Etude biblique
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Gédéon: Les signes de la toison (Juges 6.33-40)

ETUDE DANS L’ANCIEN TESTAMENT

Juges (6.33-40)

Peut-on demander des signes à Dieu? Et dans l’affirmative, faut-il être aussi précis que Gédéon lorsqu’il a réclamé les signes de la toison? Périodiquement ces questions se posent aux croyants soucieux de plaire à leur Seigneur. Comment connaître la volonté divine là où la Bible reste muette? Gédéon est-il le type du fidèle à suivre ou de l’incrédule qui exaspère l’Eternel?

Gédéon incrédule?

Une lecture trop rapide du texte engendre souvent une attitude critique à l’égard de Gédéon. Pour beaucoup le si tu veux sauver Israël par ma main comme tu l’as dit marque l’incrédulité. Gédéon n’a-t-il pas demandé un signe pour confirmer la parole de Dieu? Mais le témoignage de l’Eternel n’est-il pas toujours digne de confiance? De plus, observe-t- on, Gédéon a eu mauvaise conscience à demander ces signes. Que ta colère ne s’enflamme pas contre moi reflète un cour culpabilisé. Ainsi, les paroles du leader et les affirmations sur la primauté de la foi semblent condamner la démarche du juge. Mais attention aux apparences. Avant de tirer une conclusion hâtive, il faut examiner l’ensemble du texte.

Gédéon, homme de Dieu

Plusieurs éléments mettent en garde contre une attitude trop critique. En premier lieu, il faut relever la réponse divine aux requêtes du juge: aucun reproche, mais au contraire un double exaucement, et même à la lettre. Difficile de ne pas y voir une approbation divine.

En deuxième lieu, les trois chapitres consacrés au fils de Joas nous présentent un homme d’une foi exemplaire. Dès la rencontre avec l’ange de l’ Eternel sous le térébinthe d’Ophra, Gédéon s’engage. (Le signe demandé lors de son appel était des plus légitimes puisqu’il lui fallait s’assurer de l’origine divine de son interlocuteur: 6.17). Une fois convaincu de l’identité du messager, il obéit à Dieu au péril de sa vie. L’autel de Baal érigé par son père et le poteau d’Achéra sont démolis sans tarder. Quatre tribus sont convoquées et 32000 hommes sont mobilisés pour repousser les envahisseurs. Sans un murmure, il accepte de réduire son armée à 10000, puis à 300 quand Dieu le lui demande. Enfin mû par une foi sans limite, il engage les hostilités avec cette poignée de combattants contre une force innombrable. Gédéon est un héros de la foi. Telle est d’ailleurs aussi l’évaluation du Nouveau Testament qui place notre juge parmi les champions de la foi (Héb 11.32).

Un troisième indice vient de l’onction divine du juge mentionnée seulement deux versets avant la demande de signes. Comme indiqué lors de notre première étude (Othniel: Portrait d’un juge négligé, Promesses 1992/1), tous les juges étaient des leaders spirituels oints de l’Esprit divin. Les sept mentions de l’Esprit de 1’Eternel sont minutieusement choisies. A l’exception de la première référence, celle se rapportant au juge-type Othniel, les six autres ont pour but d’aider le lecteur à interpréter favorablement l’action d’un juge qui, à première vue, semble discutable. Ainsi, la demande de Gédéon ne reflète pas l’hésitation d’un cour chancelant, mais au contraire témoigne de l’assurance d’une âme ancrée dans la foi. Gédéon a demandé les deux signes à cause de sa foi. Cette affirmation peut surprendre. Pour la comprendre, il est nécessaire de rappeler le contexte dans lequel ces signes ont été demandés.

Un peuple à convaincre

Lorsque Gédéon demande les signes de la toison, il n’est pas seul. Il vient, en effet, de convoquer quatre tribus afin de repousser l’ennemi (6.33-35).32000 hommes ont répondu à l’appel. La tâche du juge est des plus difficiles. Non seulement ses effectifs sont en infériorité numérique (même les chameaux des Madianites – lisez «leur cavalerie» – étaient innombrables comme le sable qui est surie bord de la mer 7.12), mais encore ses troupes sont composées d’une majorité d’hommes craintifs. (Même après les encouragements apportés par les signes de la toison, la peur domine encore le 70% des cours). Comment mener cette troupe hésitante à la victoire? Le peuple a besoin d’assurance. Comme Gédéon dans un passé proche, eux aussi ont besoin maintenant de recevoir une parole claire de la part de l’Eternel, une parole qui les assure que Dieu est totalement de leur côté et que Gédéon est son envoyé. Celui-ci demande les signes de la toison, non pour lui-même, mais pour le peuple. Le juge sait que Dieu accordera la victoire; eux en doutent. Voilà le point crucial à saisir: Gédéon demande à Dieu de confirmer au peuple l’appel qu’il a reçu en privé.

Certains objecteront l’absence de toute référence au peuple dans les paroles adressées à Dieu. Concernant l’accomplissement du signe, le juge ne dit-il pas: alors je reconnaîtrai que tu sauveras Israël par ma main comme tu l’ as dit (6.37)? L ‘argument est de poids. Mais est-il incontournable? Gédéon s’identifie peut-être tellement au peuple qu’il prend leur demande (et leur incrédulité) à son compte. Moïse avait désiré mourir avec ses contemporains si un de leurs péchés n’était pas pardonné (Ex 32.32); l’apôtre Paul souhaitait être anathème et séparé de Christ pour ses frères selon la chair (Rom 9.3); quant à Daniel, le juste, il intercédait pour les péchés de son peuple en utilisant la première personne du pluriel (nous avons péché, nous avons commis des fautes, nous avons été méchants et rebelles, nousDa 9.5); enfin, le Messie lui-même a porté les péchés du monde. Par amour pour leur peuple, les hommes de Dieu n’ont-ils pas souvent porté ses faiblesses? Gédéon semble s’inscrire dans cette ligne. Il prend sur lui d’approcher Dieu pour demander la confirmation de la parole divine. Sa demande de recevoir un signe est pleine d’amour et de sagesse. Elle est aussi marquée par le respect et la foi envers Dieu, comme nous allons le voir.

Un profond respect de Dieu

Comment persuader le peuple? Gédéon aurait pu demander à Dieu d’envoyer son ange pour convaincre les soldats. L’ange de l’Eternel était venu une première fois pour lui-même; il aurait pu revenir une seconde fois pour tous les hommes. Gédéon choisit pourtant un autre moyen. Deux raisons peuvent avoir motivé notre juge.

Premièrement, la préoccupation de garder une certaine distance entre Dieu et le peuple. Sachant que l’homme pécheur ne s’approche pas impunément du Dieu trois fois saint, Gédéon craint de faire appel à l’ange de l’Eternel. Comme ce dernier représente Dieu en personne, il partage aussi sa sainteté. Gédéon n’était-il pas encore marqué par cette rencontre avec l’ange, où il avait suffit que l’extrémité du bâton tenu par l’ange touche l’offrande pour que celle-ci soit immédiatement consumée par le feu? Gédéon avait alors craint pour sa vie, mais dans sa grâce Dieu l’avait épargné. Toutefois, comme on ne joue pas avec la grâce; Gédéon préfère garder une saine distance entre le Dieu saint et ce peuple encore incrédule. Un objet profane (la toison) sera un intermédiaire suffisant entre l’Eternel et son peuple.

La deuxième raison ayant pu pousser Gédéon à recourir à une toison comme porte-parole de Dieu, est sa crainte de troubler l’Eternel. Comme le centenier qui avait voulu déranger Jésus le moins possible lorsque son serviteur était malade, se sentant lui-même indigne d’une visite du Messie dans sa demeure (Mat 8.5-13; Luc 7.2-10), ainsi Gédéon ne veut pas importuner Dieu plus que nécessaire. Un mot de la part de Jésus avait suffi au centenier; une toison engorgée d’eau est tout ce que Gédéon demande. Ni un chef païen ni le peuple craintif et incrédule conduit par Gédéon ne mérite une visite personnelle de l’Eternel. Gédéon, comme le centenier, manifeste un respect profond pour le Dieu rédempteur. La foi de l’un comme de l’autre sont dignes d’ admiration.

Le respect de Gédéon pour Dieu se manifeste aussi par son hésitation à demander un deuxième signe. (Notons en passant qu’aucune hésitation ne marque la première demande, celle-ci étant entièrement légitime), Pourquoi demander un deuxième signe ou pourquoi hésiter à en demander un? Nous l’avons dit : Gédéon craint d’importuner Dieu, Un signe pourrait être suffisant, mais Gédéon préfère apporter au peuple un double témoignage (dans la loi juive, un double témoignage n’était-il pas toujours nécessaire?). Certes Dieu dit toujours la vérité, et une seule parole divine en vaut mille autres, Néanmoins, sans être indispensable, un double témoignage serait quand même le bienvenu. Gédéon sent qu’il est à la limite de ce qu’il peut demander au Seigneur: que ta colère ne s’enflamme pas contre moi, et je ne parlerai plus que cette fois (6.39). Le deuxième signe complétera donc le témoignage du premier, et nous verrons plus loin en quoi son message confirme le premier. Mais pour l’instant, revenons au premier des deux signes.

Le symbolisme du premier signe

L’intermédiaire entre Dieu et les hommes sera donc un objet. Mais pourquoi une toison, ou plus exactement pourquoi la toison, l’aire et la rosée?

Les deux premiers éléments représentent deux peuples: la toison, Israël; l’aire, les Madianites. Chaque élément typifie la nation représentée dans trois domaines: le monde matériel, l’activité des hommes et la relation avec Dieu. Ainsi sur le plan de la géographie physique (cf le monde matériel), si l’ampleur et la douceur d’une toison rappelle la prospérité du pays d’Israël (terre où coulent «le lait et le miel» ), la surface dénudée sur laquelle on bat le blé (l’aire) symbolise ces régions désertiques d’où sont venus les Madianites. Sur le plan social (cf l’activité des hommes), si la toison formée de la peau et des poils d’un animal (probablement un mouton) identifie un peuple formé d’un grand nombre de bergers (Israël), l’aire qui recueille les récoltes symbolise les dévastateurs (les Madianites) qui ramassent tout le produit des moissons israéliennes (6.4-5). Finalement, la douceur de la toison et la dureté du sol illustrent respectivement l’ouverture et l’endurcissement à Dieu des deux peuples. Israël une fois repenti prête une oreille attentive au Seigneur, alors que les Madianites restent idolâtres. (La dureté de l’aire pourrait aussi illustrer l’oppression des ennemis).

Quant à la rosée, elle représente la bénédiction divine. Rosée et bénédictions ne viennent-elles pas d’en haut (de l’air et du ciel) et ne renouvellent-elles pas la vie jour après jour en se posant sur la terre?

Ainsi le premier signe demandé par Gédéon doit annoncer la venue de la bénédiction divine sur Israël et non sur les Madianites. Ces derniers ne seront donc plus vainqueurs comme par le passé. L’accomplissement du signe est significatif: l’abondance de la rosée (la toison pressée remplit toute une coupe d’eau) annonce une victoire totale sur l’ennemi.

Avant de passer au deuxième signe, notons encore que le premier signe se rapproche passablement de l’ordre naturel. En effet, il est dans l’ordre des choses que la rosée s’attache mieux à un objet laineux (la toison) qu’à une surface dénudée (l’aire). Comment interpréter cela? Gédéon aurait-il été trop incrédule pour demander un miracle plus grand, un miracle anti-naturel? Cette interprétation cadre mal avec le portrait de notre héros. Mieux vaut voir ici un autre aspect symbolique: puisque il est dans l’ordre des choses que la bénédiction divine s’attache au peuple élu plutôt qu’à des Madianites idolâtres et meurtriers, Gédéon demande un signe «nature1». Ainsi, la demande de notre juge est en rapport non seulement avec les peuples concernés, mais aussi avec les desseins divins.

Le symbolisme du deuxième signe

Le premier signe accordé, Gédéon en demande un deuxième: cette fois la rosée doit s’attacher à l’aire et non à la toison. Pour comprendre ce signe, il faut se rappeler que Gédéon cherche un deuxième témoignage pour confirmer le premier, et non pour le contredire. En demandant que la rosée se pose sur l’aire et non sur la toison, notre juge ne souhaite pas que la bénédiction s’attache maintenant aux ennemis! Il cherche au contraire un signe qui confirme l’an- nonce de la victoire d’Israël sur les ennemis.

Mieux qu’une confirmation, ce signe marquera la victoire sur tous les ennemis, car Gédéon réalise bien que le danger n’est pas seulement d’ordre militaire, mais aussi idéologique. En fait, l’ennemi le plus difficile à vaincre est l’idolâtrie qui s’est infiltrée en Israël. Baal en était la divinité principale. Supposé apporter la pluie (et au travers d’elle la fertilité et la prospérité), il était en sorte le dieu de la nature. En conséquence, Gédéon demande à l’Eternel un signe anti-naturel pour montrer au peuple que le Dieu d’Israël peut et veut donner la victoire sur le prétendu dieu de la nature.

Comme l’adversaire spirituel est le plus coriace des ennemis, le signe témoin de sa défaite sera plus miraculeux que le premier. Ainsi, si le premier signe était relativement facile à accomplir (la rosée sur la toison), le second l’est beaucoup moins (la rosée sur l’aire). Dieu accomplira cependant les deux signes, car il est capable de donner la victoire non seulement sur les hommes (les Madianites), mais aussi sur toutes les divinités (Baal). Le double témoignage d’une double victoire est clair. Dieu sauvera Israël par la main de Gédéon. Le peuple assuré de l’engagement et du choix divin est prêt maintenant à marcher à la suite de son juge.

Un homme à suivre plutôt qu’une méthode!

Gédéon a été l’homme de Dieu pour Israël. Mais l’est-il aussi pour les chrétiens, et dans l’affirmative, de quelle manière? Peut-on ou doit-on demander des signes à Dieu à l’instar du fils de Joas? Répondre directement à cette question exige une étude plus étendue. L’ensemble de l’Ecriture devrait être consulté, mais l’extrême rareté (pour ne pas dire l’absence) de demandes de signes aussi précis que ceux de la toison devrait nous rendre prudents. Gédéon est un cas particulier, comme l’a été Abraham lorsque Dieu lui a demandé d’offrir son fils en sacrifice (Gen 22). Faut-il en conclure que la demande de signe ou l’offrande d’Isaac ne présentent aucune leçon pour les autres fidèles? Nullement.

Dans les deux cas, le lecteur doit s’attacher au caractère des hommes et non à des actes très particuliers. Ainsi, les signes de la toison nous révèlent un homme plein de sagesse, de foi et de respect pour Dieu. Gédéon a su discerner les besoins légitimes du peuple, il a cru que son Dieu n’était limité en aucune manière, il a abordé le Créateur avec la crainte de celui qui a compris la sainteté du Rédempteur. Ce sont ces qualités de Gédéon qui doivent nous servir de guidé, plutôt que les signes par lesquels çes qualités se sont exprimées. Ici comme ailleurs, l’ esprit domine sur la lettre.

D.A
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Arnold Daniel
Daniel Arnold a été, pendant de longues années, professeur à l’Institut biblique Emmaüs. Membre du comité de rédaction de Promesses, il est un conférencier apprécié et l’auteur de nombreux livres, parmi lesquels des commentaires sur des livres bibliques.