Dossier: La Bible, repère pour l'éthique
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Biotechnologie et Génie Génétique

L’auteur de cet article est marié et père de quatre enfants adultes. Après de études en biologie aux universités de Neuchâtel, Lausanne, et Harvard à Boston (USA), il travaillera plus de 25 ans dans la recherche pharmaceutique à Bâle dans le domaine de la biologie cellulaire et moléculaire. Il est co-fondateur de la Biotech Ovagen AG. Michel A. Horisberger est ancien dans une église évangélique à Bâle.

Le débat public sur la biotechnologie moderne est souvent chargé de controverses et d’émotions. C’est donc d’objectivité que l’on a besoin. La peur liée à la biotechnologie moderne est compréhensible ; c’est la peur du nouveau, de l’inconnu ; elle est souvent chargée d’incompréhension entraînant une attitude négative. Cette peur peut bloquer notre capacité de penser et peut entraîner un refus de voir les choses en face, de prendre des responsabilités, de s’informer. Au-delà du côté technique qui regarde le spécialiste, nous sommes tous concernés par l’impact de ces développements de la science sur notre vie, sur celle de nos enfants. Il faut remarquer cependant que la biotechnologie moderne ne fait qu’accélérer et contrôler des phénomènes naturels. Beaucoup de découvertes que les scientifiques s’adjugent ne sont qu’une copie de ce qui se passe dans la nature. Le génie génétique a des implications plus profondes puisqu’il introduit des modifications du matériel génétique (manipulations génétiques) qui peuvent avoir des effets sur plusieurs générations d’êtres vivants. Le chrétien doit réfléchir à ces sujets puisque tôt ou tard il sera confronté dans sa vie personnelle ou dans celle d’un proche à des nouveaux choix, conséquences du développement de ces sciences dans le domaine de la santé, tout particulièrement.


Sciences de la vie et foi.Salomon avec sa très grande intelligence reçue de Dieu a exploré jusqu’aux limites de tout ce qui concernait les sciences de la vie à son époque. Cela faisait partie de sa sagesse (I Rois 4.29-34)Job, de son côté, n’a admis la souveraineté de Dieu qu’après avoir reçu de Dieu une leçon magistrale sur les phénomènes et les manifestations de la vie (Job, chap. 39, 40, 41).


On fait une distinction entre lala biotechnologie classique,qui permet de tirer profit des processus métaboliques naturels des organismes les plus divers,et le génie génétique,qui applique des procédés biotechnologiques pour modifier l’information génétique d’une cellule (reprogrammation d’une cellule).


Qu’est-ce que la biotechnologie ?

Au sens large du terme, on entend par biotechnologie l’utilisation de microorganismes ainsi que de cellules végétales, animales ou humaines, pour la production de certaines substances à l’échelle industrielle.

Sans avoir de connaissances scientifiques des lois de la nature, l’être humain a, dès les temps les plus reculés, tiré profit des produits du métabolisme de microorganismes tels que les bactéries ou les champignons. Ainsi la fabrication du vin, de la bière, du fromage, du yogourt et du levain s’est toujours opérée à la faveur de processus de fermentation et de transformation de substances reposant sur la capacité de synthèse de microorganismes. La découverte et la mise à profit des microorganismes en médecine a conduit à des réussites révolutionnaires dans le domaine du traitement médicamenteux. Les premiers signes de cette évolution ont été la découverte de la pénicilline, produit d’une moisissure ayant des propriétés antimicrobiennes, par Alexandre Fleming en 1928/1929. Aujourd’hui, les antibiotiques constituent environ la moitié de tous les médicaments issus de la biotechnologie. Outre la production alimentaire et la médecine, les connaissances en biotechnologie ont également profité à l’agriculture (production de biogaz, par exemple) ainsi qu’aux techniques de protection de l’environnement (épuration des eaux, transformation de déchets et substances nocives en produits inoffensifs).

Qu’est-ce que le génie génétique ?

Depuis des temps immémoriaux, l’être humain s’est efforcé d’utiliser les végétaux et les animaux et de les façonner selon sa volonté pour assurer son bien-être. C’est ainsi qu’il a croisé les plantes de la nature et domestiqué les animaux sauvages. Des douzaines de races de chiens sont dérivées de leur ancêtre, le loup ; les graminées de la nature sont devenues des céréales productives et résistantes. Tout cela au gré de croisements et d’améliorations portant sur des siècles de sélection. Le génie génétique tend à accélérer ce développement en s’appliquant à modifier l’information génétique qui commande ces processus naturels.

On est parvenu aujourd’hui à modifier certaines parties du patrimoine génétique d’un organisme, spécifiquement et au-delà des limites d’une espèce déterminée, en transférant des gènes isolés ou en créant des séquences artificielles de l’information génétique. Ces progrès ont été possibles parce que les mécanismes moléculaires de l’hérédité et le rôle des gènes ont été élucidés dans une large mesure ces dernières décennies.

Le porteur de l’information génétique au sein d’une cellule d’un organisme est l’acide désoxyribonucléique (ADN) ; un gène est un élément d’information de l’ADN. Aujourd’hui, on peut modifier le patrimoine génétique de façon ciblée en faisant appel aux enzymes de restriction. Ce sont des enzymes qui reconnaissent des séquences ciblées de l’ADN et peuvent les sectionner. C’est pour cette raison aussi que ces enzymes ont été baptisés « ciseaux de l’ADN ». D’autres enzymes, les ligases, permettent de ressouder les séquences.

Dans la biotechnologie moderne, ces connaissances ont permis de réarranger les informations du code génétique d’une cellule au moyen de la « méthode de recombinaison de l’ADN » ou « recombinaison génétique » et de reprogrammer la synthèse de leurs protéines afin d’en faire une application industrielle. Cela vaut, par exemple, pour la production d’insuline utilisée par les diabétiques, ou d’interféron utile pour le traitement de certaines affections virales, de certains types de cancer, ou encore de la sclérose en plaques.

Qu’est-ce que la thérapie génétique?

Il s’agit d’une intervention dans le génome d’une cellule différenciée adulte. Certaines cellules seront prélevées dans l’organe malade ou défectueux. Ensuite le gène défectueux sera « réparé » en utilisant des techniques du génie génétique, et ces cellules génétiquement saines seront multipliées en dehors de l’organisme puis réimplantées, si possible directement dans le tissu défectueux. Ethiquement, cette approche ressemble à la transplantation d’organes. Elle n’entraîne pas une modification du patrimoine héréditaire, et par conséquent, ne touche pas à l’intégrité de la personnalité. La thérapie génétique a éveillé de grands espoirs pour corriger des maladies héréditaires. Le temps de cette euphorie a vite passé face aux résultats cliniques décevants. Par exemple, il n’y a toujours pas de possibilité de traiter par cette approche la maladie de la mucoviscidose dont le gène défectueux a été décrit en détail en 1989. C’est ce qui a déclenché l’intérêt actuel pour les cellules souches embryonnaires qui pourraient représenter une alternative à la thérapie génétique.

Défis éthiques


La fécondation in vitro oblige à définir quand la vie humaine commence.
La transplantation d’organe force à définir quand la vie humaine se termine.


Un médicament, produit de la biotechnologie moderne, la cyclosporine, est à la base de tout le développement de la transplantation d’organes qui a amélioré la qualité de vie d’un grand nombre de patients. Pensons à l’insuffisance rénale qui nécessite des transfusions régulières et pénibles. Il a fallu définir le moment de la mort avant de pouvoir légalement prélever des organes, pour que ce prélèvement n’entraîne pas la mort d’un être humain. Finalement, c’est la mort cérébrale qui a été choisie comme repère respectant la dignité humaine et l’interdiction de l’homicide.

La fécondation extracorporelle, ou fécondation in vitro, est un processus qui permet de reproduire à l’extérieur du corps humain ce qui se produit naturellement au moment de la conception d’un enfant. En principe, au moins trois ovules sont prélevés chez la femme, puis sont fécondés in vitro, et incubés jusqu’à la formation d’un embryon de plusieurs cellules. Un seul embryon est réimplanté chez la femme. Que faire avec les embryons en surplus ? A-t-on le droit de les éliminer ? Souvent ils ne sont même pas répertoriés. C’est à partir de tels embryons que des lignées de souches embryonnaires humaines ont été établies (voir plus bas).

Le génie génétique rend possible l’analyse du patrimoine génétique des embryons bien avant la naissance de l’enfant. Cette analyse permet de diagnostiquer des maladies qui affecteront l’enfant au moment de la naissance, ou même bien plus tard, dans sa vie d’adulte. Quelle attitude faut-il avoir face à cette médecine prédictive ? Le diagnostic prénatal peut être fait en vue d’une intervention thérapeutique qui sauvera la vie de l’enfant ; c’est le cas idéal. A l’opposé, et malheureusement, le diagnostic prénatal peut être fait en prévision d’un avortement, ce qui est totalement à rejeter.

Clonage

L’éventualité du clonage humain, lancée quand des chercheurs écossais créèrent la fameuse brebis Dolly née en 1997, a provoqué un intérêt mondial et beaucoup d’anxiété. Les horreurs de la science fiction semblaient à portée de main. Le terme clonage a pris un sens élargi alors qu’il servait traditionnellement à décrire différents processus pour dupliquer le matériel biologique.

Le terme « clone », qui vient d’un mot grec signifiant petite branche, a été utilisé pour la première fois dans son sens moderne il y a à peu près 100 ans pour décrire la reproduction d’une plante par la greffe d’une petite branche sur les racines d’une autre plante. Dans ce sens, les animaux domestiques, porcs et chiens, ou les plantes utiles, blé ou pomme de terre, vigne ou pommier, sont tous multipliés par clonage (espèces « améliorées »). Le clonage peut se produire naturellement dans la nature : les vrais jumeaux résultent d’un processus de clonage.

Pour les chercheurs, le clonage signifie copier des gènes et autres parties de chromosomes pour générer une quantité suffisante de matériel identique permettant son étude détaillée. Des cellules bactériennes ou de levure sont utilisées pour produire ce surplus de copies de molécules d’ADN. Les chercheurs peuvent aussi exploiter le processus naturel de la division cellulaire pour produire beaucoup de copies d’une même cellule. Il en résulte une lignée cellulaire composée de cellules dites clonées parce qu’ayant toutes la même constitution génétique.

Deux autres types de clonage produisent des animaux génétiquement identiques. Un des types consiste à séparer en plusieurs parties un embryon peu après la fertilisation de l’œuf par du sperme, alors qu’il n’est encore qu’une masse de cellules non différenciées, pour produire deux ou plusieurs embryons. Les organismes qui en résultent sont des jumeaux identiques (clones) contenant de l’ADN du père et de la mère. Ce phénomène peut se produire naturellement chez l’homme (vrais jumeaux). Nous y reviendrons plus loin. Dolly est le résultat d’un autre type de clonage qui produit un animal portant l’ADN d’un seul des parents. En d’autre termes, Dolly n’a eu qu’une mère et pas de père. Dans ce type de clonage, les scientifiques ont transféré le matériel génétique, c’est-à-dire le noyau, d’une cellule adulte et différenciée dans un œuf non fécondé dont le noyau avait été ôté. Cet œuf « reconstitué » a été ré-introduit dans une mère porteuse qui a donné naissance à Dolly.

L’identité des vrais jumeaux

Les vrais jumeaux sont de véritables clones humains qui résultent d’un clivage d’un embryon en formation, environ 10 jours après la conception. Sont-ils des individus identiques, tirés à deux ou plus exemplaires ? La réponse est non sans ambiguïté. Il y a plusieurs preuves scientifiques à cela en plus de la Bible qui affirme que chaque être humain est une créature unique et merveilleuse (Ps. 139.13-17) et qui a sa propre identité. Les vrais jumeaux, génétiquement identiques, peuvent être très différents à plusieurs égards. Quand un des jumeaux est diabétique, l’autre jumeau a seulement une chance sur trois de développer la maladie. Les fameux frères siamois Eng et Chang nés en 1811 ont développé des personnalités très différentes : l’un est devenu morose et alcoolique, tandis que l’autre était plutôt gai et abstinent. Les études sur les jumeaux génétiquement identiques ne permettent pas d’expliquer comment les gènes influencent la personnalité, l’intelligence ou les attitudes sociales. Ainsi l’identité d’un être humain ne réside pas uniquement dans son génome.

Qu’est-ce qu’une cellule souche ?

Sous le microscope, il n’y a rien qui distingue une cellule souche de la plupart des autres cellules. Cependant les cellules souches adultes sont très spéciales. Les cellules souches de la moelle osseuse sont à l’origine des différentes cellules du sang et du système immunitaire. Les cellules souches des tissus nerveux font de nouvelles cellules nerveuses. Les cellules souches de la peau vont créer de nouvelles cellules de la peau pour cicatriser une coupure. Elles sont constamment en action pour maintenir nos organes. Quelques cellules souches du système sanguin transplantées chez un patient malade du cancer et qui a subi une irradiation totale peuvent complètement restaurer le processus de formation de cellules du sang dans la moelle osseuse.

Les cellules souches embryonnaires sont pluripotentes, c’est-à-dire qu’elles sont capables de se différencier en cellules de n’importe quel tissu. Leur immortalité et leur rapide croissance en font des candidates de choix pour des thérapies nécessitant la réparation des tissus endommagés, par exemple lors d’un infarctus du myocarde. Cependant, elles produisent des tumeurs (tératomes) quand elles sont transplantées dans un organisme vivant, ce qui exclut leur usage thérapeutique. Elles ne sont présentes que dans les stades très précoces du développement embryonnaire, avant qu’elles se différencient en plusieurs types de cellules spécifiques. Elles apparaissent 4 ou 5 jours après la fertilisation, alors que l’embryon représente une masse d’environ 200 cellules appelée blastocyste. La récolte de ces cellules détruit le blastocyste. Et c’est là que, quand il s’agit de l’être humain, la science et l’éthique sont confrontées à un profond dilemme.

Est-ce que l’embryon mérite d’être protégé ?

Quand l’embryon devient-il un être humain ? Au moment de la conception? au moment où le système nerveux se forme? à la naissance ? Ce débat semble se limiter à la définition d’un être humain. Mais attention à la manière de poser la question ! A partir des cellules reproductrices ne peut se développer qu’une vie humaine. L’oeuf humain fécondé n’est pas un être humain en devenir, mais un être humain en développement. Il y a une continuité. Dans le domaine de la recherche, l’embryon est considéré légalement comme un objet pendant les premiers jours de son développement. Dans le domaine médical, l’avortement légalisé a repoussé les limites un peu plus loin. Le chrétien voit les choses complètement différemment puisqu’il se sait créé à l’image de Dieu (Gen 1.26), connu de Dieu avant sa naissance (Ps 139.13ss ; 22.11), aimé de Dieu, qui a un plan pour sa vie (Jér 1.5). Apprenons à respecter la vie avec intelligence, et à voir en chacun de nous une créature unique, une personne aimée du grand Dieu Créateur.


Le roi David l’a dit en s’adressant à Dieu : « Quand je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient » (Ps 139.16)


Glossaire

Chromosomes : porteurs de l’information génétique dans le noyau cellulaire. Sa principale composante est l’ADN.
Enzymes : protéines jouant le rôle de catalyseur des processus métaboliques au sein des cellules des organismes vivants.
Génome : ensemble des gènes d’un organisme vivant.
In vitro : expérience faite en éprouvette.
Molécule : la plus petite quantité d’une substance à l’état libre ; se compose d’une combinaison d’atomes.

 

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Horisberger Michel A.
L’auteur de cet article est marié et père de quatre enfants adultes. Après de études en biologie aux universités de Neuchâtel, Lausanne, et Harvard à Boston (USA), il travaillera plus de 25 ans dans la recherche pharmaceutique à Bâle dans le domaine de la biologie cellulaire et moléculaire. Il est co-fondateur de la Biotech Ovagen AG. Michel A. Horisberger est ancien dans une église évangélique à Bâle.