Jésus est-il « descendu aux enfers » ?
Certains théologiens pensent que Jésus serait réellement descendu aux enfers ou au séjour des morts, dans l’intervalle entre sa mort sur la croix le vendredi et sa résurrection du tombeau le dimanche matin. Mais cette idée est controversée.
Pourquoi une telle controverse ?
Parmi les raisons de la controverse, il y a le fait qu’il n’existe aucun texte biblique unique qui traiterait de la doctrine de la descente aux enfers de manière complète, ou qui aborderait la question de manière claire et sans ambiguïté. En outre, la doctrine ne figure pas dans les premières versions du Credo des Apôtres, mais elle est apparue pour la première fois dans la forme aquilienne de ce dernier, qui date d’environ 390 après Jésus-Christ.
La doctrine a été formulée en assemblant différents textes de la Bible (principalement Ps 16.10; Éph 4.8-10; 1 Tim 3.16; 1 Pi 3.18-19 et 4.4-6) et de la déclaration du Credo en une image composite : « Jésus est descendu au Hadès, où il a prêché aux esprits emprisonnés avant d’être enlevé le troisième jour. » Il faut noter que dans cette version de la doctrine, la descente au séjour des morts est à la fois la dernière étape de l’humiliation et la première étape de l’exaltation de Christ, puisqu’il s’agit de proclamer triomphalement aux esprits asservis par le péché que Jésus a vaincu la mort et l’enfer.
Que disent au juste les textes ?
« Tu ne livreras pas mon âme au séjour des morts, tu ne permettras pas que ton bien-aimé voie la corruption » (Ps 16.10 ; cf. 30.3). Ce premier passage est le seul de l’Ancien Testament. Certains y ont vu une prophétie selon laquelle Jésus descendrait en enfer et en reviendrait.
Cependant, lorsqu’on l’examine de près, ce verset semble faire simplement référence à la délivrance de la mort, et non de l’enfer. Le terme « shéol » était fréquemment utilisé pour désigner simplement l’état de mort. Pierre et Paul ont tous deux interprété le Psaume 16.10 comme signifiant que le Père ne laisserait pas Jésus sous la puissance de la mort pour qu’il voie la corruption, ou, en d’autres termes, ne permettrait pas que son corps se décompose (Act 2.27-31 ; 13.34-35). Le psalmiste n’enseigne pas que Jésus descendrait dans un lieu appelé Hadès et en serait ensuite délivré ; il affirme que la mort n’aurait aucun pouvoir permanent sur Jésus.
« Étant monté dans les hauteurs, il a emmené des captifs, et il a fait des dons aux hommes. Or, que signifie : Il est monté, sinon qu’il est aussi descendu dans les régions inférieures de la terre ? » (Éph 4.8-9)
Le verset 10 précise que la montée s’est faite « au-dessus de tous les cieux », c’est-à-dire qu’il s’agissait d’un retour de la terre au ciel. La descente, par conséquent, était du ciel vers la terre, et non pas vers quelque part sous la terre. Ainsi, « les régions inférieures de la terre » (v. 9) doit être compris comme : « il était aussi descendu dans les régions inférieures [de l’univers], c’est-à-dire terrestres ».
« Le mystère de la piété est grand : Dieu a été manifesté en chair, justifié par l’Esprit, vu des anges, prêché aux nations, cru dans le monde, élevé dans la gloire » (1 Tim 3.16).
Il a été suggéré que les anges en question sont des anges déchus qui ont vu Jésus lors de sa descente aux enfers. Il convient toutefois de noter qu’à moins qu’une qualification ne s’attache au mot « anges », celui-ci se réfère toujours aux bons anges. Il semblerait conforme au reste du passage de considérer l’expression « vu des anges » comme la confirmation par des témoins célestes du fait que Dieu s’est manifesté dans la chair, et non comme une preuve que Jésus est descendu en enfer, où il aurait été vu par des anges déchus ou des démons.
« Christ a souffert une fois pour les péchés… il a été mis à mort quant à la chair, et rendu vivant quant à l’Esprit, dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison.» (1 Pierre 3.18-19).
Il existe plusieurs interprétations différentes de ce passage.
• L’opinion catholique romaine traditionnelle : Jésus s’est rendu au limbus patrum, (= la demeure des saints) qui avaient déjà vécu et étaient morts ; il leur a annoncé la bonne nouvelle de sa victoire sur le péché, la mort et l’enfer, puis les a fait sortir de ce lieu.
• L’opinion luthérienne : Jésus est descendu au Hadès non pas pour offrir la délivrance à ceux qui s’y trouvaient, mais pour déclarer et achever sa victoire sur Satan et prononcer une sentence de condamnation.
• L’opinion anglicane traditionnelle : Jésus est allé au Hadès, dans la partie spécifique appelée paradis, et a présenté aux justes un exposé plus complet de la vérité.
Aucune de ces interprétations n’est adéquate.
• L’idée d’une seconde chance d’accepter l’évangile du salut après la mort semble incompatible avec d’autres enseignements de l’Écriture (par exemple Luc 16.19-31).
• Dans l’Écriture, le mot « κηρύσσω » (kērussō – prêcher) est toujours employé pour la proclamation de l’Évangile ; dans l’interprétation luthérienne de 1 Pierre 3.19, il serait utilisé pour une annonce de jugement.
• L’interprétation anglicane a du mal à expliquer pourquoi les justes au paradis sont décrits comme des « esprits emprisonnés ».
Il est certainement difficile de proposer une interprétation de 1 Pierre 3.18-19 qui soit à la fois cohérente et conforme à l’enseignement du reste de l’Écriture. Une possibilité est de comprendre ce passage à la lumière du verset 20 : Jésus a « prêché aux esprits en prison » qui ont désobéi il y a longtemps, lorsque Dieu attendait patiemment, au temps de Noé, pendant que l’arche était construite. Dans celle-ci, quelques personnes seulement, huit en tout, « furent sauvées à travers l’eau ». Selon cette interprétation, Jésus a été rendu vivant dans le même esprit que celui dans lequel il avait prêché par l’intermédiaire de Noé aux personnes qui vivaient dans les jours précédant le déluge. Ces personnes n’avaient pas tenu compte de son message et avaient donc été détruites. Jésus avait prêché dans la puissance de l’Esprit aux pécheurs de son temps. Ils étaient aussi inattentifs au message que l’avaient été les pécheurs du temps de Noé, et aussi inattentifs que le seront d’autres, juste avant la seconde venue (Mat 24.37-39). « l’Évangile fut aussi annoncé aux morts, afin qu’après avoir été jugés comme les hommes dans la chair, ils vivent selon Dieu par l’esprit » (1 Pi 4.6).
Il a été suggéré que ce verset indique une descente de Jésus en enfer pour prêcher aux esprits qui s’y trouvent. Cependant, supposer que Pierre veut dire que l’Évangile a été prêché à des personnes qui étaient déjà physiquement mortes, c’est se heurter à l’une des mêmes difficultés que celles mentionnées à propos de 1 Pierre 3.18-19 – nulle part ailleurs dans l’Écriture il n’est fait allusion à une seconde chance pour les morts. En outre, rien n’indique que la prédication mentionnée par Pierre ait été faite par le Christ. Il semble donc préférable de voir dans 1 Pierre 4.6 une référence générale à la proclamation du message de l’Évangile, soit à des personnes décédées après avoir entendu cette proclamation, soit à des personnes spirituellement mortes (cf. Éph 2.1, 5 ; Col 2.13).
Conclusion
Les passages cités comme preuve d’une descente de Jésus aux enfers sont au mieux vagues ou ambigus, et la tentative de les rassembler en une doctrine est peu convaincante. Il n’y a pas d’argument solide pour affirmer que Jésus est descendu aux enfers.