexte peuvent conduire à des interprétations déroutantes qui auront des conséquences négatives sur la vie des croyants. C’est le cas des versets 5 à 8 du chapitre 1 de l’Épître de Jacques. Certains lecteurs ont peut-être déjà été étonnés de la dureté des mots de Jacques. L’apôtre est-il vraiment en train de dire que, si nous avons quelques fois des doutes, ou que nous faisons parfois preuve d’hésitation, alors Dieu ne répondra pas à nos prières ? N’est-ce pas contradictoire avec le fait que nous devions prier humblement pour demander la sagesse ? Si nous n’avions de réponse à nos prières qu’à condition d’être en permanence absolument confiant et intellectuellement certain, alors ces réponses de Dieu dépendraient de nos propres efforts… et n’arriveraient pas souvent ! Il convient dès lors de replacer ces versets dans leur contexte pour tenter de mieux comprendre ce que Jacques veut dire ici.

Le contexte

Le premier sujet abordé par Jacques dans son Épître concerne les épreuves auxquelles ses destinataires, des Juifs convertis à Christ, pourraient être exposés. Après les avoir encouragés à considérer ces épreuves comme « un sujet de joie complète » à cause du bénéfice qu’ils pourraient en retirer spirituellement (versets 2 à 4), Jacques les exhorte à prier « avec foi, sans douter » afin d’obtenir la sagesse que Dieu, dans sa grâce, désire donner à tous ceux qui en font la demande (versets 5 à 8). Le lien entre les deux paragraphes est établi par la répétition de termes identiques ; les croyants devraient tendre vers la perfection, « ne manquant de rien » (v. 4b, Darby), et « si quelqu’un manque de sagesse », il est invité à prier pour cela (v. 5). Dans des temps d’épreuves, le croyant soumis à diverses causes d’affliction ou de souffrance, est invité à se tourner vers Dieu dans la prière. C’est de lui, écrit Jacques, que viendra la sagesse, présentée ici comme la solution qui transformera l’épreuve en une occasion de croissance spirituelle. Après quelques observations sur la sagesse nous nous pencherons sur la manière de la demander.

La sagesse

L’une des qualités dont tout croyant pourrait venir à manquer, en particulier dans l’épreuve, est la sagesse. « Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse » écrit Jacques, mais cette condition semble en réalité souligner une situation connue de presque tous les lecteurs de l’épître. Il faudrait presque lire : « Puisque vous manquez de sagesse ». En effet, quel croyant pourrait se targuer de ne pas en manquer ?
Jacques, un des frères du Seigneur, est un croyant d’origine juive s’adressant à d’autres Juifs convertis ; il emploie ce terme en ayant certainement en tête ses mentions dans les Écritures, et confiant que ses lecteurs sauront reconnaître l’allusion. Le livre des Proverbes en particulier présente la sagesse comme un moyen d’accéder à la pensée de Dieu ainsi qu’à la façon de l’appliquer dans la vie du croyant : « Car la sagesse viendra dans ton cœur, et la connaissance fera les délices de ton âme… » (voir Prov 2.10-19, voir aussi 3.13-14 et 9.1-6).
Plus loin dans l’Épître, Jacques oppose la sagesse « terrestre, charnelle, diabolique » et « la sagesse d’en haut » (3.13-18). Les caractéristiques de cette dernière sont proches de la description faite par Paul du « fruit de l’Esprit » (Gal 5.22-23). Mais alors que le croyant ne peut pas manquer de l’Esprit, la sagesse, elle, peut venir à manquer. Le croyant est alors invité à simplement la demander à Dieu, qui répond aux prières.

Dieu, qui donne…

En promettant à ses lecteurs que Dieu donnera la sagesse à ceux qui en font la demande, Jacques confirme les enseignements de l’Ancien Testament : « Car l’Éternel donne la sagesse » (Prov. 2.6). Mais il se fait aussi certainement l’écho des paroles de Jésus sur la prière : « Demandez, et l’on vous donnera » (Mat 7.7). Il en va de notre responsabilité de croyant de présenter nos besoins à Dieu. Mais nous avons aussi la promesse qu’il n’ignorera pas notre prière.
En effet, tout comme Jésus a pu le faire, Jacques affirme avec assurance que Dieu répondra. Pour cela il se base sur le caractère même de Dieu. Dieu, comme le rappelle Jacques, « donne à tous simplement et sans reproche ». Le premier adverbe, parfois traduit « libéralement », peut désigner la générosité de ce don. Mais il exprime surtout le fait que Dieu n’hésite pas à répondre favorablement à la demande qui lui est faite. Son intention est tout entière de satisfaire le besoin de sagesse afin de permettre à ses enfants d’avoir les forces de tenir ferme dans les épreuves. En ce sens, la première caractéristique de ce don s’articule bien avec la seconde, « sans reproche » et forme un contraste évident avec la personne qui doute dans les versets 7 et 8. L’intention de Jacques est donc ici de souligner la façon dont Dieu donne : sans retenue, sans hésitation, et sans arrière-pensée.
Enfin, Dieu ne nous réprimande pas pour nos échecs et nos manquements passés, il ne nous accable pas non plus en nous rappelant constamment la valeur de ses dons. Ces versets, tout comme les enseignements de Jésus en Matthieu 7, nous encouragent à venir présenter avec confiance nos requêtes à ce Dieu qui ne varie pas dans sa grâce.

Prière, foi et doute

Après avoir souligné la façon dont Dieu donne, Jacques aborde la façon dont nous devons demander. Si le contexte est bien celui de la demande de sagesse, il est possible de lire ce passage plus généralement comme un enseignement sur l’importance de la foi dans la prière. Jacques vient de spécifier que la réponse de Dieu aux prières n’est pas le privilège de quelques-uns, car Dieu donne « à tous » (v. 5). En revanche, la façon dont nous demandons peut faire obstacle à l’obtention d’une réponse. Dieu n’accorde pas toutes les requêtes, souvent du fait de la légèreté et du caractère autocentré de celui qui les formule (cf. 4.2-3). Mais il répond aux prières formulées « avec foi », « sans douter ».
Jésus a utilisé les mêmes mots lorsqu’il enseignait sur la prière. Alors que ses disciples manifestaient leur étonnement après que, sur l’ordre de Jésus, un figuier avait séché sur place devant leurs yeux, le Seigneur leur avait dit : « Je vous le dis en vérité, si vous aviez de la foi et que vous ne doutiez point, non seulement vous feriez ce qui a été fait à ce figuier, mais quand vous diriez à cette montagne : Ôte-toi et jette-toi dans la mer, cela se ferait. Tout ce que vous demanderez avec foi par la prière, vous le recevrez. » (Mat 21.21-22)
Dans ces passages, la foi désigne plus que la confiance dans le fait que Dieu accordera ce que nous lui demandons. Elle englobe une réalité plus large : elle décrit la vie d’un croyant qui confie tous les aspects de sa vie à Dieu, sans hésiter. Au contraire, le doute désigne une forme d’hésitation. Il ne renvoie pas seulement à un « doute » sur le fait que Dieu répondra et agira. Il désigne plutôt un esprit divisé qui, d’emblée, empêche de faire confiance à Dieu. Il ne s’agit pas tant d’un doute intellectuel que d’une forme de duplicité. Ce que Jacques dénonce, c’est un conflit de loyauté, comme entre Dieu et « le monde » (Jac 4), ou entre Dieu et « Mammon » comme l’a enseigné Jésus (Mat 6.24).
La fin du verset 6 offre une comparaison imagée de celui qui doute avec « le flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre ». Telle la surface agitée de l’océan dont l’aspect change constamment, bouleversée par des vents dont l’intensité et la direction varient, la personne dont l’esprit est divisé n’a ni foi assurée, ni direction stable. Jacques décrit une personne dont la confiance en Dieu est loin d’être inébranlable, une personne prête à être emportée à tout vent de doctrine ou à céder face aux arguments ou à l’hostilité de ses opposants. Les versets 7 et 8 sont sans appel : « Qu’un tel homme ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur : c’est un homme irrésolu, inconstant dans toutes ses voies. » La personne qui doute, dont l’esprit est divisé, ne saurait s’attendre à ce que Dieu réponde à ses prières, car sa loyauté envers le Seigneur est loin d’être constante et sincère.

Simplicité ou indécision

Dans ce passage, Jacques dénonce la personne dont l’esprit est divisé. Bien que le mot qu’il emploie (dipsyschos) soit un terme inédit en grec, la Bible exprime la même idée à divers endroits. Dieu bénit ceux « qui le cherchent de tout leur cœur » (Ps 119.2). De même, lorsqu’un docteur de la loi demande à Jésus quel est le plus grand commandement, ce dernier cite le Deutéronome : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. » (Mat 22.37) Jacques s’inscrit dans la même pensée lorsqu’il invite ses lecteurs à prier « avec foi, sans douter ». Si les croyants doivent devenir « parfaits et accomplis » (v.4), la lettre les encourage à désirer la « simplicité », une caractéristique divine qui transparaîtra dans leur cœur et dans leur vie.
Inversement, le doute dénoncé ici devra donc être compris comme une forme d’indécision, de conflit intérieur. Ces versets ne doivent donc pas servir à accabler les croyants qui, dans des difficultés dont les causes peuvent avoir diverses origines, se demandent où est Dieu. Lorsque David s’écrie : « Jusqu’à quand, Éternel ! m’oublieras-tu sans cesse ? Jusqu’à quand me cacheras-tu ta face ? » (Ps 13.2), il exprime avec sincérité son incompréhension face à des circonstances hostiles. Mais c’est bien à Dieu que cette prière est adressée, et c’est de lui que David attend le secours, sans que sa foi n’en soit ébranlée : « Moi, j’ai confiance en ta bonté» (Ps 13.6). Il croyait que Dieu était digne de confiance et qu’il pouvait lui remettre tous les aspects de sa vie.
Nous pouvons bien nous interroger : notre confiance en Dieu est-elle totale ou bien hésitons-nous entre Dieu et le monde ? Suis-je simple/loyal ou partagé ? Mais à tous ceux qui s’attendent à Dieu, Jacques ne dit pas que le Seigneur les rejettera s’ils lui adressent des questions ou formulent des inquiétudes, car ils continuent de le chercher dans ces circonstances. C’est justement dans les difficultés que nous avons besoin de la sagesse qui vient de Dieu. Jacques nous encourage à la demander plutôt que de nous appuyer sur nos propres ressources. Cet encouragement est associé à une promesse : Dieu donne, sans retenue ni hésitation, à ceux qui désirent être « parfaits et accomplis », par sa grâce.

 

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Harrois Thibaud
Thibaud Harrois, 31 ans, est maître de conférences en politique britannique dans une université à Paris. Il est très impliqué dans son église locale. Il est marié et père d’un petit garçon.