Ces querelles qui déchirent les saints
Sébastien Théret, Frédéric Mondin
« Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde que vous ne soyez détruits les uns par les autres. » (Gal 5.14-15)
Nos frères galates se comparaient, se défiant ou se jalousant tour à tour (5.26). Empêtrés dans les méandres charnels de leur fausse spiritualité, ils se détournaient de la grâce de Christ (5.4) pour ne plus adorer Dieu, mais leur propre ego : « Ce n’est que de l’orgueil que vient la querelle » (Pr 13.10a ; cf. Pr 28.25).
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 13.34). Quel paradoxe : Jésus commande l’amour alors qu’il va subir le calvaire de la croix à cause de la dureté des hommes !
Il nous le répète aujourd’hui : « À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jean 13.35). Les querelles ne viennent pas de cours purifiés par Christ. Pire, elles ternissent tragiquement l’éclat de grâce de notre témoignage chrétien.
Un enfant de Dieu irrité mesure rarement la gravité de ses propos ou de ses actes. Les Galates en arrivaient à « se mordre » : ils laissaient des traces tenaces de férocité dans leurs relations ! La morsure inocule alors son poison dans l’Église. La discorde répand son venin jusqu’à causer de durables divisions entre amis : « Un frère offensé est plus difficile à gagner qu’une ville forte, et les querelles sont comme les verrous d’un palais. » (Pr 18.19) Combien d’efforts patients pour conquérir une ville forte ou briser un verrou royal ?. Combien de temps pour guérir une amitié brisée ? Combien d’années pour défendre un christianisme discrédité par le péché d’un chrétien ? Combien de siècles pour reconquérir le renom de Christ perdu par de meurtrières querelles de religion ?
Opposons à la colère qui monte notre identité en Christ. « L’homme violent excite la querelle, mais celui qui est lent à la colère apaise la dispute. » (Pr 15.18) Le violent est dominé par sa nature pécheresse (la chair), mais celui qui est lent à la colère reflète le caractère et la justice de Dieu (Ex 34.6). « Ainsi, mes frères bien-aimés, que tout homme soit […] lent à la colère ; car la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu. » (Jac 1.19-20)
Les Douze ont côtoyé trois années le meilleur maître, mais ils passent leur temps à se comparer (Marc 9.33-34). La nuit où il sera livré en sacrifice, le Seigneur a besoin de leur soutien. Il vient d’instaurer la cène, moment poignant. Mais ils se mettent encore à se quereller « pour savoir lequel d’entre eux serait estimé le plus grand. » (Luc 22.24)
Que fait Jésus ? Bon, doux et bienveillant, le plus grand maître que la terre ait jamais porté leur enseigne patiemment les valeurs de son royaume. Non pas celles de la soif de pouvoir, mais celles de l’amour qui s’abaisse jusqu’à prendre la dernière place pour élever son prochain (Luc 22.25-27).
Les Douze, les Galates, de grands serviteurs dans l’histoire, ont tous été tentés de se comparer, de se « battre » pour être reconnus comme le plus important, le plus pieux, le plus fidèle, le plus près du Seigneur et de la vérité. La piété de ces hommes s’est subtilement séparée de Christ (5.4) pour tendre vers un légalisme caché. Celle où ils croient pouvoir jauger leur spiritualité – et celle des autres ! – sur des critères tout humains : rites, paroles, actes « convenables ». La réponse de Christ ne change pas : « Demeurez en moi » et vous porterez le fruit de la seule spiritualité vraiment vivante (Jean 15.4 ; Ps 37.4).
Le modèle d’humilité laissé par Christ à ses disciples (Jean 13 ; Marc 10.45) nous place devant un choix : l’amour qui édifie (1 Cor 13.5) ou le choc des volontés (1 Timothée 1.4 ; 6.4-5 ; 2 Tim 2.14 ; Tite 3.9). Servir ses propres intérêts, c’est arroser le terrain fertile aux vaines disputes qui perdent les hommes (1 Cor 10.24 ; Phil 2.21). Les talents gâchés ne font pas avancer le Royaume (Mat 25.24-29).
Les querelles sont un fruit de la chair (Gal 5.20), et ceux qui s’y engagent sont disqualifiés par Dieu pour enseigner (1 Tim 3.3). Les charnels marchent à la manière de ce monde où la jalousie et ses mesquineries sont monnaie courante (1 Cor 3.3 ; Jac 3.14,16). Or, ce qui nous est demandé, c’est d’être doux et honnêtes, non pas laxistes quant au mal, mais fuyant la querelle (Tite 3.2). Afin que les hommes lisent en nous la lettre d’amour de Dieu pour eux (Rom 13.13 ; 2 Cor 3.2).
Ô Galates insensés. Ô chrétiens insensés que nous sommes lorsque nous nous laissons conduire par la chair plutôt que par l’Esprit ! Le triste exemple des Galates nous avertit. Occupés à soigner leur degré de sainteté, ils se rendaient esclaves de préceptes sans force, et se comparaient sans cesse. Or, se comparer – pour se trouver nul ou super-spirituel – c’est risquer des affrontements qui n’honorent pas le maître. N’est-il pas extrêmement affligeant que des enfants du Dieu d’amour puissent en arriver à se déchirer et à se détruire de la sorte ?
À ceux qui recherchent une élévation spirituelle en obéissant à des préceptes moraux ou religieux, le doux Évangile de la grâce réplique que celui qui se cramponne à l’amour de Christ pour le répandre accomplit alors la loi tout entière (Gal 5.14 ; Rom 13.8-10). De la grâce seule découle la vraie paix (Gal 1.3 ; 5.22). La paix et non la discorde ! Voici ce qui caractérise les bienheureux enfants de Dieu (Mat 5.9). La désirez-vous plus que tout ? Dieu vous en rend responsable. Mais il ne vous laisse pas seul. Laissez-vous conduire par l’Esprit et vous accomplirez son ouvre de grâce et de paix.