Série: Fondements
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La loi de Dieu, fondement de l’ordre législatif

ETHIQUE

Les lois qui gouvernent nos sociétés sécularisées, c’est-à-dire affranchies de toute référence à une loi absolue d’origine divine, sont bien souvent purement arbitraires, lois uniquement positives et sans référence à une quelconque justice. Telle n’est pas la volonté de Dieu pour le gouvernement des hommes. La loi de Dieu manifeste l’ordre voulu par lui pour les hommes, pour sa création tout entière. Si les dix commandements sont le condensé de l’ordre que le Créateur et Législateur divin a établi pour les hommes pris individuellement, ils le sont également pour les hommes vivant en société. Car il est impossible de séparer l’homme individuel de l’homme social. L’homme est créé par Dieu pour vivre en société. La société, en fait, n’est rien d’autre que le rassemblement d’individus vivant dans un certain ordre. La base de toute société digne de ce nom est évidemment le noyau familial d’institution divine. Vu que Dieu est le créateur de 1’homme et de la société et que c’est lui qui leur a donné leur ordonnance fondamentale, il s’ensuit nécessairement que c’est cet ordre divin, défini une fois pour toutes par la loi de Dieu, qui constitue la base de toute justice tant individuelle que publique.

Pour le peuple de Dieu, la condition du bonheur et de la prospérité se trouvait dans la foi en Dieu et l’obéissance à ses commandements, il ne peut en être autrement pour les autres hommes, pour les nations de ce monde. Ces paroles adressées par Dieu au peuple d’Israël le sont aussi aux nations: L’Eternel nous a commandé de mettre en pratique toutes ces prescriptions et de craindre l’Eternel, notre Dieu, afin que nous soyons toujours heu. et qu’il nous conserve la vie, comme il le fait aujourd’hui. Pour nous la justice sera d’observer et de mettre en pratique tous ces commandements devant l’Eternel, notre Dieu. comme il nous l’a commandé (Deut 6.24-25).

Le magistrat doit, en tout temps et en tout lieu, glorifier Dieu dans l’exercice de sa fonction, car il a été établi dans sa charge de juge par Dieu afin de rendre la justice. Pour plaire à Dieu et travailler au bien du peuple sur lequel il exerce son autorité, il lui faudra effectivement rendre justice, c’est-à-dire punir les malfaiteurs et protéger ceux qui font le bien, et cela selon les critères immuables d’une loi transcendante. Car pour le magistrat dans l’exercice de ses fonctions, comme pour tout homme d’ailleurs, la distinction entre bien et mal ne saurait ignorer le critère de la loi divine. Si le magistrat ne sévit pas contre ceux que la loi de Dieu désigne comme malfaiteurs, il deviendra lui-même le bourreau du peuple sous son autorité, car ce serait grâce à sa négligence que les gens de bien seront livrés sans protection aux méfaits des criminels impunis par la loi.

Pour prendre un exemple précis, le refus des magistrats dans nos démocraties contemporaines de punir les avorteurs, tant parents que médecins et infirmières, comme l’exigerait la loi de Dieu, ne peut avoir d’autre effet que d’encourager ceux qui désirent se débarrasser de leurs enfants, car ils peuvent commettre ce crime affreux impunément. Le droit n’appliquant plus les peines prévues par la loi divine, l’enfant avant sa naissance n’est plus protégé des desseins meurtriers des parents ou des médecins. Ainsi, dans l’opinion des masses, l’acte horrible de l’avortement est banalisé, et la conscience des citoyens est cautérisée sur cette question. Ce n’est pas impunément qu’une société enfreint ainsi la loi divine. Si les magistrats n’appliquent pas individuellement le jugement divin sur les crimes publics, il est inévitable que Dieu lui-même s’en chargera par des jugements qui seront alors collectifs. La dénatalité effrayante qui frappe tous nos pays, qui se refusent de punir l’avortement comme il le mérite, est certainement un de ces jugements de Dieu. Nous en verrons bien d’autres si nous ne nous détournons pas de cette voie abominable.

Mais que faire lorsque l’iniquité du peuple s’est développée au point qu’il devienne en fait impossible de faire pénétrer les exigences de la loi de Dieu dans le système judiciaire, dans le droit? Serait -il alors utile, comme le proposent certains, d’inscrire, par exemple, les dix commandements au préambule de la constitution du pays? Un tel respect purement formaliste de la loi de Dieu ne ferait que marquer de manière juridique, la contradiction radicale qui existerait entre les exigences de Dieu et le droit effectivement pratiqué dans le pays. A l’iniquité flagrante on ajouterait un péché de plus: l’hypocrisie. A la longue, un tel procédé purement formaliste ne pourrait qu’encourager le peuple au mépris des lois. L’institution de lois sévères, plus ou moins conformes aux exigences de la loi de Dieu mais qui ne seraient jamais appliquées, aurait pour effet d’encourager le peuple au mépris des lois qui seraient formellement exigeantes, mais que les magistrats n’appliqueraient jamais.

Par ailleurs, la manie moderne de constamment changer de lois aboutit aussi à énerver complètement le respect dû aux lois. La démangeaison législative que nous connaissons ne peut que produire l’effet le plus nuisible. En effet, tout changement de loi devrait se faire avec beaucoup de prudence et seulement quand des nécessités contraignantes l’obligent, car l’efficacité des lois est largement due à l’habitude qu’ont les hommes de leur obéir. Du reste cette obsession légiférante de nos parlements vient essentiellement de leur usurpation de la souveraineté divine, car seul Dieu détient, en fin de compte, le pouvoir législateur .

Remarquons aussi qu’en coupant le droit positif, ce que nous nommons l’état de droit, de toute loi immuable et juste, on affaiblit le respect dû aux lois. Cela est non seulement vrai de ceux qui y sont assujettis mais aussi de ceux-là mêmes qui ont pour tâche de les faire respecter. Car s’il n’y a plus de sanction divine, proprement religieuse, aux lois elles-mêmes, l’incitation à les respecter perd beaucoup de sa force. C’est ainsi qu’un droit purement positif à la longue, ne sera même plus appliqué par des magistrats qui refusent toute valeur juridique plus haute que l’état actuel du droit. Dans de telles circonstances les juges n’ont plus, ni les moyens, ni des raisons suffisantes pour résister aux pressions sociales, économiques, politiques et idéologiques qui pèsent sur l’application effective du droit.

La loi, l’état de droit effectivement appliqué, deviendra alors le jouet arbitraire des fantaisies des juges, des évènements, des groupes de pression, des mouvements d’opinion, pour tout dire des intérêts de ceux qui détiennent effectivement le pouvoir. Il subira, lui aussi. les avatars de notre démocratie absolue. Le droit purement positif aboutit paradoxalement à la déliquescence du droit dont le formalisme a pour but de camoufler l’arbitraire (1).

Faut-il alors, comme d’autres le suggèrent, suivre l’état de l’opinion et se contenter uniquement d’un droit qui puisse être appliqué sans encourir d’opposition sérieuse dans la population ? Ainsi on refuserait systématiquement d’introduire dans le code pénal des lois qui seraient «inapplicables». On ne peut guère imaginer une attitude plus démagogique, plus «démocratique» , comme si le juge avait l’obligation de solliciter l’approbation de ceux sur lesquels devait peser son jugement! Ce désir de maintenir dans la cité une paix tout extérieure ne témoigne guère de souci, ni pour l’honneur de Dieu, ni pour le bien véritable de nos concitoyens. C’est évidemment aussi faire preuve de bien peu de foi en la puissance divine pour transformer les vies. C’est admettre que la création de Dieu appartient de fait à Satan. C’est nier la double appartenance de l’univers, et de la société humaine qui en fait partie, à Jésus-Christ, d’abord du fait de la création et ensuite en conséquence de la rédemption. C’est méconnaître la portée véritable de l’oeuvre du Christ à la croix et de la victoire de la foi du chrétien sur le monde.

Bien différente est l’optique du chrétien véritable. Avec une foi inébranlable en Dieu, il doit travailler, sans relâche et avec persévérance, au rétablissement de la loi de Dieu dans l’esprit des chrétiens. Ensuite cette loi doit être proclamée comme la norme de toute morale et de tout droit, non pas pour les seuls chrétiens, mais pour tous les hommes et pour toutes les institutions humaines. Seule une telle voie permettra à nos pays de retrouver le chemin de la justice et d’écarter les redoutables menaces de jugement qui pèsent sur nous vu notre impiété et notre iniquité publiques. C’est ainsi que l’Evangile redeviendra cette force pour la transformation des vies.

Mais une nouvelle question nous attend ici. Les lois judiciaires inscrites dans les cinq livres de Moïse et commentées et précisées dans le reste de la Bible, peuvent-elles sans autre être appliquées aux nations qui, depuis la Pentecôte, reçoivent la prédication de l’Evangile du royaume de Dieu? Ou bien certaines de ces lois «judiciaires» ne s’appliqueraient qu’au peuple d’Israël dans le dessein de le préparer à la manifestation du Messie? Nous savons que Calvin, suivant ici très étroitement l’enseignement de Thomas d’Aquin, prétendait que les lois «judiciaires» bibliques étaient maintenant abrogées et que les peuples qui recevaient l’Evangile devaient être gouvernés par ce qu’il appelait la «loi des nations» (2). Il est à remarquer que contrairement à son habitude, il n’apportait aucune preuve biblique à une affirmation aussi importante. Sur ce point précis, des réformateurs aussi éminents que Martin Bucer et Pierre Viret ne partageaient aucunement l’avis de leur collègue de Genève (3). Pour eux toute la loi de Dieu constituait le fondement, non seulement de ce que nous appelons la «morale», mais du droit lui-même. Il est d’ailleurs clair qu’une telle séparation entre la morale et le droit ne peut s’opérer dans cet ensemble que constitue la loi divine. Ce fut également l’opinion des Puritains fondateurs de la Nouvelle Angleterre et, bien avant eux, de l’Eglise du moyen âge.

Après des siècles où les implications de la loi de Dieu pour la saine élaboration du droit ont été largement oubliées, tant par les hommes d’église que par les juristes, ces questions ont à nouveau été étudiées par toute une série de penseurs américains qui renouaient ainsi avec cette important courant de pensée chrétienne. II faut ici citer les noms de Frederick Nymeyer, de Robert Ingram, de Francis Nigel Lee, de Greg Bahnsen, de John Whitehead, de Gary North de Rousas Ruschdoony et de Walter C. Kaiser (4). Dans nos pays francophones, un Pierre Courthal se réclame explicitement de cette école de pensée calviniste. II serait indispensable que de nombreux intellectuels chrétiens s’attaquent aujourd’hui à la traduction actuelle des lois mosaïques dans le contexte de notre civilisation. Une transposition purement mécanique des lois bibliques n’est ni souhaitable ni possible vu les nombreux changements culturels et techniques qui nous séparent de l’ancien Israël. Certaines rigueurs de la loi mosaïque seraient, elles non plus, guère applicables aujourd’hui. Mais ces lois anciennes gardent tout leur sens et ne peuvent être négligées que pour notre perte.

Un immense chantier s’ouvre devant ceux qui veulent découvrir l’ordre éthique que Dieu désire voir s’instaurer dans nos vies personnelles, familiales et publiques. Construire quoi que ce soit en dehors du plan et de l’ordre de Dieu, révélé dans sa sainte loi, n’est rien d’autre que construire sur du sable. Que Dieu nous aide à sonder sa Parole, à méditer sa loi nuit et jour, pour que nous puissions commencer à reconstruire nos familles, nos entreprises, nos écoles, notre société tout entière de manière à ce que tout ce que nous fassions puisse glorifier Dieu. C’est ainsi que nous accomplirons le dernier ordre de notre Seigneur et Maître Jésus-Christ.

«Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la/in du monde.» (Mat 28.19-20).

NOTES

(1) Sur ces questions voyez l’ouvrage suivant: Michel de Preux: Une Suisse totalitaire
L’Age d’Homme (Lausanne) 1984
(2) Jean Calvin: L’Institution chrétienne. Livre IV, ch. XX. Par. 14 Laboret Fides, t.W,p.464 (Genève) 1958
Thomas d’Aquin: Somme théologique: La loi ancienne la liae Qu 98-105
(3)Martin Bucer: Traité de l’amour du prochain ( 1523 ) Revue d’histoire et de philosophie religieuses. 1947, p. 187
Pierre Viret: Le monde à l’empire (Genève) 1561 p. 91-92 Voyez surtout son «Instruction chrétienne en la loi et l’Evangile» de 1564
(4) F. Nymeyer: First Principles in Morality and Economics Libertarian Press (South Holland, Illinois) 1955-1961 (6 vols)
R. lngram: The World Under Golfs LawSt Thomas Press (Houston) 1962

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Série : Fondements
Berthoud Jean-Marc
Jean-Marc Berthoud est le président de l’Association Vaudoise de parents chrétiens. Il est l’auteur de nombreux livres sur la défense de la foi chrétienne face à la montée de la sécularisation et du modernisme.