Dossier: 1 et 2 Pierre
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Christ et les esprits en prison (1 Pierre 3.17- 4.2)

17 Car il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal. 18 Christ aussi a souffert une fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu ; il a été mis à mort quant à la chair, et rendu vivant quant à l’Esprit, 19dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison, 20qui autrefois avaient été incrédules, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours de Noé, pendant la construction de l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est-à-dire huit, furent sauvées à travers l’eau. 21Cette eau était une figure du baptême, qui n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, et qui maintenant vous sauve, vous aussi, par la résurrection de Jésus-Christ ; 22il est à la droite de Dieu, depuis qu’il est allé au ciel, et que les anges, les autorités et les puissances lui ont été soumis. 4.1 Ainsi donc, Christ ayant souffert dans la chair, vous aussi armez-vous de la même pensée. Car celui qui a souffert dans la chair en a fini avec le péché, 2afin de vivre, non plus selon les convoitises des hommes, mais selon la volonté de Dieu, pendant le temps qui lui reste à vivre dans la chair. (1 Pierre 3.17- 4.2)

Dans ce texte, Pierre montre à ses lecteurs que Christ les a devancés dans le chemin difficile du témoignage face à un monde hostile. Ce faisant, il donne un des résumés les plus riches du N.T. sur le sens de la croix de Jésus Christ. Le seul juste a souffert une fois pour les péchés. Par la souffrance que lui infligeaient ses adversaires, il a porté les péchés des hommes et leur a ouvert la porte du salut. La mort de Christ ne l’a pas anéanti, pas plus qu’elle ne détruira le croyant. Christ ressuscité est vainqueur, et ceux qui se confient en lui partageront sa victoire.

Ce texte est un des plus difficiles à comprendre de tout le N.T., alors qu’il ne devait certainement pas poser aux lecteurs de l’Épître les difficultés de compréhension que nous rencontrons.

Que dit le texte ? Le verset 18 résume l’œuvre de Christ à la croix.

Le verset 19 est difficile et pose plusieurs questions :

– Où le Christ est-il allé « prêcher » ? Le texte ne le précise pas.

– Quel est le sens de « prêcher » ? Est-ce simplement annoncer l’évangile ou bien proclamer la victoire (autre sens du mot) ?

– Qui sont ces « esprits » ? Des âmes d’humains ou bien, comme presque toujours dans le N.T. quand il est au pluriel, des êtres spirituels angéliques ou démoniaques ?

– Pourquoi, au verset 20, Pierre renvoie-t-il à l’époque de Noé et à la crise de Genèse 6.1-8 ?

Ces versets ont donné lieu à plusieurs interprétations et aucune n’est pleinement satisfaisante. En voici trois :

  • La première est avancée par Origène et d’autres. Jésus serait allé dans le séjour des morts « prêcher » aux esprits qui avaient péri lors du déluge. Il leur aurait offert une deuxième chance de salut. Cette lecture, retenue par les catholiques, n’est pas biblique puisque de nombreux textes de l’A.T. et du N.T. affirment que le sort de chacun est définitivement scellé à la mort (cf. Héb 9.27).
  • Augustin a suggéré une autre lecture, reprise avec des variantes par beaucoup de commentateurs. La prédication de Christ a été faite en réalité par Noé. Comme le dit Pierre au début de l’Épître à propos des prophètes : « l’Esprit de Christ qui était en eux rendait témoignage par avance… ». Ceux qui entendaient le jugement annoncé par Noé étaient dans une prison spirituelle. Ils ont refusé d’entrer dans l’arche et ont été condamnés. Cette lecture a le grand mérite de la simplicité. Mais le temps du verbe « prêcher » semble indiquer un fait unique et non une prédication étalée dans le temps (or celle de Noé a duré 120 ans !) et elle ignore la structure en chiasme de 1 Pierre 3.17 à 4.2 (cf. annexe).
  • La troisième proposition voit dans les « fils des dieux » de Genèse 6 des princes possédés par des démons qui les poussent à s’unir aux « filles des hommes ». En remontant au ciel, Christ a proclamé sa victoire à ces princes-démons emprisonnés dans l’attente du jugement. Cette lecture repose sur plusieurs arguments, mais elle n’est pas exempte de critiques. Elle apparaît un peu « tirée par les cheveux ». Le livre de 1 Enoch (livre apocryphe, non retenu dans le canon), cité par Jude 6, privilégie cette interprétation. La structure du texte de 1 Pierre, à laquelle peu ont prêté attention, semble aussi la favoriser.

En effet, la péricope qui va de 3.17 à 4.2 est construite sous forme de chiasme. Les mots du texte biblique mis en gras marquent les correspondances entre les parties A et A’, B et B’, C et C’ :

A     17 Car il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien, qu’en faisant le mal. 18 Christ aussi a souffert une fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu ; il a été mis à mort quant à la chair, et rendu vivant quant à l’Esprit,

B     19 dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison,

C     20 qui autrefois avaient été incrédules, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours de Noé, pendant la construction de l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est-à-dire huit, furent sauvées à travers l’eau.

C’    21 Cette eau était une figure du baptême, qui n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, et qui maintenant vous sauve, vous aussi, par la résurrection de Jésus Christ ;

B’    22 il est à la droite de Dieu, depuis qu’il est allé au ciel, et que les anges, les autorités et les puissances lui ont été soumis.

A’   4.1 Ainsi donc, Christ ayant souffert dans la chair, vous aussi, armez-vous de la même pensée. Car celui qui a souffert dans la chair en a fini avec le péché, 2 afin de vivre, non plus selon les convoitises des hommes, mais selon la volonté de Dieu pendant le temps qui lui reste à vivre dans la chair.

Si l’on retient cette structure, les « esprits en prison » (3.19) correspondent aux « anges, autorités et puissances » (3.22), qui sont manifestement des êtres angéliques. La prédication de Christ serait donc une proclamation par le fait de son exaltation.

* * *

Quelle que soit l’interprétation retenue, il importe davantage de savoir pourquoi Pierre prend cet exemple et quel est le rapport avec les destinataires de la lettre.

Comme Noé, ces chrétiens sont une minorité persécutée par la majorité soumise à des esprits désobéissants. Mais la proclamation du triomphe de Christ et le rappel du récit du déluge où un petit nombre a été délivré est de nature à encourager ces croyants. L’œuvre de Christ est « l’arche » qui leur permettra de traverser le jugement qui attend ce monde et d’arriver à bon port.

Pierre affirme que ces croyants sont sauvés de la même façon que Noé, c’est-à-dire à travers l’eau, ici celle du baptême1. Pierre précise que le baptême ne consiste pas en un lavage qui sauverait, car l’eau n’a pas de vertu magique. Le salut ne vient pas du baptême, mais de la foi en Jésus Christ ressuscité.

Au v. 22, Pierre ajoute trois points :
– Christ est à la droite de Dieu (Ps 110.1) ;
– il est monté au ciel (Act 1.10) ;
– il règne sur les anges, les autorités et les puissances.
Les affaires du monde sont encore temporairement contrôlées par différentes forces spirituelles, soumises à Satan. Mais Christ a triomphé de ces puissances et il ne reste plus qu’à les soumettre définitivement.

Au début du ch. 4, Pierre revient à l’impératif : « Armez-vous de la même pensée… » Par le baptême, les lecteurs de Pierre — et nous à leur suite —sont identifiés à Christ dans sa mort, et ont rompu avec l’esclavage du péché. Ils peuvent mener maintenant une vie soumise à la volonté de Dieu et goûter le repos de la vie nouvelle.

 

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  1. Le baptême est ici un « antitype », une « réplique », une « figure », une
    « image », selon les traductions du mot dans les diverses versions. 
Argaud Daniel
Daniel Argaud est historien de formation et a enseigné l’histoire au lycée. Il est actif dans son église locale et a été à l’origine de la série Sondez les Écritures, pour laquelle il a rédigé les commentaires de Luc, du Lévitique et d’Esther. Il s’implique dans l’enseignement biblique, dans son église et par internet.