Dossier: Interpréter l'Écriture
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Des contradictions dans la Bible ? 10 questions à se poser

« Car le Fils de Dieu, Jésus-Christ, qui a été prêché par nous au milieu de vous, par moi, par Silvain, et par Timothée, n’a pas été oui et non, mais en lui, il n’y a que oui. » (2 Cor 1.19)

En lisant la Bible attentivement, il peut arriver d’être frappé par un texte qui nous semble contredire un autre passage. Selon nos présupposés sur la nature des Écritures, deux options se présentent alors à nous :
• Si l’on pense que la Bible peut contenir des erreurs, on s’empressera de pointer du doigt l’incohérence du texte. Cette attitude face à la révélation nous vient principalement de la « haute critique », c’est-à-dire des théologiens libéraux et rationalistes qui se sont multipliés au XIX e siècle.
• Si l’on croit que la Bible est une révélation complète d’un Dieu qui ne se contredit pas, on va alors essayer de trouver des explications possibles à cette contradiction apparente. De nombreux théologiens érudits ont heureusement gardé cette démarche de foi, et pu trouver des raisons permettant d’expliquer la grande majorité de ces difficultés. C’est notamment le cas de l’équipe de théologiens réunie par Frédéric Godet pour rédiger sa Bible Annotée (terminée en 1900). Ce commentaire répond à bien des problématiques soulevées par les libéraux. Plus récemment, l’Encyclopédie des difficultés bibliques d’Alfred Kuen a répondu aussi à beaucoup de ces incohérences supposées.

Nous croyons que la Bible est fiable dans chacune de ses parties et que ses auteurs inspirés ne se sont pas contredits (cf. verset d’en-tête).
Lorsque nous rencontrons une contradiction apparente, quelles questions se poser pour réussir à résoudre cette tension ?

1. Le contexte immédiat du chapitre éclaire-t-il cette difficulté ?

Par respect pour le travail d’un auteur, il ne faudrait pas penser qu’il dit tout et son contraire à la moindre incompréhension. Par exemple, en Jean 1.11, il est écrit que personne n’a accueilli la lumière, mais c’est une généralité tout de suite nuancée par Jean 1.12 qui reconnaît qu’une minorité l’a acceptée.
De la même manière, Jean dit que Jésus baptisait en Jean 3.22, mais précise en Jean 4.2 que c’était en fait ses disciples qui baptisaient. Ils le faisaient pour le compte de Jésus, d’où le raccourci de langage utilisé au chapitre précédent.

2. L’objectif de l’auteur et son auditoire nous aident-ils ?

Romains 4.1-8 et Jacques 2.14-26 semblent à première vue irréconciliables sur la place de la foi et des œuvres pour le chrétien. La difficulté est résolue par l’analyse de l’objectif des auteurs en fonction de leur auditoire respectif. Les mêmes mots, utilisés par les deux auteurs dans des contextes différents, n’ont donc pas le même  sens. Paul méprise les œuvres (mortes) sans la foi. Il cherche à décourager ceux qui se croient justifiés par leurs bonnes œuvres. Jacques méprise la foi (morte) sans les œuvres. Il tente de réveiller les pseudo-croyants laxistes. Paul et Jacques sont d’accord pour dire que nos propres œuvres de justice (ou œuvres de la loi) ne nous sauvent pas. C’est la foi vivante et agissante seule qui sauve. Les œuvres doivent découler de notre foi et sont un signe de notre réelle transformation, mais ne nous font pas mériter le ciel.

3. Un autre passage biblique donne-t-il une précision utile ?

Cette question doit nous pousser à utiliser un principe d’interprétation très important qui est parfois appelé « l’analogie de la foi ». Cela consiste simplement à confronter le texte difficile à d’autres passages bibliques, potentiellement plus clairs.
Ainsi, pour finir de clarifier l’exemple précédent, la tension entre la place de la foi et les œuvres est clairement résolue en Éphésiens 2.8-10 : « Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu.
Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes œuvres, que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les pratiquions. »

4. Le style de l’auteur apporte- t-il un éclairage particulier ?

Le style de Jean est connu pour être très contrasté, avec un vocabulaire limité et très imagé ; les nuances se font donc en conservant la vue d’ensemble. Attention donc au « cherry picking » (« picorage ») qui consiste à présenter des faits (ou certains versets sélectionnés) qui donnent du crédit à une opinion en passant sous silence les cas qui la contredisent.

5. Le genre littéraire nous donne-t-il une information utile ?

Par exemple, on ne peut pas donner à une parabole autant de poids qu’à un enseignement didactique.
Une parabole vise souvent une idée principale ; l’extrapolation de l’image sur d’autres thèmes peut induire en erreur. C’est le cas pour la parabole de l’économe infidèle en Luc 16.1-9 où l’on pourrait croire que Jésus donne en exemple la tromperie du serviteur. Or ce n’est pas sur ce point que Jésus dirige nos regards dans la « morale » finale qu’il donne à la parabole. Il nous incite à dépenser l’argent que Dieu nous a confié de manière sage pour l’investir dans le royaume éternel.
De même, les proverbes sont des vérités générales qui doivent faire réfléchir le lecteur. Mais cette vérité doit être appliquée avec sagesse au contexte de la situation pratique. Cela permet d’expliquer des contradictions apparentes comme celle de la réponse à donner à « l’insensé » (versets 4 et 5 de Proverbes 26).

6. Une traduction plus précise peut-elle éclaircir le sens ?

Selon 1 Jean 1.8, celui qui dit qu’il « n’a pas de péché » (traduction littérale) est un menteur. 1 Jean 3.9 déclare : celui qui est de Dieu ne « pratique pas le péché » (traduction littérale). Ce vocabulaire traduit une différence entre la pratique assumée du péché et la chute occasionnelle possible du chrétien.
Certaines versions donneront donc l’impression d’une contradiction, alors qu’elle est résolue par une traduction plus littérale.

7. La place au sein de la révélation progressive peut-elle aider ?

Les auteurs bibliques assument le fait que la révélation divine soit progressive. En particulier, les auteurs du N.T. prennent donc le temps de justifier les différences entre l’ère de la Loi, donnée par Moïse et l’ère de la grâce, venue par Jésus Christ (Jean 1.17).
Ainsi, manger du porc est interdit dans l’A.T. (Lév 11) mais clairement autorisé et justifié par les apôtres dans le N.T. (1 Cor 10.23). Pour autant, les commandements de l’A.T. concernant l’éthique sexuelle sont répétés dans le N.T. (1 Cor 6.9-11, etc.) : on ne peut donc pas les minimiser.

8. Y a-t-il plus de passages qui semblent dire l’inverse ?

Avec un verset isolé, on peut imaginer beaucoup d’interprétations possibles, mais avec 10 versets sur le même sujet, l’interprétation devient plus solide. Ainsi, certains affirment que Dieu voudrait avant tout notre prospérité matérielle et physique, principalement par une lecture orientée de certains passages de l’A.T. (És 3.10 ; Prov 13.25). Cependant, énormément de passages nous montrent que la prospérité physique et matérielle n’est pas la règle pour le fidèle (Ecc 9.2 ; És 57.1 ; Act 3.6 ; Phil 4.12 ; 2 Cor 8.2, etc.). Dieu promet plutôt de le soutenir au travers des souffrances (Ps 34.19 ; Rom 8.18 ; 2 Cor 1.5-7 ; 1 Pi 5.9).

9. Cette contradiction apparente est-elle due aux limites de la logique humaine ?

Jésus se décrit souvent comme le Fils de l’homme. Il assume sa pleine humanité mais aussi sa pleine divinité car il ne reprend pas ses disciples qui disent avec Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jean 20.28) Cette contradiction apparente de l’incarnation d’un Dieu infini dans les limites de l’humanité doit être acceptée avec humilité.
C’est une réalité divine qui nous dépasse et la Bible affirme avec force les deux natures de Jésus.
Pour autant, la doctrine de la trinité nous aide à percevoir que cela n’est pas purement impossible : en effet, le Père et le Saint-Esprit n’étant pas incarnés, on ne peut pas dire par exemple que Dieu soit mort à la croix, le Fils seulement est entré dans la mort.

10. Si je ne vois pas de solution évidente, d’autres commentateurs chrétiens en ont-ils trouvé une ?

Martin Luther avait parlé de la lettre de Jacques comme d’une « épître de paille » car il n’avait pas réussi à résoudre la contradiction apparente avec l’Épître aux Romains. Heureusement que d’autres théologiens n’ont pas baissé les bras ! Il faut donc garder la tête froide et se rappeler que la Bible interprète la Bible.

Conclusion

La plupart des difficultés disparaîtront en prenant le temps de se poser les bonnes questions.
S’il reste des points obscurs, ne concluons pas à l’incohérence, car notre compréhension reste limitée. Continuons de creuser ces sujets avec l’aide de Dieu. Pour le reste, appliquons ce qui est clair, il y a déjà de quoi faire !

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Combe Silvain
Silvain Combe est marié et père de deux enfants. Il travaille dans le domaine de l’énergie et s’implique dans son église locale à Grenoble. Passionné par l’étude de la Bible, il étudie notamment la théologie à l’Institut Biblique de Genève à distance.