Dossier: Jérémie, prophète en temps de crise
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Le rétablissement d’Israël et de Juda (Jérémie 33)

 

Cet article est extrait du commentaire sur Jérémie paru dans la collection Commentaires bibliques du chercheur, aux éditions Impact. Il est reproduit avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

a. Le jugement et le rétablissement à venir (33.1-13)

1. Le jugement à venir (33.1-5)

Le chapitre 33 conclut le « Livret de la consolation ». Structurellement et chronologiquement, ce chapitre est étroitement relié au chapitre 32 : il développe la promesse divine de bénédiction en réaffirmant à la fois la future destruction et le futur rétablissement de Jérusalem (33.1-13) et, ensuite, ses alliances conclues avec David et avec les sacrificateurs lévitiques (33.14-26).

Le chapitre 33 suit de très près le message du chapitre 32 où Jérémie « était encore enfermé dans la cour de la prison » (33.1 ; voir 32.1-2). Une fois de plus, Dieu rappela à Jérémie à la fois sa puissance et son caractère comme le Dieu qui a fait… la terre (32.17). En révélant à Jérémie que son « nom est l’Éternel » (Yahweh), Dieu mettait l’accent sur sa fidélité à garder son alliance avec son peuple (voir 32.18 ; Ex 3.13-15). Jérémie ne comprenait pas comment Dieu pouvait rétablir une nation qui était destinée au jugement (voir 32.24-25) ; aussi Dieu exhorta-t-il le prophète à l’invoquer afin de comprendre. Dieu promit de l’exaucer en lui révélant « de grandes choses, des choses cachées ». Le mot pour « cachées », employé pour décrire des villes aux fortifications importantes (Nom 13.28 ; Deut 3.5 ; 28.52 ; Éz 21.20), signifie quelque chose qui est rendu inaccessible par des murs insurmontables. Les plans de Dieu pour l’avenir sont insaisissables au commun des mortels ; seul Dieu peut dévoiler les secrets du futur, et il les révéla à Jérémie. Dieu communiquerait à Jérémie des vérités concernant l’avenir d’Israël, que le prophète ignorait ou ne comprenait pas.

La première révélation concernait la chute imminente de Jérusalem. Alors que le siège de Babylone affaiblissait les défenses extérieures de Jérusalem, les maisons de Jérusalem et celles des rois étaient abattues afin de fournir du bois et de la pierre pour fortifier les murs contre les terrasses. Le but de cet effort considérable était d’empêcher les soldats babyloniens (« l’épée ») d’opérer une brèche dans les murailles afin d’entrer dans la ville.

Dieu annonça que les faibles tentatives des habitants de Jérusalem pour affermir ses défenses étaient futiles. Ses maisons partiellement détruites étaient remplies des cadavres des hommes tués par les Chaldéens. Dieu cacherait sa face à cette ville en refusant de la délivrer de cette destruction (voir 18.17 ; Éz 4.1-3), car elle devait être détruite « à cause de la méchanceté ».

  1. Le rétablissement à venir (33.6-13)

Pour concilier ces prophéties apparemment contradictoires de jugement et de bénédiction, il fallait comprendre que le jugement devait seulement être temporaire : après le temps de jugement, Dieu accorderait à sa ville et à son peuple « la guérison et la santé ». Dieu annonça à Jérémie trois aspects de cette bénédiction.

–D’abord, la bénédiction du peuple comprendrait le rétablissement du peuple dans le pays (voir 31.8-11 ; 32.37). Dieu ramènerait les captifs de Juda et les captifs d’Israël.

– Ensuite, la bénédiction comprendrait leur retour à l’Éternel (voir 31.31-34 ; 32.38-40) : Dieu purifierait le peuple de « toutes [ses] iniquités » et pardonnerait sa rébellion.

– Enfin, la bénédiction ferait retrouver à Jérusalem le rang honorable dont elle avait joui autrefois parmi les nations (voir 31.10-14) : la ville serait pour Dieu « un sujet de joie, de louange, de gloire, parmi toutes les nations » qui seraient « étonnées et émues de tout le bonheur et de toute la prospérité » (voir 33.6) que Dieu accorderait à son peuple.

Dieu développa le contraste entre le jugement présent et sa bénédiction future en donnant deux images des changements qui se produiraient, chaque illustration commençant par la même expression (33.10,12) : « Ainsi parle l’Éternel (ou l’Éternel des armées) ». Dans chaque image, la scène à l’époque de Jérémie était identique : Jérusalem était déserte, car il n’y avait « plus d’hommes, plus de bêtes » (voir 32.43). Bien que le siège fût encore en cours, la chute de Jérusalem était si certaine que Dieu la décrivit comme un fait accompli. Ensuite, les deux images changèrent : dans 33.10-11, Dieu illustra la joie et l’allégresse qui reviendraient à Jérusalem et en Juda, tandis que dans 33.12-13, il décrivit la paix et la prospérité qui caractériseraient à nouveau Juda.

« Les rues de Jérusalem » qui étaient privées d’hommes après sa destruction par les Babyloniens (voir Lam 1.1-4) se rempliraient à nouveau des « cris de réjouissance » et des « cris d’allégresse ». Ces manifestations de joie proviendraient des « chants du fiancé » et des « chants de la fiancée » lors de cérémonies de mariage (voir 7.34 ; 16.9 ; 25.10) et par la voix d’adorateurs apportant « des sacrifices d’actions de grâces dans la maison de l’Éternel » (voir Ps 100.1-2,4). Le chant des adorateurs annoncé par Jérémie ressemble au refrain de plusieurs Psaumes (voir Ps 100.4-5 ; 106.1 ; 107.1 ; 136.1-3). La joie éclaterait lorsque Dieu ramènerait « les captifs » de Juda (voir 30.18 ; 32.44 ; 33.26 ; Deut 30.3).

Les villes de Juda qui avaient été détruites par Babylone connaîtraient elles aussi la paix et la prospérité : Dieu fournirait encore des demeures pour les bergers. Cette paix s’étendrait de Jérusalem à la montagne de Juda à l’est, aux villes de la plaine de Schephelah à l’ouest, au Néguev au sud, et au pays de Benjamin au nord (voir 17.26).

Dans tout le pays, les brebis passeraient « encore sous la main de celui qui les compte », comme un berger compte ses moutons pour s’assurer qu’aucun ne manque. Jérémie utilisait peut-être le berger et les brebis dans un sens métaphorique pour se référer aux chefs d’Israël et au peuple. En effet, il avait déjà comparé les chefs aux bergers (voir 3.15) et la nation rétablie à un troupeau rassemblé (voir 23.3 ; 31.10). Jérémie avait aussi utilisé ces images pour introduire son message sur le germe juste de David (23.1-6), le sujet de 33.14-26

b. Les alliances conclues avec David et avec les sacrificateurs lévitiques (33.14-26)

1. Les alliances (33.14-18)

La deuxième section de ce chapitre commence par l’expression : « Voici les jours viennent. » Jérémie employa cette expression seize fois dans son livre. Parfois elle annonçait la destruction imminente de Juda et des nations environnantes (voir 7.32 ; 9.25 ; 19.6 ; 48.12 ; 51.47,52), mais les neuf autres fois, elle annonçait une période de bénédiction pour Israël quand :

(a) la nation reviendrait de la captivité (16.14,15 ; 23.7,8 ; 30.3) ;

(b) le germe juste de David régnerait sur une monarchie unie (23.5,6 ; 33.14,15) ;

(c) la nation expérimenterait la paix et la prospérité dans le pays (31.27,28 ; 33.14,16) ;

(d) la nouvelle alliance avec la purification des péchés serait en vigueur (31.31-34) ;

(e) et enfin la ville de Jérusalem serait reconstruite comme une ville sainte qui ne serait plus jamais détruite (31.38-40).

Ces promesses transcendent tout ce qu’Israël a connu pendant sa longue histoire ; aussi trouveront-elles leur accomplissement ultime seulement lors de l’établissement du royaume millénaire du Messie, époque où Dieu accomplira « la bonne parole » qu’il avait « dite sur la maison d’Israël et sur la maison de Juda » (33.14b).

Le premier aspect de cet accomplissement sera le rétablissement de la monarchie (voir 23.5). Le « germe de justice » issu de David régnera comme roi sur la nation. Il s’agit d’une prophétie à propos de Jésus-Christ, descendant de la lignée de David, auquel le trône de David était promis (voir Luc 1.31-33).

Le second aspect de cet accomplissement sera le rétablissement de Jérusalem comme la demeure de Dieu : la ville alors sur le point d’être détruite par Babylone (33.4.5) vivra un jour en sécurité. Cette déclaration se trouve en 23.6, mais ici Jérémie opérait un changement significatif qui donnait une nouvelle signification.  Dans 23.6, Jérémie décrivit la sécurité d’Israël et de Juda par l’intervention du Messie appelé « l’Éternel notre justice ». Cependant, en remplaçant « Israël » par « Jérusalem » et le pronom masculin « l’ » par le pronom féminin, Jérémie appliqua le titre « L’Éternel notre justice » (23.6) à la ville de Jérusalem plutôt qu’au Messie. Ainsi, la ville prendrait le caractère de l’Éternel qui vivrait en son sein (voir Éz 48.35).

Fait significatif, Jérémie mit en évidence à la fois l’aspect royal (33.15) et l’aspect religieux (33.16) du rétablissement qui serait opéré par Dieu, car tous deux étaient indispensables à l’existence d’Israël, comme le peuple de l’alliance avec Dieu.

Pour mettre en valeur l’importance de ces deux aspects, Dieu réitéra ses alliances avec la lignée de David et avec les sacrificateurs lévitiques. La première alliance mentionnée fut l’alliance de Dieu avec David (voir 2 Sam 7.8-16), où Dieu promit que « David ne manquerait jamais d’un successeur assis sur le trône de la maison d’Israël ». Selon certains, cette promesse ne fut pas accomplie, car le trône cessa d’être occupé lors de la chute de Jérusalem en 586 av. J.-C. Cependant, Dieu n’avait pas promis une monarchie ininterrompue, mais une lignée ininterrompue de descendants de David aptes à lui succéder une fois le trône rétabli. En effet, la lignée de David ne s’interrompit pas en attendant que le germe juste vienne réclamer son trône. Les généalogies de Matthieu et de Luc montrent l’accomplissement de cette promesse du fait que le Christ descendait de David, à la fois par sa lignée légale, passant par Joseph, et par sa lignée physique, passant par Marie (Mat 1.1-16 ; Luc 3.23-31).

La seconde alliance mentionnée fut celle conclue par Dieu avec les sacrificateurs et les Lévites, à savoir sa promesse, faite à Phinées (Nom 25.12-16), selon laquelle les Lévites ne manqueraient jamais de « successeurs pour offrir des holocaustes et des offrandes ». Une fois encore, la promesse ne signifiait pas que les sacrifices ne seraient jamais ininterrompus, car ils cessèrent en 586 av. J.-C. et reprirent seulement en 537 av. J-C. (voir Esd 3.1-6), mais seulement que le sacerdoce lévitique ne s’éteindrait pas.

Ainsi, ni la monarchie ni le sacerdoce ne seraient abolis.

  1. La confirmation des promesses (33.19-26)

Dieu donna deux assurances qu’il tiendrait ses promesses à propos de l’alliance, chacune commençant par la même expression : « La parole de l’Éternel fut adressée à Jérémie » (33.19,23), et chacune employant son « alliance avec le jour et avec la nuit » pour illustrer la permanence de ces institutions (33.20,25 ; voir aussi 31.35-37).

Seulement si l’homme pouvait « rompre l’alliance de Dieu avec le jour et avec la nuit » (voir Gen 1.14-19) pourrait-il rompre son « alliance […] avec David et avec les Lévites, les sacrificateurs ». Autrement dit, ces alliances avec eux étaient aussi solides que l’ordre naturel de l’univers ; par conséquent, elles ne pourraient jamais être renversées par de simples mortels. Le mot « alliance » faisait référence à un traité ou à un accord passé entre des individus ou des groupes, par lequel ils s’engageaient dans une certaine relation ou à respecter une certaine ligne de conduite. Dieu avait promis de protéger la lignée royale de David (2 Sam 7.8-16) ainsi que la lignée sacerdotale de Phinées (Nom 25.12-13), et il ne romprait jamais son serment. En effet, Dieu promit de bénir ces deux lignées afin que leur postérité devienne aussi nombreuse que « l’armée des cieux » et que « le sable de la mer ».

La deuxième assurance (voir 33.19-22) fut donnée par Dieu à Jérémie en raison des doutes et des critiques d’autres gens (leur identité n’est pas spécifiée : il s’agissait soit des Israélites, soit de leurs voisins païens) qui affirmaient que Dieu avait rejeté « les deux » royaumes (litt. « familles » ou clans ; voir 31.1) « au point de ne plus le regarder comme une nation ». Ils avaient l’impression que les péchés d’Israël et de Juda avaient annulé toutes les promesses d’alliance, si bien que Dieu n’était plus dans l’obligation de les accomplir.

Dieu répondit en réaffirmant son engagement à accomplir les promesses de l’alliance. Les alliances que Dieu avait conclues avec Abraham et avec David ne dépendant pas de l’obéissance du peuple mais du caractère de Dieu, elles étaient aussi certaines que son alliance avec le jour et avec la nuit et aussi immuables que les lois régissant les cieux et la terre. C’est seulement si ces lois naturelles pouvaient être abolies, que Dieu rejetterait la postérité de Jacob et de David. La mention d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (33.26) rappelait la promesse de l’alliance conclue par Dieu avec ces patriarches concernant son élection d’Israël (voir Gen 15.7-21 ; 17.1-8 ; 26.1-6 ; 28.10-15). Dieu était engagé par ses promesses et il ramènerait les captifs de la nation (voir 30.18 ; 32.44 ; 33.11 ; Deut 30.3) et aurait pitié d’elle. Le caractère de Dieu constitue la plus grande assurance du rétablissement futur d’Israël comme nation : il a contracté une série d’alliances avec les patriarches, avec David et avec les Lévites ; aussi son caractère exige-t-il l’accomplissement final de ces promesses données à leur nation.

 

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