La preuve du véritable amour
« Mais si quelqu’un possède les biens du monde, voit son frère dans le besoin et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ? Petits enfants, n’aimons pas en paroles et avec la langue, mais en action et avec vérité. »
1 Jean 3.17-18
Dans ces deux versets, Jean présente le thème de l’amour qu’il a introduit peu avant (3.10) et qu’il développera dans la suite (4.1-12). Le verset précédent (v. 16) donne en exemple le Seigneur Jésus. « Donner sa vie pour ses frères » (v. 16) a le sens de considérer les intérêts des autres plutôt que le sien. Il est clair que, au sens littéral, nous aurons rarement l’occasion de mourir pour quelqu’un. C’est pourquoi Jean parle ensuite de l’expression pratique de l’amour par ceux qui possèdent des biens et qui viennent en aide à ceux qui n’ont rien. Donner sa vie signifie alors « donner de ses biens ».
Ces deux versets parlent de l’application pratique de l’amour et de sa conclusion logique : le véritable amour (v. 17) consiste à assister le nécessiteux (v. 18). Telle est la preuve de l’amour selon Dieu. Reprenons plusieurs expressions de ces versets pour les détailler.
« Mais »
Jean montre par un exemple typique ce que ne doit pas être la conduite d’un vrai croyant qui, n’étant pas dans le besoin, ignore celui qui est réellement dans le besoin. Le mot traduit par « mais » marque le contraste frappant entre deux attitudes :
– d’une part, le dévouement poussé jusqu’à l’extrême (v. 16),
– d’autre part, une sécheresse de cœur indigne même d’un homme du monde !
« Quelqu’un »
Le pronom indéfini, joint à l’emploi du subjonctif grec, suggère une situation qui peut généralement arriver.
« Les biens du monde »
L’expression grecque (ton bion tou kosmou) signifie littéralement « les moyens d’existence de ce monde ». Elle désigne les aspects extérieurs de la vie, comme la nourriture, le vêtement, l’argent, qui aident à maintenir la vie. C’est l’ensemble des moyens de vie, mais cela ne sous-entend pas forcément de grandes possessions (cf. Marc 12. 44).
« Vois son frère dans le besoin »
Le verbe utilisé, thêorê, suggère plus qu’un simple coup d’œil ! Jean ne semble pas faire allusion à un regard indifférent, qui n’enregistre rien dans l’esprit de celui qui observe. Il parle ici d’un regard avisé, qui permet de bien saisir la situation de l’autre. C’est également une des caractéristiques de Jésus-Christ, notre Maître : les besoins des hommes exerçaient sur lui une attraction irrésistible. Il convient de noter qu’il n’est pas question des frères en général, mais d’un frère en particulier qui se trouve dans le besoin. Les besoins peuvent être matériels et corporels tout comme moraux et spirituels : le pauvre est celui qui n’a pas de maison ou d’argent, mais aussi celui qui est seul, qui manque d’affection, etc.
« Il lui ferme ses entrailles »
L’expression signifie qu’il ne manifeste pas de la miséricorde envers lui. Le mot grec rendu par « entrailles » désignait pour les Grecs le siège des émotions, et le siège de la miséricorde pour les Juifs (cf. Gen 43.30). Ici, comme souvent ailleurs dans le N.T., ce mot exprime la compassion. Il suggère un profond intérêt émotionnel ou une chaleureuse sympathie, une miséricorde active. Jean fait allusion à celui qui se figure qu’il lui coûterait trop cher d’aider son frère et qui décide de lui « fermer ses entrailles ».
La question que pose Jean engendre la réaction suivante : une telle personne n’a pas l’amour de Dieu en lui. Il convient ici de relever une ambiguïté, peut-être intentionnelle, de l’auteur. En effet, l’expression « l’amour de Dieu » peut se comprendre en grec de plusieurs façons :
– D’abord, l’amour qui vient de Dieu. Il s’agit d’une réelle expérience de l’amour divin, et qui doit se manifester à son tour envers les autres.
– Ensuite, il peut s’agir de l’amour pour Dieu. Un véritable amour pour le Seigneur doit également s’exprimer dans un amour concret pour les enfants de Dieu.
– Finalement, le troisième sens peut être celui de l’amour comme celui de Dieu.
Partant de la comparaison faite avec Christ (cf. v. 16), il pourrait être question d’un amour comme celui de Dieu. Dans le passage parallèle de 1 Jean 4. 20, le principe est encore plus explicite : Jean parle clairement de l’amour du croyant pour Dieu, ce qui cadre bien avec la deuxième possibilité. Ces divers sens se complètent plus qu’ils ne s’excluent. En tous les cas, celui qui n’aime pas son frère d’une manière pratique ne connaît rien de l’amour de Dieu. En effet, le fidèle en qui l’amour de Dieu demeure, aime son prochain, car c’est un feu qui réchauffe l’être tout entier et consume ce qui risquerait de s’y opposer.
Finissons par le verset 18. Jean utilise une fois de plus une expression d’amour dans sa relation avec ses lecteurs, qu’il appelle teknia (« petits enfants »). Il les convie à manifester leur amour d’une manière concrète : « Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni avec la langue ». Il faut un acte, et pas seulement des expressions de sympathie. Comme le précise Jacques, « si un frère ou une sœur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour, et que l’un d’entre vous leur dise : Allez en paix, chauffez-vous et rassasiez-vous ! Et que vous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il ? » (Jac 2. 15-16)
La vérité (fin du verset) refuse que l’amour reste superficiel. L’amour ne doit pas se contenter d’une simple apparence mais être ancré dans la réalité. Tel est l’amour qui répond à l’amour de Dieu manifesté en Christ. Le véritable test de l’amour n’est pas la profession verbale qu’on peut en faire.
Ainsi, l’idée principale du verset 17 est l’action qui s’impose. Jean condamne celui qui ferme ses entrailles à son frère nécessiteux, mais approuve l’attitude de celui qui agit comme le fit le bon Samaritain qui fut ému de compassion en voyant le voyageur blessé (Luc 10.33).