Dossier: Guerres et famines
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État de famine spirituelle

Le diagnostic

« Voici, les jours viennent, dit le Seigneur, l’Éternel, où j’enverrai la famine dans le pays, non pas la disette du pain et la soif de l’eau, mais la faim et la soif d’entendre les paroles de l’Éternel » (Amos 8.11) .

Deux sondages parus ces dernières années montrent que les chrétiens sont en état de famine spirituelle :
• Concernant les protestants français (y compris évangéliques), 13 % lisent la Bible tous les jours ou presque, 6 % au moins une fois par semaine et 81 % moins souvent, dont 29 % jamais. 1 • Concernant les Suisses se définissant comme « protestants évangéliques », seuls 38 % déclarent avoir lu la Bible en entier. 2

Naturellement, les chiffres sont beaucoup plus bas si l’on considère la population totale. Le constat est sans appel : la lecture de la Bible n’est pas une priorité, même parmi ceux qui se disent chrétiens ! Et pourtant la « faim » spirituelle existe bel et bien et on cherche à la satisfaire par d’autres sources… qui ne rassasient pas !

La situation n’est pas sans analogie avec celle du temps du prophète Amos. Ce dernier critique la cupidité de ses contemporains qui oublient Dieu, oppressent les pauvres et négligent les jours de repos pour commercer davantage (Amos 8.4-6). En conséquence, Dieu envoie une famine spirituelle qui touche d’abord les jeunes (Amos 8.13).
Sans noircir exagérément le tableau, on peut constater que, dans nos églises, la lecture biblique personnelle tend à se raréfier, le culte familial à disparaître et le temps dévolu en église à la prédication biblique à se réduire au profit de la louange. Si cela ne va pas forcément jusqu’à la famine, assurément un constat partagé de dénutrition s’impose !

Le remède

« Jésus répondit : Il est écrit : L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matthieu 4.4).

La réponse de Jésus à la première tentation du diable au désert est bien connue ; elle est devenue un chant familier… Mais qu’en est-il de sa mise en pratique ? Nous prenons soin de nous nourrir physiquement chaque jour, mais pas toujours spirituellement. Les humains, dans leur grande majorité 3 , mangent tous les jours, mais le soutien de la vie physique n’est pas suffisant : le Seigneur insiste sur l’importance de la Parole de Dieu pour vraiment vivre ! Lui-même disait : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son œuvre » (Jean 4.34).
La citation qu’il fait du Deutéronome rappelle qu’Israël au désert n’a pas souffert de la faim physique : la manne venait quotidiennement le rassasier. En revanche, il a oublié la parole de l’Éternel et une génération est morte (mais pas de faim !) dans le désert.
Manger quotidiennement – lire quotidiennement la Bible : deux activités qui devraient être naturelles, routinières. Chacun a ses habitudes alimentaires : certains privilégient un copieux petit-déjeuner alors que d’autres préfèrent se caler au dîner. Des croyants aiment ouvrir leur Bible dès le réveil alors que d’autres, plus « du soir », savourent la tranquillité des dernières heures du jour.
Et si l’on n’a pas faim ? Il nous arrive de ne pas avoir d’appétit au moment de nous mettre à table : allons-nous sauter le repas ? Peut-être, mais pas plusieurs fois de suite ! Nous allons nous forcer, ou bien choisir un plat que nous aimons particulièrement.
De même, nous pouvons reconnecter avec la Parole par un effort assumé ou en revenant vers un de nos textes favoris.
Et si l’on rate un jour ? Ce n’est pas un drame ! Une règle inflexible nous obligeant à lire au moins un chapitre de l’Écriture sans manquer un jour ne serait pas dans l’esprit de la liberté de la nouvelle alliance. Une chrétienne recommandait : « Deux jours 4 mais pas trois ! » Il ne faut pas que les excuses deviennent une habitude…
Et si l’on n’aime pas tel texte ? Jésus précise : « toute parole » (cf. 2 Tim 3.16). On dit qu’il faut goûter sept fois un aliment avant de l’apprécier vraiment. Notre première lecture du Lévitique ne nous enthousiasmera pas forcément, mais au fur et à mesure que nous saisirons la trame générale de l’Écriture, la progression de la révélation, les correspondances entre les livres, nous en viendrons à apprécier même ceux que nous trouvions a priori quelque peu indigestes !
Ne nous leurrons pas : un combat est en jeu ! Notre sujet relie les deux thèmes de ce numéro : pour vaincre la famine, une guerre se joue. La faim de Jésus au désert était bien réelle, mais sa priorité fut de se conformer à la Parole de son Dieu et il a vaincu le diable. Alfred Kuen a écrit : « Lire la Bible, c’est contrecarrer le plan des forces hostiles à Dieu. Celles-ci ne demeureront pas inactives : elles chercheront par tous les moyens à déranger notre lecture ou à l’empêcher. Notre lecture de la Bible est donc, en premier lieu, une lutte spirituelle. »

La motivation

« Désirez, comme des enfants nouveau-nés, le lait spirituel et pur, afin que par lui vous croissiez pour le salut, si vous avez goûté que le Seigneur est bon » (1 Pierre 2.2-3).

Si la motivation est absente, la régularité le sera bientôt ! Pourquoi ouvrons-nous notre Bible ? Par obéissance ? pourquoi pas. Par devoir ? sans doute quelquefois. Par peur ? j’espère que non… Avant tout, ouvrons-la pour une rencontre personnelle avec son auteur, Dieu lui-même, et avec celui qui est le centre de la révélation écrite, la Parole vivante, Jésus-Christ. Ouvrons-la pour mieux le connaître et ainsi davantage l’aimer et le servir avec plus de zèle. Nos expériences passées avec le Seigneur (ses délivrances, sa protection, ses bienfaits si nombreux dont le Psaume 34 que cite l’apôtre se fait l’écho) renforcent l’envie de nous approcher de lui  : puisque 5 nous avons expérimenté sa bonté, nous avons d’autant plus envie de l’écouter.
Le lait est ici le symbole d’un aliment complet 6 et l’image de Pierre est parlante : qui n’est pas réjoui de voir un bébé téter goulûment, avec un sentiment de plénitude et de satisfaction une fois sa faim apaisée ? La lecture de la Parole est indispensable pour grandir spirituellement : elle est à l’origine de la vie nouvelle en nous (1 Pi 1.23-25) et elle est l’aliment de notre croissance, présente dans toutes les étapes d’un salut qui embrasse bien au-delà de la nouvelle naissance.
Pierre, cependant, n’occulte pas les obstacles. Deux d’entre eux sont à relever :
• les tensions relationnelles (méchanceté, hypocrisie, jalousie, médisance, 1 Pi 2.1) annihileront l’effet positif de la Parole : traitons-les vite pour retrouver la joie de notre lecture ;
• les « convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme » (1 Pi 2.11) témoignent une fois de plus de la lutte spirituelle qui est en jeu : si mes pensées et mon emploi du temps sont occupés à satisfaire mes désirs purement terrestres, la lecture de la Bible sera négligée — et les pièges ne manquent pas en la matière, multipliés par les outils électroniques constamment à notre disposition !

La conséquence

« J’ai recueilli tes paroles, et je les ai dévorées ; tes paroles ont fait la joie et l’allégresse de mon cœur » (Jérémie 15.16).

Dans ce texte, selon la meilleure hypothèse, Jérémie fait allusion au livre de la loi découvert sous Josias.
Longtemps oublié, le Deutéronome a été le guide d’action de ce roi pieux et la joie du prophète.
Le verbe « manger » indique une appropriation personnelle du message reçu. Jésus se comparait lui-même au pain de vie et invitait ses disciples à le « manger » symboliquement. Le remède à la dénutrition passe par une meilleure assimilation des aliments, qui réclame régularité des prises, mastication prolongée, choix approprié des mets.
Le parallèle avec notre assimilation de la Parole est facile à faire !
Pour « trouver » les paroles du Seigneur, les occasions ne manquent pas. Si l’on est isolé, comme Jérémie, on peut, par exemple : télécharger la Bible sur son smartphone y compris sous forme d’audiolivre, compléter par des podcasts ou des messages YouTube choisis avec discernement, se fournir dans une librairie chrétienne de livres d’édification, etc.
La Bible se « trouve » aussi en groupe et se comprend mieux à plusieurs : cherchons un groupe de lecture près de chez nous, profitons des messages bibliques de notre église, suivons des formations bibliques en présentiel ou à distance…
Et surtout, quel que soit le moyen, nous pouvons y trouver notre joie, plus encore, notre « allégresse » car la Parole nous vient du Dieu auquel nous appartenons, qui nous aime et qui nous parle ! Quel bonheur d’ouvrir sa lettre d’amour pour nous, de l’y découvrir toujours plus ! Le psalmiste disait : « Je me réjouis de ta parole, comme celui qui trouve un grand butin. » (Ps 119.162) La joie est communicative, dit-on : c’est en montrant un plaisir sincère dans notre lecture personnelle et collective que nous donnerons envie, aux plus jeunes en particulier, de lire la Parole. La famine se sera transformée en festin !

Le problème inverse

« Mettez en pratique la parole, et ne vous bornez pas à l’écouter en vous trompant vous-mêmes par de faux raisonnements » (Jacques 1.22).

Tous les chrétiens ne souffrent pas de famine spirituelle. Certains risquent davantage l’obésité !
On lit beaucoup la Bible (parfois que la Bible !), on assiste à toutes les réunions ou webinaires possibles, on affiche des versets partout… et ce surpoids ne se traduit pas en exercice  ! Il peut y avoir une grande régularité dans le culte personnel, de la connaissance accumulée, un vrai souci d’exactitude doctrinale – et peu de souci du prochain, pas d’appréciation des enjeux du moment, de l’indifférence vis-à-vis des besoins autour de soi. Jacques dénonce ce travers en évoquant de faux raisonnements, qui prennent parfois la forme d’un accent exagéré sur la séparation du monde, la pureté extérieure, la fidélité aux traditions reçues, etc. Le résultat en est aussi une vraie pauvreté spirituelle.
La solution à l’obésité spirituelle ? Se mettre à l’œuvre, s’occuper des plus démunis, recommande Jacques (Jac 1.25,27). « Entrer et sortir » disait un frère âgé à de jeunes croyants : entrer dans le sanctuaire de Dieu pour l’écouter calmement dans sa Parole et sortir pour servir activement. L’Écriture nous est donnée pour nous rendre « accompli et propre à toute bonne œuvre » (2 Tim 3.16-17).
« Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger » : appliquons ce proverbe populaire et nourrissons-nous de l’Écriture pour œuvrer ensuite de façon intelligente et diligente pour le Seigneur.

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  1. Sondage IFOP pour l’Alliance biblique française et le quotidien La Croix, effectué en France mi-2022.
  2. Sondage Link pour Christianisme aujourd’hui, effectué en Suisse mi-2020.
  3. Même s’il reste hélas 828 millions de personnes sur Terre à souffrir de la faim en 2021, soit environ 10 % des humains (source : Programme Alimentaire Mondial des Nations-Unies).
  4. Sous-entendu sans ouvrir la Bible.
  5. C’est ainsi qu’il faut comprendre le « si » du verset 3 et que la Bible du Semeur le traduit.
  6. Dans d’autres textes, il est évoqué avec une connotation négative, comme l’aliment initial dont il faut ensuite se détacher pour avancer vers des nourritures plus solides (1 Cor 3 ; Héb 5). Notons l’intérêt de voir le sens d’un symbole à la lumière de son contexte !
Dossier : Guerres et famines
 

Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.