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Gestionnaire pour Dieu

Quoi de mieux que le JARDIN pour réfléchir sur le rôle de l’homme dans la création ? Créé pour jouir de la communion avec Dieu, l’homme comblé avait reçu en particulier la mission de cultiver et de garder le jardin d’Eden (Gen 2.15). Il devait ainsi assurer sa subsistance en travaillant la terre (Gen 1.28), mais aussi préserver son environnement dans son intégrité.

Bien tardivement, à partir des années 1985 environ, les acteurs de la protection de la nature ont redécouvert cette sagesse biblique ancestrale. Il ne suffit pas de protéger la nature, mais il faut aussi la gérer intelligemment, c’est le seul moyen de la préserver. Livrer le terrain à sa propre dynamique, pour parvenir à la sylve primitive, est un non sens, voire une utopie dangereuse. De très nombreuses expériences ont démontré qu’un abandon des terres conduit à une dégradation du milieu et à un appauvrissement des écosystèmes. Ainsi perçue, la mission originelle de l’homme retrouve sa place centrale, et devient la clé de voûte de toute gestion durable de la planète.

Position de l’homme dans la création

Au regard du Créateur, l’homme n’est que le gestionnaire et non pas le « maître » de la création. Certes, créé à l’image de Dieu (Gen 1.26), il est en mesure de concevoir, de réaliser, de dominer. Le Très-Haut lui a communiqué des capacités, une intelligence, des dons, et ainsi l’homme est en mesure d’accomplir son « mandat culturel ». C’est d’ailleurs ce qu’il a fait, bon gré, mal gré, souvent à son insu. Qui aurait cru que la parole prophétique de Gen 1.28 s’accomplirait si littéralement ? Même si l’homme n’a pas souvent été mû par la crainte de Dieu et par le respect de la terre, il domine néanmoins sur le monde.

Cette position privilégiée, qu’il occupe parmi les autres êtres vivants, comporte surtout une immense responsabilité, celle de représenter Dieu sur terre. Ce statut, octroyé avant la chute, devait se vivre dans l’harmonie, le respect et la paix, à l’image du règne qu’exerce Dieu. Malheureusement, après cette effroyable rupture que fut la chute, l’homme a non seulement brisé sa communion avec Dieu, mais aussi ses relations harmonieuses avec les autres êtres vivants. « Émancipé », il rejette son Créateur hors de son univers et pollue toute vie, la sienne et celles des autres.

La rébellion et ses conséquences

Avant la rébellion humaine, le travail était vécu comme une bénédiction, une opportunité pour mobiliser toutes nos énergies, tant physiques qu’intellectuelles. L’homme pouvait se réaliser et développer toutes sortes d’activités ; la base du raisonnement scientifique était déjà posée (Gen 1.19-20). L’être humain pouvait trier, classer, nommer ; l’application technologique qui en découlera sera rapide (Gen 4.22; Job 28.9 ss). Il aurait pu vivre éternellement une vie de plénitude, d’équilibre. Mais il a préféré devenir dieu et régner seul, au prix de sa liberté, de sa vie ! Désormais la nature devient un milieu hostile, dans lequel il faut lutter pour survivre. Le sol maudit produit des épines et des ronces (Gen 3.17ss), obligeant l’homme à gagner son pain à la sueur de son front. L’équilibre naturel est brisé, ses relations avec les animaux sauvages sont empreintes de peur. Ces derniers deviennent pour lui une menace qu’il doit combattre et inversement, il devient pour eux un sujet de terreur :

« Vous serez un sujet de crainte et d’effroi pour tout animal de la terre, pour tout oiseau du ciel, pour tout ce qui se meut sur la terre, et pour tous les poissons de la mer… » (Gen 9.2 ss)

Cette aliénation s’étendra à toutes ses relations, tous les domaines de son activité seront entachés par l’envie, par le désir de posséder et de déposséder.

Un service agréable à Dieu

Travailler comme pour le Seigneur

L’Ecclésiaste, dans le bilan qu’il dresse de la vie humaine, ne considère pas le labeur comme un but en soi. Non transcendé par les perspectives spirituelles et éternelles, il n’est que vanité et poursuite du vent (Ecc 4.4). Mais heureusement Jésus-Christ est venu pour rétablir toutes choses. En lui le travail est réhabilité ; il retrouve la dimension que Dieu lui avait assignée à l’origine, à savoir « un culte » (ou « un service ») pour sa gloire.

« Tout travail est service de Christ, dont la seigneurie s’étend sur le monde entier. Il n’y a pas de différence principielle entre le travail d’un pasteur ou d’un missionnaire et celui d’un boulanger, d’un charcutier, d’un biologiste ou d’un agronome. Les uns et les autres agissent dans et pour le monde » (Bible et Ecologie; J.Douma, Editions Kerygma 1991, p. 34).

Jésus-Christ ayant lui-même assumé une activité professionnelle, celle de charpentier (Marc 6.3), valorise de fait le travail. Il appellera des travailleurs (pêcheurs : Mat.4.18; percepteur : Mat 9.9 etc.) dans le ministère apostolique. L’apôtre Paul a appris le métier de fabricant de tentes, qu’il exercera pour subvenir à ses besoins (Act 18.3; 1Cor 4.12). Dans sa deuxième Epître aux Thessaloniciens, Paul combat la paresse « car, lorsque nous étions chez vous, nous vous disions expressément : Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. » (1 Thes 3.10) Mais la vision chrétienne du travail va bien au-delà de la simple nécessité, tout ce que l’on fait doit être fait pour honorer le Seigneur.
« Tout ce que vous faites, faites-le de bon coeur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes » (Col 3.23).

Jésus-Christ nous a laissé, entre autres, deux paraboles : celle « des deux serviteurs » (Luc 12.41-48) et celle « des talents » (Mat 25.14-30), qui peuvent nous être utiles dans ce contexte. La première met en évidence notre position : nous sommes des serviteurs, et Dieu attend la fidélité dans notre gestion (1 Cor 4.1-2). La deuxième mérite que l’on s’y arrête plus longuement, parce qu’elle touche du doigt un problème très actuel dans les milieux chrétiens.

Employer ses dons

Dans cette parabole, Jésus-Christ affirme que tous les serviteurs ont reçu des talents différents, mais aucun n’en est dépourvu. Ainsi Dieu distribue aux croyants des capacités, certains en ont reçus plus, d’autres moins, mais tous en ont reçu (1 Pi 4.10). Certes, dans l’utilisation des dons, de multiples déviances peuvent émerger : l’orgueil, qui détruit tout travail et brise tant de relations (Rom 12.3), mais aussi les complexes, notamment d’infériorité, qui peuvent être tout autant dévastateurs. « Celui qui n’a reçu qu’un seul talent a été le plus vulnérable face à la tentation de la passivité et, probablement, de l’envie » (Revue Réformée, n° 225 – nov. 2003, p. 52, article de H.Kallemeyn). Ce que Jésus-Christ souligne, ce n’est pas tant les capacités, puisqu’elles sont un don de Dieu (« Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » 1 Cor 4.7), que la fidélité. Les croyants doivent vivre en nouveauté de vie, se détacher de ce que pensent les autres. Jésus-Christ nous a affranchis de nous-mêmes et de nos complexes, c’est en lui que nous avons notre identité. Nous devons redécouvrir la vraie liberté en Christ — « Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres » (Jean 8.36) — et la puissance de sa résurrection, « car le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en puissance. » (1 Cor 4.20) Ce « en Christ », expression favorite de l’apôtre Paul, était la conviction intime de l’Eglise primitive. Nous ne sommes rien, faibles et pauvres, mais en Christ nous avons un refuge et une autorité. Forts de cette assurance, les premiers chrétiens, en dépit de leurs nombreuses faiblesses (cf. 1 Cor 1.26 ss : « ni beaucoup de sages …ni beaucoup de puissants… ») ont pu conquérir le monde antique et bouleverser la sagesse des « sages ».

Un champ nouveau

En Christ, les croyants authentiques ont une base solide pour pouvoir agir, joyeusement, dans ce monde. Le travail est réhabilité, il retrouve la dimension originelle que le Tout-Puissant lui avait assignée, à savoir un vrai culte à sa gloire. L’homme redevient, sous l’autorité du Christ, ce gestionnaire humble et respectueux, attentif au bien-être des autres créatures. Aimant et protégeant la création, il contribue à préserver ce témoignage grandiose de la puissance éternelle de Dieu (Rom 1.20). Travailler la terre, ou sur la terre, n’est plus considéré comme une activité dégradante mais bien au contraire comme une entreprise de l’Esprit (un « culte » et une « culture » au sens le plus noble des termes), plaçant l’homme dans une juste relation avec son environnement et avec son Créateur.

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