Dossier: L'évangélisation personnelle
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Interview d’Éric Denimal

Eric DenimalAuteur

Bonjour Éric. Pourriez-vous en quelques mots nous résumer votre parcours, spirituel et professionnel ?

J’ai grandi dans le nord de la France, dans une famille ouvrière non chrétienne. Ma mère, protestante, a souhaité que ses enfants reçoivent une instruction religieuse. Cependant, personne n’allait au culte chez nous. Le pasteur qui nous instruisait à « l’école du jeudi » (oups que cela semble loin !) et qui était un conteur remarquable, m’a impressionné à vie. J’ai eu envie de l’entendre plus et je suis allé seul au culte dès que j’ai osé chercher des gens pour m’y conduire. Proche du fils du pasteur, nous nous sommes engagés ensemble dans le scoutisme unioniste, mais sans que les valeurs chrétiennes y soient rappelées (nous n’étions pas loin de mai 68).

Lorsque mes parents ont divorcé, je me suis retrouvé soutien de famille à 19 ans, obligé de quitter mes études pour entrer dans la vie professionnelle. Sans diplôme, j’ai travaillé dans une menuiserie d’aluminium. Lors d’un déplacement sur un chantier à Mulhouse, j’ai découvert de la publicité pour des réunions d’évangélisation. De culture réformée, je ne savais pas ce que cela voulait dire et j’ai décidé d’aller écouter ce qui se disait dans ce type de rencontres. L’évangéliste, Yves Perrier, m’a semblé être un extra-terrestre et, au moment de l’appel, je me suis demandé comment on pouvait embrigader les gens ainsi. Mais curieux, je suis revenu le lendemain, et le surlendemain, jusqu’au dernier soir où c’est moi qui me suis avancé dès l’appel !

Deux ans plus tard, après une nouvelle expérience forte dans un camp de jeunes, j’ai quitté mon travail, passant le relais à mon frère cadet pour subvenir au besoin de la famille, et, sans un sou, j’ai repris des études en région parisienne. À chaque période de vacances scolaires, je retournais en Alsace, dans l’atelier de menuiserie d’aluminium où le contremaître, comprenant ma démarche, me réengageait à chaque fois. C’est ainsi que j’ai pu payer une partie de mes études. Diplômé en théologie, j’ai fait mes premières armes dans la programmation de Radio-Évangile à Monaco (RMC) avant de changer totalement d’horizon pour travailler dans une œuvre sociale chrétienne auprès des SDF à Dunkerque. En studio, je manquais de contacts humains, à Dunkerque, j’ai été servi ! J’ai ensuite exercé un ministère pastoral dans les Cévennes puis dans le Pas-de-Calais avant d’être appelé par l’Alliance Évangélique Française pour développer sa communication. J’y ai peaufiné ma fibre journalistique quelques années, notamment en m’occupant des contacts médias au moment de la campagne d’évangélisation avec Billy Graham à Bercy, puis je suis devenu rédacteur en chef de l’hebdomadaire protestant « Le Christianisme au xxe siècle ».

Dix ans plus tard, on m’a proposé la responsabilité des Éditions LLB à Valence. J’y suis resté une nouvelle décennie. J’ai alors décidé de reprendre un ministère pastoral à la demande de la commission synodale des Églises Évangéliques Libres pour venir au secours d’une église en crise. Mission accomplie au bout de 7 ans, je suis revenu vivre à Valence pour me consacrer à l’écriture, me mettant aussi à la disposition des églises pour des conférences, séminaires et autres. J’aime à dire que, depuis ma conversion, j’ai souvent changé de métier, mais jamais de patron !

Vous êtes l’auteur d’un best-seller : le livre La Bible pour les nuls, paru aux éditions First dans la fameuse collection « Pour les nuls ». Comment se fait-il que ce soit un auteur évangélique qui ait été retenu ?

Peut-être parce que c’est moi qui ai eu l’idée de proposer ce projet à la maison d’édition ! De fait, j’avais depuis longtemps la conviction qu’un livre d’initiation à la Bible pour le grand public manquait cruellement, et que nous ne pourrions jamais atteindre ce public sans un vrai livre d’introduction à la Bible publié par une grande maison d’édition qui se spécialise dans l’ouvrage pédagogique et pratique.

C’est ainsi que j’ai contacté les Éditions First avec ce projet. J’ai été invité à aller expliquer mon « rêve » et après plusieurs rencontres et une proposition de synopsis de tout ce que je pensais utile dans un tel ouvrage, je suis parvenu à convaincre l’éditeur. Ce qui a été déterminant pour que le projet me soit définitivement confié, c’est que j’avais à la fois une formation théologique et une expérience journalistique. Pouvoir apporter des éléments précis et sérieux dans un langage populaire, tel était le défi. Le contrat était clair : ne pas faire de prosélytisme, mais présenter la Bible telle une œuvre littéraire remarquable.

Toujours dans ce livre, comment avez-vous choisi de faire passer le message de l’Évangile ?

En tant que chrétien, je sais et je connais la puissance de la Parole. Je n’avais donc pas grand-chose à y ajouter… J’ai décidé de lui faire confiance. Certes, je ne pouvais pas dire que la Bible était la Parole de Dieu, mais je pouvais la citer et ainsi montrer ce qu’elle contient et les vérités qu’elle développe. Par exemple, en présentant chacun des livres bibliques, j’ai décidé de proposer une citation afin que le lecteur puisse découvrir la richesse des styles et la profondeur des textes. Mes choix de citations ont aussi été conduits par la volonté de présenter, simplement, le projet de Dieu pour l’homme. Jamais je ne devais proposer une interprétation biblique puisqu’il n’était pas question de faire de la théologie, même pour les nuls, mais j’ai maintenu, tout au long de ma rédaction, le fait que la Bible était un livre fiable. Ce qui était déjà une prise de position que certains réformés ont d’ailleurs critiquée.

Ce que j’ai souhaité, de page en page, c’est donner au lecteur l’envie d’en savoir toujours plus et de susciter assez sa curiosité pour qu’il aille, par lui-même, découvrir ce que le texte biblique disait. Or, j’ai reçu plusieurs témoignages de personnes qui ont commencé leurs découvertes avec La Bible pour les Nuls pour ensuite acquérir une Bible. J’ai même rencontré, dans une église évangélique où j’étais invité pour des conférences, un couple qui avait lu mon livre, puis la Bible et s’était approché d’une église pour apprendre à la mieux lire. Ce couple était depuis peu devenu membre de cette église. De faire leur connaissance, j’étais très ému ; certes, en écrivant La Bible pour les Nuls, c’est ce que je visais, mais de rencontrer pareilles personnes demeure une merveilleuse surprise.

On parle souvent de Jésus dans les médias, mais en en faisant une présentation biaisée. Vous avez écrit récemment Le Christ selon Jésus. Quel était votre but et comment avez-vous cherché à présenter Jésus à notre génération qui le reconnaît, au mieux, comme un sage ?

Lorsqu’en 2005 je me suis retrouvé pasteur d’une église locale qui venait de traverser une crise grave et que mon mandat était de restaurer cette communauté, j’ai pensé qu’il était indispensable de revenir à l’essentiel, à ce qui devait cimenter les chrétiens et l’église locale, Jésus. L’apôtre Paul avait dit avec force : « Je ne veux savoir autre chose que Jésus-Christ. » (1 Cor 2.2) J’ai alors décidé de prêcher plusieurs dimanches sur la personne et les propos de notre Seigneur, en n’utilisant que l’Évangile selon Marc. Le travail en amont des prédications m’a passionné et bouleversé. Je pensais pourtant connaître assez l’Évangile pour ne pas avoir à trop labourer ce terrain-là, et finalement, j’ai fait des découvertes extraordinaires qui ont changé même ma vision du Christ. Et cela m’a conduit à plus de 50 messages. Ébloui par ce que j’avais discerné et découvert, j’en ai parlé à un ami éditeur qui m’a donné carte blanche pour retravailler tout ce matériau et en faire un livre pour le grand public. Nouvelle gageure parce qu’il faut alors raconter, expliquer, et mettre en scène.

Étrangement, la personne de Jésus suscite toujours beaucoup d’intérêt de la part de nos contemporains et, chaque année, plusieurs livres paraissent sur lui dans l’édition profane. Il y a des choses bonnes, mais surtout beaucoup de choses très mauvaises. J’ai cherché à montrer, pour ma part, à quel point Jésus impose un Messie qui est à la fois totalement celui que les prophètes ont annoncé, et, en même temps, je voulais montrer à quel point Jésus bouscule les idées reçues et construites à partir des prophéties et des fantasmes nés d’interprétations parfois fantaisistes. C’est ainsi que je suis arrivé à découvrir le Christ selon Jésus lui-même. J’ai notamment compris, de façon nouvelle, pourquoi, dès le début de l’Évangile selon Marc, Jésus était l’homme que les religieux voulaient abattre. J’ai alors écrit mon livre comme un thriller.

Vous avez également écrit Dire Dieu. Quels conseils pourriez-vous donner à un chrétien qui voudrait témoigner de manière « naturelle » au quotidien ?

La réponse est dans votre question. Témoigner de façon naturelle au quotidien. Mais je suppose que vous voudriez que j’en dise plus ! La première des choses à rappeler, c’est que le témoignage, autrement dit l’évangélisation personnelle, n’est pas une option. C’est un ordre, un devoir, une responsabilité. Dieu, en qui nous devons avoir foi, a assez de foi en nous pour nous confier sa représentativité. Vu sous cet angle, les perspectives changent beaucoup.

Une autre chose me semble importante : nous devons parler de Dieu, dire Dieu, avec nos mots, même s’ils sont maladroits ou imprécis. Au delà des mots que nous utilisons, et même avant les mots, notre interlocuteur entend notre accent. L’authenticité de ce que nous disons est dans la façon de dire, et l’accent de vérité se perçoit mieux que les meilleures définitions théologiques. Si je dis comment je perçois Dieu, comment il intervient simplement ou extraordinairement dans ma vie, j’évoque mon vécu, lequel est moins contestable qu’un article académique sur la foi.

Si ma mission est de présenter Dieu aussi bien que possible, elle n’est pas de convaincre. J’ai appris, par expérience, que celui qui cherche à convaincre est plus souvent un mini-gourou qu’un frère en la foi. Je me souviens aussi que c’est le Saint-Esprit qui convainc. J’ai suffisamment à faire pour ne pas me charger du travail du Saint-Esprit, qui, toujours, est nettement meilleur que moi. Pour ma part, je préfère raconter Dieu que le prêcher.

Enfin, même fortement attaché à Dieu, il me reste des interrogations, des questions, des révoltes, des peurs même. Plutôt que prétendre avoir tout résolu en me tournant vers Dieu, j’ose dire mes questions, des angoisses, mes perplexités, et du coup, je reste au niveau de mon prochain qui, lui aussi, se débat avec ses inquiétudes. Certes, nous pouvons être frères en église, mais hors de l’église, nous sommes, avec tous, frères en humanité. C’est un rôle que nous avons à remplir, forts de nos convictions et fragiles dans nos certitudes.

En quoi l’église locale peut-elle également jouer un rôle dans l’évangélisation ? Avez-vous quelques expériences en ce domaine à nous rapporter ?

L’Église a un rôle à jouer dans la société, et lorsqu’elle joue ce rôle, elle fait, indirectement mais efficacement, de l’évangélisation. Si l’Église est crédible, tout son message sera reçu et apprécié. Bien sûr, nous pouvons faire de l’évangélisation en organisant des rencontres spéciales, avec un orateur pertinent et explicite (je n’ose dire convaincant), et j’aime remplir cette mission. Mais je crois aussi que dans un monde où la parole n’a plus de sens, où les promesses sont caduques dans le quart d’heure après qu’elles ont été faites, où la désespérance est aliénante, où les lois deviennent iniques, il est important d’entrer dans une espèce de résistance pour dire où est le sens, le bon sens et l’essentiel.

Dans l’histoire, les chrétiens ont été des témoins efficaces lorsqu’ils ont osé entreprendre des actions dans la société, avec l’objectif de la changer, d’améliorer la condition humaine, de protéger les individus et de dénoncer les machinations politiques qui broient les dignités. Ce sont des combats titanesques, mais lorsque nous nous levons ainsi, au nom du Christ, nous sommes de vrais évangélistes. La faillite des paroles humaines d’aujourd’hui vient de ce que le discours n’est pas cohérent avec l’action, que les porte-paroles ont perdu toute crédibilité à cause de leur propre comportement. Il ne faut pas que la parole des chrétiens soit mise dans le même lot, parce qu’elles sont en écho de la Parole de Dieu.

 

 

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