Dossier: Le livre de Job
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Job, un exemple de persévérance pour le chrétien (Jacques 5.7-11)

L’Épître de Jacques contient la seule mention de Job dans tout le Nouveau Testament, dans une péricope où la patience de Job est éprouvée, et sa persévérance mise en évidence (Jac 5.7-11) 1 . Or, l’on sait, à la lecture du livre, ce que le patriarche a dû endurer et supporter de provocations, de la part :
• de son principal accusateur, Satan (Job 1.6-12),
• de sa femme (2.9),
• de ses trois « amis » (2.11 à 25.6),
• enfin d’Élihu, surgissant sur la fin (Job 32 à 37).

Dans une certaine mesure, Job doit aussi faire face à lui-même, à ses réactions passionnées qui le dévorent exagérément devant les fadaises de ses intervenants, dont les mots tournent en boucle, de chapitre en chapitre. « Alors même qu’il y a trois personnes, on n’entend qu’une seule voix. À l’image de la classe des sages qui entoure le pouvoir royal pour mieux le flatter, ces trois hommes ne sont que les porte-paroles d’un discours qu’ils ne font que ressasser sans le travailler eux-mêmes. Ils sont trois, mais ne parlent que d’une seule voix » 2 Élihu, le quatrième « ami », est jeune et s’entoure des précautions oratoires nécessaires. Cependant, et c’est ce qui le distingue de ces trois prédécesseurs, il accepte les protestations d’innocence de Job attribuant à sa souffrance une valeur éducative3 .

Pour Jacques, Job est un réel exemple de fermeté

Son endurance jusqu’à la fin et sa capacité à supporter la souffrance sans qu’elles ne le séparent de Dieu comme s’il avait péché, en font un cas « à part », au même titre que les prophètes de l’A.T. qui ont parlé de la part du Seigneur (Jac 5.10).
Ce recours aux prophètes est conforme à la tradition juive qui faisait d’eux des martyrs (Act 7.52 ; Rom 11.3 ; Héb 11.36-38). Selon Jacques, Job serait-il à « ranger » parmi les prophètes pour leur exemple de loyauté et de constance ?Il est d’ailleurs assez curieux que Jacques cite Job plutôt que Jésus comme modèle d’endurance néotestamentaire (Héb 12.1-3), d’autant plus qu’il n’y a pas d’autre mention du patriarche dans tout le N.T. Cette référence s’explique notamment par le fait que ce personnage emblématique est un exemple connu dans tout le judaïsme, l’Épître de Jacques s’adressant justement à des chrétiens d’origine juive « hors de Palestine » (Jac 1.1).
« Prenez donc patience » est le premier conseil de cette unité littéraire comprenant cinq versets traitant ultimement du courage dans l’épreuve. En approfondissant le texte, il sera sans doute utile de se souvenir que sa perspective est principalement eschatologique 4.
Notons que cette dernière portion de l’Épître arrive juste avant que Jacques n’entame la conclusion de sa lettre (les versets 12 à 20), rappelant à ses lecteurs quelques principes fondamentaux qui l’ont encouragé à leur écrire, leur recommandant encore la patience, la prière persévérante et l’entraide spirituelle.
« Prenez donc patience » et « restez fidèle », sont deux manières par lesquelles Jacques commence sa lettre aussitôt les salutations formulées (Jac 1.2-3). « Heureux l’homme qui endure l’épreuve » ou « qui tient bon dans l’épreuve » (Jac 1.12a), est en effet la meilleure réponse évangélique à la persécution venant du dehors, l’objectif n’étant pas de répondre aux coups par des coups, mais en toutes choses de rester fidèle à Dieu, une précieuse récompense étant attachée à celui, à celle, qui aura fait ses preuves en supportant patiemment l’épreuve (Jac 1.12b).
La vie du disciple est exigeante. Elle n’est ni dans le compromis ni dans l’affrontement. Une vie à laquelle le Seigneur Jésus lui-même ne s’est volontairement jamais soustrait… Non par masochisme, mais par soumission et loyauté à son Père et au but assigné d’un commun accord,dès le commencement (cf. Éph 1.1-14).

Mais jusqu’à quand doit durer la patience ?

Jusqu’à la manifestation, l’avènement du Seigneur, selon le verset 8. C’est à la fois vrai pour le temps présent, et pour celui à venir.
Car le chrétien fait constamment confiance à Dieu en lui exposant avec foi chacune de ses situations. Et il croit au fait que Dieu interviendra dans son cas. Mais sa réelle espérance est au-delà des limites du monde visible.
Ce qui ne doit pas le priver de faire tous ses efforts pour améliorer les conditions auxquelles il se trouve confronté, momentanément. Par exemple, il peut user des compétences de médecins et de traitements adéquats pour recouvrer ou maintenir sa santé. Cependant, son espérance ultime est dans la parousie, la seconde venue du Seigneur : c’est l’expérience de Job ! Il aspire de tout son cœur de toute sa force, de toute son âme au mieux-être (à son rétablissement), ignorant, contrairement au lecteur, le malheureux enjeu de sa situation présente (Job 1.1-12). Mais il supporte (non sans se plaindre) et surtout, il espère (Job 19.25-29) ! La patience n’est jamais facile, d’autant plus et particulièrement quand l’on souffre ou lorsque quelqu’un de notre entourage souffre.
Pour soutenir l’espérance de ses lecteurs, Jacques se sert du laboureur même si l’analogie est limitée et bien imparfaite (Jacques l’abandonne assez vite). Donc, tout comme « le laboureur attend le précieux fruit de la terre », nous devons, nous aussi, prendre patience, être courageux et affermir notre cœur (v. 8). Le chrétien doit être patient tout comme le fermier qui mise sa survie sur le résultat d’une (parfois très) longue attente des pluies d’automne et « d’arrière-saison ».
Mais en attendant, évitons de nous plaindre les uns des autres. « Ne vous répandez pas en plaintes ! » signale Jacques. « Ne grognez pas les uns contre les autres ! » ; « Ne gémissez pas ! » disent certaines versions.
Et bien qu’une plainte, un soupir, peuvent parfois être une réponse à la souffrance (Marc 7.34), il s’agit là, dans le texte, de plaintes ou de reproches formulés de la part des uns contre les autres, c’est-à-dire contre un membre de l’église ou de la communauté, ce qui porte toujours préjudice à la solidité, la stabilité et la solidarité de l’ensemble.
De plus, Jacques ajoute : « Le juge vient. Il est déjà là, devant la porte, prêt à entrer. » (v. 9) L’image est assez semblable à celui qui se tient à la porte, la main sur le loquet, prêt à ouvrir et surprendre les hôtes de la maisonnée…L’exemple du professeur entrant dans une classe en train de chahuter est à ce propos très éloquent. Autrement dit, ce n’est pas le moment d’être pris en flagrant délit de se critiquer les uns les autres. L’avènement du Seigneur est proche. Sa manifestation prévient et encourage à la fois…
Dans leur attente de la fin des temps, les chrétiens sont soumis à diverses souffrances et persécutions. C’est un fait, Jacques insiste sur cette attente en la comparant à la persévérance des prophètes (v. 10). Ils ont parlé au nom du Seigneur : c’est pourquoi cela leur a valu de l’hostilité ! Cette souffrance les a-t-elle calmés dans leur zèle à vouloir proclamer fidèlement la Parole de Dieu ? La réponse est NON !
Au contraire, ils ont supporté patiemment la souffrance et les mauvais traitements. Leur vertu essentielle étant de supporter leur supplice, tel Amos, Élie ou Jérémie. À ce point, la réflexion sur les prophètes présente deux aspects essentiels : 1° le lot d’un serviteur de Dieu implique parfois la souffrance ; 2° l’on peut endurer la souffrance et rester fidèle.

Heureux ceux qui souffrent à cause de leurs bonnes œuvres

Jésus, à l’inverse de l’évaluation du monde, déclare heureux ceux qui souffrent à cause de leurs bonnes œuvres (Mat 5.11-12).
Jacques, dans le même esprit avec en arrière-plan cette béatitude, le formule de la façon suivante : « Nous disons bienheureux ceux qui ont tenu ferme », laissant entendre que ce même bonheur peut être le nôtre, puisque celui des prophètes provenait de ce qu’ils persévéraient, la persévérance étant d’ailleurs réclamée de chaque chrétien. Jésus aussi l’avait déjà dit : « Celui qui tiendra bon jusqu’au bout, celui-là sera sauvé ! » (Mat. 10.22)
Et puis, pour interpeller son lecteur et citer un exemple concret, Jacques prend Job, non pour l’interroger mais pour affirmer au verset 11 : « Vous avez entendu parler de la patience de Job, et vous avez vu la fin que le Seigneur lui accorda. » Dans les cercles juifs, l’histoire de Job était leur préférée, déjà citée dans le livre du prophète Ézéchiel (14.14) elle soulignait la justice du patriarche. Mais pour Jacques, le point important est qu’autant Job s’est plaint, autant il a refusé d’abandonner sa confiance et de désobéir à Dieu : « En toute cette infortune, Job ne pécha point en paroles. » (Job 2.10)Jacques de souligner : « Et vous avez vu la fin que le Seigneur lui accorda, car le Seigneur est plein de miséricorde et de compassion. » Cette perspective aussi est importante, car à la fin il ne restera pas que la justice, mais la compassion, la bonté et la miséricorde de Dieu l’accompagneront.

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En conclusion, l’insistance de Jacques sur le retour du Seigneur et donc la fin des temps, ne doit pas seulement façonner notre manière actuelle de vivre, mais influencer notre façon générale de vivre. C’est sans doute ce qui vaut à Job l’approbation divine. Car plus que tous les discours, les remarques et les plaintes que le patriarche a fait de son état, les accusations, les préjugés et les maladresses de son entourage, c’est l’attitude de Job, persévérant et irréprochable dans l’épreuve, qui lui vaut les adjectifs d’homme intègre et droit.

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  1. Persévérer signifiant ici « endurer, supporter », « rester ferme sous la provocation ».
  2. Frédéric de Coninck, Sur les routes d’une sagesse nouvelle, le livre de Job, Emmaüs, 1999, p. 19.
  3. « Dieu utilise parfois la souffrance pour avertir quelqu’un en danger de commettre une faute, ou pour attirer son attention sur une faute commise (sans doute inconsciemment). Job est donc invité à rechercher ce que Dieu veut lui enseigner. » Bible du Semeur, Introduction au Livre de Job, Excelsis, 2000.
  4. Eschatologique : qui a trait à la fin des temps.
Dossier : Le livre de Job
 

Nuti Claude-Amain
Claude-Alain est marié à Annie et père de quatre enfants. Engagé dans le ministère pastoral depuis trente ans, il est pasteur à l’église évangélique de Montreux (Chrischona) et membre du comité de soutien de la revue « Promesses ». Parallèlement, il a dirigé, avec son épouse, des camps d’enfants au sein de la Jeunesse Action Biblique.