La face cachée de la colère de Dieu
L’article qui suit est un condensé librement adapté de l’étude :
« JONAS : quand la compassion de Dieu nous dépasse. La chance de Ninive » ( Jonas 3), disponible sur le site Internet http://www.unpoissondansle.net/jonas/jonas.php?d=&i=3
A. Un message choc
Jonas parcourt Ninive en criant : « Encore quarante jours et Ninive sera bouleversée. »
Ce message est dur. Ce n’est pas le ton habituel des évangélistes qui se gardent d’insister sur la perdition éternelle, et limitent leur prédication à la première moitié de Jean 3.16. Encore 40 jours et Ninive ne sera plus qu’une pièce de musée. Mes amis, savez-vous qu’encore quelque temps, et la France ne sera plus ? Que la chose arrive dans quelques années, ou dans quelques siècles, le jour vient, nous rappelle l’apôtre Pierre, où « les éléments embrasés se dissoudront, et la terre, avec les œuvres qu’elle renferme, sera consumée » (2 Pi 3.10b, 12).
La Bible parle abondamment de l’enfer. Plus de 30 expressions le décrivent. Jésus a souvent parlé du lac de feu, de la géhenne, de la perdition éternelle. Les apôtres décrivent la justice de Dieu qui condamne tout pécheur, c’est-à-dire tout homme non régénéré, à l’enfer.
Je me demande si la proclamation de l’Évangile ne manque pas de mordant. Jonathan Edwards, au 18e siècle, a prêché, entre autres, un sermon passionné sur la justice de Dieu. L’Esprit utilisa ce message pour déclencher un réveil puissant :
« Ainsi donc, vous tous qui n’avez jamais connu le changement de cœur qu’opère le Saint Esprit par sa grande puissance, vous n’êtes pas devenus de nouvelles créatures, nées de nouveau, ressuscitées de la mort du péché à une nouvelle vie ; vous tous, vous dis-je, êtes entre les mains d’un Dieu en colère. Peu importe la multiplicité de vos réformes, seul le bon vouloir de Dieu vous empêche d’être à l’instant engloutis par une destruction éternelle. Vos expériences religieuses, l’observation d’une certaine forme de religion ou vos prières ne vous délivreront pas. […] Le Dieu qui vous retient suspendus au-dessus de l’abîme infernal éprouve une infinie aversion à votre égard, tout comme l’on tient un insecte répugnant au-dessus du feu. Vous avez terriblement provoqué sa colère, et celle-ci brûle comme un feu à votre encontre. Vous méritez seulement d’être précipités dans le feu. Les yeux de Dieu sont trop purs pour supporter la vue que vous leur offrez, et vous lui paraissez dix mille fois plus abominables que le serpent le plus venimeux. Vous l’avez offensé, infiniment plus que ne l’a jamais fait le plus entêté des rebelles à l’égard de son prince. Pourtant, seule sa poignée vous empêche à tout moment de tomber dans le feu. [… et Edwards conclut son sermon] Mon ami, sauve-toi pour ta vie ; ne regarde pas derrière toi, et ne t’arrête pas dans toute la plaine ; sauve-toi vers la montagne, de peur que tu ne périsses » (Gen 19.17).
Que dire aux Français de ce 21e siècle ? Si Dieu avait envoyé Jonas en France à notre époque, comment ce dernier se serait-il exprimé ? Il existe un point commun entre les prédications de Jean-Baptiste, de Jésus-Christ, puis des apôtres : l’appel à un changement radical de mentalité :
• Jean-Baptiste : « Et il alla dans toute la région du Jourdain ; il prêchait le baptême de repentance, pour le pardon des péchés » (Luc 3.3).
• Jésus-Christ. : « Dès lors, Jésus commença à prêcher et à dire : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche » (Mat 4.17).
• Dans la bouche des apôtres, le premier message de l’apôtre Pierre s’est terminé par : « Repentez-vous et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ, pour le pardon de vos péchés ; et vous recevrez le don du Saint-Esprit. » (Act 2.38) Puis, un peu plus tard : « Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés… » (3.19).
Comment susciter ce changement de mentalité (et de conduite) ?
• Pour les personnes qui n’ont aucune conscience de leur état devant Dieu, il est bon de rappeler la Loi.
Citons Jean Calvin : « Le Seigneur a donc établi comme première étape, pour tous ceux qu’il destine à hériter de la vie céleste, qu’ils soient douloureusement touchés dans leur conscience, chargés du poids de leurs péchés, et poussés à le craindre. Or, c’est précisément pour nous amener à cette connaissance de nous-mêmes qu’il nous propose sa Loi. » (Brève instruction chrétienne, Kerygma & Excelsis, p. 16)
• Pour ceux que la conscience de leur péché accable, au contraire, prêchez la grâce.
Jésus-Christ est dur envers tous ceux qui se croient hors de danger. Mais il est rempli d’amour à l’égard de ceux dont la conscience est brisée par leurs péchés. Le Père accueille avec gentillesse et amour le fils prodigue. Jésus accueille avec gentillesse et amour cette femme surprise dans l’adultère. Le Seigneur accueille avec gentillesse et amour cette femme souffrante depuis tant d’années, tout comme l’étrangère dont l’enfant est malade.
B. Une réponse bouleversante
« Les gens de Ninive crurent en Dieu ; ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs, depuis les plus grands jusqu’aux plus petits. La nouvelle parvint au roi de Ninive ; il se leva de son trône, ôta son manteau, se couvrit d’un sac et s’assit sur la cendre ».
Les gestes évoqués par notre texte sont des marques d’humiliation volontaire. Les Ninivites croient Jonas. Ils croient son Dieu, le Dieu unique du peuple d’Israël. Ils se détournent de leurs conceptions polythéistes. Ils reconnaissent qu’ils méritent le jugement de Dieu. Et ils le montrent par des actes précis :
• Le jeûne dans la Bible est un acte qui n’est jamais commandé, mais dont on trouve de multiples exemples. Il a pour but de permettre à l’homme de ressentir sa faiblesse dans son corps, et ainsi de réaliser sa fragilité et sa dépendance de Dieu.
• Il est quasiment toujours associé à la prière. Sauter un repas de temps en temps — pour ceux dont la santé le permet — libère du temps pour la prière. Mais Christ met en garde contre tout jeûne visant à impressionner les observateurs ! C’est une pratique privée.
• Les sacs dont il est question étaient en poil de chèvre. Très rugueux, ce « tissu » constituait le vêtement du pauvre et de l’esclave. Se revêtir de tels vêtements marque une volonté de s’abaisser, de s’identifier avec les plus petits de la terre, d’admettre que franchement, on est un peu mendiant aux yeux de Dieu, et qu’il vaut mieux être esclave de Dieu que de la méchanceté.
• Certains prophètes (comme Elie et Jean-Baptiste ; 2 Rois 1.8 ; Zach 13.4 ; Marc 1.6) se revêtaient de peau d’animaux pour illustrer, de manière expressive, la nécessité de se séparer d’une vaine manière de vivre.
• S’asseoir dans la cendre était une forme fréquente de manifestation de deuil. C’était manifester la douleur, le ravage de la vie qui ne laisse que de la cendre…
Les marques de repentance adoptées par les Ninivites correspondaient à un langage culturel, compris à l’époque !
Que ces guerriers sanguinaires répondent avec tant d’humilité au jugement de Dieu est l’une des plus grandes surprises de l’histoire de l’Ancien Testament. Même de toute la Bible ! Au point que Christ a dit : « Les hommes de Ninive se lèveront, au jour du jugement, avec cette génération et la condamneront, parce qu’ils se repentirent à la prédication de Jonas; et voici, il y a ici plus que Jonas » (Mat 12.41). Jésus met en contraste l’apathie, le manque de réponse et de foi de la part des Israélites, le peuple de Dieu, avec la réponse des Ninivites : les gens de Ninive se sont repentis, et vous ne le faites pas !
Les commentateurs libéraux, qui ne perdent pas une occasion pour suggérer que la Bible est pleine d’erreurs, estiment impossible que toute cette population se soit convertie… Il est vrai que la Ninive du 8ème siècle av. J.C., c’est un peu comme Berlin dans les années 40. On aurait mal imaginé les Nazis se revêtir de sacs, pleurer sur leurs fautes, et Hitler décréter un jeûne public d’humiliation ! Pourtant, un tel réveil pourrait avoir été favorisé par les circonstances critiques dans lesquelles se trouve l’Empire assyrien à cette époque : les tribus du nord, en Urartu (Arménie), menacent sérieusement l’intégrité du pays. Les grands dictateurs assyriens du passé n’ont pas été remplacés par des rois du même calibre. Il règne donc un sentiment d’insécurité et de faiblesse.
Quoi qu’il en ait été du moral des Ninivites, Dieu trouve les moyens d’oeuvrer d’une manière spectaculaire dans les consciences. Au point que le roi publie un édit : « Il fit crier ceci dans Ninive : Par décision du roi et de ses grands : que les hommes et les bêtes, le gros et le menu bétail, ne goûtent de rien, ne paissent pas et ne boivent pas d’eau ! Que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, qu’ils crient à Dieu avec force, et que chacun revienne de sa mauvaise conduite et de la violence attachée aux paumes de ses mains ! Qui sait si Dieu ne reviendra pas de son ardente colère, en sorte que nous ne périssions pas ? »
Il est surprenant que ce roi implique les animaux dans cet élan de repentance. Mais je retiens ceci : une repentance authentique se voit. Elle est visible. « Que chacun revienne de sa mauvaise conduite et de la violence attachée aux paumes de ses mains ! ».
Transposons :
• En entendant que Dieu est prêt à répondre à la repentance par un pardon complet, certains rétorquent : « C’est trop facile : tu fais n’importe quoi et il te suffit de demander pardon. » Non ! Le pardon que Dieu accorde s’accompagne d’un désir de faire le bien. Jean-Baptiste dira d’ailleurs à ceux qui voulaient en abuser : « Produisez donc du fruit digne de la repentance. » (Mat 3.8)
• Dieu transforme les cœurs, et cela se voit, ou alors ce n’est pas une vraie foi. « Que chacun revienne de sa mauvaise conduite… » Jacques écrira : « Veux-tu comprendre, homme vain, que la foi sans les œuvres est stérile ? » (Jac 2.20)
• Tous les réveils spirituels de la Bible évoquent une intense contrition, une conviction de péché qui mène aux larmes, et à un changement radical de vie.
o C’est le cas du réveil spirituel sous les rois Joas, puis Ezéchias, sous la prédication d’Esdras et de Néhémie.
o C’est le cas du réveil spirituel de la ville d’Ephèse. Nous sommes en 53 ou 54 après Jésus Christ (voir Act 19.13-20).
C’est aussi le cas des réveils spirituels dans l’histoire de l’Eglise :
o Savonarole, prêtre dominicain à Florence, a prêché la repentance avec fougue à la fin du 15e siècle, transformant la ville d’une manière spectaculaire. Précurseur de la réforme, il se fit excommunier par le pape Borgia et mourut étranglé puis brûlé.
o Wesley Duewel, auteur d’un ouvrage sur l’histoire des réveils spirituels écrit :
« La plupart des mouvements de réveil ont été caractérisés par une pro¬fonde conviction de péché et par beaucoup de confessions publiques. Dieu a utilisé ces confessions pour convaincre d’autres, chrétiens et non-chrétiens, de leurs propres péchés. Les réveils en Corée, au Nord de la Chine et dans les universités américaines ont démontré l’effet profond que peut avoir la confession sur les auditeurs, surtout quand la confes¬sion est accompagnée par la restitution et par la réconciliation. »
Quelle différence avec les pseudo réveils des charlatans actuels !
C. Un verdict plein de grâce
« Dieu vit qu’ils agissaient ainsi et qu’ils revenaient de leur mauvaise conduite. Alors Dieu regretta le mal qu’il avait résolu de leur faire et ne le fit pas. »
La « chance » des Ninivites, c’est que Dieu est un Dieu de grâce. Pas seulement dans le Nouveau Testament. Voici trois des prophètes qui parlent de la compassion de Dieu (il y aurait des dizaines d’autres passages) :
• « Que le méchant abandonne sa voie, et l’homme d’iniquité ses pensées ; qu’il retourne à l’Eternel, qui aura pitié de lui, à notre Dieu, qui ne se lasse pas de pardonner. » (És 55.7)
• « Ce que je désire, est-ce que le méchant meure ? dit le Seigneur, l’Éternel. N’est-ce pas qu’il change de conduite et qu’il vive ? » (Éz 18.23)
• « Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, et revenez à l’Éternel, votre Dieu ; car il est compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté, et il se repent des maux qu’il envoie » (Joël 2.13)
Lorsque notre texte dit que l’Éternel regretta le mal qu’il avait résolu, il faut plus y voir une manière de parler pour nous faire comprendre la nature de son cœur. Dieu savait, avant d’envoyer Jonas, que Ninive répondrait favorablement à l’Évangile. Mais dans sa manière de communiquer avec les hommes, on trouve parfois des expressions très humaines, très terrestres pour expliquer certains attributs de Dieu. Par exemple :
• Les yeux du Seigneur (2 Chr 16.9)
• Le bras ou la main du Seigneur (És. 53.1)
Et puisque les Ninivites se sont repentis, Dieu leur accorde un sursis. Leur destruction n’arrivera qu’en 612, par la main des Babyloniens (voir Soph 2.13-15). La ville sera rasée, disparaissant dans l’oubli.
D. Une histoire pour nous
De la Loi dans nos messages
La Loi fait mal. Il est dur de dire à quelqu’un, avec amour mais clarté, qu’il a offensé Dieu par ses fautes et que, s’il ne reconnaît pas son état devant Dieu, en lui faisant confiance pour le pardon, il passera l’éternité en enfer. Cette douleur est nécessaire, parfois.
De la grâce pour le pécheur
Un roi voulut libérer quelques détenus qui avaient été envoyés aux galères. Il interroge le premier en lui demandant pourquoi il est là. « – Sire, c’est une erreur judiciaire terrible, je suis innocent… » ; de même se récrie le deuxième, et le troisième… Tous les condamnés sont plus blancs que neige… sauf un, qui lui avoue : « J’ai mérité ma peine, j’ai fait du mal et il est juste que je sois ici. »
« – Oh, dit le roi, je ne vais surtout pas laisser un mauvais homme comme toi contaminer tous ces honnêtes gens ; va, tu es libre ! »
« Venez et plaidons ! dit l’Eternel. Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige ; s’ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine. » (És 1.18)
Ce message est peut-être d’abord pour nous, les chrétiens. Prions donc qu’une profonde conviction de péché vienne secouer nos églises. Et pour que notre rétablissement et notre affermissement dans la vocation de Dieu touchent durablement les cœurs de nos contemporains.