Dossier: Lire et comprendre la Bible
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La Bible, exclusive et suffisante

Adapté d’un article paru dans La Bonne Nouvelle, 6/1995, p. 86.

La tendance actuelle, même dans les milieux évangéliques, est de confondre tolérance et compassion. La première ne se trouve nulle part dans la Bible alors que notre Seigneur, la Parole faite chair, est l’exemple parfait de la seconde. Ainsi, au nom de la tolérance, on en vient gentiment à relativiser les doctrines les plus essentielles de la foi chrétienne. Et pour ce faire, on est obligé de toucher, consciemment ou inconsciemment, au caractère exclusif, normatif et pleinement suffisant de la Bible, Parole infaillible de Dieu.

Que faire face à un monde qui tolère toutes les formes de religiosité et de spiritualité, aussi longtemps qu’elles n’enseignent pas de dogmes exclusifs ? La tentation est forte de céder au relativisme ambiant, enclins que nous sommes par notre cœur à rechercher la respectabilité, la reconnaissance publique, plutôt que le rejet et la moquerie. Pourtant si nous voulons marcher à la suite des prophètes, du Seigneur, des apôtres et des chrétiens fidèles qui nous ont précédés dans l’histoire, nous devrons nous souvenir du lot qui fut souvent le leur dans ce monde (Jean 15.18-21).

Notre responsabilité actuelle est donc de tenir ferme sur la doctrine de l’exclusivité et de la toute suffisance de l’Écriture, car c’est là que se mène le combat parmi les évangéliques aujourd’hui ; et, comme le disait Luther : « C’est là où la bataille fait rage que se trouve la loyauté du soldat, et tenir ferme sur tout le reste du front n’est que fuite et déshonneur si l’on flanche sur ce point-là. »

I. L’heure du bilan

Au risque de vous surprendre, j’aimerais tenter de vous montrer comment deux courants théologiques, en général opposés sur le terrain, et apparemment très lointains l’un de l’autre, ont, en fait, le même problème de base : une incompréhension envers la nature de l’Écriture sainte.

Le premier de ces courants se caractérise par des phrases telles que celle-ci : « En matière de religion, chacun a sa vérité. Peu importe ce que tu crois, pourvu que cela te fasse du bien. De toute façon toutes les religions conduisent à Dieu. »

C’est la pensée répandue dans le modernisme théologique. Elle naît d’une relativisation de l’autorité de la Parole de Dieu et d’un manque de foi au caractère normatif de l’Écriture. Elle place la raison humaine au-dessus de l’Écriture.

Quand ce modernisme est exprimé de façon si massive, il n’y a aucun problème à le détecter et à le dénoncer. Ce qui est dangereux pour nous, ce sont ses germes, plus subtils, qui peuvent habiter notre propre pensée. Lequel d’entre nous ne s’est pas surpris un jour à relativiser la portée universelle du jugement de Dieu, alors qu’il se trouvait face à une personne qui jouait la corde sensible de l’amour de Dieu ? Pourtant, le développement des trois premiers chapitres de l’Épître aux Romains est tout à fait clair. Il se termine par cette déclaration : « Nous avons déjà prouvé que tous, Juifs et Grecs, sont sous l’empire du péché, selon qu’il est écrit : Il n’y a point de juste, pas même un seul. » (Rom 3.9-10)

Le second de ces courants est encore plus familier. C’est celui du « sentimentalisme non doctrinal évangélique ». Il est caractérisé par une phrase qui, au premier abord, paraît très spirituelle, mais qui en fin de compte porte atteinte au caractère normatif et exclusif de l’Écriture sainte. La voici : « Ce qui compte, c’est ce que nous avons là, dans le cœur, et non pas nos divergences doctrinales ».

Que répondre à une telle phrase ? Si vous acquiescez, vous cautionnez le flou doctrinal. Si vous répondez par la négative, votre interlocuteur vous taxera d’intellectualiste mort.

Discernons d’abord quel est le problème énoncé par une telle proposition :

– une accentuation de l’expérience au détriment de la doctrine ;

– une surévaluation de l’événement actuel (ce que je vis dans mon « cœur ») par rapport à l’événement combien plus important de l’inspiration de l’Écriture !

– une priorité du sentiment sur l’intelligence.

Ce sentimentalisme évangélique est donc une position très subtile. Sous couvert d’hyperspiritualité, il relativise la révélation que Dieu nous a donnée dans sa Parole.

Et sans juger du cœur des personnes qui tiennent l’un ou l’autre de ces discours, constatez avec moi comment ces deux positions, apparemment très éloignées, se rejoignent sur un point : le rejet du caractère normatif, exclusif et tout suffisant de la Parole de Dieu.

Pour le modernisme, un rejet en faveur de la raison.

Pour l’évangélisme événementiel, émotionnel, un rejet en faveur du sentiment.

Mais dans les deux cas, il y a une négation de l’autorité de l’Écriture et de son caractère normatif et infaillible. Pourquoi ? Parce que, si c’est la raison ou le sentiment de l’homme qui décide de ce qui est acceptable, la Bible devient un livre variable en fonction de nos préférences. On en arrive donc à lui faire dire « tout et son contraire ». Et que ferait le mathématicien d’un manuel dont les théorèmes conduisent chaque fois à des résultats différents en fonction du savant qui l’emploie ? C’est à cela que conduisent tant le modernisme que l’évangélisme sentimental non doctrinal. Nous le constatons déjà dans certaines églises. La lecture de la Parole de Dieu et la prédication de celle-ci occupent de moins en moins de place dans le culte. La référence à l’Écriture sainte devient absente des discussions. Le culte de famille disparaît des foyers…

Que faire pour contrer ce problème ? Redéfinir ensemble ce qu’est l’Écriture sainte et la façon dont Dieu a parlé.

Il. Dieu s’est révélé

La Bible est « révélation de Dieu » et s’affirme comme telle.

L’apôtre Pierre déclare que l’Esprit de Dieu veille sur les auteurs sacrés afin qu’ils parlent de la part de Dieu : « Sachez tout d’abord vous-mêmes qu’aucune prophétie de l’Écriture ne peut être un objet d’interprétation particulière, car ce n’est pas par une volonté d’homme qu’une prophétie a jamais été apportée, mais c’est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu. » (2 Pi 1.20-21)

Première vérité : Dieu s’est révélé. Il nous est donc interdit d’accepter toute spiritualité et recherche de Dieu comme équivalente. Cela nous empêche aussi d’affirmer que toute expérience mystique est bonne, car il y a une norme selon laquelle tout doit être jugé.

III. Dieu s’est révélé de façon cohérente et compréhensible

1. Le message de la Bible est cohérent

L’Écriture n’est pas un amalgame de récits sans lien les uns avec les autres. Elle contient un message central qui peut se résumer en trois mots : « Création, Chute, Rédemption ».

Les auteurs bibliques citent leurs prédécesseurs en leur accordant une grande autorité. Christ déclare que sa venue accomplit la prophétie d’Ésaïe (Luc 4:17-21).

Les thèmes se retrouvent et se développent peu à peu jusqu’à leur plein épanouissement. Pensez simplement à celui de l’agneau et du sacrifice sanglant.

L’Écriture est comprise dans son ensemble et en tenant compte des grandes lignes de son message.

Avant d’appliquer un texte à votre vie, examinez son contexte avec soin. Le sens qu’il a dans l’ensemble de l’Écriture. Qui l’a prononcé, à qui il est adressé et dans quel but. Vous éviterez ainsi le travers de vous approprier par exemple des jugements portés contre les pharisiens, des paroles comme celles des amis de Job qui furent en définitive condamnées par Dieu…

Cette cohérence rend impossible toutes affirmations contradictoires dans la Bible.

Bien sûr, il faut distinguer entre contradictions et vérités qui dépassent notre entendement pécheur si souvent obscurci. Il existe de nombreuses vérités que nous ne pouvons pas cerner totalement (Trinité, deux natures de Christ en un seul homme, élection et responsabilité, etc.). Mais, elles ne doivent pas être considérées comme contradictoires. Ce sont des démonstrations de la grandeur de Dieu dont la sagesse et l’intelligence nous dépassent infiniment.

2. Le message de la Bible est compréhensible

Dieu s’est abaissé et s’est exprimé en tenant compte de nos limitations humaines. Cette accommodation de Dieu est un fait extraordinaire que nous ne pouvons pas oublier. Il s’est soumis aux règles de grammaire et de style en usage.

C’est une maladie de notre temps que de relativiser la clarté de l’Écriture. Certes, nous sommes pécheurs et pouvons être mal affermis au point de tordre le sens de l’Écriture. Mais la Parole de Dieu est claire et compréhensible.

Gardons-nous de nous servir de l’Écriture pour justifier nos sentiments et nos expériences de toutes sortes, au lieu de la servir en nous efforçant de la comprendre avec l’intelligence que Dieu nous a donnée. Façon de faire extrêmement dangereuse, car il est possible de faire dire n’importe quoi à la Bible quand nous nions contexte et cohérence. Le Psaume 53.2 affirme même : « Il n’y a point de Dieu » — mais le contexte montre que c’est l’insensé qui dit cela en son cœur.

Si Dieu s’est révélé sous une forme intelligible, cela veut dire que notre intelligence doit précéder les sentiments dans notre analyse des phénomènes de spiritualité.

S’il s’est révélé de façon cohérente, cela nous contraint à formuler les vérités dans l’Écriture sous forme de doctrines, d’énoncés théologiques et de préceptes clairs et cohérents.

La Parole de Dieu est une révélation qui ne fait pas abstraction de l’intelligence. Elle donne de vraies réponses à ceux qui ont l’honnêteté de poser de vraies questions. Elle permet d’argumenter avec l’incroyant. C’est ce que Paul fit à Rome : « Paul leur annonça le royaume de Dieu, en rendant témoignage, et en cherchant, par la loi de Moïse et par les prophètes, à les persuader de ce qui concerne Jésus. L’entretien dura depuis le matin jusqu’au soir. » (Act 28.23)

C’est là notre responsabilité, tout en comptant sur l’Esprit de Dieu qui seul convainc de péché et fait naître à la vie nouvelle. Alors, devenir chrétien n’est pas un saut dans l’irrationnel et l’incontrôlable, comme vous l’avez peut-être entendu. C’est une soumission intelligente à la révélation cohérente et compréhensible de Dieu. Soumission qui donne le cadre dans lequel nos sentiments peuvent s’épanouir d’une façon qui glorifie Dieu.

IV. Dieu s’est révélé d’une façon exclusive

Au deuxième commandement, il dit : « Je suis un Dieu jaloux. »

La révélation suprême de Dieu en Jésus-Christ a aussi un caractère exclusif. Il dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. » (Jean 14.6). Il ne dit pas : « Je suis une vérité… ». Paul renchérit : « Mais quand nous-mêmes, quand un ange du ciel annoncerait un autre Évangile que celui que nous vous avons prêché, qu’il soit anathème ! » (Gal 1.8)

Et quand Paul songe à la relève dans le ministère, que fait-il ? Il exhorte Timothée à répéter ce qu’il a entendu de lui à des hommes fidèles qui l’enseigneront à d’autres à leur tour (2 Tim 2.2). Pourquoi ? Parce qu’il y a une « bonne doctrine » qu’il s’agit de suivre si on veut être un ministre fidèle du Seigneur (1 Tim 4.6).

V. Dieu s’est révélé d’une façon suffisante

Le texte classique sur ce thème est 2 Tim 3.16-17 : « Toute Écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre. »

• L’homme n’a besoin ni de la tradition de l’Église, ni de révélations nouvelles après la clôture du Nouveau Testament pour comprendre le salut, grandir dans la foi et vivre à la gloire de Dieu dans ce monde. Bien sûr, il faut distinguer le salut de la connaissance purement intellectuelle des Écritures (les pharisiens sondaient les Écritures sans pour autant venir à Christ, cf. Jean 5.39-40). Il faut illumination et régénération par le Saint-Esprit pour que l’Écriture porte ses fruits.

• La suffisance de l’Écriture ne concerne pas uniquement le salut. Paul dit à Timothée qu’au moyen de l’Écriture il est parfaitement « adapté et préparé » à « toute bonne œuvre ». La Parole de Dieu équipe tant pour la doctrine que pour la morale. Elle est donc le manuel parfaitement adapté à un jeune pasteur dans des églises à problèmes comme celle d’Éphèse.

N’est-ce pas d’ailleurs l’exemple que nous donne notre Seigneur en face du diable (Mat 4.1-11) ?

C’est le doute quant à la suffisance qui fait inventer à l’Église d’aujourd’hui toutes sortes de moyens techniques et de méthodes de remplacement dans l’évangélisation, dans le culte, dans la cure d’âme. C’est le doute quant à la suffisance de l’Écriture qui fait rechercher toutes sortes d’expériences pour le progrès dans la foi. C’est une mauvaise compréhension de ce qu’est l’Écriture qui en fait tordre le sens pour justifier tant de pratiques extravagantes.

Ainsi, la Parole de Dieu est devenue le manuel du code de la route que nous apprenons sur le bout des doigts pour passer l’examen, puis dont nous nous contentons de garder de vagues connaissances pour nous débrouiller sur la route sans plus jamais avoir recours au manuel.

Alors, si vous désirez plus que l’Écriture pour obtenir la sagesse, vous vous trompez, mais si vous vous contentez de moins que l’Écriture, vous vous trompez aussi, car elle seule est suffisante pour équiper parfaitement l’homme de Dieu et tout chrétien pour sa marche quotidienne.

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Dossier : Lire et comprendre la Bible
 

Favre Olivier
Olivier Favre-Bulle exerce un ministère pastoral depuis de nombreuses années au sein d’églises réformées baptistes tout d’abord à Lausanne, puis à Payerne et actuellement à Mulhouse. Il est l’auteur du livre « Le bon fondement » aux Éditions Repères.