Les pasteurs tyranniques
C’était une journée difficile à l’église1 . Ce qui était censé être une expérience de culte bénie et enrichissante ressemblait plutôt à un coup de poing dans l’estomac.
Que s’était-il passé ? Ceux qui étaient en position d’autorité s’étaient comportés en tyrans égoïstes.
Ils ressemblaient en fait aux fils du sacrificateur Éli, décrits comme « des hommes pervers » (ou : vauriens), qui « ne connaissaient pas l’Éternel » (1 Sam 2.12 )2. Les versets 13 à 17 montrent comment ils abusaient sans scrupule de leur rôle de prêtre. Quand un adorateur allait offrir un sacrifice, ils envoyaient leurs serviteurs prendre les meilleurs morceaux pour leur consommation personnelle. Pourtant ces prêtres ne manquaient pas de nourriture : la poitrine et la jambe droite de l’animal leur étaient déjà réservées (Lév 7.28-36). Si quelqu’un avait l’audace de rappeler à leurs serviteurs que l’Éternel devait être honoré en premier, les fils d’Éli menaçaient d’employer la force (v. 16). En résumé, « ces jeunes gens se rendaient coupables d’un très grand péché devant l’Éternel, parce qu’ils traitaient avec mépris les offrandes faites à l’Éternel » (v. 17).
Oui, c’était une journée difficile à l’église. En fait, les responsables n’avaient aucun respect pour la gloire de Dieu et pour le bien du peuple. Ils étaient uniquement préoccupés d’eux-mêmes. Cette tendance à l’abus d’autorité et à la recherche de l’intérêt personnel est progressive et subtile. Par conséquent, il s’avère utile de relever quelques caractéristiques des pasteurs tyranniques afin de les identifier.
1. Ils s’approprient la gloire due à Dieu
Certains pasteurs semblent beaucoup plus impressionnés par eux-mêmes et par leur intelligence que par la sagesse de Dieu. Observons comment ils utilisent la Parole de Dieu. Est-ce qu’ils la prêchent, ou bien en font-ils juste une « perche à selfie » pour eux-mêmes ? Si glorifier Dieu est le but de toute la vie, c’est certainement encore davantage le but de tout ministère. Dans leur service, certains font pourtant preuve d’un zèle comparable à celui des constructeurs de la tour de Babel, en travaillant dur pour se faire un nom ; ils perdent ainsi de vue l’essentiel. La gloire revient à Jésus, et non à nous-mêmes. Souvenons-nous : « Il faut que lui croisse, et que moi je diminue » (Jean 3 .30). Ce n’est pas l’inverse.
2. Ils utilisent le ministère pour se servir eux-mêmes, et non pas Dieu et les autres
Les fils d’Éli considéraient le peuple comme étant à leur service et non comme des personnes qu’ils devaient servir. De même, dès qu’un pasteur commence à estimer que les gens et le ministère sont à son service au lieu de penser qu’il est, lui, au service des membres de son église, il est en danger. On oublie parfois que le mot « ministère » signifie « service ». Toute notre vie doit être un service. Paul dit que ceux qui dirigent doivent se considérer comme des serviteurs. Jésus demande à tous ceux qui le suivent d’être des serviteurs (en particulier à ceux qui sont à la tête et qui peuvent être tentés de se laisser servir. Après tout, c’est ainsi qu’il a vécu et qu’il s’en est allé (Marc 10.43-45). Les pasteurs veillent à ne pas s’estimer supérieurs au troupeau et à ne pas s’en tenir à distance. Ils sont au service de Dieu et des siens.
3. Ils n’hésitent pas imposer leurs méthodes
D’où venait cette idée de se promener fourchette en main pour se servir dans animaux offerts en sacrifice par les gens du peuple ? Certainement pas de la Bible. Moïse n’a jamais recommandé ou permis une chose pareille. Mais il est possible qu’ils aient réussi à impressionner les gens avec une explication de leur invention ou bien seulement avec un ton ou un style autoritaire pour justifier leur « innovation » liturgique. Le seul problème avec cette façon d’innover, c’est qu’elle ne correspond pas toujours à ce que Dieu demande. Cela vaut aussi pour notre époque : nous sommes souvent rapides pour inventer quelque chose qui nous arrange, beaucoup plus lents à nous remettre en question. Il est plus facile et rapide de se lancer dans quelque chose qui ressemble à une bonne idée, plutôt que de se demander si la Parole de Dieu encourage ou non ce que nous initions. Les occidentaux du XXIe siècle ont tendance à faire une belle place à l’innovation dans la mesure où elle augmente leur influence. Mais si une telle innovation nous détournait de ce que nous sommes censés être et faire ? L’innovation n’est pas toujours mauvaise, mais elle n’est pas nécessairement positive non plus. Par conséquent, nous devrions être prudents envers l’innovation. Il se peut que la recherche de nouveauté mette nos églises — et nous-mêmes — en difficulté. Restons proches de la révélation biblique.
4. Ils exercent une autorité oppressante
À qui ces hommes rendaient-ils compte ? Éli fermait les yeux sur la situation. Le peuple ne pouvait pas faire grand-chose. Il en résultait que la domination tyrannique de ces hommes s’était imposée au peuple avec une autorité oppressante. Malheureusement, ce type de situation se produit encore aujourd’hui dans des églises. Plutôt que de voir leur autorité fondée sur la Parole et restreinte à cette seule Parole, certains pasteurs pensent qu’ils sont investis d’une autorité personnelle et universelle ; ils n’ont pas de comptes à rendre, pas de conseils à entendre. Ce type de leadership est à l’opposé de ce que la Parole enseigne, il s’arroge une autorité absolue, parfois même sur les aspects les plus intimes de la vie des gens, là où le pasteur n’a pas à s’ingérer. Souvent, un tel pasteur utilisera certains versets de la Parole pour reprendre ses fidèles, sans pour autant s’y soumettre lui-même. Cette hypocrisie exaspère les croyants ; la vie d’église devient un fardeau, elle n’apporte plus de joie. Ce type d’intimidation n’a rien de commun avec le modèle de roi serviteur que Jésus montrait par son exemple (Marc 10).
5. Ils montrent peu de respect pour le sérieux du ministère
Les fils d’Éli couchaient avec des femmes dans le temple et volaient des portions des sacrifices : manifestement ils avaient perdu conscience de l’honneur dû à Dieu dans leur ministère. Le ministère concerne en effet deux des buts les plus importants au monde : la gloire de Dieu et le bien spirituel des personnes. Si nous perdons cela de vue, alors le ministère perd son sens et sa valeur. Tout ce qu’un pasteur accomplit doit être jugé à l’aune de la gloire que cela apporte, ou non, à Dieu. En outre, nous devons nous rappeler que ce que les gens font de la Parole de Dieu a des conséquences éternelles. Nous pouvons soit les aider, soit les entraver. Notre impact dépend de ce que nous prêchons, mais aussi de notre façon de vivre et de diriger l’église. Le ministère n’est donc jamais à prendre à la légère.
6. Ils oublient l’œuvre du Seigneur
Au fond, le vrai problème des fils d’Éli, c’était qu’ils avaient perdu conscience de la valeur des sacrifices et de la sainteté de Dieu ; ils ne s’en souciaient même pas.
Si un pasteur perd de vue qu’il est un grand pécheur et que Jésus est un grand Sauveur, il est dans une impasse. Le pasteur-intimidateur a oublié la Parole de Dieu et la valeur de Dieu. Il n’est pas étonnant qu’il ait peu de considération pour le peuple de Dieu.
Qu’il ne soit jamais dit de nous que nous avons ignoré l’œuvre du Seigneur et que nous avons méprisé le sang de l’alliance. C’est à cause de nous qu’il a dû y avoir la croix et le sang du Calvaire. L’Agneau de Dieu a été mis à mort pour nous. Que Dieu nous préserve de nous sentir à l’aise, de minimiser, de relativiser ou d’obscurcir la grandeur de la gloire de la croix de la croix. Par la grâce de Dieu et pour le bien de son Église, que les pasteurs n’oublient jamais l’œuvre de la croix.