Interpréter la Bible ne se limite pas à sélectionner des versets
Satan cite la Bible, mais il ne l’interprète pas correctement. Dans la scène tristement célèbre de Matthieu 4, Satan utilise les Écritures pour tenter Jésus pour qu’il saute du haut du pinacle du temple : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : “Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet ; et ils te porteront sur les mains, de peur que ton pied ne heurte contre une pierre.” » (Mat 4.6 ; cf. Ps 91.11-12).
Il n’est pas surprenant que Jésus ne tombe pas dans le piège. Oui, Satan a cité un Psaume qui promet que Dieu fournira des anges pour aider son serviteur. Mais Jésus a répondu par un verset biblique choisi avec soin : « Il est aussi écrit : Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu. » (Mat 4.7 ; cf. Deut 6.16).
Dans cette histoire, Jésus et Satan citent tous deux la Bible. La différence ? L’interprétation correcte. Au milieu de louanges à Dieu pour sa majesté et son amour, le Psaume 91 mentionne que Dieu mettra des anges à disposition de ceux qui se confient en lui. Le psalmiste n’affirme nulle part que le peuple de Dieu devrait se jeter du haut d’un gratte-ciel pour voir si Dieu est vraiment sincère. S’il s’était jeté du haut du temple, Jésus aurait mis Dieu à l’épreuve ; ç’aurait été un acte téméraire d’orgueil, et non un acte d’humilité dépendante.
Nous ne pouvons pas nous contenter d’accumuler des versets bibliques et de construire des affirmations bibliques sur la base d’une poignée de textes isolés de leur contexte biblique immédiat et plus large.
Nous devons interpréter la Bible correctement.
Le problème de la sélection des versets
Satan nous montre que citer des expressions et des phrases bibliques qui semblent bien adaptées sur le moment, mais hors de leur contexte, peut être un jeu dangereux. Il est évident que Satan était mal intentionné, mais même s’il avait cité innocemment le verset, le type d’application qu’il suggérait aurait été inapproprié.
La mauvaise sélection des versets est un problème très ancien et a été la source de multiples hérésies tout au long de l’histoire de l’Église.
• Marcion a séparé le Nouveau Testament de l’Ancien parce qu’il percevait un décalage entre le « Dieu en colère de l’Ancien Testament » et le gentil Jésus.
• Arius a nié la divinité de Jésus parce que Proverbes 8 et d’autres passages semblaient soutenir sa subordination au Père.
• Fausto Socin a utilisé un ensemble de passages épars de l’Écriture pour nier le péché originel et la préexistence de Jésus.
Dans tous les cas, l’hérésie était au rendez-vous.
En effet, on peut citer abondamment la Bible et pourtant l’enseigner de manière erronée.
Parmi les exemples modernes, citons les posts Instagram qui citent Philippiens 4.13 [« Je puis tout par celui qui me fortifie. »] et les tasses à café où est imprimé Jérémie 29.11 [« Car je connais les projets que j’ai formés sur vous, dit l’Éternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l’espérance. »]. Dans les deux cas, ces versets semblent promettre une bénédiction matérielle, physique ou même éternelle de la part de Dieu. Cependant, dans les deux cas, le contexte du passage révèle que ces versets sont la promesse de ressources au milieu de la souffrance. Sélectionner ces versets peut sembler innocent à certains, mais c’est aussi la racine du dangereux évangile de la prospérité qui s’est infiltré dans l’Église mondiale.
Depuis le ministère de Jésus jusqu’à notre monde d’aujourd’hui, la sélection de versets a été un fléau pour l’Église et a entraîné d’innombrables conséquences négatives.
Deux clés de l’interprétation biblique
Nous pouvons résumer le meilleur de l’interprétation biblique à chaque époque de l’histoire de l’Église en deux convictions clés : l’une est théologique et l’autre est canonique.
1. La Bible est avant tout un livre théologique cohérent
L’Église a toujours supposé que la Bible est la révélation de Dieu et que, par conséquent, elle constitue une histoire unifiée et non contradictoire.
Dans sa lutte contre des hérésies comme celle de Marcion, Irénée a affirmé que l’unité de Dieu impliquait l’unité de sa révélation. Alors que Marcion a creusé un fossé entre les deux Testaments parce qu’il ne pouvait pas les réconcilier, Irénée a soutenu que nous devrions interpréter les passages les plus difficiles de l’Écriture par les passages les plus clairs.
Plutôt que de supposer une contradiction ou de s’accrocher à quelques versets seulement pour construire une théologie erronée ou biaisée, Irénée enseignait que la Bible était comme une belle mosaïque dans laquelle chaque pièce s’emboîtait — d’une manière ou d’une autre — parce que le Dieu qui ne se contredit pas avait ordonné toute création, y compris l’Écriture, d’une manière non contradictoire. Bien sûr, il est possible dans certains cas d’établir des affirmations doctrinales claires sur la base d’un verset ou d’un passage, mais nous devrions toujours nous assurer que cette affirmation ne contredit pas d’autres parties de l’Écriture.
2. La Bible est un canon — un ensemble de 66 livres qui servent de règle ou de mesure à notre théologie
Ce point découle du premier. Une façon simple de voir l’histoire unifiée de la Bible est de remarquer qu’elle est entièrement autoréférentielle. Il est rare que l’on lise longtemps la Bible sans tomber sur une citation ou une allusion à une autre partie de l’Écriture. Qu’il s’agisse des références à l’intérieur de la Loi de Moïse à la création ou à l’exode, ou des références constantes des auteurs du Nouveau Testament à l’Ancien, la Bible oblige ses lecteurs à la considérer comme une histoire unifiée. Si tel est le cas, alors les auteurs bibliques divinement inspirés nous enseignent eux-mêmes à interpréter la Bible comme un tout. Sélectionner des versets bibliques pour prouver ses hypothèses théologiques personnelles, c’est aller à l’encontre du sens même de l’Écriture.
Interpréter la Bible pour adorer et pour vivre
Nous adorons Dieu correctement lorsque nous lisons sa Parole correctement. Matthieu 4 suffit pour montrer que sélectionner des versets bibliques peut être même satanique. La plupart des gens n’utilisent pas la Bible de manière malveillante comme l’a fait Satan, mais cette scène est néanmoins instructive pour nous.
Jésus nous a donné l’exemple d’une interprétation correcte à ce moment-là. Lorsqu’il a été confronté au Psaume 91, il a soumis la lecture de Satan à une grille d’interprétation avant de supposer qu’elle était correcte. Le Psaume 91 pris isolément pourrait indiquer que Dieu envoie toujours des anges pour aider les siens dans tous les cas de figure. Cependant, lorsque ce Psaume est mis en relation canonique avec Deutéronome 6, sa signification et son application sont clarifiées. Dieu pourvoira à nos besoins, mais ses ressources ne sont pas un jeu à manipuler ou à tordre.
Nous ne sommes pas le Fils parfait de Dieu, le Verbe lui-même. Mais il est néanmoins notre exemple lorsqu’il s’agit de comprendre l’Écriture. C’est lui qui a rappelé aux lecteurs de la Bible de son temps que la Bible est une histoire unifiée centrée sur lui (Jean 5 ; Luc 24). Par la puissance de l’Esprit, nous sommes capables de comprendre cette révélation divine afin de pouvoir adorer et vivre de façon juste en obéissant à sa Parole (1 Cor 2).
Laissons Jésus être notre divin maître afin que, instruits par Dieu, nous puissions dire avec les apôtres : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jean 6.68)