Etude biblique
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L’exploit de Jonathan

1 Samuel 14.1-15

Une situation catastrophique

Suite à une première attaque de Jonathan (13.3), les Philistins montent en force contre Israël. Saül qui hérite d’une situation difficile (3000 Israélites contre 30?000 chars et 6000 cavaliers philistins) laisse la situation se détériorer par un attentisme insensé. A force de s’entêter à offrir un sacrifice avant d’engager le combat, le roi des Hébreux voit ses forces le déserter (13.1-8).

Le narrateur, après avoir rapporté la condamnation divine de Saül (le roi ayant lui-même offert le sacrifice: 13.9- 14), accentue encore le portrait tragique d’Israël en indiquant: 1. que seuls six cents soldats (c.-à-d. 20% des troupes) étaient restés avec Saül (13.15); 2. que les Philistins avaient profité du repli temporaire de Saül sur Guilgal (dans la plaine du Jourdain) pour occuper une partie importante des collines de Judée (13.16-18)1; 3. qu’Israël était dépourvu d’armes de qualité puisque les Philistins avaient non seulement le monopole de la fabrication du fer, mais avaient réussi à «confisquer» aux Hébreux l’ensemble des armes et des outils métalliques (13.19-22).

L’objectif de Jonathan: prendre un point stratégique

Jonathan ne s’avoue pas vaincu. Plutôt que d’attendre, résigné, l’assaut final des Philistins, il décide de quitter son camp, non pour le déserter, mais pour attaquer un poste philistin. Jonathan ne cherche pas à battre quelques ennemis dans un esprit revanchard. Il n’est pas non plus intéressé à ne renforcer que légèrement la situation de son peuple en dérobant, par exemple, quelques armes à l’ennemi, ou en éliminant une garnison de vingt hommes.

Jonathan cherche une victoire mémorable: une victoire qui pourra ranimer le courage de ses troupes et démoraliser l’adversaire. Jonathan veut prendre l’imprenable et montrer ainsi que la forteresse philistine la mieux défendue peut tomber devant une poignée d’hommes.

L’objectif choisi est situé entre deux pitons rocheux («Il y avait une dent de rocher d’un côté et une dent de rocher de l’autre côté, l’une portant le nom de Botsets et l’autre celui de Séné. L’une de ces dents est au nord vis-à-vis de Mikmach, et l’autre au sud vis-à-vis de Guéba» 14.4-5). Les Philistins avaient établi un avant-poste dans ce défilé, appelé «la passe de Mikmach» (13.23), situé en plein cœur des collines judéennes, entre les armées philistine et israélite. La garnison philistine perchée au sommet d’un monticule aux pentes abruptes exigeait un exercice de grimpe pour y accéder (voir 14.13: «Jonathan monta en s’aidant des mains et des pieds»). L’espace au pied du monticule semblait dégagé (14.11) empêchant les Hébreux de l’approcher par surprise.

Ce poste-clé, qui contrôlait toute la région et qui semblait imprenable, était l’objectif idéal pour Jonathan. S’il pouvait le prendre, il revigorerait le courage de ses compagnons d’armes et porterait un coup fatal au moral de l’ennemi. Encore fallait-il le prendre.

Le signe demandé à Dieu: se faire passer pour un déserteur

Jonathan n’est pas sûr de réussir. Bien qu’il soit convaincu que rien n’est impossible à l’Éternel («Rien n’empêche l’Éternel de sauver au moyen d’un petit nombre comme d’un grand nombre » 14.6), il ne sait pas si Dieu lui accordera la victoire en ce jour. Pour s’en assurer, Jonathan demande un signe à l’Éternel: «si les Philistins disent: Montez vers nous! nous monterons, car l’Éternel les livre entre nos mains. C’est là ce qui nous servira de signe» (14.10). En d’autres termes, le signe demandé à Dieu consiste dans une invitation des Philistins à gravir le monticule.

Jonathan a bien réfléchi. Il sait que la butte ne peut être approchée par surprise. Il décide alors de prendre l’ennemi par la ruse. En se présentant à découvert avec un seul compagnon, Jonathan se fait passer pour un déserteur. Qui pourrait penser que ces deux hommes ont l’intention d’attaquer la forteresse la mieux défendue par l’ennemi? Si les Philistins restent un tant soit peu méfiants et viennent à leur rencontre, Jonathan se retirera, car une victoire au pied du monticule ne servirait à rien. Par contre, si les Philistins, sans la moindre méfiance (et voulant se ménager la peine de descendre, puis de grimper à nouveau dans leur repaire), les invitent à monter, alors l’occasion rêvée sera donnée.

Jonathan mise sur l’assurance et l’intérêt des Philistins. Ces derniers savent que beaucoup d’Hébreux ont déserté les rangs de Saül et ont pris le maquis ou se sont réfugiés à l’étranger (13.6-7). Les deux hommes qu’ils voient au pied du rempart semblent vouloir se rendre. Les Philistins pensent à une aubaine. Ils espèrent en obtenir des renseignements utiles sur l’emplacement des troupes israélites, car il est toujours plus facile de faire parler un volontaire que de tirer, par la torture, quelques bribes à un prisonnier. Les Philistins encouragent Jonathan et son écuyer à monter et à être bien traités («Montez vers nous, et nous vous ferons savoir quelque chose» 14.12).

Le narrateur précise que Jonathan n’a dévoilé son projet à personne. Son père (14.1) et le peuple (14.3) sont tenus à l’écart. Peut-être Jonathan ne voulait-il pas être découragé dans sa résolution à attaquer ce poste ennemi, car qui aurait pu rêver au succès d’un projet si téméraire. Il est possible aussi, que Jonathan voulait se protéger contre toute indiscrétion. Pour le succès du projet, l’ennemi devait impérativement prendre les deux hommes pour des déserteurs, et comme les Hébreux avaient eu de nombreux contacts avec les Philistins dans le passé, la présence, dans le camp israélite, d’un traître (ou d’un sympathisant) au service des Philistins ne pouvait être exclue. En homme avisé, Jonathan prend toutes les précautions nécessaires pour la réussite de son projet. Puisque la discrétion doit être totale, Jonathan ne sera aidé que par son écuyer. Aucun sacrifice n’est offert; aucune réunion de prière n’est organisée pour soutenir les deux combattants; même l’éphod n’est pas consulté.2 Le succès ne dépend pas d’abord de la dimension religieuse, mais de la foi (l’Éternel est tout-puissant) et du bon sens (le secret doit être total).

Foi, courage et sagesse

Jonathan est un homme de foi. Il croit que Dieu peut faire l’impossible (14.7). Quand il encourage son compagnon à combattre «ces incirconcis» (14.6), Jonathan ne témoigne pas d’un mépris racial, mais exprime sa foi. Puisque les Philistins ne sont pas du côté de Dieu (ils ne l’adorent pas), Jonathan espère que l’Éternel lui donnera la victoire sur ce peuple.

Jonathan est aussi un homme rempli de courage. Alors que ses compagnons tremblent, lui ose affronter le puissant ennemi. En cela, Jonathan ressemble à David qui, plus tard, relèvera le défi lancé par Goliath. Il n’est pas étonnant de voir, par la suite, ces deux héros se lier d’amitié (18.1-4; 20).

Finalement, Jonathan est un homme qui réfléchit. Un homme qui ne met pas en veilleuse l’intelligence que Dieu lui a donnée, mais l’utilise pour faire ce qui est juste. Foi et sagesse ne sont pas contradictoires. Au contraire, elles sont appelées à se compléter. Celui qui croit (réellement) en Dieu utilisera son intelligence, puisqu’elle a été créée par Dieu, et celui qui est sage écoutera aussi le Seigneur puisque «la crainte de l’Éternel est le commencement de la science» (Pr 1.7).

Lorsque Jonathan désire connaître la volonté de Dieu pour une situation particulière, il utilise sa tête. Malheureusement, trop souvent, les chrétiens, sous prétexte de foi, mettent leur intelligence en veilleuse et suivent, en cela, certaines idéologies du monde. Dieu a donné une intelligence à l’homme pour qu’il s’en serve. La Bible ne doit pas seulement être lue, mais elle doit être ruminée, réfléchie et comprise. La vie quotidienne doit être vécue avec bon sens et intelligence.

Jonathan est l’homme animé d’une foi saine. Il se situe à l’opposé de son père. Si Saül est le type même de l’homme religieux, Jonathan incarne le portrait du héros de la foi. Le père fait confiance aux objets et aux rites (les sacrifices), alors que le fils fait confiance au Dieu créateur qui a fait alliance avec son peuple.

Pour terminer, notons, le courage et la foi de l’écuyer de Jonathan. Il n’est pas une tête brûlée qui suit aveuglément le premier venu, mais il est une âme sage et courageuse qui fait confiance à Jonathan parce qu’il a discerné en lui un homme droit, courageux, réfléchi et fidèle à Dieu (14.7).

D.A.

Notes

1 De Guilgal, Saül était ensuite remonté à Guéba, dans les collines de Judée, en réunissant sans doute ce qui restait de l’armée de Jonathan stationnée à 5 kilomètres au Sud, à Guibea de Benjamin (13.16).

2 Le narrateur a pris soin de mentionner que le sacrificateur et l’éphod étaient présents au milieu du peuple (14.3).

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Arnold Daniel
Daniel Arnold a été, pendant de longues années, professeur à l’Institut biblique Emmaüs. Membre du comité de rédaction de Promesses, il est un conférencier apprécié et l’auteur de nombreux livres, parmi lesquels des commentaires sur des livres bibliques.