Babel aujourd’hui
Le chapitre 11 du livre de la Genèse retrace l’histoire des descendants de Noé qui rêvèrent d’élever une tour immense pour accéder au ciel. Leur projet échoua, et tourna en crise universelle. Mais l’histoire nous atteste que l’homme n’en a pas moins cherché à s’affranchir de Dieu en lui disputant sa prééminence.
Comme à Babel, le sentiment de supériorité que donne la mutualisation des efforts du plus grand nombre est toujours d’un grand confort pour l’orgueil humain ! C’est un motif, pour les créatures que nous sommes, de reléguer au rang de l’accessoire et du démodé la notion de Dieu.
Ne sourions donc pas de la péripétie de Babel : rien de plus actuel que cette entreprise. Des bâtisseurs semblables s’affairent énergiquement de nos jours1. Aux hommes du xxie siècle comme à ceux de l’Antiquité, la raison et l’indépendance semblent encore supérieures à l’obéissance et à la foi. La technique omniprésente rayonne, la connaissance augmente, et le religieux est appelé à s’y conformer.
Les architectes du pouvoir
Comme à Babel, les hommes, présumant posséder des atouts suffisants pour se diriger et s’épanouir, font facilement crédit aux « constructeurs » politiques, aux technocrates, aux experts, aux philosophes, et l’on en passe. Opportunistes, les inspirateurs et les leaders de nos Babels contemporaines exploitent cette démangeaison d’autosuffisance pour la tourner à leur profit. Gourous dont l’objectif inlassablement poursuivi est de rallier à eux-mêmes le plus grand nombre, ils ne manquent pas de faire valoir leurs mobiles humanistes ou humanitaires.
Ces meneurs cultivent l’art d’assurer leur pouvoir. Ils flattent pour mieux débaucher, font mine d’accueillir favorablement toutes les tendances — mais savent exclure ceux qui les dérangent. Ils excellent à assouplir la morale et à cautériser les derniers scrupules des consciences — mais ils ne manquent pas de culpabiliser les irréductibles. Leur supériorité autoproclamée leur fait négliger, voire mépriser, ceux qui ne s’alignent pas sur leur programme.
Babel dans nos églises ?
L’Écriture nous met aussi en garde contre l’infiltration et l’influence de dangereux bâtisseurs au cœur de nos églises2. Leurs stratégies et attitudes sont variées :
– Ils peuvent se montrer intransigeants. Ceux qui les entravent dans la construction de « leur tour » seront exclus. Leur violente réaction de rejet s’explique : les récalcitrants leur donnent en effet la désagréable impression d’un rappel à l’ordre permanent, et leur conscience en est agacée. Les « perturbateurs » leur tendent involontairement un miroir qu’ils estiment impératif de briser.
– Ils peuvent essayer de soumettre leurs détracteurs en jetant le doute sur le bien-fondé des positions de ces derniers ou sur leurs compétences — n’est-ce pas une manière détournée de se rendre soi-même plus recommandable ?
C’est un travail de longue haleine que celui auxquels s’astreignent ces « faux docteurs ». Au sein de l’Église, ils choisissent de miner la doctrine chrétienne en survalorisant tout ce qui plaît à l’homme charnel, au « vieil homme [qui] se corrompt par les convoitises trompeuses » (Éph 4.22). Leur aspiration à un pouvoir sans partage est en effet renforcée par les tendances naturelles de leurs disciples trop humains. En particulier, par le besoin d’appartenir à un groupe où « il se passe quelque chose », où l’on favorise une religiosité bon enfant, où l’on éprouve la sensation de n’avoir pas quitté l’Église authentique et de faire bel et bien partie d’une « famille spirituelle ». Ce mimétisme entretenu a un côté rassurant : les nouvelles recrues retrouvent un vocabulaire familier assorti d’une « nouvelle lecture » des textes bibliques pour une « nouvelle compréhension », d’une actualisation de la pensée biblique avec tous les ajouts et faire-valoir de notre société profane.
La pédagogie employée par ces « cadres » n’est pas nouvelle : elle appartient à l’arsenal classique du « père du mensonge ». Comme d’habitude, on voit se développer, sournoisement, une force d’opposition à la vérité. Or, depuis le jardin d’Éden, nombreuses sont les armes de séduction de Satan : la tromperie, la perversion des règles édictées par Dieu, la manipulation de la vérité. Les faux apôtres sont donc en réalité « des hommes qui s’opposent à la vérité, étant corrompus d’entendement, réprouvés en ce qui concerne la foi. » (2 Tim 3.9)
Bien souvent, leurs manœuvres commencent par la dispersion d’un poison qui trouble les chrétiens et dont il est difficile de se débarrasser : le relativisme (« Dieu a t-il réellement dit ? » Gen 3.1). Ce « levain » de doute a pour complices naturels la mentalité et les « paradigmes » du monde !
L’élitisme à l’assaut de l’Église
L’épisode de la tour de Babel est la concrétisation d’une attitude générale qui reste intacte chez tous les hommes au travers des millénaires : la démangeaison de rivaliser avec Dieu et l’illusion de la grandeur de ce combat. D’où tant de prétentions à la possession d’une connaissance supérieure3. Mais cette « sagesse » ne reflète rien de plus que ce qui sort instinctivement du cœur humain non régénéré par l’Esprit de Dieu. Les conducteurs de cette humanité-là manifestent tôt ou tard des comportements répréhensibles : « …entraînés par leurs rêveries, [ils] souillent leur chair, méprisent l’autorité et injurient les gloires [et] parlent d’une manière injurieuse de ce qu’ils ignorent… » (Jude 8,10) Ainsi naissent de nouvelles hérésies prônées par de faux prophètes adulés par ceux qu’ils ont dupés.
Cette mainmise sur les âmes est non seulement bâtie sur le mensonge, mais elle se perpétue également par le mensonge : flatteries en permanence ; manipulation de la crédulité des fidèles ; ouverture de nouveaux chemins vers le bien-être et l’auto-rédemption promis. C’est au prix de tels stratagèmes que la fausse « science » prend la place de l’autorité divine.
Notre contre-attaque
L’ennemi du genre humain cherche à creuser un gouffre infranchissable entre Dieu et sa créature. Il mettra même tout en œuvre pour faire douter les chrétiens du bien-fondé de leur engagement, et pour leur prouver que l’herbe est plus verte ailleurs !
C’est pourquoi le croyant fidèle ne peut vivre qu’à contre-courant de cette société soumise au diable. Mais rassurons-nous : Satan sera rendu impuissant si la Parole est obéie et suivie. Toute obéissance à Dieu est en effet destructrice des œuvres du diable4. Nous désamorçons efficacement les ruses de Satan en offrant nos vies à Dieu et en refusant « tout discours vain et profane, les disputes de la fausse science dont font profession quelques-uns qui se sont ainsi détournés de la foi » (1 Tim 6.20-21).
Il y a toujours péril à prêter l’oreille à un « autre Évangile » (Gal 1.6-7), car telle nouveauté mine la vérité scripturaire, compromet le témoignage de l’Église et fait perdre de vue notre Seigneur et Sauveur. Nous n’avons pas de part avec « ceux du dehors » : on ne marchande pas avec la perversité ! Face aux nombreuses tours de Babel modernes, édifiées par l’orgueil des hommes et soutenues par les partisans de la « mort de Dieu », il n’existe qu’une seule réponse : glorifier Dieu dans notre corps et notre esprit qui appartiennent à Dieu5.
La fin de l’épopée de Babel nous montre des ambitieux rendus muets et impuissants. Dieu intervient et démunit leurs chefs de leur influence prestigieuse en les privant de leur « ciment » communautaire : la parole. Quant à nous, il ne nous appartient pas de faire cesser par la force toutes les entreprises diaboliques de notre temps, mais la Bible ne dit-elle pas que par notre témoignage fidèle nous fermerons la bouche des incrédules6 et — qui sait ? — peut-être pourrons-nous en amener quelques-uns aux pieds du Sauveur.
1Voir Ps 2.
2Cf. Mat 15.8,9 ; 24.5,11,24 ; 1 Tim 1.7 ; 4.2 ; 6.3-5 ; 2 Tim 4.3 ; Tite 1.11,16 ; 2 Pi 2.1-22 ; Jude 3-19.
31 Cor 1.17-2.1.
41 Jean 3.8 ; 5.3-5, 18.
51 Cor 6.20.
61 Pi 2.12,15,16 ; 3.15,16.