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L’unité chrétienne… Ce qu’elle est… et ses limites

Introduction

Sujet passionnant, important pour la vie de nos églises, et difficile à traiter! Il existe sur cette question des sensibilités, des approches différentes. J’en suis bien conscient. Chacune de nos églises rencontre cette question de l’unité chrétienne dans ses rapports avec d’autres églises et mouvements qui existent dans sa région, sa ville ou son village. Les situations varient beaucoup d’un endroit à l’autre. Comment traiter les problèmes de collaborations, de relations inter-ecclésiastiques? Quels principes suivre? «Que dit l’Ecriture» au sujet de l’unité chrétienne?

I. La recherche de l’unité

De nos jours, le mouvement oecuménique fait de la recherche de l’unité son combat. Son but est de regrouper sous sa bannière tous ceux qui se réclament du christianisme, et d’aboutir à une organisation qui, en manifestant l’unité des croyants, apporterait enfin un exaucement à la prière de notre Seigneur: «Que tous soient un».

L’objectif qui consiste à unir les chrétiens est louable. Il y a derrière l’ocuménisme une belle pensée, imprégnée d’amour chrétien. L’idéal ne paraît manquer ni d’élévation, ni de fondement sur le plan biblique. De plus, il semble correspondre à un vrai besoin. Après deux guerres mondiales et devant la multiplicité des conflits qui ensanglantent la planète, comment ne pas désirer que l’ocuménisme réussisse sur le plan religieux ce que l’on aimerait voir réussir sur le plan politique par le moyen des Nations Unies? Cela éviterait déjà certaines guerres dont le prétexte avoué est religieux! Il faut l’unité, c’est évident! Il faut encourager la compréhension mutuelle, l’ amour fraternel. Et qui d’autre que les chrétiens devrait donner l’exemple de l’unité, la rechercher, la vivre, en être les artisans? Si nous reconnaissons l’inspiration et l’autorité des Saintes Ecritures, une telle recherche s’inscrit au cour de notre vie chrétienne, au centre de notre programme d’ église locale. ..car, d’ une manière générale:

1.1 L’Ecriture est «pour» l’unité

La Bible nous parle des bonheurs de la communion fraternelle, de la joie d’adorer Dieu et de le servir ensemble. Voici, oh! qu’i! est agréable, qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble! (Ps 133: 1). Le Nouveau Testament exprime à bien des reprises et de bien des manières, de la description à l’ exhortation en passant par le récit, le bonheur et le devoir de la communion fraternelle. C’est une réalité du premier jour: il nous est dit que les premiers convertis persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières… Tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu et ils avaient tout en commun (Act 2:42-44). Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple.. .(Act 2:46). Les apôtres, de leur côté, insistent régulièrement sur l’importance d’un amour fraternel sincère; aimez-vous ardemment les uns les autres, de tout votre cour, écrivait Pierre (1 Pi 1 :22).

Certes, ces textes s’inscrivent dans le cadre d’églises locales. Mais cette communion ne doit elle pas être recherchée et manifestée aussi entre tous les chrétiens? Le Christ n’a-t-il pas dit: Que tous soient un? Les images que le Seigneur nous donne de son Eglise militent clairement en faveur de l’unité des croyants:

-l’Eglise est le corps de Christ... les membres qui le composent sont très différents les uns des autres, ils n’ont ni les mêmes fonctions ni les mêmes capacités, mais ils forment ensemble une unité qui manifeste la même vie. Leur diversité fait la richesse du corps. Aussi: Qu’il n ‘y ait pas de division dans le corps.. (1 Cor 12:25). Comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il de Christ. (1 Cor 12: 12). Christ est la tête; l’Eglise est son corps (Col 1.18). Quelle unité que celle-là, puisqu’elle a pour auteur le seul Esprit!

-l’Eglise est la «maison» de Dieu. En lui vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en Esprit. (Eph 2:22). Cette «maison» spirituelle unit les pierres vivantes autour de la même pierre vivante: le Christ, et pour une même vocation: être le temple de Dieu. Son unité provient aussi de ce qu’elle est édifiée par son unique architecte: le Seigneur Jésus, qui a dit: Je bâtirai mon EGLISE… (Mat 16:18). «Mon> EGLISE, au singulier. Au-delà des églises locales dont le Nouveau Testament nous parle abondamment, il y a cette EGLISE -en lettres majuscules -qui rassemblera un jour tous les élus de Dieu de tous les temps, une grande foule, que personne ne pourra compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue (Apoc 7.9).

-l’Eglise est l’épouse de Christ. Il l’aime, Il l’a rachetée, Il s’est livré pour elle et Il la prépare, la sanctifie, la purifie, pour le jour du banquet des noces de l’Agneau. (Eph 5.25-33, Apoc 19.7-9).

-l’Eglise est le troupeau du Seigneur. Le Christ déclare à son sujet : il y aura un seul troupeau et un seul berger (Jn 10.16).Toutes ces images décrivent, chacune à sa manière, l’unité de l’EGLISE. Cette unité nous est aussi proposée, à maintes reprises et de diverses façons, comme un objectif à atteindre: être UN en Christ (GaI 3.28), nous efforcer de conserver l’unité de l’esprit par le lien de la paix… (Eph 4:3), marcher d’un même pas (PhiI3.15), être tous animés des mêmes pensées et des mêmes sentiments, pleins d’amour fraternel, de compassion, d’ humilité. ( I Pi 3:8; PhiI2.1-5). Sous ces exhortations apostoliques, on ne peut que reconnaître le commandement que Christ nous a laisséeacute; de nous aimer les uns les autres (ln 13.34; 15.12, etc.). Ce qui nous amène à considérer aussi que:

1.2 L’Ecriture est «contre» les divisions

Voici quelques textes très significatifs: Je vous exhorte, frères, par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, à tenir tous un même langage, et à ne point avoir de divisions parmi vous, mais à être parfaitement unis dans un même esprit et dans un même sentiment Christ est-il divisé? (I Cor 1.10, 13). Je vous exhorte à prendre garde à ceux qui causent des divisions et des scandales, au préjudice de l’enseignement que vous avez reçu. Eloignez-vous d’eux, (Rom 16:17). Les oeuvres de la chair, ce sont… les inimitiés, les querelles… les disputes, les divisions, les sectes… (GaI 5:20). Eloigne de toi… celui qui provoque des divisions. (Tit 3:10)… etc.

Quelle fermeté à l’égard des diviseurs! L’unité des croyants doit être traitée avec le plus grand sérieux; il faut l’aimer, la chérir. Elle a du prix aux yeux du Seigneur. Il est grave de la blesser. Ce n’est qu’en donnant tout son poids au fait que l’Ecriture est «pour> l’unité et «contre» les divisions que l’on peut tenter d’ aborder le sujet de l’unité chrétienne, de sa définition et de ses limites. Tels sont les principes fondamentaux que nous devons garder à l’esprit au moment d’examiner la situation actuelle du monde chrétien.

2. Les bienfaits et les inconvénients de l’unité

Devant les divisions du christianisme et le triste spectacle de morcellement que donnent les diverses familles de la chrétienté depuis longtemps, que penser? On peut voir là, avec beaucoup d’autres, un scandale, un mauvais témoignage, une trahison de l’intention divine, une cause évidente, enfin, du rejet de la foi par beaucoup d’hommes. D’une certaine manière, nous partageons cette opinion. Le livre des Actes nous montre que l’unité des chrétiens et les progrès de l’Evangile sont intimement liés; que l’unité et la croissance de l’Eglise vont souvent de pair (Act 2.44-47; 4.32-33; 5.12,14; 9.31 ).Nous connaissons les bienfaits qui découlent de manifestations tangibles de l’unité entre croyants: à l’extérieur, l’amour qui unit les chrétiens constitue un témoignage éloquent en faveur de l’Evangile de Jésus-Christ; et, à l’intérieur, que d’occasions d’apprendre et d’être encouragés, enrichis par les connaissances, les talents et les expériences d’autres frères et sours !

Il est vrai que ces contacts peuvent se révéler «embarrassants», mais pas forcément pour de mauvaises raisons. Ces fraternelles «confrontations» peuvent nous aider à discerner ce qui, dans nos propres conceptions, est «vérité» et ce qui n’est peut-être que «tradition». Nous pouvons être plus ou moins prisonniers de notre histoire, de nos habitudes ou de nos expériences personnelles. Fréquenter d’autres chrétiens nous oblige à réfléchir dans des domaines où nous prenons peut-être pour des convictions «bibliques» des opinions toutes faites que nous respectons sans trop savoir pourquoi. Nos manières de penser et d’agir se trouvent ainsi testées. Il faut accueillir sereinement ce genre de difficulté. A vouloir l’éviter , on courrait le risque de rater en même temps une occasion de progresser, de repenser notre foi et notre pratique. Les mises en commun peuvent être réciproquement stimulantes.

2.1 Autrefois

Les églises primitives différaient beaucoup les unes des autres, comme on le voit sans peine pour Corinthe et Ephèse. Il y avait de l’une à l’autre des différences de styles, d’organisations, de sensibilité. Les contextes culturels, religieux, sociaux, politiques, raciaux ne pouvaient manquer d’influencer des églises dont les membres avaient des origines tellement diverses et qui vivaient elles-mêmes dans des milieux très différents. Aussi l’unité entre les églises ne voulait surtout pas dire «uniformité» ! Aucune église n’était une sorte de copie conforme, de clone, d’une église modèle, qui aurait pu être celle de Jérusalem ou celle d’ Antioche de Syrie.

Bien des indices, dans les Actes et les épîtres, montrent que ces églises entretenaient des contacts assez fréquents, contacts qui n’allaient d’ailleurs pas sans problèmes. Il n’y avait pas que les gens «bien sous tous rapports» qui voyageaient. Ces contacts amenaient du bon et du moins bon; parfois du franchement mauvais! Mais les églises ne cherchaient pas à vivre en milieu aseptisé ou dans une sorte de quarantaine (inversée) pour éviter les contagions. Une telle crainte aurait été un signe de mauvaise santé. Elles acceptaient donc les risques de l’unité des croyants et des relations fraternelles avec d’autres églises. Elles étaient cependant attentives à éprouver les esprits, à dénoncer les faux frères, à combattre l’erreur doctrinale. Et s’ il leur arrivait d’y manquer, les apôtres et les bergers des églises devaient être prêts à assumer cette responsabilité. C’était leur rôle, leur désagréable, mais incontournable devoir. Le Nouveau Testament ne voile pas cette réalité: il en donne de nombreux exemples et énonce les principes qui doivent inspirer les chrétiens devant des situations de ce genre.

Il y avait donc une unité réelle entre les églises primitives. Les apôtres maintenaient les contacts avec elles et entre elles. Ils les conduisaient à louer Dieu pour les progrès de l’ouvre, ou à intercéder en faveur d’églises en difficulté. L’entraide répondait aux besoins, dès qu’ils étaient connus, avec autant de spontanéité que d’efficacité (cf. Act 11.29-30; 2Cor8. 9). Une telle unité n’avait donc rien d’artificiel: elle n’était pas de façade ou d’institution. Elle n’avait pas entraîné la création d’une grande organisation religieuse; elle en ignorait les hiérarchies, voire la bureaucratie, et n’en utilisait pas les moyens. Ce n’était du reste pas les seuls apôtres ou leurs représentants qui, en visitant les églises, entretenaient leurs relations: d’autres chrétiens aussi jouaient ce rôle, en dehors de toute mission officielle, lorsqu’ ils quittaient une ville pour s’établir dans une autre, ou lorsque, de passage, ils recevaient ici ou là, l’hospitalité (Héb 13,2). Cette unité n’avait qu’une origine: l’amour profond des églises pour le Christ et leur volonté de le servir quoi qu’ il en coûte. En Son nom, ils poursuivaient partout les mêmes objectifs; ils annonçaient le même message du salut par grâce, par le moyen de la foi; ils avaient la même conception générale de l’Eglise, la même approche de la vie chrétienne, la même joie de servir à l’avancement du Royaume de Dieu dans l’attente du retour de Christ.

Une grande vigilance s’exerçait pour que ce cap soit maintenu, malgré les différences inévitables de sensibilité entre les églises. L’unité était là, dans les cours, et elle rejaillissait vers l’extérieur, bien visible pour le monde environnant qui trouva un surnom éloquent pour les disciples du Christ: on les appela «chrétiens».1

Si le Seigneur veut l’unité, c’est donc pour notre bien: c’est pour qu’un témoignage soit rendu à la louange de Sa grâce; c’est aussi en vue d’un enrichissement spirituel réciproque; et c’est encore pour qu’ensemble nous puissions faire ce qu’il nous serait difficile d’accomplir séparément (comme quand les églises de Macédoine et de Grèce unissent leurs efforts pour apporter une aide aux églises de Judée dans l’ épreuve). Pour toutes ces raisons (et pour quelques autres encore), on ne peut que désirer l’unité… ardemment! Mais comment s’ orienter dans la situation actuelle que sa confusion et sa complexité rendent si déconcertante ?

2.2 Aujourd’hui

Il est difficile de transposer la situation de l’Eglise primitive dans notre contexte actuel. Tant de choses ont changé. Il n’y a plus d’un côté: le judaïsme et le paganisme, et d’un autre côté: les églises locales, persécutées, au milieu d’un monde hostile. Sans doute le monde a-t-il beaucoup évolué depuis 20 siècles en ce qui concerne le style de vie et les formes extérieures; mais, sur le fond, dans le domaine spirituel, il est resté tout autant opposé à l’ Evangile. ..il préfère toujours les ténèbres à la lumière. Le christianisme, quant à lui, a beaucoup changé, non seulement dans ses formes, mais aussi dans son fond. La scène religieuse offre un spectacle extrêmement complexe, avec une quasi infinité de nuances légères ou d’oppositions caractérisées sur les questions doctrinales et pratiques entre ceux qui se réclament de l’héritage chrétien.

Dans ce contexte-là, une question se pose: les divisions que l’on constate aujourd’hui, au sein du christianisme, sont-elles toutes scandaleuses et constituent-elles autant de trahisons de l’intention divine? Certainement pas. Le Nouveau Testament le montre clairement: l’unité dont il parle avec tant de chaleur n’est ni une unité à n’ importe quel prix, ni l’unité n’importe comment, sur n’importe quelles bases et avec n’importe qui. D’une certaine manière, on peut résumer son enseignement en disant que toute unité n’est pas forcément unité de l’Esprit et que toute division n’est pas forcément coupable. Il faut «examiner toute chose et retenir ce qui est bon» (1 Thes 5.21). Nous trouvons dans le texte inspiré des indications susceptibles de guider cet examen et d’éclairer notre route, même dans le brouillard qui recouvre actuellement notre paysage religieux.

Il est nécessaire ici de distinguer, même s’ils sont conjoints et solidaires, deux aspects de l’unité chrétienne: l’aspect «spirituel», qui est déjà une réalité pour ceux qui sont «en Christ», et l’aspect «visible», humainement organisé, qui est à manifester concrètement, avec les objectifs que nous proposent les Ecritures. C’ est ce qui se fait au sein des églises locales où le spirituel et le visible se rejoignent de manière heureuse, dans une organisation qui s’inspire des principes enseignés dans le Nouveau Testament. C’est encore ce que l’on retrouve quand des Eglises, ayant la même Confession de Foi, s’unissent dans le cadre d’Associations pour dire et faire ensemble, devant le monde, ce qu’ elles ne pourraient pas dire et faire séparément.

Mais il y a un autre niveau de «visibilité» qui peut être recherché, me semble- t-il, pour une pleine manifestation de l’unité spirituelle, même s’il est plus difficile à atteindre. C’ est celui qui rassemble des chrétiens membres de dénominations diverses dans un témoignage commun devant le monde. Il serait vain d’en nier l’importance. Cet appel à réaliser de manière concrète l’unité des chrétiens est, dans l’idéal, le projet oecuménique; c’est aussi le projet (moins ambitieux, mais plus concret) des diverses collaborations inter-ecclésiastiques qui se proposent à nous, sur Ie plan local ou régional. Jusqu’où faut-il aller dans ces manifestations tangibles d’unité? Dans quel cadre les situer? Ces questions ne sont pas simples.

D’ailleurs, chaque fois qu’il s’agit de fixer un cadre ou des limites à ne pas dépasser, les difficultés sont grandes… cela a quelque chose d’arbitraire: tracer une ligne, c’ est toujours définir deux côtés, distincts et séparés; c’est, du même coup, délimiter deux «camps» L’appartenance à l’un ou l’autre de ces camps entraîne ou manifeste une réelle séparation, produite par la différence des options religieuses. Remarquons cependant qu’une séparation de ce genre peut atteindre des amis sans pour autant détruire leur amitié.

L’ oecuménisme, sous ses formes diverses (locales, nationales ou internationales), est-il une sorte de passage obligé pour un témoignage chrétien efficace face au monde? Rien n’est moins sûr! Certains semblent croire qu’il faudrait être tous ensemble dans un même grand navire oecuménique pour aller à la pêche et avoir du succès! Mais l’efficacité de la méthode est loin d’être prouvée! Le professeur CarI Witloof (cité par H. Blocher) a fait cette remarque qui ne manque pas de pertinence: «Les grands transatlantiques sont-ils réellement plus efficaces que les petits bateaux quand il s’agit d’aller à la pêche?» Bonne question! Dans la pratique, on le constate: l’unité visible, la plus large possible, n’est pas toujours garante d’un témoignage efficace et vrai.

Il est vrai que nos contemporains rejettent l’Evangile, et que l’influence que celui-ci peut avoir dans le monde semble diminuer. Mais il ne suffit pas, pour expliquer ces faits, d’invoquer l’absence d’unité du peuple de Dieu. Il faut tenir compte aussi du contexte dans lequel se fait l’évangélisation: il se caractérise, sur un plan général, par l’indifférence spirituelle des hommes ou leur franche hostilité à l’Evangile, le matérialisme et ses puissants attraits, et, sur le plan religieux, par le fait que, depuis des siècles, les églises «chrétiennes» obscurcissent, défigurent le message de l’Evangile et maintiennent, en quelque sorte, « la vérité captive »…, sans parler des sectes multiples qui ajoutent à la confusion. Et l’on ne peut, malheureusement, passer sous silence, chez beaucoup de chrétiens «évangéliques», la froideur spirituelle, un manque de zèle et de consécration, ou bien, parfois, un zèle sans intelligence, un message déséquilibré, tronqué ou caricatural qui fait office de repoussoir… ou de «miroir aux alouettes!» Tout cela nuit à la crédibilité du message du salut et rend les églises locales fort peu convaincantes aux yeux de ceux qui cherchent le vrai chemin. N’ oublions pas enfin l’adversaire, le menteur, l’accusateur des frères, le grand falsificateur, qui déploie, à l’intérieur comme à l’extérieur des églises, une action d’une redoutable efficacité pour que cette situation spirituelle déplorable se maintienne ou s’aggrave… si possible!

Quelques textes bibliques peuvent nous aider à retrouver le cadre dans lequel l’unité des enfants de Dieu peut et doit se manifester. Ils contiennent des réponses précises aux questions que nous nous posons.

3. L’étendue et les limites de l’unité chrétienne

3.1 Jean 17

Examinons très brièvement l’un des textes les plus cités pour exhorter les enfants de Dieu à réaliser leur unité: Jn 17, et plus particulièrement les versets 20 et 21: Ce n’est pas pour eux (les disciples) seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé .

Que tous soient un: parole on ne peut plus claire et d’ autant plus précieuse quand on considère que Jésus l’ a prononcée dans une prière adressée à Son Père céleste, à la veille de la crucifixion, alors qu’Il se préparait à donner sa vie pour «ses brebis». Le poids des mots devient alors considérable. Le bon berger plaide en pensant à son troupeau présent et à venir.

Le Seigneur veut l’unité de «tous»! Mais que recouvre ce «TOUS»?:
v.2 Ce sont ceux que le Père lui a donnés, à qui il accorde la vie éternelle.
v.3 Ils connaissent le seul vrai Dieu et celui qu’Il a envoyé, Jésus-Christ.
v.6 Ils sont tirés du milieu du monde… et ils ont gardé Sa parole.
v .8 Leur foi est précise: les paroles que tu m’as données… ils les ont reçues, et ils ont vraiment connu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m ‘as envoyé.
v.10 En eux Christ est glorifié.
v.11 Ils ne sont pas du monde, comme Christ n’est pas du monde, et ils ont besoin d’être gardés par le Père pour qu’ils soient un comme le Père et Jésus sont un.
v.12 Ce sont ceux que Christ garde et qui sont sauvés… Lorsque j’étais avec eux dans le monde, je les gardais en ton nom. J’ai gardé ceux que tu m’as donnés, et aucun d’eux ne s’est perdu, sinon le fils de perdition, afin que l’Ecriture fût accomplie.
v .13 S’ils peuvent goûter la joie parfaite de Christ… ils n’en sont pas moins:
v.14 haïs par le monde, parce qu’ils ont reçu la Parole de Dieu et qu’ils ne sont pas du monde.
v.17 Leur vie se vit dans un rapport étroit avec la vérité qui sanctifie. Sanctifie-les par ta vérité: ta parole est la vérité.
v .18 Ils ont à remplir dans le monde une mission semblable à celle de Christ: Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde. …pour proclamer la Bonne Nouvelle, appeler les hommes à la repentance… Ces versets nous aident à cerner l’identité de ceux qui sont inclus dans le «tous». Le Seigneur n’envisage pas ici, de toute évidence, l’unité de différentes confessions religieuses, de différentes églises ou dénominations, mais tout simplement et merveilleusement, l’union de tous ses disciples; ils ont reçu la vie éternelle; ils exercent une foi personnelle; ils sont engagés dans le chemin de l’obéissance à la Parole de Dieu, de la sanctification et du service. Leur union est semblable à celle du Père et du Fils; elle est un témoignage à la gloire de Christ et à l’ amour de Dieu pour eux. Sans doute, leur union va-t-elle se concrétiser dans l’appartenance à des familles spirituelles locales, mais ce qui les unit d’abord, c’est ce qu’ils sont en Christ… le reste n’étant que conséquences pratiques inévitables, en accord avec le plan de Dieu pour tous ses rachetés.

Jésus dit: Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux, et toi en moi, afin qu’ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. (Jn 1722-23). Le Père exauce toujours les prières du Fils (Jn 11.42). Cette unité spirituelle EST! Elle n’est donc pas à faire; elle est. Tous les chrétiens véritables, tous les vrais disciples, où qu’ils se trouvent et quelles que soient leurs étiquettes religieuses (qui dramatiquement et injustement les divisent parfois), sont unis en Christ, par Christ. Cette réalité, si imparfaitement visible aujourd’hui, sera glorieusement manifestée dans le ciel, quand tous les rachetés du Seigneur se retrouveront pour chanter ensemble le cantique de l’ Agneau.

L’ apôtre Paul a une compréhension semblable de l’unité. Elle est pour lui une réalité permanente, qu’il convient, non de rechercher comme si elle n’était pas encore là, ni de créer comme si elle devait être notre oeuvre, mais de maintenir. Efforcez-vous, dit-il aux Ephésiens, de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. (4.3) Or cette exhortation se situe dans un texte d’une importance capitale et qui peut fonder, non seulement notre réflexion, mais notre action dans ce domaine.
Paul définit l’unité chrétienne véritable, en précise les composantes, les exigences, l’étendue… et par là même, les limites. Il nous dit ce qu’il faut viser, ce qui est essentiel, indispensable. Il nous donne, en quelque sorte, le dénominateur commun des chrétiens unis selon Dieu. Il est fondamental. Il est donc important pour nous de le redécouvrir en relation avec notre sujet. Nous allons le considérer en détail.

3.2 Ephésiens 4.1-6

Après avoir dit aux chrétiens d’Ephèse (v.1-3): Je vous exhorte à marcher d’une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec amour, vous efforçant de conserver l’unité de l’ esprit par le lien de la paix, Paul ajoute (v .4- 6): Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation; il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous et parmi tous et en tous.

3.2.1 Il y a un seul corps et un seul Esprit

Le Seigneur Jésus avait révélé à ses disciples les diverses étapes de l’oeuvre de l’Esprit: d’abord, son action décisive au coeur de l’évangélisation: Il convaincra le monde de péché, de justice et de jugement (JnI6). En conséquence de cette oeuvre puissante, des hommes se convertiront, recevront le don du Saint-Esprit et formeront l’Eglise de Jésus-Christ, à Jérusalem, mais aussi jusqu’aux extrémités de la terre (Act I; 2). Partout, des assemblées locales naîtront, s’édifieront. Le ministère du Saint-Esprit sera alors de les conduite dans toute la vérité.

Pour les chrétiens de Corinthe, Paul résume une partie du ministère de l’Esprit en ces mots: Nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit. (1 Cor 12:13). Cette affirmation constitue, avec l’ensemble du ch. 12 de 1 Cor, une ébauche de la pensée à laquelle l’apôtre a donné toute sa portée dans l’épître aux Ephésiens, et notamment dans la formule que nous venons de citer (Eph 4.4: Il y a un seul corps et un seul Esprit). Les deux textes, qui s’éclairent réciproquement, déclarent ensemble que l’union des enfants de Dieu en un seul corps est réellement l’oeuvre de l’Esprit. C’est lui qui fait qu’au sein des églises locales la diversité des dons, des ministères, des personnes, forme un ensemble cohérent, uni, au service de Christ.

Cependant, cette réalité si précieuse ne doit pas nous faire oublier que l’adversaire (à Corinthe comme à Ephèse) essaie de troubler l’Eglise de Jésus- Christ, de la diviser, y compris par la contrefaçon de choses qui dépendent habituellement du ministère du Saint-Esprit au sein du corps de Christ. En 2 Cor 11.4, Paul évoque la possibilité pour les Corinthiens de recevoir un autre Esprit que celui qu’ils ont reçu, ou un autre Evangile que celui qu’ils ont embrassé. Ce n’était pas là un risque isolé… une exception. L’apôtre Jean invite ses lecteurs à éprouver les esprits. Il déclare: Bien-aimés, n’ajoutez pas foi à tout esprit; mais éprouvez les esprits, pour savoir s’ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde… (I Jn4.1-3). Pour lui, ceux auxquels il s’adressait couraient des risques qui justifiaient largement de telles mises en garde. Certains événements récents dans l’expérience des églises le démontraient: Petits enfants! la dernière heure a commencé. Vous avez appris qu’un Anti-Christ doit venir. Or, dès à présent, beaucoup d ‘anti-christs sont là. Voilà pourquoi nous savons que nous sommes entrés dans la dernière heure. Ces adversaires du Christ sont sortis de chez nous, mais, en réalité, ils n’étaient pas des nôtres. Car s’ils l’avaient été, ils seraient restés avec nous. Mais ils nous ont quittés pour qu’il apparaisse clairement que tous ne sont pas des nôtres. (1J n 2: 18-19 «Semeur» ).Paul et Jean évoquaient des situations qui avaient été (ou qui devaient être) assainies, clarifiées. Un seul corps, un seul esprit: ces deux affirmations impliquaient une nécessaire vigilance de la part des églises devant les dangers de la contrefaçon. L’Esprit de vérité ne peut pas être l’auteur de la confusion ou de l’équivoque. Le chrétien doit donc examiner les choses avec sérieux, en profondeur, dans un souci de vérité. C’est là un besoin qui se fait toujours sentir.

Nous rencontrons aujourd’hui des situations qui obligent à réfléchir et qui peuvent étonner, parfois même troubler. Ainsi, à côté d’un oecuménisme officiel, un autre oecuménisme trouve, dans l’expérience charismatique, telle qu’elle est vécue dans certains milieux, la base de manifestations d’unité qui rassemblent catholiques, protestants et évangéliques partageant cette compréhension particulière de l’oeuvre du Saint-Esprit. On peut cependant se demander jusqu’où va cette unité, et même quelle est sa nature, quand on constate que les mouvements concernés ont, sur des points essentiels, comme le salut ou l’Eglise, des perspectives doctrinales apparemment inconciliables.

Aujourd’hui encore, l’exhortation de Jean garde toute son actualité: Il faut éprouver les esprits, faire preuve de discernement, demander à Dieu de la sagesse pour ne pas mal juger un frère, mais aussi pour ne pas se laisser abuser par un faux frère, un faux prophète, une fausse doctrine, ou une fausse unité… autant de moyens que l’adversaire continue à utiliser pour mettre en péril l’édification de l’ Eglise. Les faux, les «pseudo», sont, par expérience, une arme plus efficace contre l’Eglise que les persécutions. C’ était déjà vrai au premier siècle quand les apôtres étaient encore personnellement les piliers de l’Eglise.

A combien plus forte raison depuis, quand le péril annoncé est celui d’un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, détourneront l’oreille de la vérité et se tourneront vers les fables. (2 Tim 4:3-4).Que de mises en garde dans le Nouveau Testament, de la part de Jésus et des apôtres, à ce sujet. Paul avertissait les anciens d’Ephèse en leur disant: Prenez donc garde à vous- mêmes et à tout l& troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour paître l’Eglise du Seigneur qu’il s’est acquise par son propre sang. Je sais qu’il s’introduira parmi vous, après mon départ, des loups cruels qui n’épargneront pas le troupeau, et qu’il s’élèvera du milieu de vous des hommes qui enseigneront des choses pernicieuses, pour entraîner les dis

après eux. Veillez donc, vous souvenant que… je n’ai cessé nuit et jour d’exhorter avec larmes chacun de vous. (Act 20:27-31). Faut-il considérer aujourd’hui que ce type d’avertissement n’est plus nécessaire? que les églises évangéliques actuelles ne courent plus de dangers de cet ordre? que ce qui empêche les manifestations visibles de l’unité des croyants est bien plus grave que ce qui menace leur intégrité doctrinale, leur fidélité à l’Evangile, leur unité dans l’Esprit?

Face aux ennemis «extérieurs» (les persécuteurs de l’Eglise) et «intérieurs» du peuple de Dieu (les faux docteurs agissant du dedans) l’Evangile nous propose des traitements dont il importe de noter les différences. En ce qui concerne les ennemis extérieurs, Jésus nous propose de prier pour eux, de les bénir au lieu de les maudire, de leur faire du bien en réponse au mal qu’ils nous font, de ne pas les craindre s’ils s’en prennent à notre vie… car mieux vaut perdre sa vie que son âme! Pour les ennemis intérieurs, le Nouveau Testament nous propose de nous séparer d’eux, de les exclure de la communion, de ne rien avoir à faire avec eux, de ne plus les recevoir, de dénoncer leurs mensonges… que celui qui annonce «un autre Evangile» soit anathème, c’est à dire exclu.

Dans ce siècle de confusion généralisée, face aux turbulences religieuses, face à la multiplication des sectes, il est important de faire preuve de vigilance. Les vents de doctrines soufflent dans toutes les directions. Les risques de se laisser emporter existent bel et bien. Alors, quand l’Ecriture parle d’un seul corps et d’un seul esprit, il est nécessaire d’éprouver les bases sur lesquelles nous nous fondons en matière, précisément, de «corps» et «d’esprit».

3.2.2 une seule espérance

Le chrétien est quelqu’un qui regarde en avant: Dieu vous a appelés à une seule espérance lorsqu’il vous a/ait venir à lui (Semeur). Cela ne signifie pas qu’il doit oublier le passé. Bien au contraire! Comment pourrait-il cesser de regarder à la croix? Là, Jésus est mort pour ses péchés; là, il a reçu, avec le pardon, la grâce d’une vie nouvelle. Ce souvenir, il doit le cultiver en participant régulièrement au repas du Seigneur. C’est, du reste, dans ce mémorial même qu’il trouvera le plus fort encouragement à regarder aussi en avant: car celui qui est mort est aussi celui qui vient. Le plein héritage qu’il a acquis pour les siens n’est pas encore là; il reste à venir: le meilleur est pour la fin (Rom 8:17-18; 2 Cor4:17-18)! Lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. (1 In 3:1-3). L’Apocalypse nous donne une idée de ce qui attend les rachetés du Seigneur. Merveilleux !

L’espérance est inscrite partout dans la Bible: Nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera. (2 Pi 3:13). C’est une espérance vivifiante, source de consolation dans l’épreuve, de courage dans le service. Elle motive une vie sainte, dans l’ attente de ce jour où nous comparaîtrons devant le Maître pour rendre compte de la gestion de nos vies (2 Cor 5.10, Mat 25.13s). Notre unité se nourrit aussi de cette seule espérance: celle du triomphe de l’Agneau, le triomphe de l’amour et de la justice.

Mais cette seule espérance ne peut pas se confondre avec des espoirs qui ne se fondent que sur les capacités humaines et n’ont d’autre visée que notre condition terrestre. Elle exclut l’illusion d’atteindre par le combat politique, l’action sociale, le progrès scientifique, un âge d’or où l’homme, parvenu à sa maturité, aurait résolu tous ses problèmes. Elle exclut toute théologie de la libération qui prônerait au nom du Christ l’utilisation de la violence et verrait dans la lutte pour une libération politico-sociale la traduction pure et simple du message de l’Evangile. On ne voit pas, en effet, que telle ait été l’attitude de Jésus, ni la visée de son enseignement. Il n’instruit pas contre Zachée le procès politique que d’autres ne manqueraient pas de lui faire -puisqu’il s’est mis au service de la puissance occupante et qu’il en tire d’intéressants profits. Il le traite en ami et fait de lui un homme nouveau pour le plus grand bien de tous. Il résout ainsi le vrai problème: celui du péché dans le coeur d’un homme perdu que Jésus est venu chercher et sauver (Luc 19.10). Qu’aurait gagné Jéricho à la condamnation de Zachée?

Paul dit: une seule espérance. C’est celle que l’Evangile apporte à un monde perdu, la même qu’exprime parfaitement ln 3.16: afin qu’ils ne périssent pas, mais qu’ils aient la vie éternelle. On ne peut expliquer vraiment aux hommes la nécessité du salut et les conduire à la seule espérance sans leur parler de la réalité de la perdition, des deux seuls chemins, des deux seules destinations possibles: le ciel ou l’enfer.

Ce vieil Evangile n’ est pas forcément populaire. Cependant, sans ces vérités fondamentales, la signification de l’espérance chrétienne ne peut être véritablement saisie. Dans le monde, dit Paul, nous étions sans espérance (Eph 2.12). En Christ, nous avons reçu une espérance qui ne trompe pas (Rom 5.5). Veillons à présenter fidèlement cette seule espérance; veillons à nous mettre, ou à rester, en situation de pouvoir l’annoncer clairement. Il s’agit, selon Col 1.23, de demeurer fondés et inébranlables dans la foi, sans nous détourner de l’espérance de l’Evangile Voilà donc bien un des critères de l’unité. Néeacute;gliger d’annoncer la seule espérance, l’annoncer sans la rattacher à la réalité de la perdition, lui substituer une autre espérance, c’est attenter à l’unité. Car celle-ci est fondée sur la seule espérance.

3.2.3. Il y a un seul Seigneur

Le chrétien est attaché à Christ seul Seigneur; il est en Christ. L’oeuvre de l’Esprit est de nous conduire à Jésus, de nous le faire connaître et aimer; c’est lui qui applique aux croyants les mérites et les bienfaits qui découlent de son oeuvre rédemptrice. Notre unité ne se fait pas d’ abord autour de la vérité révélée dans les Ecritures, mais bien autour d’une personne qui est le chemin, la vérité et la vie. Ce n’est pas seulement: «je sais ce que je crois», mais c’est: «Je sais en qui j’ai cru.»! D’ailleurs, Eph 4 dit: un seul Seigneur, avant de dire: une seule foi.

Un seul Seigneur, chef suprême de l’Eglise. C’est Lui dont le monde a besoin. Il n’y a pas d’autre nom par lequel nous puissions être sauvés… Il n’y a de salut en aucun autre. (Act 4.12). Il est le seul médiateur entre Dieu et les hommes (1 Tim 2.5). Notre évangélisation ne peut être que christocentrique. Tout passe par Lui. Il est le seul Sauveur et le seul Seigneur. Il est aussi le modèle, l’ami, le seul bon berger. Il est l’indispensable avocat, le fidèle intercesseur. Il est question de venir à Lui, de Le suivre, de L’aimer, de demeurer en Lui, d’être Ses témoins (Mat 11.28; Mc 8.34; Jn 14.15; 15.4; Act 1.8). Notre vocation de chrétien se résume aussi dans cette image: Vous êtes une lettre de Christ… lue et connue de tous (2 Cor 3.2-3).

D’autres textes soulignent encore ce caractère christocentrique de l’évangile. Ainsi Paul affirme que, pour lui: vivre, c’est Christ (Phill.21), que le connaître est son seul vrai trésor (PhiI3.8-10). On sent bien que pour Paul, recevoir l’approbation de Christ est son but, sa joie, sa récompense. Notre unité se manifeste et se fortifie quand, ensemble, nous regardons à Jésus dont notre foi dépend du commencement à la fin. (Héb 12.2).

La proclamation de l’Evangile ne va pas sans celle de la seigneurie de Christ, de Son autorité souveraine, Et cette seigneurie concerne avant tout les chrétiens auxquels le Seigneur dit: Si vous m’aimez, gardez mes commandements (Jn 14.15)… Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. (Jn 15.14). Notre volonté de faire réellement ce qu’Il nous dit, d’obéir à Ses commandements, doit se manifester dans tous les domaines de nos vies de disciples de Christ, y compris dans notre manière de vouloir et de rechercher l’unité. Le lien est direct entre un seul Seigneur et une seule foi.

3.2.4 une seule foi

C’est là un point dont J’importance est évidente quand il s’agit de définir l’unité chrétienne et ses limites. La seule foi dont parle Paul peut être envisagée sous deux aspects. Sous son aspect subjectif, la foi est l’acte d’un sujet, la confiance qu’éprouve le chrétien envers le Christ, sa personne, son oeuvre, ses promesses. L’aspect objectif concerne le contenu de la foi, ce que l’on croit, et qui peut s’énoncer comme un ensemble de vérités, la saine doctrine transmise par les apôtres et formulée dans la Bible, résumée dans un credo ou une confession de foi. Ces deux aspects sont inséparables dans la réalité de la vie. Mais il n’ est pas inutile de les distinguer pour la commodité de l’exposé. Le premier a été abordé dans notre point précédent. Nous traitons ici du second.

Dire que les premiers chrétiens persévéraient dans la doctrine des apôtres (Act 2.42), c’est laisser entendre qu’ils recevaient un enseignement précis auquel ils étaient attachés. Dans son discours d’adieu aux anciens d’Ephèse (Act 20), Paul rappelle qu’il leur a enseigné tout le conseil de Dieu, sans en rien cacher. Ailleurs, il décrit les chrétiens de Rome en ces termes: Grâces soient rendues à Dieu de ce que, après avoir été esclaves du péché, vous avez obéi de coeur à la règle de doctrine dans laquelle vous avez été instruits. (Rom 6.17).

Paul met en garde ses lecteurs: L’Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, pour s’attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons, par l’hypocrisie de faux docteurs… (I Tim 4:1-2). Il ajoute dans sa deuxième lettre à Timothée: qu’il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine… ils détourneront l’oreille de la vérité et se tourneront vers les fables. (2 Tim 4:3- 4). Il paraît évident que pour pouvoir abandonner la foi ou pour détourner l’oreille de la vérité, il faut avoir adhéré à J’une et à l’autre auparavant!

Dans le même ordre d’idées, Pierre écrit: Il y a eu parmi le peuple de faux prophètes, et il y aura de même parmi vous de faux docteurs qui introduiront des sectes pernicieuses, et qui, reniant le maître qui les a rachetés, attireront sur eux une ruine soudaine. Plusieurs les suivront dans leurs dissolutions et la voie de la vérité sera calomniée à cause d’eux. (2 Pi 2.1-2). Eph 4.11-14, affirme que J’exercice des ministères dans l’Eglise a pour but d’amener les croyants à l’unité de la foi, pour qu’ils ne soient pas flottants et emportés à tout vent de doctrine, mais que professant la vérité dans l’amour.. ils grandissent dans celui qui est le chef Christ.

Il n’est pas étonnant, alors que dans la dernière épître du Nouveau Testament, les croyants soient exhortés à combattre pour la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes. (Jude 3) et à s’édifier sur leur très sainte foi attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ pour la vie éternelle (Jude 20-21)

Une seule foi! Aucun doute, cette parole n’arien d’une affirmation isolée ou d’une préoccupation secondaire. Il y a, pour lui, comme pour les autres auteurs des lettres du Nouveau Testament, vérité et erreur, vraie et fausse doctrine; l’unité des croyants ne peut se réaliser au détriment de la foi transmise a saints une fois pour toutes. Paul lui-même nous présente du reste une conséquence pratique: le différend qui l’a opposé à Pierre. Fallait-il qu’il ferme les yeux sur l’attitude répréhensible de Pierre qui laissait entendre, plus par ses actes que par ses paroles, qu’il n’y avait pas de véritable unité entre chrétiens d’origine juive et chrétiens d’origine païenne ? Une fausse unité (entre chrétiens juifs) mettait en péril la véritable unité spirituelle entre chrétiens de nations… les implications pratiques et doctrinales &eaeacute;taient considérables. Pierre et ceux qui suivaient son exemple, ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Evangile (Ga12:ll-l4), Paul a donc affronté ce problème, car l’Eglise de Jésus-Christ était en péril. En elle se manifestaient déjà les prmières atteintes d’un mal qui s’appelle aujourd’hui le pluralisme doctrinal, à savoir la tentative de faire cohabiter dans l’Eglise des convictions contraires l’une à l’autre sur point de doctrine fondamental.

Le pluralisme doctrinal a connu, dans notre XXe siècle, un prodigieux développement. Il a de quoi plaire, puisqu’il prône la tolérance et plaide pour la paix, entre croyants tout au moins, quand la paix est un bien si rare autour nous. Un raisonnement simple sous-tend cette approche: «Je sais ce que je crois et je sais que l’autre croit tout autre chose que moi; mais cela ne fait rien. Le contenu de ma foi et de la sienne est, somme toute, secondaire; ce qui compte c’est d’ être unis! » … On accepte sur cette base une grande diversité en matière de convictions religieuses. Personne ne doit être exclu…

Cette diversité n’a cependant rien à voir avec celle qui, selon les Ecritures, se manifeste dans l’unité entre les membres du corps de Christ. Il s’agit, réalité, d’oppositions, de contradictions flagrantes sur des points fondamentaux d la foi. On veut que cohabitent ceux qui nient la divinité de Christ et ceux qui l’affirment, ceux qui contestent la résurrection corporelle de Christ et ceux qui trouvent en elles leur raison d’espérer, ceux qui disent que tous les hommes seront sauvés et ceux qui acceptent l’enseignement de l’Ecriture qui dit contraire, ceux qui croient que la Bible contient des vérités (et passablement d’erreurs) et ceux qui la reconnaissent comme «seule et infaillible règle de foi et de vie chrétienne», ceux qui affirment que le salut est une expérience politico-sociale et ceux qui le reçoivent comme une libération spirituelle du péché et de ses conséquences, en vue de la vie éternelle… etc.

Entre ces deux pôles d’ affirmations contradictoires se déploie tout l’éventail des convictions religieuses. Or, pour beaucoup de responsables religieux actuels, l’unité doit se vivre dans cette diversité. Les contradictions ne doivent pas être regardées comme un obstacle à l’unité visible de ceux qui, de près ou de loin, se réclament du christianisme. Cela conduit à une forme d’union dans l’ équivoque la plus totale sur le plan du contenu de la foi. A voir ce type d’unité entre des personnes qui annoncent «des évangiles» si différents sur tant de sujets vitaux, les incroyants ou les gens religieux non-convertis peuvent penser que le contenu de la foi n’a pas grande importance: erreur d’une évidente gravité, puisque c’est justement la connaissance de la vérité qui libère et sanctifie, selon les paroles du Seigneur Jésus lui-même (cf. In 8.32; 17 .17). J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, dans les milieux religieux, on ne craint pas vraiment les risques d’un autre évangile... pas plus que les Corinthiens autrefois: Si quelqu’un vient vous prêcher un autre Jésus que celui que nous avons prêché, ou si vous recevez un autre Esprit que celui que vous avez reçu, ou un autre Evangile que celui que vous avez embrassé, vous le supportez fort bien. (2 Cor 11.4). Aujourd’hui, il n’est pas simple de vouloir s’attacher à une seule foi. Celui qui ose prétendre le faire suscite l’étonnement, s’attire la moquerie, parfois même des critiques sévères, car ceux qui réclament haut et fort «la tolérance» en matière doctrinale en manquent eux-mêmes souvent à l’égard de ceux qui demandent des bases doctrinales précises comme préalable à l’expression visible de l’unité entre églises.

Du temps de Paul, il n’était déjà pas facile de vivre l’unité sur des bases solides et claires. Il écrivait aux Galates: Je m’étonne que vous vous détourniez si promptement de celui qui vous a appelés par la grâce de Christ, pour passer à un autre Evangile (GaI 1.6). Avec fermeté, il ajoutait: Non pas qu’il y ait un autre évangile, mais il y a des gens qui vous troublent, et qui veulent renverser l’évangile de Christ. Mais, quand nous-mêmes, quand un ange du ciel annoncerait un autre évangile que celui que nous vous avons prêché, qu’il soit anathème! (Gall. 7 -8).

Dans sa lettre aux Romains, Paul avertissait: Je vous exhorte, frères, à prendre garde à ceux qui causent des divisions et des scandales, au préjudice de l’enseignement que vous avez reçu. Eloignez-vous d’eux (Rom 16.17). Les risques de dérapage doctrinal sont réels. L’ apôtre Jean écrivait: Quiconque va plus loin et ne demeure pas dans la doctrine de Christ n’a point Dieu; celui qui demeure dans cette doctrine a le Père et le Fils. Si quelqu’un vient à vous et n’apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne lui dites pas; Salut! car celui qui lui dit: Salut! participe à ses mauvaises oeuvres (2 Jn 9-11).

Il est donc des séparations, douloureuses, mais nécessaires, qui préservent l’unité véritable des croyants. On ne mélange pas ténèbres et lumière, justice et iniquité, fidèle et infidèle, Dieu et les idoles, mensonge et vérité, Christ et Bélial, l’Eglise et le monde. C’est pourquoi, sortez du milieu d’eux, et séparez- vous, dit le Seigneur; ne touchez pas à ce qui est impur, et je vous accueillerai. Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur tout-puissant (2 Co. 6.14 à 7.1 ). Ces derniers versets créent un malaise. Chacun comprend assez bien ce qu’ils veulent dire, mais au sein d’un christianisme aux mille «chapelles», comment exercer le discernement pour préserver l’unité véritable et pratiquer les nécessaires séparations devant les déviations doctrinales de notre temps? Car il est certain que les difficultés rencontrées par les églises du premier siècle se retrouvent aujourd’hui. Plusieurs textes indiquent même que la question de la fidélité doctrinale sera l’un des problèmes majeurs des églises des derniers temps. Que fait-on alors avec cette affirmation de Paul: une seule foi?

D’une certaine manière, le Seigneur Jésus rencontre chez nous les mêmes réserves qu’il trouvait chez ses auditeurs devant les «duretés» de l’évangile, devant ses affirmations tranchées qui dérangent. On se souvient de l’accueil accordé à son discours sur le pain de vie: Plusieurs de ses disciples, après l’avoir entendu, dirent: Cette parole est dure; qui peut l’écouter? (Jn 6.60)… et, un peu plus loin, de la douloureuse question qu’il pose aux douze: Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en aller? (Jn 6:67). Quand Jésus dit (Mat 12:30): Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, et celui qui n’assemble pas avec moi disperse… quand il déclare qu’il y a deux chemins, deux portes, deux destinations, il souligne, en fait, qu’il faut faire le choix du chemin «resserré» de cette seule foi qui sauve. L’unité passe nécessairement par la porte étroite, par le chemin étroit. Il faut donc être unis, s’entendre sur l’essentiel; c’est une nécessité. Le pluralisme doctrinal, tel que le conçoivent nos contemporains, est exclu. Jésus n’a pas dit: «Croyez ce que vous voulez, mais soyez unis!» Il nous demande d’amener en son nom à l’obéissance de la foi tous les paiens (Rom 1.5), et de rechercher dans l’Eglise l’unité de la foi (Eph 4.13), ce qui peut paraître bien étroit.

Mais quel critère retenir pour cette seule foi afin de vivre aujourd’hui l’unité chrétienne? La réponse n’est pas facile. Viser l’unité des «évangéliques» semble être un bon objectif dans la mesure où ces derniers devraient avoir en commun une foi authentiquement biblique. Il faut reconnaître cependant que l’appellation «évangélique» n’est pas une «appellation d’origine contrôlée» ! Pour être honnête: c’est une appellation que nul ne contrôle. Dans toutes les branches du christianisme on rencontre des personnes qui se disent (ou que d’autres considèrent comme) «évangéliques». Si cela signifie qu’il y a, entre elles, des points communs, cela n’exclut pas la possibilité de différences doctrinales importantes.

L’étiquette «évangélique» recouvre en fait, dans la pratique, un véritable pluralisme doctrinal au sens où nous l’avons défini. Elle s’applique en effet aussi bien à des personnes qui désignent du même mot «résurrection» , les unes une résurrection corporelle, qui concerne la personnalité de Jésus dans toutes ses dimensions, les autres une résurrection «spirituelle», dont la réalité se situerait au niveau de l’ expérience faite par les disciples de la présence de Jésus dans leur souvenir. On le voit bien: les mots n’ ont pas toujours le même sens, et c’est vrai aussi du mot: «évangélique».

Une seule foi : s’entendre sur l’essentiel… Oui! Mais, quand on a dit cela, qu’a-t-on réglé? Une parole de sagesse -qui sonne bien -a été avancée pour éclairer cette voie de l’entente sur l’essentiel: «Sur le primordial: unité. Sur le secondaire: liberté. En tout: charité!» Comment ne pas être d’accord avec cette approche si conforme à l’esprit de l’évangile? Cependant, il faut encore s’entendre sur la définition du primordial et du secondaire. Il est difficile de trancher. L’accord va-t-il se faire sur le plus petit dénominateur commun qui permette l’alliance la plus large, ou sur tous les détails, quitte à réduire l’unité… à une seule personne?

Dans le Nouveau Testament, un texte évoque la possibilité que certains désaccords existent dans l’Eglise sans que pour autant son unité soit mise en péril: Nous tous donc qui sommes parfaits, ayons cette même pensée; et si vous êtes en quelque point d’un autre avis, Dieu vous éclairera aussi là-dessus. Seulement, au point où nous sommes parvenus, marchons d’un même pas (Phil 3:15-16). Eph 4 propose l’unité de la foi comme un objectif à viser pour l’Eglise, mais il est évident qu’il demeure en partie inaccessible, car il y aura toujours, entre les membres du corps local (et à plus forte raison, entre membres de communautés ou dénominations différentes), certains désaccords inévitables dans les convictions doctrinales.

L’ apôtre Pierre évoque cette difficulté, quand il dit que dans les écrits de Paul, il y a des points difficiles à comprendre, dont les personnes ignorantes et mal affermies tordent le sens, comme celui des autres Ecritures, pour leur propre ruine. (2 Pi. 3.16) L’unité de la foi n’était donc pas un objectif facile pour l’Eglise primitive. Mais ce que dit Pierre montre bien que cette difficulté ne doit pas nous décourager dans la recherche de l’unité de la foi. Toute autre attitude, consciente ou non, conduit à la ruine, dit-il. Vous donc, bien-aimés, qui êtes avertis, mettez-vous sur vos gardes, de peur qu’entraînés par l’égarement des impies, vous ne veniez à déchoir de votre fermeté. (2 Pi 3.17).Si l’accord ne peut pas se faire sur tout, sur quels points est-il indispensable? Quelles sont les doctrines sur lesquelles doit se faire l’unité? La réponse n’est pas simple. Dans une étude sur le thème de l’unité, présentée lors du Congrès de Lausanne 1974, le professeur Henri Blocher a proposé cinq critères qui devraient nous aider à distinguer entre le primordial et le secondaire, critères dont l’application exige, de son point de vue, la reconnaissance préalable de l’entière autorité et de la parfaite inspiration des Saintes Ecritures. Voici ces cinq critères:

I. Le critère biblique. Quand on discute d’une interprétation, d’une doctrine biblique, «la place qu’occupe un sujet dans la Bible, et surtout le Nouveau Testament, est un indice du poids que Jésus et ses apôtres lui donnaient. Bien entendu, l’importance d’une doctrine ne se mesure pas au seul nombre de versets qui l’ exposent, mais même ce critère rudimentaire peut nous aider. La doctrine de l’expiation est partout dans l’Ecriture, comme le sang dans le corps, disait Vinet; elle est sûrement d’un tout autre rang que la prescription du voile pour les femmes, quelle que soit l’interprétation qu’on en donne, puisqu’on ne la trouve qu’en un seul passage» (1 Cor II).

Il. Le critère théologique. «Plus les conséquences sont nettes et plus elles sont directes pour le coeur de la vérité évangélique, plus le point prendra de l’importance. Il y a des doctrines stratégiques. Si on y touche, tout s’écroule; et d’autres, périphériques: une divergence à leur sujet laisse intact le reste de l’édifice» (3). On peut appliquer ce critère, par exemple, à la doctrine de la résurrection de Christ: Si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et votrefoi aussi est vaine. (1 Cor 15.14), ou à celle de la justification par la foi, sans les oeuvres de la loi, sinon vous êtes séparés de Christ, vous tous qui cherchez la justification dans la loi; vous êtes déchus de la grâce (Gal5:4- 6). Par contre, il est possible de proposer diverses interprétations quant à la durée du mot «jour» dans Gen 1, sans remettre en cause le fait que la création est, en tout point, l’oeuvre prodigieuse du Dieu créateur.

III. Le critère pratique. «Il faut considérer de même les conséquences non théologiques mais pratiques. Quels sont les enjeux pour l’organisation de l’Eglise, la vie spirituelle, les méthodes et le message d’évangélisation? (Pour bien en juger, il nous faut observer, mais cela ne suffit pas: certaines différences pratiques paraissent liées à un point de doctrine, alors qu’en réalité d’autres facteurs, cachés, les déterminent (sociologiques, personnels, etc. ). La question du baptême des enfants, qui n’est pas centrale théologiquement, a des conséquences pratiques assez considérables». (4)

IV. Le critère historique. «Pour nous délivrer de l’étroitesse de nos horizons personnels, aucun secours ne nous est plus précieux que celui de nos frères et pères en la foi. Ils n’ont pas été infaillibles, mais nous devons respecter, apprécier la sagesse que Dieu leur a donnée, et en profiter. Nous risquons toujours de donner prise à l’ironie de Paul: Est-ce de chez vous que la Parole de Dieu est partie? Ou est-ce à vous seuls qu’elle est parvenue? (1 Cor 14.36). Ainsi nous voyons que tout au long de l’histoire de l’Eglise, jusqu’au XIXe siècle, les chrétiens n’ont pas pensé juste de se diviser à propos du millenium. La plus ancienne déclaration prémillénariste, après le temps apostolique, celle de Justin Martyr (vers 150), souligne que beaucoup d’autres chrétiens pensent autrement, qui appartiennent à la foi pure et pieuse. Serait-il sage d’être plus intolérant que lui? Il a été suivi dans son attitude fraternelle par la plupart des générations chrétiennes. Il en va très différemment de la doctrine de l’eucharistie, pour laquelle on s’est divisé -à tort ou à raison, le fait pèse son poids». (5)

V. Le critère contemporain. «Dieu a donné à sa Parole une clarté telle que l’essentiel du message ne peut pas échapper au lecteur respectueux et de bon sens. Lorsque des hommes de Dieu, scientifiquement compétents, et qui se veulent tout à fait dociles devant l’Ecriture, se trouvent en grand nombre dans les deux camps d’une controverse, nous pouvons présumer que l’objet du débat n’appartient pas au coeur absolument vital du christianisme. Ainsi de la doctrine de l’ état intermédiaire, que nous croyons biblique: elle est contestée par certains théologiens évangéliques, ce qui laisse supposer qu’elle est secondaire.» (6)

‘l’els sont les cinq critères qui peuvent nous aider à distinguer entre le primordial et le secondaire, afin d’arriver à l’unité de la foi sur les doctrines fondamentales, tout en reconnaissant la possibilité de divergences sur des points de détail, sur des doctrines qui ne seraient pas «stratégiques». (…)

Il est certainement utile de passer au crible des cinq critères précédents les questions de foi sur lesquelles il s’agit de bâtir l’union ou de justifier une désunion. C’est un exercice à mener avec soin, car le contenu de notre foi est primordial à tous les niveaux de notre vie. L’ adversaire essaie toujours de discréditer la Parole de Dieu. Semer le doute, faire défaillir la foi, voilà bien sa tactique, et l’abandon de la saine doctrine est l’un des objectifs qu’il recherche en ce qui nous concerne. Depuis Eden, ce problème est malheureusement d’ une brûlante actualité.

3.2.5 Un seul baptême

On peut s ‘ étonner de rencontrer le baptême dans cette liste de points d’ union donnée par Eph 4. Ce sujet n’a évidemment pas la même envergure que les autres affirmations contenues dans ces mêmes versets: un seul Seigneur, une seule foi, un seul Dieu..

 

La Parole de Dieu est inspirée, et ce n’est pas par erreur que cette affirmation se trouve là. L ‘histoire s’est chargée de nous en montrer l’importance. La façon de comprendre le baptême et de le pratiquer conduit à au moins deux types d’Eglises, deux types de chrétiens, deux façons de recevoir le Saint-Esprit et d’envisager le salut… Il ne s’agit donc pas d’un point secondaire mais d’une question cruciale. C’est autour de cette question que se définissent l’Eglise, sa nature, sa composition, son message même. Le Seigneur Jésus a institué le baptême pour les disciples, pour ceux qui, de manière personnelle, mettaient leur foi en Christ pour le pardon de leurs péchés (Mat 28.18-20; Act 2.38-42). Telle a été la pratique des disciples qui ont suivi de près l’exemple et les commandements du Maître.

Le baptême devait être une porte d’entrée visible dans l’Eglise. Il devait être comme une frontière, le lieu où l’on passe du monde dans la communauté des rachetés. Il devait être le symbole de la régénération, le signe extérieur d’une adhésion intérieure, de cour et d’esprit, au Christ, Seigneur et Sauveur. Pour le nouveau converti, ce devait être une marque d’ obéissance à son Maître, car le premier des commandements du Seigneur qui le concernait, une fois qu’il avait compris le salut, c’était justement de se faire baptiser pour témoigner de sa repentance et de sa foi en Jésus.

Très tôt, l’adversaire s’est attaqué au baptême, à sa signification originelle, à la façon de le pratiquer. Il a tout fait pour que, peu à peu, en l’espace de deux ou trois siècles, le symbole de la régénération passe pour le moyen par lequel le Saint-Esprit opère cette régénération. L’acte du baptême devenait efficace en lui-même, il devenait un sacrement que seuls des hommes revêtus d’une autorité particulière pouvaient administrer. Cela changeait, bien sûr, la nature du baptême, mais aussi celle de l’Eglise.

Le baptême «symbole», confession de la foi du baptisé, n’est pas en lui-même indispensable au salut (le brigand repentant a pu s’en passer); il est de l’ordre du témoignage, de la mise en pratique de l’évangile en obéissance à un commandement du Seigneur. Il est le geste par lequel le chrétien s’affirme comme disciple et est reconnu comme tel par ses frères. Mais, du jour où on en fait un sacrement, il devient indispensable pour tous. (…)

Ainsi, l’unité des croyants ne peut s’envisager sans ces trois mots: un seul baptême. Mais quand il s’agit d’appliquer ce principe aux relations inter- ecclésiastiques, on sent bien le problème. Baptême des croyants et baptême des enfants sont deux pratiques radicalement différentes, pour ne pas dire oppo- sées. Si nous sommes convaincus que le baptême biblique est le baptême par immersion des croyants, comment travailler sereinement avec des pédo-baptistes, dans un contexte où, pour évangéliser ensemble, il faudrait justement taire un élément important du message évangélique? Selon le livre des Actes, le message de l’évangile a pour but, non seulement d’orienter tout de suite le nouveau converti vers l’obéissance du baptême (Act 2.38,41 -voir aussi l’eunuque éthiopien, Saul de Tarse, Corneille, Lydie, etc), mais encore de lui faire découvrir le type d’Eglise dans laquelle il pourra persévérer dans la doctrine des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières. (Act 2.42). Point d’évangélisation biblique sans un but ecclésiologique clair.

Comment accréditer, par une collaboration entre églises de multitudes et églises de professants, une doctrine du baptême (et donc de l’Eglise) coupable d’avoir donné, des siècles durant, l’illusion du christianisme à des millions de gens? Seule la vérité libère. Il faut donc rester en situation de pouvoir annoncer tout le conseil de Dieu …y compris sur cette question du baptême des croyants.

3.2.6 un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, parmi tous, en tous.

Par ces mots, Paul conduit enfin ses lecteurs à ce qui est au coeur de l’unité des croyants; elle se fonde sur cette vérité: Dieu est au centre de tout, Il est l’auteur, la source et la cause première. Toute la Bible est théocentrique. Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul! (Mat 4.10)

Ce n’est pas quelque chose qui plaît aux hommes. Orgueilleux et égocentriques depuis la chute, ils se veulent autonomes, maîtres de leurs destinées, de leurs choix, sans devoir rendre compte à quiconque. Ils ne veulent pas d’une autorité divine souveraine dans leur vie. Cette attitude-là marque encore l’homme, même après qu’il s’est converti, quand il se tourne vers Dieu pour recevoir le pardon de ses péchés et la grâce d’une vie nouvelle. Même en présence des commandements clairs du Seigneur, il est capable de discuter, de tergiverser, d’hésiter à obéir.

La souveraineté de Dieu n’est pas la doctrine favorite du croyant moyen. Il est pourtant capable de chanter avec enthousiasme que Christ est Seigneur; il est aussi capable de reconnaître que tel ordre du Seigneur est clair. ..et que, théoriquement, ce serait bien de pouvoir lui obéir sans réserve… mais, pratiquement, pour toutes sortes de raisons, il va se permettre de minimiser cet ordre divin, de le rendre facultatif, pour lui obéir à sa convenance. Pour expliquer son «oui, mais» (qui est une manière polie de dire «non» ), il invoquera des questions de commodité, d’ efficacité, de politique. Il peut encore avoir des motivations cachées comme celles de ces gens qui troublaient les Galates en les éloignant du pur Evangile; en fait, nous révèle Paul, ils ne voulaient pas être persécutés pour la croix de Christ (GaI 6.12-13). Ils refusaient de porter l’ opprobre de Christ. Ils voulaient pouvoir se dire «chrétiens» sans trop se mettre en porte à faux avec les judaïsants.

Aujourd’hui comme hier: La crainte des hommes tend un piège (Pr 29:25). Il est vrai que personne n’aime affronter le jugement des autres à cause d’un différend «doctrinal» .Pourquoi mettre en péeacute;ril sur de si délicates questions des amitiés auxquelles on tient? Chacun est tenté de mettre sa lumière un peu sous le boisseau pour éviter ces ennuis face à la majorité «qui pense que». C’est ainsi que ce que Dieu affirme ou commande est «relativisé». Comme Pierre, nous répondons à l’ordre précis qu’Il donne par un retentissant ou discret: Non, Seigneur (Act 10.14). «Non», et «Seigneur»: deux mots qui ne devraient jamais se suivre dans la bouche ou le cour d’un enfant de Dieu. Cependant, il faut bien l’avouer: l’autorité de Dieu et Sa souveraineté gênent. Si la réponse à la question: Que dit l’Ecriture ? est dérangeante, on cherchera ailleurs des raisons de faire autrement. Aucun d’entre nous n’est à l’abri de ce type d’attitude… de reniement. Si Pierre et Barnabas se sont laissé piéger (Gal 2.11- 13), c’est qu’il faut vraiment veiller et nous encourager les uns les autres dans cette attitude de vigilance.

L’important, c’est donc de voir en Dieu, Père (au-dessus de tous), Fils (parmi tous) et Saint-Esprit (en tous), l’unique souverain, l’unique voix autorisée, l’unique roi, l’unique chef suprême de nos vies et de l’Eglise. L ‘important, c’est de vouloir scrupuleusement, et avec joie, se soumettre à Sa voix, le glorifier Lui et le servir Lui seul. Vous êtes heureux si vous savez ces choses, pourvu que vous les pratiquiez (Jn 13.17). Faites tout pour la gloire de Dieu (1 Cor 10:31).

Dans notre monde, le syncrétisme a ses adeptes; on accrédite l’idée qu’on peut mettre un signe «égal» entre le Dieu de la Bible et les autres divinités que les hommes adorent sous divers noms, en divers lieux. Au sein même du christianisme, des voix s’élèvent pour dire que plusieurs chemins mènent au salut, que les différences de «foi» ne sont finalement pas très importantes, pourvu que l’on soit sincère et que l’on aime son prochain. On est loin du Dieu exclusif, unique, que l’Ecriture proclame, et que le premier commandement nous demande d’adorer, sans partager, de quelque manière que ce soit, Sa gloire avec un autre. Notre unité se fait autour de ce seul Dieu, unique et trinitaire, que nous devons aimer de tout notre cour, de toute notre force, de toute notre âme et de toute notre pensée (Deut 6.5, Mat 22.37). Le craindre, c’est le commencement de la sagesse (Pr 1.7, 10). Une sagesse qui conduisait David à dire: Seigneur, tu es la chance de ma vie… Tu tiens mon destin entre tes mains; c’est un sort qui m’enchante, un privilège qui me ravit! (Ps 16:5-6). Mais il disait aussi: Je serre ta parole dans mon cour, afin de ne pas pécher contre toi (Ps 119.11). Prétendre Lui appartenir et Le suivre est chose sérieuse. Il a droit au meilleur de nous-mêmes, individuellement et collectivement dans son Eglise. Et ce qu’il demande de ses intendants, c’est que chacun soit trouvé fidèle (1 Cor 4: 1-2), et qu’il s’efforce de (se) présenter devant Dieu comme un homme éprouvé un ouvrier qui n’a point à rougir, qui dispense droitement la parole de la vérité (2 Ti. 2: 15).

4. Conclusion

4.1 Une tentation à éviter

Ce chemin de l’unité dans la fidélité peut paraître bien étroit. Le Seigneur Jésus ne l’a pas présenté autrement! Nous pourrions être tentés de l’élargir un peu, pour moins d’inconfort et plus de rentabilité dans les contacts, pour avoir peut-être «meilleure presse». Il faut pourtant résister à cette tentation, et l’histoire nous donne bien des raisons de le faire.

Robert Dubarry décrivait, par une phrase brève mais vraie, ce qui s’est passé quand les chrétiens sont entrés dans le jeu de l’élargissement progressif du chemin étroit: «Le christianisme se fit ainsi temporel, puis arrangeant, puis intellectuel, puis mondain.» (8) Au bout du compte, après quelques siècles, que restait-il de l’évangile au sein du christianisme officiel? Et même après la Réforme, qu’est-il advenu des grandes églises protestantes qui, tout en ayant retrouvé certaines vérités oubliées ou méprisées pendant des siècles, n’ ont pas rompu avec le baptême des enfants et l’ecclésiologie multitudiniste? Elles sont, le plus souvent, retombées dans les pièges du formalisme, du traditionalisme, d’un christianisme d’étiquette, bien loin de celui que décrit le NT. Il y a, cependant, dans ces Eglises, de véritables enfants de Dieu en Jésus-Christ, dont l’amour pour Dieu, la foi et la persévérance sont exemplaires. Cependant, il est regrettable que leur présence dans ces églises accrédite l’idée que l’on peut vivre une vie chrétienne normale dans un environnement ecclésial contraire, de plusieurs manières, aux vérités de l’évangile.

4.2 Un combat à mener

A côté du Catholicisme ou du Protestantisme, l’autre christianisme des églises professantes qui se voulaient indépendantes de l’Etat et fidèles à l’Ecriture quoi qu’il en coûte, a dû lutter pour survivre, car ses adversaires religieux n’hésitaient pas à recourir au bras séculier pour faire taire, physiquement s’il le fallait, la voix de ceux qui aspiraient à un vrai retour aux sources de l’ évangile.

Longtemps, les chrétiens évangéliques n’ont guère eu à connaître que la politique du bâton. On préfère de nos jours leur tendre la carotte. On espère ainsi inciter ces «frères séparés» à trouver le chemin du bercail, celui d’un christianisme unifié, pacifié, dans lequel on évitera surtout de sortir la Bible pour parler vérité et saine doctrine. Une vaste entreprise de récupération est en cours. qui trouve des alliés au sein même du «camp évangélique professant». Les dangers viennent, depuis toujours, de l’extérieur mais aussi de l’intérieur, et ce dernier «angle d’attaque» de notre adversaire est de loin, le plus redoutable. L’apôtre Paul n’ a-t-il pas dit: il s’élèvera au milieu de vous des hommes qui enseigneront des choses pernicieuses, pour entraîner les disciples après eux. Veillez donc (Act 20.29-31)?

Si nous prenons l’Ecriture au sérieux, il est évident que cela va limiter, restreindre, nos possibilités de manifester concrètement l’unité entre croyants au sein d’ un christianisme où le pluralisme doctrinal est de rigueur. Il faut fixer des frontières, des limites à ne pas franchir, si nous voulons éviter de perdre notre identité évangélique, notre message, le sens de notre mission dans ce monde.

Ce n’est pas parce que la scène religieuse est confuse, difficile à cerner, avec la «valse des étiquettes» évangéliques, qu’il faut renoncer à clarifier, dans un souci de fidélité à Dieu et à sa Parole, ce, qui peut et doit l’être: que ce soit le contenu de notre foi, les objectifs qui peuvent être visés ensemble, et les moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre. Cependant, dans ce qui me semble être un bon combat, il faut rester prudent, examiner toute chose et retenir ce qui est bon. La recherche de l’unité ne peut se réduire à une approche du style: «tout, ou rien!». C’est vrai que l’exercice est périlleux, et les dangers qu’ il comporte pourraient nous rendre prudents à l’excès. L’isolationnisme qui en résulterait serait grave. Le repliement sur soi est aussi une tentation à laquelle il faut résister.

4.3 Une recherche à poursuivre

La recherche de l’unité doit donc rester au coeur de nos préoccupations… malgré les difficultés d’une telle démarche. S’il est grave de manquer de jugement concernant les faux prophètes et les risques qu’ils font courir à 1 ‘EGLISE, il serait aussi grave de juger trop sévèrement ou injustement des frères pour la seule raison qu’ils ne voient pas les choses exactement comme nous dans cette délicate question de l’unité à vivre et à concrétiser. Il faut aussi reconnaître qu’il y a différents niveaux dans les signes extérieurs d’unité. Cela peut aller de contacts ponctuels ou épisodiques entre personnes issues de milieux religieux très différents jusqu’à des collaborations étroites entre églises en vue d’un témoignage commun devant le monde. Par exemple:

1. Il est possible d’organiser des rencontres assez «larges» (à l’échelle d’une ville ou d’une région) dont le but est de favoriser le respect mutuel entre responsables d’églises, de faire circuler des informations utiles à chacun, ou encore de réfléchir ensemble à des problèmes de société ou à des problèmes théologiques. Confronter paisiblement, mais en toute clarté, les positions et apprendre à mieux connaître la pensée des autres, leur manière de comprendre et d’interpréter les Ecritures, est certainement utile pour les uns comme pour les autres, même si cela peut se révéler «dérangeant» .Ces rencontres devraient être informelles, sans parrainage particulier, pour leur éviter toute «récupération» intempestive par les «anti» ou les «pro» de l’oecuménisme (ou d’autres «ismes» plus ou moins populaires!).

2. Dans le cadre des Groupes Bibliques Universitaires (ou d’autres mouvements semblables) des chrétiens d’origines diverses peuvent témoigner d’une certaine communion entre eux en organisant des moments de prière et des études bibliques sur leurs lieux de travail, afin de promouvoir dans ces contextes particuliers le témoignage chrétien, la lecture de la Bible et l’ appel au salut en Christ par la foi seule. Mais il est évident qu’un travail plus complet doit se faire en dehors de ce cadre particulier pour amener les personnes intéressées à une meilleure connaissance de la vérité, y compris sur la question ecclésiologique.

3. Des croyants, attachés à l’inspiration et à l’autorité des Saintes Ecritures, peuvent s’unir pour en rendre témoignage devant le monde (religieux ou non), même s’ils ne partagent pas la même ecclésiologie, par exemple. Cela s’ est déjà fait de manière semble-t-il profitable.

Il y a probablement d’autres pistes à suivre, avec sagesse, afin de saisir des occasions où, en toute clarté et sur des sujets précis, bien définis à l’avance, des chrétiens engagés, mais ne partageant pas les mêmes convictions sur l’ecclésiologie ou sur d’autres points de doctrines, peuvent se retrouver utilement et donner un certain témoignage de leur unité en Christ, de leur attachement à l’Ecriture Sainte. Ainsi pourrons-nous explorer et exploiter quelques possibilités de rendre compte, avec douceur et respect, de l’ espérance qui est en nous (1 Pi. 3.15) et de professer la vérité dans l’amour (Eph 4.15)

4.4 Une unité à promouvoir

Il faut cependant encourager un autre niveau de l’ unité entre croyants, ce que l’on pourrait appeler un oecuménisme véritablement évangélique. Il s’agit de promouvoir une collaboration étroite entre églises professantes unies sur l’essentiel de la foi chrétienne (évangélique). Les objectifs d’une telle «unité» seraient, tout à la fois, de manifester aux yeux du monde la communion réelle qui règne entre elles, et d’évangéliser ensemble au cour de notre société. Il est alors évident que, dans ce contexte-là, l’accord le plus large doit être recherché à la lumière d’un texte comme celui d’Eph 4.

On ne peut obéir ensemble à l’ordre du Seigneur (Mat 28.18-20): Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit, sans être d’accord sur les doctrines du Salut et de l’Eglise.

Nous devrions, entre évangéliques membres d’églises de professants, manifester notre unité face au monde (qu’il soit religieux ou non) en obéissant à cet ordre de mission dans son entier, comme l’apôtre Pierre l’a fait le jour de la Pentecôte (Act 2). La repentance, la conversion, la réception du Saint-Esprit, l’immersion de ceux qui ont reçu la Bonne Nouvelle du Salut en Christ, leur introduction dans l’Eglise, leur formation spirituelle par l’enseignement de la doctrine des apôtres, faisaient partie de l’ ABC de la prédication (et de l’action ) apostolique. Il devrait en être de même aujourd’hui, que ce soit au niveau d’une éacute;glise locale engagée dans le témoignage chrétien ou au niveau de plusieurs églises locales collaborant dans une action commune d’évangélisation.

C’est sans complexe, et de manière déterminée, que nous devons rendre compte de notre position sur ces questions vitales pour l’ avenir de nos églises. Car nous ne devons pas perdre de vue que si l’EGLISE de Jésus-Christ est immortelle, les églises locales, quant à elles, ne le sont pas; leur chandelier peut leur être enlevé par le Seigneur en personne (Apoc 2.5). Les appels à veiller, ou même à se repentir -d’un manque d’amour (Apoc 2.4-5), ou d’une attitude laxiste dans des questions de doctrine ou de discipline (Apoc 2.14-16,20; 3.2- 3, 19) -ne sont pas superflus. La vie et l’avenir des églises locales en dépendent.

Ainsi, ces questions sur le thème de «l’unité chrétienne, ce qu’elle est et ses limites», doivent faire l’objet d’une réflexion d’autant plus sérieuse que l’un des drames actuels du monde évangélique, c’est l’union apparente de ceux qui ne partagent pas la même foi sur les choses essentielles, et la désunion apparente de ceux qui auraient toutes les raisons d: être ensemble s ‘ ils donnaient la priorité, dans le choix de leurs alliances, à leur accord sur l’essentiel. Cette situation est grave; c’est un succès pour l’adversaire.

Certaines divisions au sein du peuple de Dieu sont véritablement coupables, parce qu’elles s’appuient sur des différences de sensibilité personnelle ou d’interprétations sur des su jets difficiles et controversés. Mais certaines unions, que le souci du nombre a fondées sur l’équivoque au détriment du respect de la vérité, le sont sans doute autant.

Que Dieu nous aide alors à bâtir, entre professants, une véritable unité, qui honore le Seigneur et rend témoignage devant le monde de Sa venue et de l’efficacité de Sa grâce. Qu’Il nous préserve de divisions, ou d’alliances, qui feraient le jeu de l’ adversaire en affaiblissant notre capacité de proclamer «tout le conseil de Dieu, sans en rien cacher», en vue du salut de beaucoup.

Qu’ à Dieu soit la gloire, dans l’Eglise et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles des siècles! Amen! (Eph.3.21).

D.M.

Notes:
1 The nature of biblical unity, p. 380 à 392 du livre «Let the earth hear his voice». (Recueil des études et conférences présentées lors du Congrès de Lausanne pour l’évangélisation du monde, en 1974). Les citations qui suivent sont tirées de la version française de cette étude distribuée aux congressistes francophones.

2 Ibid., p. 387. 3 Ibid., p. 387 4 Ibid., p. 388 5 Ibid. p. 388. 6 Ibid., p. 388.
7 Vocabulaire de Théologie Biblique, de Xavier LEON-DUFOUR, Editions du Cerf; p.114

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  1. ma note ici