Dossier: La Bible, repère pour l'avenir
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L’eschatologie est-elle une science à haut risque?

Plus du quart des 66 livres de la Bible sont des livres dits prophétiques. Ils regroupent de nombreuses prophéties politiques, économiques, sociales et religieuses, chacune contribuant à éclairer certains faits importants ou mineurs de l’Histoire. Depuis plus de 4000 ans, un grand nombre se sont déjà accomplies dans le détail. Cette présentation a pour but d’aider à comprendre la raison d’être de l’eschatologie, à proposer une approche biblique d’interprétation et à exhorter tout homme à se préparer à rencontrer son Dieu.

Définition

L’eschatologie est la partie de la théologie qui traite "des fins dernières de l’homme et du monde". Cela couvre l’étude des événements futurs : l’enlèvement de l’Eglise, la tribulation, le tribunal de Christ, le retour de Christ, le millénium, les différents jugements et l’état éternel. Soulignons la différence entre la prophétie et l’eschatologie. La prophétie est un message transmis par l’Esprit de Dieu à un prophète dans le but d’apporter sur un événement passé, présent, ou futur, l’éclairage et le point de vue divins. Dans le cas d’un message concernant l’avenir, l’intervalle entre l’annonce et l’accomplissement peut être de quelques minutes (1 Rois 13.3-5) ou de plusieurs milliers d’années (Es 11.6-12). L’eschatologie est la partie de la prophétie qui ne concerne que les événements groupés vers la fin de l’histoire humaine, elle est donc plus restrictive.

Pourquoi s’intéresser à l’eschatologie ?

L’avenir nous intéresse tous, car nous aimerions savoir ce que nous réserve le futur. La Bible, en nous donnant un aperçu, affirme que l’histoire suit un plan divin. Puisqu’elle a pour auteur l’Eternel, qui domine l’espace et le temps, elle nous parle avec autorité du passé, du présent et de l’avenir.

De nos jours, nombreux sont ceux qui pensent que la prophétie est un sujet vaste et compliqué. Le fait que les sectes en aient si souvent abusé ne fait que renforcer ce sentiment. Le chrétien est néanmoins tenu de prendre en considération les textes prophétiques, car ils sont à la base de sa vie. La prophétie l’aide dans sa vie personnelle et dans son service pour le Seigneur en lui donnant une espérance (1 Jean 3.3). Elle le rassure à travers les crises économiques, sociales et politiques qu’il peut traverser. Elle le réconforte lorsqu’il est éprouvé (1 Thes 4.18 et Hab 3.16-19).

Certaines prophéties concernent le futur, mais il est évident qu’au moment où nous les lisons, il faut distinguer entre ce qui est déjà accompli et ce qui ne l’est pas encore. Le fait qu’une prophétie soit déjà accomplie (comparer Gen 2.17 avec 3.7,8,16,19) ou ne le soit pas encore (Dan 9.27 et Mat 24.15) ne change rien à l’intérêt qu’il y a à l’étudier. En effet, les prophéties déjà accomplies :

o révèlent la puissance et la sagesse de Dieu ; montrent qu’il est maître de l’avenir,
o prouvent l’existence et la réalité de cette mode de révélation,
o soulignent l’intégrité et la moralité de la source divine et du porte-parole humain,
o prouvent la véracité de la Bible (par exemple: Es 44.28 ; Mat 2.15,17,23 ; 27.9 ; Act 7.17 ; 13.32-33 ; 1 Pi 1.10-12),
o créent une base de confiance chez le lecteur pour la réception et l’acceptation des prophéties non-accomplies,
o révèlent la manière dont les prophéties sont accomplies.

Les prophéties non-accomplies :

o nous font connaître l’avenir dans ses grandes lignes sans nous en révéler tous les détails,
o nous incitent à rester toujours dans l’attente et dans l’attitude des prophètes qui faisaient des recherches (1 Pi 1.10), ce qui nous empêche de nous enfler d’orgueil,
o nous assurent de la puissance, de la sagesse et du triomphe final de Dieu,
o nous donnent la paix de Dieu,
o nous poussent à une vie de justice et de sainteté (Mich 6.8).

Quelques dangers liés à l’étude de la prophétie

Il y a pourtant quelques dangers à étudier la prophétie, en particulier:

o l’orgueil, croire qu’on est le seul capable d’interpréter la prophétie,
o le sectarisme, croire que si l’on n’interprète pas la prophétie exactement de la même façon, on ne peut pas être en communion ; c’est le résultat d’une conception fausse de la communion fraternelle dont la base est la personne et l’œuvre de notre Seigneur Jésus-Christ,
o ne pas chercher à voir la personne du Seigneur au cours de l’étude et ne s’arrêter qu’à ce qui satisferait notre curiosité ; n’oublions pas que "le témoignage de Jésus, est l’esprit de la prophétie" (Apoc 19.10, voir aussi Act 10.43),
o faire dire au texte plus qu’il ne dit,
o trop actualiser ; de nombreuses générations de chrétiens ont cru être arrivées à la fin des temps et ont identifié, pour ne prendre qu’un exemple, la bête de l’Apocalypse au tyran de leur époque.

Esprit général de la prophétie

La prophétie n’est pas une prescience naturelle : elle vient de Dieu. Nous devons donc nous y soumettre comme à toute autre parole de l’Ecriture. Cela nécessite de bien comprendre ce que Dieu veut nous communiquer par elle. La prophétie concerne l’ensemble des rachetés, qu’ils soient Juifs ou chrétiens. Elle couvre également l’histoire des nations païennes et envisage l’histoire de ces trois groupes (Juifs, chrétiens et païens) à des moments déterminés de leur existence. Tous les détails de l’histoire des Juifs et de l’Eglise ne sont pas tracés dans la Parole, bien que celle de l’Eglise puisse, entre autre, être vue aussi sous un angle synthétique tel qu’il est offert au lecteur des chapitres 2 et 3 de l’Apocalypse. Cet angle particulier permet de discerner, derrière les sept églises nommées, toutes les églises de tous les temps. La prophétie se rapporte avant tout à la personne de notre Seigneur Jésus-Christ (Luc 24.44-48 ; Apoc 19.10 ; Act 10.43). Comme les prophéties font partie de la Bible au même titre que les autres passages, elles obéissent, en général, aux mêmes règles d’interprétation. Elles ont été données aux croyants pour leur édification et ne sont donc pas réservées qu’à une poignée de "spécialistes".

Comment étudier la prophétie ?

Il est bon de rappeler d’emblée que sans l’intervention du Saint-Esprit, nul ne peut comprendre correctement les Ecritures. Le Seigneur Jésus disait aux disciples : "l’Esprit de vérité… vous conduira dans toute la vérité" (Jean 16.13). L’application de certaines règles est pourtant nécessaire pour qu’un passage soit correctement interprété et non dénaturé. Les prophéties déjà accomplies fournissent une clé importante pour la compréhension de celles qui ne sont pas encore accomplies : l’accomplissement de ces dernières aura lieu avec la même précision et la même exactitude que pour les précédentes. Voici donc quelques règles saines et logiques :

o Il faut interpréter les prophéties de façon littérale ou normale, c’est-à-dire en conférant aux mots leur sens ordinaire. Cette méthode d’interprétation est aussi appelée historico-grammaticale car elle s’intéresse au contexte historique, aux mots, et à la grammaire du texte. Signalons le danger d’interpréter systématiquement de façon allégorique les prophéties non encore accomplies, indépendamment de leur genre littéraire. Lorsque Dieu a demandé aux prophètes de parler ou d’écrire, il leur a laissé le soin de le faire dans leur langage de tous les jours. Ce principe n’exclut pas l’emploi de symboles ou de figures de rhétorique, tout comme en poésie.
o Il faut interpréter le texte dans son contexte, c’est-à-dire en relation avec les paragraphes qui l’entourent et les passages parallèles dans le même livre ou dans un autre.
o Il faut interpréter le texte dans le contexte de tout le programme prophétique, l’interprétation d’un passage doit s’harmoniser avec le tout (2 Pi 1.20-21).
o Il faut interpréter le texte selon la perspective prophétique. Il arrive que des événements en rapport les uns avec les autres et faisant partie d’un même programme prophétique se trouvent groupés dans une seule prophétie. Mais il peuvent être distincts quant à l’époque de leur accomplissement. Un prophète peut grouper sans discrimination des prophéties concernant la captivité, les événements du jour de l’Éternel, le retour de Babylone, la dispersion d’Israël et son rassemblement.
o Il faut interpréter le texte en accord avec son arrière-plan historique et culturel, l’interprétation peut devenir immédiate si on comprend le langage et les coutumes de la société dans laquelle la prophétie a été donnée.
o Il faut interpréter le texte selon l’analogie de la foi. Ce principe, mis en évidence par les Réformateurs, souligne que les Ecritures sont les meilleurs interprètes de l’Ecriture. La Bible a la solution à ce que nous considérons comme ses propres problèmes. Avec le concours de l’archéologie, de l’histoire, de l’anthropologie, de la linguistique et de la grammaire, la Bible donnera 9 fois sur 10 la solution aux problèmes et aux paradoxes découverts ou imaginés. Il se peut aussi qu’une génération trouve la solution "voilée" qui échappait à la génération précédente. La foi et la patience sont requises.
o Il faut interpréter le texte en se rappelant que la révélation d’une doctrine est progressive. Dieu n’a pas révélé d’un seul coup tout ce qu’il avait à dire sur un sujet donné. Toutefois, il ne faudrait pas en déduire qu’une révélation donnée risque d’être contredite par la suite. Dieu n’est pas un Dieu de confusion, mais d’ordre (1 Cor 14.33).
o Il faut interpréter les textes en se rappelant qu’il ne doit y avoir qu’une seule interprétation pour chaque verset, mais qu’il peut y avoir plusieurs applications. Ainsi, par exemple, la prière du Psaume 122.6-7 se réfère aux juifs (exilés ou habitant le pays) et à la paix que le Messie apportera lors de son apparition glorieuse, mais une application peut en être faite dans la vie chrétienne.
o Parfois l’interprétation nécessite l’application du principe de la "double référence". L’exemple classique est celui de Joël 2.28-32 qui est interprété comme une prophétie de la descente du Saint-Esprit le Jour de la Pentecôte (Act 2.16-21). Toutefois, tous les signes associés ne se sont pas accomplis "ce jour-là". Ce passage aura donc un second accomplissent vers la fin de la Tribulation et au début du Millénium (Zach 13.9).
o Il faut interpréter le texte par rapport à son application au Christ. Jésus est le personnage central autour duquel tourne toute la prophétie (Luc 24.27 ; Act 10.43 ; Apoc 19.10 ; Eph 1.10; Rom 11.36).

Ces principes, développés ici d’une manière très générale, doivent être employés régulièrement et systématiquement, sous la direction du Saint-Esprit, si l’on veut comprendre la Bible et la prophétie en particulier.

Les trois interprétations majeures de l’eschatologie

Disons d’emblée que dans le camp des évangéliques et des réformés évangéliques tous confessent l’autorité souveraine de l’Ecriture et son inerrance, tous affirment le retour personnel de Jésus-Christ en gloire, la résurrection des justes et des injustes, le jugement du monde, le règne visible de Christ, le bonheur éternel de tous les rachetés et le châtiment éternel des impénitents. Cependant, tous les chrétiens n’ont pas la même conception ni la même approche de l’eschatologie.

Les paragraphes suivants donnent les trois interprétations majeures du règne de mille ans présenté en Apocalypse 20 :

a) l’interprétation amillénariste

L’approche amillénariste rejette l’interprétation littérale du Millénium (Apoc 20.1-10), Christ ne régnera donc pas mille ans sur la terre. Cette approche remonte à Origène (mort en 254 ap. JC) qui interpréta la Bible en harmonie avec la philosophie grecque. Dans la ligne de l’école d’Alexandrie, il spiritualisa les passages de l’Ancien Testament, excluant entre autres l’espérance pour Israël d’un règne terrestre. Cette approche a été érigée en doctrine par Augustin (mort en 430 ap. JC) qui considère le Millénium comme un royaume spirituel dans le cœur de tout converti à Christ. Ce règne avance au fur et à mesure que l’Evangile progresse dans la vie de l’Eglise. En suivant cette voie, Origène et Augustin ont réagi contre la foi apostolique et post-apostolique ancrée dans un règne littéral de Christ sur la terre. Aujourd’hui, l’Eglise catholique romaine, certains protestants et une partie des évangéliques tiennent cette approche. Mais, ni l’histoire des trois premiers siècles ni la Bible ne soutiennent leur théorie. Il existe aujourd’hui de petites variantes de l’idée d’Augustin; l’amillénarisme n’est donc pas monolithique.

b) l’interprétation postmillénariste

Les formes modernes de cette approche eschatologique ont été associées à Daniel Whitby, pasteur anglican qui, en 1703, a publié Paraphrase et Commentaire du N.T. Cependant, déjà John Owen, en 1651, dans un sermon sur "le royaume de Christ" exprimait une vision postmillénariste. D’autres pasteurs puritains de ce temps-là prêchaient les mêmes convictions. Selon Whitby, le Millénium serait le dernier millénaire de l’histoire humaine, et Christ ne reviendrait qu’à la fin de cette période pour recevoir les acclamations de toute l’humanité convertie. Les tenants de cette théorie croient que l’Evangile parviendra à christianiser progressivement le monde et que le résultat de ce miracle sera l’établissement de l’Age d’Or ou Millénium. Le postmillénarisme se base sur certaines paraboles qui présentent le royaume en croissance, comme par exemple celle du grain de moutarde qui devient un grand arbre.

Vers la fin du 19e siècle, le postmillénarisme, sous une forme humaniste et influencé par la théorie darwinienne de l’évolution, a adopté le concept d’un progrès spirituel étalé sur une période très longue grâce au progrès technologique, intellectuel et social. Le monde serait métamorphosé par "le bien" permettant à Christ de revenir à la fin de ce processus pour introduire l’état éternel. Une sorte de christianisation humaniste: la confiance en l’homme pour améliorer son environnement.

D’une manière générale, l’interprétation postmillénariste pose les mêmes problèmes que ceux de l’interprétation amillénariste: cette approche allégorise les textes. Le postmillénarisme avait le vent en poupe parmi bien des conservateurs et parmi les libéraux jusqu’à la première guerre mondiale, mais ce conflit entre nations "christianisées" a porté un coup fatal à l’optimisme placé dans la capacité de l’homme. Depuis les années 50, le postmillénarisme est réapparu chez certains évangéliques, surtout aux USA.

Il existe trois branches de postmillénaristes :

o les libéraux, qui prônent l’humanisme,
o les évangéliques, qui prônent la progression du christianisme par la prédication de l’Evangile,
o les évangéliques appelés « théonomistes » ou « reconstructionnistes » : le triomphe de Christ parmi les nations, son héritage, à travers la prédication de l’Evangile, en mettant l’accent sur l’application de la loi de Moïse à tous les domaines de la société (la théonomie est le régime où l’Etat est gouverné par Dieu).

c) l’interprétation prémillénariste

Cette façon de concevoir la prophétie et l’eschatologie croit que la 2e venue de Christ sur la terre (son retour) aura lieu après la Tribulation de 7 ans. Christ établira alors son règne de mille ans sur la terre à Jérusalem. Selon P. Schaff, un historien réputé du 19° siècle, il est incontestable que l’Eglise avant le 4e siècle a été majoritairement millénariste, croyant au règne littéral de Christ sur la terre pour mille ans. Même le célèbre historien protestant allemand Adolf Harnack (mort en 1930), qui n’était pas prémillénariste, a affirmé que le millénarisme des premiers siècles devait être considéré comme une partie essentielle du christianisme. Avec la "christianisation" de l’Empire romain et l’influence des théologiens allégorisants d’Alexandrie en Egypte, le millénarisme des Pères apostoliques et post-apostoliques a disparu jusqu’à son réveil par les Anabaptistes du 16e siècle, puis par les Huguenots. Le grand bond en avant du prémillénarisme commença au 19e siècle avec des théologiens et des commentateurs de grande érudition en Angleterre, en Allemagne, aux USA et même en France.

Tous les prémillénaristes s’accordent sur la place particulière qu’occupera Israël dans le règne messianique. Pour tous, la Tribulation précède le retour de Christ en gloire, retour incluant les divers jugements qui s’abattront sur "les habitants de la terre" (perturbations cosmiques, naturelles, sociales et politiques, persécutions). Mais les opinions diffèrent quant à l’enlèvement de l’Eglise (avant, au milieu ou à la fin de la Tribulation). Cela n’a pas d’incidence sur la théologie prémillénariste du retour de Christ pour juger les nations, produire la repentance d’Israël, et établir son règne messianique terrestre de paix et de justice. La majorité des prémillénaristes situe l’enlèvement de l’Eglise avant la Tribulation.

La position prémillénariste est tenue en général par des chrétiens évangéliques conservateurs. Cette interprétation, qui date de l’Eglise apostolique et post-apostolique, est aussi la mienne. Elle s’expose et se défend, lorsqu’on étudie les textes prophétiques et eschatologiques selon les règles herméneutiques présentées ci-dessus.

Conclusion

Nous avons essayé de présenter ces quelques jalons sur l’étude de l’eschatologie dans le but d’encourager le lecteur à méditer toute la Parole de Dieu et à s’atteler également à l’étude des lignes de l’histoire de la rédemption en se rappelant que "les choses cachées sont à l’Eternel, notre Dieu; les choses révélées à nous et à nos fils, à perpétuité, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi" (Deut 29.28). Quel bonheur pour "celui qui lit et ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui s’y trouve écrit! Car le temps est proche" (Apoc 1.3). "Maranatha" – "Notre Seigneur vient" – "Viens Seigneur" Amen.

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McCarty Scott
Scott McCarty a fait ses études en théologie au Dallas Theological Seminary, aux États-Unis. Il exerce un ministère d’enseignement biblique en France depuis 1971. Cofondateur du Centre d’information à l’évangélisation et à la mission à Grenoble, il est membre de Promesses et auteur de nombreux articles.