La croix, école de la liberté
Alain-Pierre est actuellement ancien dans une assemblée évangélique d’Isère (France). Il est marié et a une fille. Il s’est converti à 23 ans et dès la première année de sa nouvelle vie en Christ, il a été fortement marqué par le verset suivant : « Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs » (Gal 5.24). Il livre aux lecteurs les raisons de son intérêt pour le principe énoncé dans ce verset.
Par quoi vivais-tu avant de « rencontrer » ce verset ?
J’étudiais à l’Université de Sherbrooke, Québec. À l’époque, j’ignorais presque tout de la Bible. En proie à une grande souffrance morale, j’avais appelé mon Créateur au secours. et ce Dieu que j’avais invoqué sans le connaître (4.8a) avait répondu en mettant sur ma route des chrétiens au contact simple et chaleureux, du Groupe Biblique Universitaire. Après quelques semaines, je « recevais le Seigneur dans mon cour » (février 1983).
Quelle euphorie ! Après des mois de terribles angoisses, je me réjouissais d’une assurance toute nouvelle : la vie éternelle ! J’étais cependant inconscient de mon immaturité et de mon indiscipline de pensée. La pornographie avait malheureusement imprégné mon entendement depuis l’enfance. Convoitise sexuelle et fantasmes étaient devenus une drogue morale : je vivais dans « l’impureté » de Gal 5.19 (cf. Col 3.5).
Dans quelles circonstances ce verset t’a-t-il touché ?
Amoureux d’une chrétienne, j’en étais venu à lui écrire une demande en mariage. Mais celle-ci était très prématurée, et motivée essentiellement par l’orgueil et la convoitise charnelle. Ne supportant pas la tension intérieure, je lui demandai sincèrement pardon. Intérieurement, je sombrais dans l’amertume et la culpabilisation d’avoir agi ainsi dans l’agitation. Mon zèle envers Dieu devint amer (Jac 3.16) : je témoignais souvent « à l’arraché », sans prévenance ni compassion envers les personnes, mû surtout par la culpabilité.
Que s’est-il passé alors ?
Je me trouvais à un culte, dans la confusion, quand ce verset m’a été comme dicté d’en haut, mot après mot. Je m’étais converti un an avant, et connaissais peu la Bible. Cela a dû se passer au moment où le Seigneur me dissuadait avec bonté d’aller plus loin dans ce projet, m’enseignant que je devais d’abord m’attacher à le connaître, lui le Dieu vivant.
Ce verset s’est comme gravé en moi. mais le cour est tortueux : je n’ai pas obéi à Dieu. Je suis donc allé au bout de mon intention. Ce fut catastrophique pour ma foi, mon équilibre psychique (culpabilisation, pitié de soi, découragement), mes études et mon métier (manque de motivation, chômage, etc.) Il faut dire que j’avais du mal à nourrir mon âme par la lecture biblique et la prière.
Comment ce verset a-t-il changé ta conception de la vie chrétienne ?
Ce n’est que très lentement que j’ai commencé à considérer la « leçon » de ce verset : le renoncement volontaire à ce qui est charnel. J’y vois un double mouvement :
– Christ a entièrement vaincu le péché pour moi par sa mort expiatoire : tout m’est déjà acquis ;
– à moi maintenant de prendre l’initiative et de mettre à profit cette victoire dans ma vie.
C’est comme un potentiel infini que Dieu me laisse la responsabilité d’ « activer ». Si je veux coopérer, il m’aide à passer à l’action, à combattre la tentation et le mal, par des mesures personnelles. Il me préserve aussi de situations dangereuses pour mon âme.
Dieu est pratique. Il veut m’apprendre à surmonter mes travers. Dans l’épreuve et même les rechutes, je suis réconforté par l’assurance que Dieu lui-même a remporté la guerre finale. Cet apprentissage quotidien ici-bas ne s’achèvera qu’au jour d’entrer définitivement dans sa présence.
Comment te reconnais-tu dans l’expérience des Galates ? Cet enseignement a-t-il rééquilibré ta vie ?
Leur légalisme naissant redonne de la vigueur à leur ancienne nature charnelle (Gal 5.19-21). Paul rappelle la clé du « renoncement durable » : Jésus-Christ crucifié pour leurs péchés et ressuscité pour leur justification (Rom 4.25) ! En s’identifiant ainsi au Christ par la foi, ils en viennent à se soumettre à l’Esprit pour produire de bons fruits dans leur vie quotidienne (Gal 5.22-23).
De par ma nature terrestre, je suis vendu (en esclave) au péché (Rom 7.14), d’où toutes ces pensées, paroles et « ouvres mortes ». J’étais complètement immergé dans l’impureté sexuelle, l’amertume, la pitié de soi, etc. Après ma conversion à Jésus-Christ, l’Esprit et la chair ont longuement lutté en moi (Gal 5.17). L’Esprit a fi????????2?nalement pris le dessus en m’amenant à renoncer à ces ouvres-là pour m’en libérer (Gal 5.1). J’expérimentais donc non seulement Gal 5.24, mais aussi 5.25 : ayant reçu la vie de l’Esprit à ma conversion, je pouvais commencer à marcher par l’Esprit, i.e. à persévérer et à m’affermir en Christ, par pure grâce.
Comment envisages-tu désormais l’avenir ?
Ce n’est que le début, l’opposition est loin d’être terminée ! D’autres batailles font rage, plus subtiles, menant à d’autres renoncements (1 Pi 2.11) : attachement à l’argent, inquiétudes de la vie, incrédulité, crainte de l’homme ou de l’avenir, insatisfaction, égoïsme, manque d’amour, etc. ! Mais, selon Rom 8.11, j’ai toute confiance en l’ouvre du Saint Esprit dans ma vie. Et grâce à Dieu, mon cri final n’est pas celui de l’impuissance mais de la victoire : « Malheureux (misérable) que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur ! » (Rom 7.24-25a).
Pour terminer, j’aimerais vous laisser ces deux derniers versets :
« Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et ne vous mettez pas en souci de la chair pour en satisfaire les convoitises. » (Rom 13.14 ; pensez à Gal 3.27 et Eph 4.17-24).
« Frères, que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit ! Amen ! » (Gal 6.18).
Propos recueillis par Frédéric Mondin