Jésus l’évangéliste
Scott McCarty a fait ses études en théologie au Dallas Seminary, aux États-Unis. Il exerce un ministère d’enseignement biblique en France depuis 1971. Il est marié et père de cinq enfants. Il est co-fondateur du C.I.F.E.M. et auteur de nombreux articles.
« Quand il sortit de la barque, Jésus vit une grande foule, et il fut ému de compassion pour eux, parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont point de berger ; et il se mit à leur enseigner beaucoup de choses. »
Marc 6.34
Tous les chrétiens savent par la lecture du N.T. que le Seigneur Jésus-Christ « est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19.10). Ils savent aussi que le Sauveur des hommes a été la deuxième personne de la Trinité incarnée (Mat 1.23 ; Jean 1.1-2 ; Mat 8.20 ; Jean 19.5 ; Ac 2.22), et qu’il est le seul médiateur entre le Père et l’humanité (1 Tim 2.5). Par sa mort et par sa résurrection (Jean 1.29 ; Act 4.10,12), il a acquis le pardon des péchés et la vie éternelle en faveur de celui qui se repent et croit en lui (1 Pi 1.3-4 ; Eph 1.7 ; Jean 1.12-13 ; Act 20.21).
A. L’exemple de Jésus
Une juste compréhension de l’œuvre de Christ est le fondement de la vie chrétienne. Or Jésus a sans cesse démontré une attitude dynamique et pleine de zèle dans son travail d’évangéliste (Mc 1.15) ; il exhortait ses disciples à évangéliser (Mc 10.13), ce qu’ils ont fait (Ac 2.22-24, 32-36 ; 10.36-43 ; 1 Cor 9.16 ; 1 Pi 1.12). Une question se présente donc naturellement : « Comment le Seigneur a-t-il évangélisé ? » La réponse complète à cette question mériterait un traité couvrant l’ensemble des quatre Evangiles ! En guise d’introduction au sujet, je propose un verset qui met en évidence sept facteurs qui ont contribué, à cette occasion, au succès du témoignage de Jésus-Christ. Voici ce texte (Marc 6.34) subdivisé en sept parties :
« Quand il sortit (1) de la barque (5), Jésus vit (2) une grande foule, et il fut ému de compassion pour eux (3), parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont point de berger (4) ; il se mit à leur enseigner (6) beaucoup de choses (7). »
1. Sortir
Dans cet épisode, Jésus a pratiqué ce qu’il allait enseigner plus tard, en Mat 28.18-20 : sortir vers les perdus : « Allez… ». Le monde évangélique en général recommande : « Venez dans notre église où vous allez entendre la bonne nouvelle du prédicateur spécial (il prêche vraiment bien). Il va vous expliquer comment devenir enfant de Dieu. » Nous avons laissé les sectes accaparer la méthode « sortir… aller », et nous ne savons plus comment chercher les perdus. Dans mon village, les samedis après-midi, je sors rencontrer des hommes de porte en porte, et ce depuis cinq ans. Je peux passer de 45 minutes à 4 heures avec mes interlocuteurs à partager l’Evangile. Je prie tous les jours pour des ouvertures et crois éperdument à l’intervention de Dieu ; il a toujours répondu !
2. Voir
Jésus voit et constate que des gens existent. Que voyons-nous lors de nos sorties en ville, au supermarché, sur les routes, dans les rues, à notre lieu de travail, dans le métro-train-bus-avion ? Seulement des êtres inconnus auxquels nous sommes totalement indifférents, et pour lesquels nous ne souhaitons pas même qu’ils puissent entendre l’Evangile et être sauvés ? Sommes-nous si occupés par nos affaires et nos pensées que nous venons à conclure : « Le Seigneur m’a sauvé, qu’il fasse donc de même pour eux » ? Nous devrions partout voir des autochtones de l’abîme, car sans Christ, tous iront éternellement en enfer (Jean 3.18b, 36b ; Luc 16.19-31 ; Mat 25.46 ; 1 Jean 5.12b). Nous sommes si bien installés dans notre matérialisme et dans notre indifférence aveuglante que nous ne nous sentons plus concernés par l’existence de la géhenne éternelle ; elle ne nous trouble plus. Et si toutefois nous recevons encore la doctrine biblique de l’enfer, que faisons-nous pratiquement pour essayer de barrer la route dite large (Mat.7.13) à ceux qui s’y précipitent ?
3. Compatir
Jésus a eu une réaction normale pour un individu animé d’un esprit d’évangéliste, et dont l’âme était affligée par l’état des « Enferriens » : il a été saisi d’une forte émotion de pitié compatissante. Pour qui avons-nous de la compassion, en dehors de notre famille, parmi ceux que nous côtoyons tous les jours ? Les voyons-nous, reconnaissons-nous leur état spirituel ? Quelle est la grandeur et la profondeur de notre réservoir de compassion pour les perdus ?
4. Percevoir
Jésus a eu une perception exacte et juste de l’état spirituel des Galiléens : il avait à faire à des brebis vagabondant dans la vie sans la direction du maître Berger. Il ne suffit pas d’admettre intellectuellement et théologiquement que tous les pécheurs non régénérés sont séparés et perdus par rapport à Dieu (Rom 3.23 ; 6.23 ; Jean 3.36b). Il faut être pénétré de leur tragique destinée jusqu’au fond de nos entrailles. Voulons-nous que les brebis perdues trouvent le Berger pour avoir le salut et une vie abondante ici-bas (Jean 10.9-10, 16) ? Qu’allons-nous faire ?
5. Être flexible
Jésus démontre sa capacité de flexibilité en changeant ses plans pour s’adapter à de nouvelles données. Jésus et ses disciples sont descendus à terre avec une seule idée en tête, se reposer quelque part. Or Jésus, toujours souple dans sa capacité d’interpréter les circonstances, décide de répondre d’abord à la détresse de la foule. Malheureusement, je constate, après 34 ans passés en France, que nos églises, nos responsables et beaucoup d’entre nous, sommes figés dans des pratiques traditionnelles. Nous sommes affublés d’œillères qui ne nous permettent pas d’envisager d’autres méthodes que celles que nous avons toujours pratiquées, et qui ne font plus recette : à savoir l’invitation de prédicateurs extraordinaires, la distribution de traités dans les boîtes aux lettres et dans la rue, la mise sur pied de festivals de films chrétiens, ou la confection de repas gratuits, en vue de faire entrer des gens dans nos salles.
J’ai participé à de tels événements, et j’en ai même fait la promotion. Dites-moi : quels ont été les résultats de ces initiatives dans le cadre de votre église ? Quant à moi, frustré, j’ai dû demander au Seigneur en 2001 ce qu’il convenait de faire pour sortir de l’ornière évangélique, où l’on s’agite une ou deux fois par an sans résultats probants. Matthieu 28.18-20 résonnait fortement dans ma tête ! Comment concrétiser cet ordre de mission ? J’ai pris la liberté d’aller au devant des perdus en passant de porte en porte muni d’un questionnaire! Vu la réaction de certains de mes frères et sœurs lorsque j’ai annoncé mon projet, j’ai préféré ne plus en parler. J’ai commencé mon action en septembre 2001. En cinq ans, le Seigneur m’a rendu plus flexible, pourtant je pars chaque fois avec l‘estomac noué, le cœur battant la chamade, et en suppliant le Seigneur d’envoyer l’Esprit ouvrir des portes là où il veut que j’entre ! Par la grâce de Dieu, la réponse vient et l’Evangile a déjà pu être partagé avec des centaines de personnes. Mon espoir est de voir naître une communauté locale fondée sur Christ dans cette forteresse du Malin de 6 500 à 7 000 personnes que constitue mon village.
6. Enseigner
Jésus a enseigné et prêché la vérité (doctrinalement irréprochable) dont les « brebis » avaient besoin. Ce qu’il disait correspondait à sa nature, à son ministère, et à l’état spirituel de son auditoire. Ce point n’est aucunement anodin étant donnée la théologie pervertie des rabbins de l’époque. Certains évangéliques du XXIe siècle diraient qu’ils n’ont pas le problème qu’avait Jésus pour évangéliser les perdus. Et pourtant… quelle cacophonie de messages parmi tous les « évangiles » qui circulent aujourd’hui : la résurrection de Christ devient prétexte à des promesses de guérison physique, les bonnes œuvres sont présentées comme nécessaires à l’acquisition du salut, l’universalisme (croyance qu’en fin de compte, tout le monde sera sauvé) devient monnaie courante. J’ai même entendu un prédicateur spécial, invité pour prêcher l’Evangile, qui n’a jamais mentionné la Croix ! La prédication est souvent devenue molle, accommodante ¬— et impuissante, parce qu’elle est de moins en moins biblique et que l’activité de l’Esprit ne peut plus s’y faire sentir. Un agréable sermon ne fera jamais œuvre de prédication si le péché et la repentance passent à la trappe. De plus, l’Evangile ne doit pas être désincarné : nous devons le vivre.
7. Connaître en profondeur
L’enseignement prolongé du Seigneur implique, par déduction, que si nous connaissons et vivons un Evangile bibliquement fondé, nous possédons un réservoir de connaissances et d’exemples bibliques capables d’être utiles dans des situations où la flexibilité l’exige. Trop de chrétiens n’ont qu’une connaissance biblique superficielle et disparate, inadéquate pour servir d’instrument d’évangélisation aiguisé dans les mains du Saint-Esprit. Jésus, tout en demeurant éternellement le Dieu omniscient, a grandi comme homme dans la connaissance de la vérité de Dieu par sa lecture personnelle de la Parole de Dieu, par l’instruction reçue à la synagogue et par une méditation prolongée sur la vérité. Comment assimilons-nous la vérité biblique, et quel est notre niveau de connaissance biblique ? Si nous reconnaissons qu’il existe une carence dans ce domaine, que faisons-nous pour y remédier ?
B. Comment agir ?
Un de mes professeurs nous disait, dans les années 50 : « Ne dites jamais à quelqu’un ce qu’il doit faire, si vous ne lui dites pas comment le faire ! » Voici donc quelques actes précis qui peuvent nous aider à marcher sur les traces de Jésus l’Evangéliste :
1. Nous repentir, car par rapport aux sept points développés ci-dessus, nous sommes tous manquants et coupables. La repentance réelle et transparente est l’élément qui manque peut-être le plus parmi les chrétiens évangéliques francophones (cf. 1 Jean 1.9). Ne sommes-nous pas laodicéens (cf. Ap 3.14 ss.) dans notre manière d’envisager la mission que Jésus a confiée à ses disciples. Si nous disons aimer Jésus, comment ne pas aimer ceux qu’il aime ?
2. Prier pour que l’amour qui réside en nous (Rom 5.5) se répande davantage sur les perdus, où qu’ils se trouvent. L’Esprit de Dieu nous montrera de quelle manière l’amour de Christ (2 Cor 5.14-15) peut se manifester à travers nous. Pour le salut de qui prions-nous assidûment, en dehors de notre proche famille ? Avons-nous pris l’initiative d’établir une liste de perdus pour lesquels nous prions avec ferveur et fidélité ? Ou alors nous reposons-nous sur le prétexte que Dieu, dans son absolue souveraineté, saura bien sauver les « élus », pour ne rien faire nous-mêmes! Celui qui emploie cette échappatoire pour ne pas se soucier des incroyants n’a pas sérieusement lu son N.T. et n’a pas la vision de Jésus, ni celle des apôtres.
3. Prier le Père et le Fils que le Saint-Esprit crée des occasions de témoigner de l’Evangile (Luc 12.12-15 ; Jean 15.26). Comme les trois veulent que nous témoignions, nous recevrons des réponses concrètes à cette requête.
4. Décider si nous sommes prêts à payer le prix pour représenter et présenter Jésus et la Bonne Nouvelle aux autres : un rejet familial, la perte d’amis parce que nous serons perçus comme des fanatiques, une perte d’emploi, la perte de notre réputation, ou même la moquerie de la part des chrétiens de notre église (Marc 8.38 ; 10.29-30 ; Mat 10.35-38 ; Jean 15.20 ; 2 Tim 3.11-12). Jésus-Christ vaut-il tout cela ?
5. Prier pour recevoir la sagesse, car il importe de discerner comment, où, et quand témoigner du Seigneur Jésus. 2 Tim 4.1-2, 5 souligne que, même si tous n’ont pas le don d’évangéliste (capacité d’amener régulièrement des gens à la conversion), chaque chrétien authentique reçoit le mandat d’évangéliser en témoignant de ce que Christ a fait pour lui, et de le faire connaître.
6. Apprendre comment présenter Jésus-Christ, sa personne et son œuvre rédemptrice, d’une manière claire, précise, intelligente, et surtout avec l’amour de Christ. Notre interlocuteur est une créature aimée de Christ. Et si nous nous sentons entravés dans notre témoignage, demandons conseil et soutien à un ou plusieurs responsables de notre église.
Notre Seigneur a été le meilleur évangéliste et sa méthode n’a jamais été surpassée, même par nos frères « spécialistes » de la croissance de l’Eglise qui écrivent livre sur livre à ce sujet. Restons simples et retournons au N.T. Le Saint-Esprit préfère, je crois, la méthode du Fils. Prenons le temps de méditer Marc 6.32-34 pour comprendre dans la prière sincère comment les sept principes relevés peuvent devenir réalité dans nos vies de disciples.