Dossier: Interpréter l'Écriture
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Comment interpréter les textes narratifs et prophétiques de l’A.T. ?

Une des richesses de la Bible est de contenir des genres littéraires très différents qui nous permettent d’aborder la révélation de Dieu sous des approches variées. Chaque genre a ses propres règles d’interprétation. Deux d’entre eux, largement présents dans l’A.T., sont particulièrement délicats à interpréter. Cet article vise à donner très simplement quelques principes d’interprétation pour chacun de ces genres.

Le genre narratif

Une définition

Le genre narratif recouvre des récits de faits, d’actions, de personnages, d’événements. Nous y voyons les humains agir, parfois aussi Dieu agir. Il s’agit d’une sorte de reportage, souvent sans évaluation de la situation décrite.
Le genre narratif recouvre une grande partie de la Bible. Parfois il concerne un livre tout entier (1-2 Samuel, Esther,…), ou parfois seulement certaines sections (Exode, Jonas, les Évangiles,…).

Quelques principes d’interprétation à retenir

1. Ne pas allégoriser les histoires bibliques
Allégoriser serait considérer que chaque détail du récit correspond à une interprétation spirituelle. Par exemple, j’ai entendu quelqu’un dire que l’arche de Noé représentait l’Église, malmenée par les flots du monde, mais qui, finalement, échapperait aux dangers et que le bitume dont l’arche était enduite était le Saint-Esprit ! L’allégorisation n’est rien de plus que la projection de notre imagination.

2. Ne pas moraliser les histoires bibliques
Certains messages sur David ou Abraham tirent essentiellement des leçons morales de leurs vies.
Il faut se souvenir que Jésus est le seul héros de la Bible ; tous les autres « héros » de la Bible sont des pécheurs ! Il s’agit avant tout de comprendre la manière dont Dieu travaillait avec eux pour en tirer des leçons — même si, à l’occasion, ces personnes sont explicitement présentées en exemple et qu’il est aussi possible de tirer de leurs vies quelques exhortations pour notre manière de vivre.

3. Savoir qu’une histoire n’est pas nécessairement un exemple
Un fait rapporté dans l’Écriture n’est pas forcément normatif pour ma vie. Par exemple, le vœu peu sage de Jephthé ne doit pas nous conduire à dire : il faut accomplir ses vœux même s’ils sont erronés [NDLR : Pour une autre compréhension du récit de Jephthé, voir Daniel Arnold, Le livre des Juges, Emmaüs, 2015.] .
La Bible rapporte le fait sans porter de jugement ; il faut l’apport des autres textes de l’Écriture pour juger si telle action est à imiter ou non.

4. Noter qu’un récit nous rapporte ce que Dieu a fait, mais pas nécessairement ce qu’il fera
Dieu a permis à Élie de faire descendre le feu du ciel.
Peut-il encore le faire ? Certainement ! Mais veut-il le faire systématiquement ? Absolument pas ! Dieu a fait venir le déluge et a toujours la capacité de le faire, mais il a lui-même dit qu’il ne le ferait plus jamais. On ne peut donc pas prendre un récit de l’Écriture pour l’ériger en norme.

5. Rechercher en quoi un récit contribue au but général d’un livre biblique
C’est souvent dans cette perspective que se révèle le sens d’une histoire. Par exemple, le livre d’Esther démontre comment Dieu règne à travers des hommes et des femmes bien imparfaits. Or la moralisation à outrance de la reine Esther ne rend pas justice à son personnage. De plus, ce livre se lit aussi en contraste avec la délivrance que Dieu va finalement opérer au travers d’un Sauveur qui, lui, est parfait.

Le genre prophétique

Une définition

Le genre prophétique désigne un message délivré par un prophète. Celui-ci est un messager qui « parle devant » : devant Dieu et devant les humains qu’il exhorte à respecter l’alliance que Dieu a conclue avec son peuple. Il dénonce, met en garde, avertit, condamne, console ou annonce le futur.
Le genre prophétique couvre les livres des prophètes, d’Ésaïe à Malachie, en plus de textes plus épars au sein d’autres livres.
C’est aussi un genre à propos duquel il existe une grande variété d’interprétations parmi les chrétiens.

Quelques principes d’interprétation à retenir

1. Intégrer le prophète dans la grande histoire de l’Ancien Testament 
Pour le comprendre, il est nécessaire de situer le prophète chronologiquement. Vers -2000 environ, Dieu conclut une alliance avec Abraham au travers duquel il bénira tous les peuples de la terre. Cette alliance se précise au fil des siècles et, vers -1500, Dieu donne par Moïse la loi au peuple descendant d’Abraham. Cette loi démontre le péché et l’incapacité du peuple d’Israël à y obéir. Dieu va donc continuer à se révéler et, vers -1000, un roi, David, est établi pour orienter la nation ; Dieu établit avec lui une nouvelle alliance dynastique qui pointe vers le Messie, qui sera Jésus-Christ. La désobéissance du peuple conduit à une déportation en deux temps (-722 et -586), avant un retour partiel de Juda sur sa terre.

2. Connaître le contexte historique immédiat
Le prophète parle-t-il au royaume du nord ou du sud ? Quelle est l’histoire récente du peuple ? Quel est le roi en place ? Est-il fidèle ou non ? Quelle est la menace qui guette ? Quelles sont les guerres récentes ou proches ?

3. Garder le schéma cyclique global : péché – déshonneur – rédemption – honneur
Ce schéma se répète tout au long de l’A.T. Il préfigure une libération en deux étapes : tout d’abord, dans la personne de Jésus-Christ qui résoudra le problème du péché et finalement dans le royaume éternel qui établira une société sans plus de corruption.
Les prophètes annoncent un changement intérieur personnel par le Messie et un rétablissement final qui touchera non seulement l’individu mais toute la société de ceux qui auront fait confiance à Christ et qui vivront dans une harmonie d’amour inconnue jusque-là.

4. Intégrer les réalisations successives
Une image est souvent donnée pour illustrer le genre prophétique, celle d’une vue d’une chaîne de montagnes : deux sommets semblent être proches l’un de l’autre, mais arrivé en haut du premier, on se rend compte qu’une grande vallée le sépare du second. Les prophéties sont souvent ainsi : elles annoncent une première délivrance, puis une ultime délivrance sans qu’on perçoive à la lecture qu’entre les deux peut se dérouler un grand laps de temps. L’accomplissement de ce que le prophète promet peut être en partie proche, en partie distant et en partie très distant. Il est important de ne pas limiter le texte à une seule réalisation.

5. Être conscient que l’interprétation d’une prophétie spécifique sera souvent orientée par nos options de théologique systématique
Par exemple, certains vont comprendre Ésaïe 11 comme se référant symboliquement à la période de l’Église, d’autres littéralement au règne de Christ pendant le millénium et d’autres encore comme faisant allusion à l’éternité. Cherchons avant tout à retenir l’enseignement propre de chaque section des prophètes sans vouloir immédiatement la situer dans notre schéma prophétique d’ensemble.

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Varak Florent
Florent Varak est pasteur, auteur de nombreux livres. Il est aussi conférencier, et professeur d’homilétique à l’Institut biblique de Genève. Il est le directeur international du développement des Églises au sein de la mission Encompass liée aux églises Charis France. Il est marié avec Lori et ont trois enfants adultes ainsi que quatre petits-enfants.