Dossier: Quelles spiritualités
Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page

Chrétien spirituel, chrétien charnel (1 Corinthiens 3.1-4)

Le contexte

Paul pose les fondements de la 1re Épître aux Corinthiens dans les neuf premiers versets du chapitre 1. Il suppose que ses lecteurs sont de vrais saints ; par conséquent, il rend grâces à Dieu, parce qu’il sait que Dieu a abondamment pourvu à leur salut, leur sanctification et leur glorification future. La confiance de Paul n’est pas dans les Corinthiens, mais dans le Dieu qui les a sauvés et qui les perfectionnera (1.4-9).
Or les saints à Corinthe tendaient à mépriser Paul (et les autres apôtres) et le message évangélique en le trouvant simpliste (Christ crucifié) et proclamé d’une manière peu attractive. Les Corinthiens s’étaient détournés de Paul et de son genre de prédication pour aller vers d’autres prédicateurs, dont la « sagesse » et la « puissance » étaient de leur monde. Leur excuse était que Paul n’était pas au niveau de l’élite culturelle.
Paul va surprendre les Corinthiens au chapitre 3. Pensent-ils que Paul est le problème ? Ils ont tort ! Le problème est chez eux : ils ne sont pas des chrétiens matures (2.6). Si Paul ne peut pas leur dire des paroles de sagesse, c’est parce qu’ils sont « charnels ».

Est-il légitime de parler de « chrétien charnel » ?

Paul vient de diviser le monde (2.14-16) en deux groupes : ceux qui sont « spirituels » (sauvés, qui possèdent l’Esprit) et ceux qui sont « naturels » (non sauvés, et donc qui n’ont pas l’Esprit). Il parle maintenant de trois catégories (3.1-4) : sauvés et spirituels, sauvés et charnels, et non sauvés.
L’idéal serait que tous les chrétiens soient « spirituels ». Chaque chrétien est habité par l’Esprit Saint, et chaque chrétien devrait marcher par l’Esprit. Mais parmi ceux en qui l’Esprit habite, certains ne vivent pas en accord avec qui ils sont.
L’expérience du « chrétien charnel » n’est pas si éloignée de l’expérience du « chrétien spirituel ». Tous deux luttent contre les attraits de la chair et expérimentent qu’elle est opposée à l’Esprit (cf. Gal 5.16). La différence entre les deux est que le chrétien charnel est en train de perdre la bataille, tandis que le chrétien spirituel, par la grâce de Dieu, résiste victorieusement.

Caractéristiques d’un chrétien charnel

Pour moi, frères, ce n’est pas comme à des hommes spirituels que j’ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ. Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter ; et vous ne le pouvez pas même à présent, parce que vous êtes encore charnels. En effet, puisqu’il y a parmi vous de la jalousie et des disputes, n’êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l’homme ? Quand l’un dit : Moi, je suis de Paul ! et un autre : Moi, d’Apollos ! n’êtes-vous pas des hommes ? (1 Cor 3.1-4)

1. La pensée et les actions du chrétien charnel sont inspirées par la chair

Inversement, le chrétien spirituel est le saint dont les attitudes, les pensées et les actions sont influencées par le Saint-Esprit. Le chrétien charnel possède bien l’Esprit, mais il choisit de suivre les incitations de la chair.

2. Le chrétien charnel et l’homme « naturel » sont parfois difficiles à distinguer

Parce que le chrétien charnel vit selon la chair, il peut parfois être difficile de le distinguer de l’homme « naturel » non sauvé, qui lui aussi pense et marche selon la chair.
La différence entre les deux est que le chrétien charnel a les moyens de vivre une vie de piété, tandis que l’homme naturel ne le peut pas. Le premier est sauvé et va au ciel, tandis que le second est perdu et condamné à une éternité en dehors de Dieu.

3. Les chrétiens charnels sont des bébés

Quand Paul vint pour la première fois à Corinthe, il annonça la base de l’Évangile à des païens, des « hommes naturels », c’est-à-dire des incroyants, qui ne possédaient pas l’Esprit. Mais, même après leur conversion, Paul a encore dû parler aux Corinthiens comme à des enfants, comme s’ils étaient de tout nouveaux croyants. Tout au long de 1 Corinthiens, nous trouvons des caractéristiques de leur immaturité.
Tout comme les bébés ou les petits enfants, les Corinthiens avaient besoin de grandir, ils étaient dépendants des autres, étaient égocentriques, se disputaient.

4. Les chrétiens charnels ne grandissent jamais

Soyons prudents lorsque nous parlons des nouveaux convertis : ils ont leurs faiblesses, mais aussi leurs forces. Des chrétiens de fraîche date nous en remontrent souvent par leur zèle pour les perdus, par l’audace avec laquelle ils partagent leur nouvelle foi, par leur faim de la Parole.
Paul ne critique pas les Corinthiens pour leur immaturité après leur conversion, mais parce qu’ils sont restés des enfants. Ils n’ont pas grandi et mûri en servant les saints. Sur le plan physique, la croissance est normale et naturelle — il est tragique pour un enfant de ne pas grandir. Sur le plan spirituel, on s’attend aussi à voir une croissance ; si elle ne se produit pas, c’est anormal. Rester immature est un péché. Les Corinthiens sont coupables de cette maladie.

5. Les chrétiens charnels sont « faiblards dans la Parole »

Les chrétiens de Corinthe n’étaient capables que de prendre du « lait », pas de la « viande ». Paul ne précise pas ce qu’il entend par ces images, mais l’auteur de l’Épître aux Hébreux le fait : « Quiconque en est au lait n’a pas l’expérience de la parole de justice ; car il est un enfant. Mais la nourriture solide est pour les hommes faits, pour ceux dont le jugement est exercé par l’usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal. C’est pourquoi, laissant les éléments de la parole de Christ, tendons à ce qui est parfait, sans poser de nouveau le fondement du renoncement aux œuvres mortes, de la foi en Dieu, de la doctrine des baptêmes, de l’imposition des mains, de la résurrection des morts, et du jugement éternel. » (Héb 5.13-6.2). Selon ce texte, le « lait » serait les vérités élémentaires nécessaires au salut et aux premiers pas dans la marche par l’Esprit. Quand le chrétien passe du « lait » à la « viande », il ne passe pas du « Christ crucifié » à des « vérités plus profondes ». Il passe d’une compréhension de base de la signification du Christ crucifié à une compréhension plus profonde du Christ, de l’Évangile et de ses implications pour la vie de piété.
Dit simplement, le « lait » comme la nourriture solide (la « viande »), est la Parole de Dieu, centrée sur le Christ crucifié. Les chrétiens charnels du temps de Paul méprisent la doctrine, comme ils le font de nos jours. Ils ne veulent pas d’un régime qui nécessite de l’étude, un travail acharné et de la réflexion. Il existe dans la communauté chrétienne un « marché » très important pour les gourous chrétiens qui nous prémâchent la vérité et nous disent ensuite exactement comment tout faire. Les livres sur le mariage chrétien, l’éducation des enfants, les problèmes d’argent sont innombrables. Non que tous ces livres soient faux (même si certains le sont) ; mais ils nous empêchent parfois de penser par nous-mêmes. Notre but dans l’éducation est de fournir aux gens les outils, les méthodes et la motivation pour apprendre par eux-mêmes. Nous ne sommes jamais complétement indépendants des autres et nous ne devrions pas l’être non plus ; mais, à mesure que nous grandissons dans la Parole, nous devrions devenir moins dépendants. En ce sens, le « lait » est ce qui a été produit par quelqu’un d’autre ; le bébé vit de ce que la mère a produit. La nourriture solide est celle que nous devrons obtenir par nous-mêmes. La pléthore de livres, de vidéos, de conférences, etc., peut être une bénédiction ou une malédiction pour nous, selon qu’ils nous aident à apprendre la vérité dans les Écritures ou qu’ils nous donnent une excuse pour ne pas chercher la vérité par nous-mêmes.

6. Les chrétiens charnels sont ceux qui se considèrent comme spirituels

Il me semble qu’il y a une catégorie que nous pouvons à juste titre désigner comme chrétien « charnel ». Ce n’est pas la personne qui a fait une profession de foi et qui n’a rien montré depuis. Le chrétien charnel est la personne que nous considérons comme spirituelle — et aussi celle qui se considère elle-même comme spirituelle.
En parlant de chrétien « charnel », Paul ne pense pas à quelqu’un qui a fait profession de foi, qui a continué pendant un certain temps à vivre de façon chrétienne, puis qui est revenu à un mode de vie indiscernable à tous points de vue de celui du monde. Après tout, ces croyants corinthiens se réunissent pour le culte (ch. 14), ils invoquent le nom du Seigneur Jésus-Christ (1.2), ils sont extraordinairement dotés de dons spirituels (1.5,7, ch. 12 à 14), ils se débattent avec des questions théologiques et éthiques (ch. 8 à 10), et ils sont en contact avec l’apôtre dont le ministère les a amenés au Seigneur. Loin d’être vendus au monde, à la chair et au diable, ils poursuivent une expérience spirituelle, même si c’est parfois de façon peu sage.
Comment se peut-il que ceux qui se considèrent comme « spirituels » et que d’autres considèrent comme « spirituels » soient ceux que Dieu désigne comme « charnels » ? Parce que nos critères pour juger la spiritualité de quelqu’un sont mauvais. Notre jugement est basé sur les actes extérieurs, sur les apparences de la spiritualité. Mais Jésus a mis en garde contre de tels jugements : « Vous, vous cherchez à paraître justes devant les hommes, mais Dieu connaît vos cœurs ; car ce qui est élevé parmi les hommes est une abomination devant Dieu. » (Luc 16.15) Les « faux prophètes », contre lesquels Jésus a averti, ont accompli des œuvres très impressionnantes, et pourtant Jésus les appelle ceux qui commettent l’iniquité (Mat 7.15-23).
S’adressant à des chrétiens « charnels », l’auteur de l’Épître indique que leur immaturité est due à leur manque d’utilisation de la Parole, tandis que les chrétiens matures discernent entre le bien et le mal grâce à leurs connaissances bibliques (Héb 5.14).
Des personnes apparemment spirituelles peuvent s’agiter frénétiquement dans l’église et en faire des tonnes pour donner honte aux autres, alors qu’en réalité leurs œuvres sont charnelles. Le chrétien « charnel » peut même dévoyer ses dons spirituels en les employant de manière égoïste et pour sa propre gloire. Être charnel n’est pas manquer de « bonnes œuvres », mais manquer de l’action de l’Esprit dans ces « bonnes œuvres ».
Pour les Corinthiens, cela dut être un choc de recevoir cette lettre de Paul. L’apôtre ira plus loin : les Corinthiens charnels ne sont pas seulement ceux qui sont considérés comme spirituels et qui se croient spirituels ; ils sont aussi ceux qui ont l’audace de prétendre que Paul et ses compagnons apôtres sont « charnels » (cf. 2 Cor 10.1-3) !

Conclusion

Les chrétiens charnels sont des croyants en Jésus-Christ dont la pensée et les actions sont enracinées dans la chair plutôt que dans l’Esprit. Les chrétiens « spirituels » sont ceux qui mortifient la chair et marchent (quoique imparfaitement) selon les incitations et la puissance du Saint-Esprit. Les chrétiens charnels ne maîtrisent pas les Écritures (cf. 2 Cor 2.14-16), alors que les chrétiens spirituels cherchent à sonder les profondeurs de la sagesse de Dieu révélée dans sa Parole sous l’action du Saint-Esprit et, de plus, ils cherchent à appliquer les enseignements des Écritures à travers la puissance de l’Esprit.
Le salut est un changement radical. Ce n’est pas simplement « inviter le Christ dans notre vie ». C’est un changement de la mort à la vie, de l’obscurité à la lumière. Il s’accompagne d’un repentir ; il transforme la vie, les valeurs et les pensées. Certains changements sont instantanés lors de la conversion, mais de nombreux autres se produisent au cours du processus de sanctification qui dure toute la vie, processus par lequel nous sommes transformés en l’image et la ressemblance du Christ.
Le chrétien « charnel », lui, résiste à ce changement. Bien qu’il ait tout ce qui est nécessaire à la croissance de sa piété, il ne parvient pas à s’approprier ces ressources et, ce faisant, il devient charnel. Avec le temps, il perd non seulement son appétit pour la Parole, mais il commence à chercher sa nourriture spirituelle dans le puits de la « sagesse du monde » — ce qui n’est pas étonnant, puisque cette sagesse est aimable pour la chair. La croix de Christ exige la mortification et non l’indulgence de la chair.
Paul a donné en 1 Corinthiens 2 les deux clefs de la vie spirituelle : l’action de la Parole de Dieu et de l’Esprit de Dieu. Combien avons-nous besoin de grandir en tant que chrétiens et de devenir de plus en plus dépendants de la Parole de Dieu et de son Esprit !
La spiritualité ne s’apprécie pas sur la base de ce qui se voit à l’extérieur, mais sur la base du travail de l’Esprit dans la vie de l’individu. Comme Paul le dira plus loin (1 Cor 4.1-6), la spiritualité n’est pas vraiment quelque chose que nous pouvons juger, mais quelque chose que nous devons laisser à Dieu. Ne nous préoccupons pas tant de la chair chez les autres, que de la chair dans nos propres vies.

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page
Dossier : Quelles spiritualités
 

Deffinbaugh Bob
Bob Deffinbaugh est diplômé du Dallas Theological Seminary. Il a un ministère pastoral et d’enseignement, oral et écrit, en particulier à travers le site www.bible.org. L’article a été traduit et adapté à partir de ce site, avec l’aimable autorisation de ses responsables.