Dieu est amour, c’est juste ?
L’amour et la justice peuvent paraître incompatibles.
L’huile et l’eau ne se mélangent pas ; en va-t-il de même pour ces deux attributs divins ? Les fautes innombrables de chaque être humain le condamnent devant le juste Juge. Mais nous tenterons de montrer que dans son amour infini, Dieu n’exclut aucun homme de son plan de salut. Car « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rom 5.20).
On entend parfois certains chrétiens dire : « Dieu serait parfaitement juste s’il laissait tous les hommes aller en enfer. »
On ne peut qu’acquiescer à cette affirmation d’après la Bible. En effet, « tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rom 3.23). Après la chute d’Adam et Ève, le péché a tellement souillé l’humanité que le Dieu très saint aurait pu l’éradiquer totalement.
Cependant, cette première affirmation est souvent citée dans le but d’en faire accepter une seconde : « Dieu est donc plein de grâce (ou d’amour) en sélectionnant certains humains pour les sauver tout en laissant les autres à leur funeste destinée 1 . » Dieu choisirait certains (les élus) et communiquerait son salut à eux seuls, et déciderait de laisser les autres dans leur état.
La seconde affirmation est un non sequitur, c’est-à-dire qu’elle n’est pas la conclusion logique de la première proposition. La première affirmation parle de la justice de Dieu et la seconde de la grâce de Dieu. Ce sont deux points différents, et les deux propositions doivent être démontrées par la Bible.
Que nous dit donc la Bible sur la grâce et l’amour de Dieu ? L’amour divin est-il limité à un certain nombre d’humains ?
La réponse à ces questions peut avoir un grand impact sur notre vie de foi et sur la manière dont nous allons annoncer à tous la bonne nouvelle du salut.
Le choix divin
Le chapitre 9 de l’Épître aux Romains pourrait laisser penser que Dieu a sélectionné un certain nombre d’individus pour le salut. Nous ne pouvons en faire une étude détaillée ici 2. , mais nous estimons que l’objectif de Paul dans ce chapitre va précisément à l’inverse de cette position. Ce chapitre est centré sur le rôle d’Israël, du premier au dernier verset.
D’ailleurs, les chapitres 9, 10 et 11 de Romains pourraient être titrés : le passé, le présent et l’avenir d’Israël.
Certaines expressions du chapitre 9 peuvent sembler choquantes à première vue, mais si l’on comprend l’objectif de Paul, tout s’éclaire. Il montre d’abord que les promesses et l’élection d’Israël ne pouvaient échouer. En choisissant ce peuple, Dieu avait le salut du monde entier en vue puisque le Christ devait sortir d’Israël (Rom 9.5) ! Il ne faudra donc pas mélanger ici l’élection d’Israël (comme peuple) et celle du chrétien (comme individu).
Israël s’est endurci et a rejeté son propre Messie. Mais Paul déclare que cela n’a pas fait échouer la promesse ! Dieu s’est servi de ce peuple rebelle, il l’a même enfermé momentanément dans son endurcissement pour se servir de lui. Dieu a tourné leur mal en bien, pour le salut du monde. Dieu avait de la même manière utilisé l’endurcissement de Pharaon pour libérer son peuple (Rom 9.17).
Paul déclare fermement : « Ainsi, il fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit qui il veut. Tu me diras : Pourquoi blâme-t-il encore ? Car qui est-ce qui résiste à sa volonté ? » (Rom 9.18-19) On pourrait alors être tenté d’approuver cette affirmation : « Vous voyez, Dieu choisit qui il veut sauver ! Alors qui êtes-vous pour le blâmer d’agir ainsi ? »
Mais il n’est pas question de salut dans ce passage. Paul continue son raisonnement en expliquant la chute d’Israël. Le contradicteur de Paul qui pose des questions au verset 19, c’est un Juif. Ce Juif reproche à Dieu de l’écarter au profit de gens des nations ! Lui, le fils d’Abraham, mérite le salut car il appartient au peuple élu ! Dieu n’a pas le droit de faire miséricorde à ces chiens des nations ! C’est aussi dans ce sens que Paul conclut son texte (Rom 9.29-33).
Sorti de son contexte, le verset 18 pourrait faire croire que Dieu restreint son salut à quelques élus choisis de manière mystérieuse. Paul dit ici tout le contraire : Dieu choisit d’endurcir un peuple élu mais rebelle, afin d’étendre son salut à toutes les nations ! Romains 9 ne décrit pas une restriction du salut à quelques hommes, mais une ouverture du salut à tous ceux qui l’acceptent par la foi (Rom 9.31). Et en effet, personne ne peut le blâmer pour ce choix souverain !
L’amour de Dieu pour tous
Imaginons un père très riche qui aurait trois enfants. Ces derniers complotent pour lui voler son argent et s’enfuir dans un pays étranger. Si le père retrouve leur adresse et offre le pardon à son préféré, mais pas aux deux autres qu’il dénonce à la police, il ne commettrait pas d’injustice vis-à-vis de la loi.
Néanmoins, serait-il pleinement « amour » de n’en choisir qu’un pour être réconcilié avec lui ? Ne serait-ce pas là une attitude partiale ?
Dans cet exemple, Dieu, représenté par le père, ne voudrait sauver que certains hommes. Or, Jésus nous exhorte à aimer et à bénir nos ennemis sans exception (Mat 5.44). Il serait très étonnant que Jésus nous demande de faire une chose que le Père ne ferait pas lui-même.
Il y a bien une forme de l’amour divin qui s’étend à tous les hommes. Cette « grâce commune » dispense à tous des bienfaits terrestres donnés par Dieu (comme le soleil et la pluie, Mat 5.45). En ce qui concerne le salut en revanche, la foi ne serait donnée par Dieu qu’à certains (par un « appel irrésistible »).
Mais l’amour de Dieu pour tous les hommes va bien au-delà ; il est décrit en des termes bien plus forts que le seul amour providentiel de Dieu. Paul nous exhorte à « comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et connaître l’amour de Christ, qui surpasse toute connaissance » (Éph 3.18-19). Avec ses quatre dimensions, comme l’espace-temps, cet amour ne peut qu’englober l’humanité entière, en tout lieu et en tout temps. Beaucoup de versets l’affirment 3 comme 1 Tim 4.10, où Paul dit même clairement que Dieu est le « Sauveur de tous les hommes, surtout des croyants ». L’amour de Dieu, qui le pousse à vouloir sauver les hommes, ne s’étend donc pas qu’aux élus (ceux qui ont foi en Christ) : il est bien disponible pour tous.
L’amour véritable nécessite une absence de contrainte entre les deux parties, ce qui implique un risque de rejet. Dieu « prend le risque » de nous aimer tous, quitte à se faire rejeter par certains. Cela peut paraître peu glorieux à quelques-uns. Dieu n’est-il pas un roi souverain ? Se laisserait-il marcher sur les pieds ainsi ? La Bible semble plutôt montrer que la plus grande gloire de Dieu est associée à son abaissement jusqu’à nous en la personne de son Fils.
C’est tout le message biblique qui nous présente un Dieu qui ne s’impose pas mais qui souhaite que tous les hommes « s’efforcent de le trouver en tâtonnant, bien qu’il ne soit pas loin de chacun de nous » (Act 17.27).
C’est son libre choix d’offrir son salut à quiconque lorsqu’il dit : « Que celui qui a soif vienne ; que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuitement. » (Apoc 22.17)
Un amour universel, un salut conditionnel
Mais alors, pourquoi certains ne sont finalement pas sauvés ? Tout simplement parce qu’ils ne veulent pas emprunter le chemin du salut dans les termes souverainement décrétés par Dieu. Ce chemin passe par la repentance. Malheureusement, ceci ne plaît pas à l’homme qui se croit juste par lui-même.
Même les pharisiens endurcis étaient appelés à se convertir : « Et tout le peuple qui l’a entendu et même les publicains ont justifié Dieu, en se faisant baptiser du baptême de Jean ; mais les pharisiens et les docteurs de la loi, en ne se faisant pas baptiser par lui, ont rendu nul à leur égard le dessein de Dieu. » (Luc 7.29-30) Ces derniers n’étaient pas mis à l’écart par Dieu. Ils se sont écartés du plan de Dieu pour leur salut à cause de leur orgueil, en rejetant le baptême de la repentance proposé par Jean.
Concernant le motif du jugement éternel de certains hommes, Jésus est très clair : ce qui condamne les hommes, c’est leur rejet de la foi en lui :
• « Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Celui qui croit en lui n’est point jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. » (Jean 3.17-18)
• « Si je n’étais pas venu et que je ne leur aie point parlé, ils n’auraient pas de péché ; mais maintenant ils n’ont aucune excuse de leur péché. » (Jean 15.22)
Si certains iront en enfer, d’après Jésus lui-même, ce n’est pas en raison d’un décret divin, ni de leur nature pécheresse héritée d’Adam. Pour cela, même s’ils sont responsables de leurs actes, ils sont aussi des victimes de leur mauvaise nature (Rom 7). Leur incapacité à se conformer à la Loi de Dieu a été démontrée, ils sont esclaves du péché. C’est pourquoi Dieu dans sa grâce, a donné le salut sur la base de la foi (opposée aux œuvres par définition). La faute vraiment impardonnable pour Jésus est donc de ne pas croire en lui, de refuser son témoignage et son œuvre, de rejeter le pardon qu’il a si chèrement acquis ! Reconnaître simplement que l’on n’arrive pas à être juste par soi-même, lorsque le Saint-Esprit et notre expérience nous le montrent, voilà qui est à notre portée !
La foi n’est donc pas communiquée aux élus seuls par un décret divin car cela reviendrait à dire que Dieu jugerait les hommes coupables de ne pas accepter la foi… sans leur en communiquer la capacité. Cela semble incohérent.
On pourrait objecter que la foi est présentée dans certains versets comme un don de Dieu, comme une grâce (Phil 1.29 par exemple). C’est vrai, mais comme un cadeau, on peut l’accepter ou le refuser.
Nous prions Dieu pour qu’il nous « donne » le pain de chaque jour, et pourtant nous travaillons pour le gagner. De même, en matière de foi, Dieu a choisi de répartir les responsabilités. Dieu a préparé le salut en Jésus au moyen de la foi, c’est lui qui équipe des chrétiens pour annoncer sa Parole au monde, et c’est aussi lui qui travaille dans les cœurs. Ne rejetons pas son plan d’amour, mais plaçons notre confiance en lui.
* * *
Dieu est juste, il pourrait nous envoyer tous en enfer sans remède ; mais Dieu est amour et ne laisse personne sur le bord du chemin, « ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance » (2 Pi 3.9).
Nous pouvons donc partager le message du salut avec assurance, sachant que cette offre divine est réellement disponible pour chaque être humain qui se repent.
« Dieu, sans tenir compte des temps d’ignorance, annonce maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu’ils ont à se repentir, parce qu’il a fixé un jour où il jugera le monde selon la justice, par l’homme qu’il a désigné. » (Act 17.30-31)
- Cette affirmation est parfois appelée « la double prédestination ». Cette expression provient de l’Institution de la religion chrétienne, Jean Calvin ; livre 3, chapitre 21 : « De l’élection éternelle : par laquelle Dieu en a prédestiné les uns à salut, et les autres à condamnation. »
- Pour une étude détaillée sous cet angle, voir Leighton Flowers, La Promesse du potier.
- ean 3.16 ; 4.42 ; 1 Tim 2.4, etc.