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Gérer nos propos

Le pouvoir des mots est incroyable. Ils sont puissants et affectent tellement ceux qui les entendent. Pour leur bien ou pour leur mal. Une femme affligée d’un bec-de-lièvre a écrit cette histoire saisissante du bien-être que peuvent fournir nos propos : « J’ai grandi sachant que j’étais différente. Je suis née avec un bec-de-lièvre, et lorsque j’ai commencé l’école, mes amis m’ont clairement montré comment ils me voyaient : une petite fille aux lèvres tordues, au nez crochu, aux dents de travers et au langage brouillon. Lorsqu’on me demandait : ‘Que s’est-il passé pour que tu aies une bouche comme ça ?’, je leur disais que j’étais tombée et que je m’étais coupée sur du verre. Il me semblait plus facile de me présenter en victime d’un accident que d’être née différente. J’étais convaincue que personne d’autre que ma famille ne pouvait m’aimer. Il y avait cependant une enseignante d’école primaire que tout le monde aimait — Mme Léonard. Elle était petite, ronde, et joyeuse — une femme pétillante. Chaque année on testait notre audition… Mme Léonard fit passer le test à toute la classe, et ce fut mon tour. Je savais, par l’expérience des années précédentes, qu’il fallait répéter ce que la maîtresse chuchotait de son bureau — des phrases comme ‘le ciel est bleu’ ou bien ‘as-tu de nouvelles chaussures ?’ J’attendais donc les mots que je devais répéter. Dieu a dû les placer dans sa bouche, ces sept mots qui ont changé ma vie. Mme Léonard chuchota : ‘J’aurais tant aimé que tu sois ma fille.’1 »

Attention à l’influence de nos propos (Jac 3.1-2) !

Mes frères, qu’il n’y ait pas parmi vous un grand nombre de personnes qui se mettent à enseigner, car vous savez que nous serons jugés plus sévèrement. Nous bronchons tous de plusieurs manières. Si quelqu’un ne bronche point en paroles, c’est un homme parfait, capable de tenir tout son corps en bride.

Comme à son habitude, Jacques appelle ses lecteurs en des termes affectueux pour mieux faire passer des paroles assez dures. Les frères en question vont en prendre pour leur grade sur leur manière de communiquer — et nous aussi ! Le texte commence par une mise en garde qui touche les enseignants, car c’est ce que veut dire le mot « docteur ». Lorsque Jacques écrit cette lettre, une petite vingtaine d’années se sont écoulées depuis la mort et la résurrection du Christ. L’Église se compose essentiellement de Juifs ayant compris que Jésus est véritablement le Messie d’Israël. Et l’Église naissante s’est inspirée des cultes de la synagogue. Ceux-ci se déroulaient sous une forme plus ou moins rigide et comportaient un message dont on attendait qu’il soit surtout attractif, qu’il éveille l’attention — et évite l’endormissement. Comme aujourd’hui, il y avait des prédicateurs à la mode, et d’autres moins. Et c’est là où se fait le lien avec les propos de Jacques. Puisqu’il fallait impressionner, les enseignants populaires avaient recours à des jeux de mots à partir des textes bibliques. On supprimait une partie de la phrase pour associer des mots entre eux, et donner un sens inhabituel ou nouveau à la Parole de Dieu, qui ne visait pas le respect du sens plein de la Bible.

Jacques nous dit ici : enseigner n’est pas à rechercher par tout le monde. Parce que cette responsabilité s’associe d’un jugement plus grand, plus dur, plus sévère. Ne faites pas passer vos opinions, sous couvert d’un enseignement agréable ou facile. Prêchez la Bible.

Vous vous dites peut-être que ce message ne vous concerne pas : vous n’enseignez pas dans l’église et vous n’avez aucune intention de le revendiquer. Erreur ! C’est tout le sens du reste du message. Point n’est besoin d’être pasteur, ancien, responsable d’une cellule de vie, enseignant d’une école du dimanche, pour enseigner :

– Lorsqu’un homme parle à ses enfants, il enseigne. Oui, lorsque son enfant renverse un verre d’eau et que le père se met à crier, ou qu’il se met à rire s’il le voit faire une grimace à quelqu’un, cet homme enseigne des « valeurs » fausses : la maladresse est très grave, la méchanceté pas trop.

– Lorsqu’un homme parle le visage fermé à son conjoint, il communique quelque chose. Il enseigne une valeur à l’autre.

Les mots ont un pouvoir, une puissance, une influence. Et le pouvoir de nos lèvres est si sérieux que Jésus nous met solennellement en garde : « Par tes paroles tu seras justifié, et par tes paroles tu seras condamné. » (Mat 12.37) Parce que ce qui sort de notre bouche reflète ce qui est dans notre cœur.

Ce texte implique la notion de gradation dans la manière dont notre vie sera couronnée, récompensée. Il s’agit ici de l’évaluation de la vie du chrétien, qui aura lieu lors du tribunal du Christ (2 Cor 5.10).

Au v. 2, Jacques rappelle que personne n’est exempt de péchés. Chacun d’entre nous a des « talons d’Achille », qui le poussent à demeurer près du Seigneur, et à grandir. Mais il semble que tous les péchés, toutes les fautes de l’homme, passent un jour ou l’autre par la langue. L’utilisation de la langue devient donc un indicateur de sa maturité. C’est l’un des deux sens du mot « parfait » utilisé par Jacques. Parfois il décrit l’absence de toute corruption, parfois il décrit la notion de maturité.

Jacques donne trois raisons à cette mise en garde, qui dépasse de loin le rôle de l’enseignement.

1. La langue dirige (Jac 3.3-5a)

Si nous mettons le mors dans la bouche des chevaux pour qu’ils nous obéissent, nous dirigeons ainsi leur corps tout entier. Voici, même les navires, qui sont si grands et que poussent des vents impétueux, sont dirigés par un très petit gouvernail, au gré du pilote. De même, la langue est un petit membre, et elle se vante de grandes choses.

Jacques relève la disproportion entre la taille du mors et celle du cheval, entre la taille d’un gouvernail et celle du navire.

Le mors que l’on passe dans la bouche d’un cheval repose sur sa langue. En tirant à droite ou à gauche, la tête de l’animal bouge, puis son corps bouge… Sans lui, le cheval le plus docile qui soit ne sera jamais suffisamment attentif aux instructions de son cavalier. Le contrôle de sa langue engendre le contrôle de tout le corps du cheval.

Des pétroliers faisant plus de 10 fois le poids de la Tour Eiffel sillonnent les mers. Il leur faut parcourir 8 km en 25 minutes pour s’arrêter. Ces bateaux gigantesques virent grâce à un gouvernail ridiculement petit.

La langue aussi est bien petite. Elle ne pèse que quelques dizaines de grammes, mais quel pouvoir ! La langue dirige le comportement des autres : comme un miroir, elle sculpte la compréhension que l’on a de soi.

Michener est l’auteur de plusieurs romans où les personnages sont riches d’un héritage familial fouillé, détaillé. Michener est un enfant abandonné, élevé par une veuve qui l’a accueilli et lui a donné ce nom de famille. Dès la publication de ses premiers romans, un membre de la famille Michener lui a envoyé des lettres anonymes pleines de haine et d’insultes, le traitant d’usurpateur, et disant qu’il n’avait même pas le droit de porter ce nom. Elles étaient toutes signées « un vrai Michener ». Lorsqu’il obtint le prix Pulitzer, une note lui rappela qu’il était un hypocrite, qu’il n’avait pas le droit de porter ce nom, que toute sa vie ne serait que mensonge et usurpation. Lorsqu’il fut reçu par le président Ford en 1976, cet homme reçut son dernier courrier : « Tu es toujours un menteur, toujours un fraudeur, toujours à essayer de paraître mieux que tu ne l’es. » À la fin de sa vie, Michener dit, abattu : « Il avait raison dans toutes ses accusations, j’ai essayé toute ma vie d’être une personne meilleure que je ne le suis et le frère de tous ceux qui partagent cette aspiration. » Le bonheur de cet homme a été gâché… par quelques lettres récurrentes… créant une mélancolie dans son âme.

La langue dirige les autres. Elle encourage ou décourage, elle excite ou pacifie.

2. La langue détruit (Jac 3.5b-8)

Voyez, comme un petit feu peut embraser une grande forêt ! La langue aussi est un feu ; c’est le monde de l’iniquité. La langue est placée parmi nos membres, souillant tout le corps, et enflammant le cours de la vie, étant elle-même enflammée par la géhenne. Toutes les espèces de bêtes, d’oiseaux, de reptiles et d’animaux marins, sont domptés et ont été domptés par l’homme ; mais la langue, aucun homme ne peut la dompter ; c’est un mal qu’on ne peut réprimer ; elle est pleine d’un venin mortel.

La France connaît chaque année près de 5 000 feux de forêts, qui ravagent environ 34 000 hectares. 3 % seulement de ces feux proviennent de causes naturelles. Le reste provient d’actes de malveillance ou d’accidents. Dans la grande majorité de cas, des milliers d’hectares partent en fumée à partir du mégot d’un fumeur, d’un barbecue mal préparé… de tout petits feux.

Un petit feu embrase une grande forêt. C’est vrai ! Les records sont tristement célèbres. En 1825, au Canada, 1 600 000 ha ont brûlé. En 1947, dans les Landes, 400 000 ha ont brûlé.

C’est cela la langue. Le feu et les animaux sauvages ont ceci en commun qu’ils peuvent détruire et sont peu contrôlables.

Quand la Bible parle de communication, elle voit un grand danger. Le premier péché a eu lieu par une suggestion verbale. Lorsque Dieu a demandé des comptes à l’homme de sa désobéissance, l’homme a usé de sa langue pour manquer de respect à Dieu : « C’est la femme que tu as mise à mes côtés… »

L’un des moyens que la Bible utilise pour montrer l’universalité du péché, c’est d’évoquer la manière de parler des hommes :

– « Leur gosier est un sépulcre ouvert ; ils se servent de leur langue pour tromper ; Ils ont sous leurs lèvres un venin d’aspic ; leur bouche est pleine de malédiction et d’amertume. » (Rom 3.13-14)

– Ésaïe est effrayé lorsque Dieu l’appelle à son service. Il réplique : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j’habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, l’Éternel des armées. » (És 6.5)

Jacques parle des problèmes de communication dans chaque chapitre de son Épître. Mais ce n’est pas le seul livre biblique à traiter ce sujet. Les Proverbes abondent en conseils et mises en garde2 :

– « Celui qui surveille sa bouche et garde sa langue en bride, préserve sa vie de bien des tourments. » (21.23)

– « Qui veille sur sa bouche préserve sa vie, mais celui qui ouvre trop souvent les lèvres court à sa ruine. » (13.3)

– « Le sot lui-même passe pour sage s’il sait se taire ; qui tient sa bouche en bride est prudent. » (17.28)

– « Le juste réfléchit bien avant de répondre, mais les répliques rapides des méchants répandent le mal. » (15.28)

– « Le sot ne se soucie guère de réfléchir, il ne demande qu’à faire étalage de son opinion. » (18.2)

– « La mort et la vie sont au pouvoir de la langue : vous aurez à vous rassasier des fruits que votre langue aura portés. » (18.21)

– « Les paroles du pervers sont comme un feu dévorant. » (16.27b)

– « L’homme au cœur tortueux ne trouvera pas le bonheur et celui qui manie une langue perfide tombera dans le malheur. » (17.20)

3. La langue révèle (Jac 3.9-12)

Par elle nous bénissons le Seigneur notre Père, et par elle nous maudissons les hommes faits à l’image de Dieu. De la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction. Il ne faut pas, mes frères, qu’il en soit ainsi. La source fait-elle jaillir par la même ouverture l’eau douce et l’eau amère ? Un figuier, mes frères, peut-il produire des olives, ou une vigne des figues ? De l’eau salée ne peut pas non plus produire de l’eau douce.

J’ai entendu parler d’un chirurgien spécialisé dans les troubles de l’oreille. Lors d’une consultation, une amie envisageait de lui confier l’opération délicate de la reconstitution d’un tympan. Au milieu de l’entretien, le chirurgien mit ses mains sur la table, et mon amie constata avec effroi que les mains de cet homme tremblaient comme une feuille. Elle ne s’est pas fait opérer. Devinez pourquoi !

Quand Jésus-Christ voit les enfants qu’il s’est acquis par son propre sang, il voit une extension physique de sa présence spirituelle. Nous formons, collectivement, le corps de Christ (1 Cor 12). Que ce soit dans une dimension locale ou universelle, les chrétiens authentiques sont les « doigts » de notre Dieu. Nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons de notre corps :

– Romains 12.1-2 commande ainsi d’offrir nos corps en sacrifice vivant.

– 1 Thessaloniciens 4.4 commande de tenir nos corps dans la sainteté et l’honnêteté.

– 1 Corinthiens 6.13 nous rappelle que le corps n’est pas pour l’inconduite mais pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps.

Beaucoup d’entre nous ne pécheront pas dans certains domaines parce que l’occasion de le faire ne se présentera pas : si on ne fréquente pas assidûment un groupe de buveurs, on a moins de risques de devenir alcoolique. Si on ne passe pas ses soirées à hanter les night-clubs, on ne deviendra peut-être pas un débauché.

Mais la langue est l’un des organes les plus sollicités. Il est impossible de passer une journée sans l’utiliser. Elle est l’expression la plus directe de ce que nous sommes. Elle est la fenêtre la plus immédiate sur ce qui anime nos cœurs. La distance entre la langue et notre être intérieur, est très, très courte.

Un proverbe est particulièrement pertinent pour relever ce lien entre pensées et paroles : « Les pensées mauvaises sont en horreur à l’Éternel, mais les paroles agréables sont pures à ses yeux. » (Pr 15.26) Le contraste est semblable à celui que montre Jacques : des propos agréables sont purs et reflètent ainsi des pensées pures.

Ce que Jacques relève dans cette section, c’est qu’il n’est pas envisageable qu’un homme se réclamant de Dieu puisse faire couler de ses lèvres des malédictions. Mes amis, cela se produit parfois. Dans les églises, il y a des calomnies, des accusations et des divisions. Dans les familles, il y a des propos qui « tuent » un conjoint ou une progéniture. Commençons par louer le positif chez les autres et prier pour le négatif. Ensuite, lorsqu’il faut parler du négatif, prions pour discerner le meilleur moment, les meilleures paroles, et surtout, que ce soit pour le bien et la croissance de l’autre.

Quand on regarde le ciel, on distingue les étoiles des planètes par leur scintillement. La lumière des étoiles scintille, celle des planètes est stable. On peut confirmer ce diagnostic à l’aide d’un petit télescope ou une bonne paire de jumelles, en observant qu’une étoile n’est qu’un point lumineux, alors qu’une planète apparaît comme un disque. Si quelqu’un examinait nos propos, pourrait-il discerner la source qui nous anime ?

Conclusion

On a demandé à un couple qui célébrait ses noces d’or, le secret de leur mariage. L’homme raconta son histoire. Il avait grandi dans un orphelinat. Il avait travaillé dur pour obtenir tout ce qu’il avait, son diplôme et sa position dans une entreprise. Il n’avait jamais fréquenté de femme jusqu’à son coup de foudre pour Sarah. Émotion partagée qui les avait conduit à s’épouser. Le jour du mariage, le père de la jeune femme a pris le nouveau marié à l’écart pour lui donner un cadeau. Il lui dit : « Dans ce cadeau, il y a tout ce dont tu as vraiment besoin pour savoir comment avoir un mariage heureux. » C’était une magnifique montre en or. Il la sortit avec précaution, et remarqua une petite phrase, gravée sur le dessus, qu’il ne pouvait manquer de voir chaque fois qu’il regarderait l’heure : « Dis quelque chose d’aimable à Sarah. »

Demandons à Dieu de nous donner cette sagesse de paroles qui change la vie des autres, pour le bien.

1Gray Alice, Histoires qui touchent le cœur, Éditeurs du Trésor Caché, 2002.
2 Citations tirées de la transcription « Parole vivante » par A. Kuen

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Varak Florent
Florent Varak est pasteur, auteur de nombreux livres. Il est aussi conférencier, et professeur d’homilétique à l’Institut biblique de Genève. Il est le directeur international du développement des Églises au sein de la mission Encompass liée aux églises Charis France. Il est marié avec Lori et ont trois enfants adultes ainsi que quatre petits-enfants.