Le chrétien face à l’homosexualité
Cet article résume une conférence donnée dans le cadre du cycle des « Conférences Éthiques 2001-2002 » de l’APEB/ERE de Paris, le vendredi 11 janvier 2002. Il n’a pas pour objet de donner des conseils pastoraux à des personnes confrontées personnellement ou dans leur entourage à ce phénomène, mais il examine l’enseignement biblique sur le principe même de l’homosexualité.
Introduction
Qu’est-ce qu’un « chrétien » aujourd’hui ? La perte d’identité des diverses dénominations chrétiennes et la montée de l’œcuménisme, relayées depuis une dizaine d’années par un puissant mouvement syncrétiste, donnent à ce mot un contenu très flou. En conséquence, parmi tous ceux qui se prétendent « chrétiens », on observe des avis extrêmement divers sur le sujet de l’homosexualité : cela va de l’approbation positive à une opposition indignée.
Quel est donc le point de vue véritablement chrétien ? La question essentielle concerne l’attitude du « chrétien » face à la Bible :
– est-elle la Parole inspirée de Dieu, et en tant que telle, l’autorité finale pour l’enseignement et la pratique de la foi chrétienne ?
– ou bien est-elle uniquement une parole humaine, certes spirituellement et moralement utile et qui inspire nos pensées et nos actions mais qui, comme toute entreprise humaine, est forcément faillible et pas normative ?
Dans tous les milieux chrétiens, en des proportions variables, on trouvera des tenants de ces deux positions. Or la vraie foi chrétienne proclame que, dans le domaine éthique, il existe une position non équivoque, conforme aux enseignements normatifs, immuables et infaillibles de la Bible. Cette position s’enrichit de l’accumulation de sagesse doctrinale par l’Église au cours des siècles. Plus encore, la foi chrétienne historique ne consiste pas seulement en une doctrine, mais elle est indissociable d’une façon de vivre, personnelle, familiale, dans l’Eglise, jusque dans les lois de la Cité. C’est cette foi mise en pratique qui permettra à ceux qui sont emprisonnés dans ce mode de vie anormal qu’est l’homosexualité, de pouvoir en être graduellement et durablement délivrés par l’œuvre salutaire du Seigneur Jésus-Christ.
I. L’homosexualité perçue du point de vue des structures de la création
Dans les deux premiers chapitres de la Genèse, Dieu décrit les structures qu’il a établies au commencement pour l’univers, le monde. C’est seulement sur ce fondement que peut ensuite se construire une éthique véritablement scripturaire.
Rien ne préexistant, Dieu créa souverainement le domaine spirituel, le ciel, et le domaine physique, la terre. En six jours, il compléta son œuvre divine, la couronnant au sixième jour par la création de l’homme, image même de Dieu, puis celle de la femme.
Dieu a donc différencié progressivement et de manière stable sa création initiale en différentes catégories qui ont la stabilité même de la Parole divine qui les a créées. Cet ordre créationnel ne peut pas changer jusqu’au jour où il sera entièrement renouvelé dans la nouvelle création. Si l’ordre originel de l’univers est aujourd’hui profondément affecté par les effets du péché de l’homme, il n’en est pas pour autant aboli (cf. Jér 31.35-36). Et cet ordre divin, établi par Dieu sur la terre, inclut la distinction fondamentale, pour l’espèce humaine, entre l’homme et la femme.
» Dieu créa l’homme à son image : il le créa à l’image de Dieu, homme et femme (littéralement mâle et femelle), il les créa. » (Gen 1.26-27) Ce récit est complété au chapitre suivant : « Pour l’homme, il ne trouva pas d’aide qui fût son vis-à-vis. Alors l’Éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise à l’homme et il l’amena vers l’homme. Et l’homme dit : Cette fois c’est l’os de mes os, la chair de ma chair. C’est elle qu’on appellera femme, car elle a été prise de l’homme. » (Gen 2.22-23)
Ces versets établissent deux distinctions capitales :
– entre l’homme et les animaux, car il ne peut reconnaître parmi eux un être qui soit son semblable :malgré certaines ressemblances, l’homme appartient à un ordre distinct, foncièrement différent de celui des animaux ;
– entre l’homme et la femme : la femme, tirée du côté de l’homme est vraiment son semblable (litt. « os de ses os, chair de sa chair ») ; le nom qu’Adam donne à son épouse manifeste à la fois cette ressemblance et la différence radicale (« Isch » pour l’homme, « Ischa » pour la femme 1) ; il y a unité de l’espèce humaine créée toute entière à l’image et à la ressemblance de Dieu, distinction essentielle avec une complémentarité bienheureuse entre l’homme et la femme.
La suite du texte définit l’ordre créationnel des relations entre l’homme et la femme, dans le mariage : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. » (Gen 2.24)
Ces considérations sur l’ordre créationnel nous amènent à mieux saisir la nature du péché. Une de ses formes essentielles, dont nous ne tenons pas assez compte, consiste à préférer le désordre issu de l’imagination pécheresse de l’homme à la soumission à l’ordre divin. Or « Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix. » (1 Cor 14.33)
Il n’est pas dit : « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à son homme, et ils deviendront une seule chair », ni « La femme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et elles deviendront une seule chair ». Et pourtant c’est ce que prétendent les défenseurs de l’homosexualité : pour eux, c’est une forme normale et légitime de l’amour humain, qui, de plus, devrait être reconnue comme une forme institutionnelle légale du mariage. Dans un tel renversement, nous avons affaire à un acte pervers commis contre l’ordre créationnel original. Avant d’être un péché, l’homosexualité est un acte contre-nature, un acte de révolte qui se dresse contre l’ordre de la création lui-même et, en fin de compte, contre le Concepteur divin de cet ordre.
II. L’homosexualité sous le regard de la loi juive
Dans une telle perspective, la loi de Moïse sur l’homosexualité devient beaucoup plus compréhensible : cet acte n’est pas considéré comme un simple péché (tel que le vol ou l’adultère), un acte nuisible, mais qui se manifeste à l’intérieur de l’ordre créé ; plus gravement, l’homosexualité renverse cet ordre lui-même.
Mais qu’est-ce en fait que l’homosexualité ? Un homosexuel est « une personne, mâle ou femelle (ce qui inclut les lesbiennes), qui entretient des relations sexuelles avec des membres du même sexe, ou qui désire le faire. »2
Avant d’évoquer les exigences de la loi mosaïque, reflet de la loi éternelle, de la pensée même de Dieu et écho parfait de la loi naturelle inscrite dans la conscience de tous les hommes, il nous faut dire un mot sur la situation de ceux qui souffrent de tentations homosexuelles, qu’ils soient hommes ou femmes. Il faut soigneusement distinguer ceux qui subissent de telles tentations de ceux qui s’y livrent et, plus encore, des fanatiques du lobby homosexuel mondial. La tentation homosexuelle n’est pas en elle-même un péché, pour autant qu’on ne s’abandonne pas intérieurement à cette tentation et qu’on ne s’y livre pas physiquement. Le chrétien, ou le non chrétien, peut lutter contre de telles tendances et, comme en témoignent ceux qui sont sortis de cet enfer narcissique, il peut vaincre de telles tentations. De tels hommes et femmes devraient, bien plutôt, être aidés que jugés dans les Églises. Il existe heureusement des groupes qui se consacrent à venir en aide à de telles personnes en grande détresse morale3 . Pour ce qui concerne les homosexuels qui pratiquent ouvertement leur vice et qui veulent l’imposer à la société comme étant une forme normale de la sexualité, il faut trouver des moyens appropriés pour rendre leurs actions inopérantes. Ils peuvent certes, eux aussi, sortir de ce cercle néfaste, mais cela demande de leur part une réelle repentance, un changement de comportement et un renoncement complet à l’idéologie perverse qui faisait jusqu’alors leur raison de vivre. Le sang du Christ, son pardon acquis pour les pécheurs à la croix, est pleinement suffisant pour nous purifier de tout péché.
Après l’interdiction de l’inceste sous ses différentes formes, de l’adultère, des sacrifices humains et des relations sexuelles pendant les règles, Lévitique 18 commande : « Je suis l’Éternel. Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une horrible pratique. Tu n’auras de rapports sexuels avec aucune bête, pour te souiller avec elle. La femme ne s’approchera pas d’une bête, pour s’accoupler à elle. C’est une confusion. » (Lév 18.21-23) Ces lois reçoivent les commentaires suivants : « Ne vous souillez par aucune de ces pratiques, car c’est par toutes ces choses que se sont souillées les nations que je chasse devant vous. Le pays en a été souillé ; je suis intervenu contre sa faute, et le pays a vomi ses habitants. » (Lév 18.24)
Lévitique 20 ajoute : « Si un homme couche avec un homme (littéralement un mâle) comme on couche avec une femme, ils ont commis tous deux une horreur ; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux. » (Lév 20.13)
Ces différentes lois sur les rapports sexuels sont l’application à des cas particuliers, du septième commandement : « Tu ne commettras pas d’adultère. » (Ex 20.14 ; Deut 5.18)
D’autres lois sur les relations sexuelles (Deut 22.22-29 ; Ex 22.15-16) montrent que Dieu tient compte des cas particuliers. Il est évident, par exemple, que le couple de jeunes amoureux qui couchent ensemble par imprudence et par excès de passion est traité fort différemment des amants adultères qui détruisent l’alliance divine sacrée du mariage, ou de ceux qui défient non seulement la loi de Dieu, mais l’ordre de nature lui-même, en couchant avec des personnes de leur propre sexe, ou encore avec des animaux. Pour les premiers, il y a quasi-obligation de mariage ; pour les autres la peine capitale.
Les commandements du Lévitique relatifs aux relations homosexuelles mettent en évidence quatre points importants :
1. De tels actes publiquement connus sont considérés par le droit juif comme étant d’une extrême gravité, dignes de la peine de mort. Pourquoi une telle sévérité ? Tous les cas de peines capitales dans le droit hébraïque peuvent se résumer sous un seul chef : des offenses publiques contre Dieu :4 – de manière directe (blasphèmes publics, fausse prophétie, sorcellerie, etc.),
– de manière indirecte en attaquant les deux aspects de l’image de Dieu dans la création : a) l’image spécifique de Dieu, l’homme, dans le cas du meurtre ; b) la famille, image de la Sainte Trinité. Les actes homosexuels publics, comme l’adultère, l’inceste et la bestialité, rentrent dans ce dernier cas.
2. Ces commandements sont avant tout une protection de la société contre sa tendance à opérer sa propre destruction. Si de tels crimes sont tolérés dans une quelconque société, ou, pire encore, s’ils en viennent à être légitimés par des lois, la conséquence inéluctable sera la destruction de la nation elle-même : la création rejettera de son sein ces peuples qui font de ces mœurs perverties une pratique courante acceptable pour l’ensemble du peuple. Une telle vision du rapport étroit entre l’ordre du cosmos et le comportement des hommes, nous est devenue largement étrangère, car nous sommes influencés par la vision scientifique moderne de l’indépendance entre les actes moraux ou immoraux des hommes et le fonctionnement de la nature, en bien comme en mal.
La destruction, par les mœurs perverses, de l’ordre créationnel social premier qu’est celui de la famille, cellule fondatrice de toute société, entraîne à terme la destruction de la société elle-même. Il est clair qu’une société largement constituée d’homosexuels ne peut se reproduire physiquement. La crise démographique de nos sociétés industrialisées le prouve aujourd’hui.
3. De tels actes, dont l’homosexualité, sont considérés par Dieu comme des « horreurs », des « abominations ». Une abomination, dans la Bible, est un mal parvenu à son comble, qui, de ce fait, appelle le jugement définitif de Dieu. Et si l’autorité publique ne le réprime pas, Dieu lui-même s’en chargera, comme il l’a fait pour Sodome et Gomorrhe ou les peuples de Canaan.
4. Enfin, la bestialité et les rapports incestueux sont qualifiés de « confusion ». L’impureté ou la profanation consiste à mélanger ce qui devrait être gardé séparé. « Le premier et le plus décisif critère pour déterminer les normes de comportement dans tout le domaine de l’action humaine devait être la nature : ce que l’homme et les choses sont « par nature » est ce qui détermine le bien et le mal. En plus, l’expression « par nature » signifie essentiellement : en conséquence d’avoir été créé, en conséquence d’être une créature. » 5 Francis Schaeffer a caractérisé l’homosexualité comme constituant, en tout premier lieu, une déviation philosophique, une confusion dans les catégories, un désordre funeste aux conséquences mortelles.
III. L’homosexualité sous le regard de Paul
Paul, en Romains 1.18-32, établit l’histoire théologique et métaphysique de l’homme déchu. Et l’homosexualité, masculine et féminine, y trouve une place de choix. En fait, ce phénomène moral particulier ne peut pas être considéré en dehors de l’histoire générale du péché, l’histoire des relations du Dieu saint et juste avec une humanité qui s’est volontairement détournée de Lui.
1. Par l’acte de création, Dieu appose sur chaque chose le signe et le reflet de Celui qui en est le Concepteur. L’intelligence des hommes leur a été donnée pour qu’ils le reconnaissent au travers du témoignage clair et sans ambiguïté de ses œuvres, pour lui accorder la gloire qui Lui est due.
2. Mais, au lieu de se soumettre à Dieu en fonction des catégories créationnelles divines, les hommes ont préféré agir en fonction de leurs propres raisonnements fantaisistes. Dieu les juge alors inexcusables et les abandonne à leur manière de penser, en rupture avec les catégories divines. Cette révolte aboutit aujourd’hui à un système de vie et d’action structurellement opposé à Dieu.
3. Le dérèglement moral de l’homme devient le fruit de son dérèglement catégoriel : l’homme est abandonné à ses émotions, qui s’orientent dans n’importe quelle direction. Dans la structure créationnelle de l’homme, la vérité tient la première place, la volonté la suit permettant de mettre la vérité en action et l’émotion couronne l’accomplissement du bien. Dans la structure déviée de l’homme pécheur, c’est maintenant l’émotion, la convoitise déréglée, qui tient le premier rang, la volonté suit en esclave les passions déchaînées, le raisonnement vient en dernier lieu comme idéologie pour justifier le triomphe du mal.
4. L’homosexualité est l’aboutissement de ce long processus de déviation intellectuelle, d’impiété et d’immoralité. Le chemin que Paul décrit ici va dans le sens contraire de l’ordre croissant de Genèse 1 et 2. Il s’agit d’une véritable déconstruction par les hommes de l’ordre créé, une « dé-création ». L’homosexualisation d’une société n’est pas un phénomène uniquement individuel et personnel. C’est la texture même de la société qui est transformée. C’est pour cette raison que le phénomène homosexuel est si souvent lié à la destruction de la famille : efféminisation du mari et père, masculinisation de l’épouse et mère.
A l’ordre créationnel se substitue ce qui ressemble fort au chaos. Ce n’est plus simplement l’immoralité de la révolte contre les commandements de Dieu, ni l’amoralité de l’indifférence aux lois divines, mais le désordre figé, contre-nature, d’une société homosexuelle qui se précipite vers le jugement de Dieu. De plus, ce désordre n’est plus seulement le fait du libre choix des hommes, mais le résultat de l’action souveraine de Dieu lui-même qui précipite une société qui le rejette, de plus en plus rapidement sur la pente glissante de la perdition éternelle.
Lorsque des hommes (et des femmes !) d’Église en viennent à faire l’apologie de telles pratiques homosexuelles et lesbiennes, ils se placent volontairement sous la condamnation du texte qui clôt ce chapitre : « Et bien qu’ils connaissent le décret de Dieu, selon lequel ceux qui pratiquent de telles choses sont dignes de mort, non seulement ils les font, mais encore approuvent ceux qui les pratiquent. » (Rom 1.32) Ce n’est pas impunément que l’on se livre ainsi entre les mains du Dieu vivant !
Conclusion
Avant d’annoncer l’Évangile du salut en Jésus-Christ aux perdus, pour qui ont disparu non seulement le sens des dogmes chrétiens et celui des normes morales, mais également la perception de ces catégories métaphysiques créationnelles et bibliques premières dont nous venons de parler, il est impératif de rappeler d’abord les structures de l’ordre créationnel de Dieu. C’est seulement alors que nous pourrons assumer la tâche capitale d’annoncer l’Évangile du salut en Jésus-Christ aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui.
Le peuple de Dieu a toujours été confronté au phénomène de l’homosexualité, tant dans l’A.T. que dans le N.T. Mais aujourd’hui il nous faut faire face à un phénomène nouveau : une fossilisation, un durcissement, pour tout dire une véritable institutionnalisation du mal qui était inconnue de nos pères, ceci même dans les périodes les plus corrompues de l’histoire humaine. Cette situation nouvelle place l’Église de Jésus-Christ devant de redoutables responsabilités : il faut que la vérité de Dieu, tant celle de la création, que celle de la loi et celle de l’évangile, soit aujourd’hui proclamée (comme jadis) haut et fort, mais surtout de manière à répondre aux défis spécifiques de ce temps. Cela ne doit pas nous faire oublier la nécessaire compassion vis-à-vis de ceux qui sont pris dans des liens contre-nature et dont ils souffrent.
(3) Voir Gérard J. M. van den Ardweg : « The Battle forNormality. A guide for (Self-) Therapy for Homosexuality » ; Ignatius, San Francisco, 1979.
- Dans la pensée biblique, le fait de nommer manifeste non seulement l’autorité de ceuli qui nomme sur ce qui est nommé, mais, plus encore, atteste la nature même de l’objet défini par le nom qui lui est donné.
- Greg Bansen : « Homosexuality, a BiblicalView » ; Baker House, Grand Rapids, 1978, p. 5.
- Voir Gérard J. M. van den Ardweg : « The Battle for Normality. A guide for (Self-) Therapy for Homosexuality » ; Ignatius, San Francisco, 1979.
- Roland de Vaux, « Les Institutions de l’Ancien Testament » ; Cerf, Paris, 1989, Tome I, ch. 10.
- Josef Pieper : « The Concept of Sin » ; St. Augustine’sPress, South Band, Indiana ; 2001, p.36.