Psaumes 1 et 2
Introduction
Les poèmes et prières sont nombreux dans l’ensemble de l’Ancien Testament. Il suffit de penser aux cantiques de Moïse (Ex 15; Deut 32), au cantique d’Anne (1 Sam 2.1-10) ou au Psaume de Habaquq (Hab 3). Cependant, c’est dans le livre des Psaumes que sont regroupés les chants et pri res que les croyants de l’ancienne alliance aimaient à employer dans le culte qu’ils offraient au Seigneur. Comme nos recueils de cantiques, le psautier est une anthologie. Il contient des oeuvres de nombreux auteurs dont le plus célèbre fut le roi David. En effet, lorsque l’arche fut transportée à Jérusalem, c’est lui qui organisa le service divin. La musique instrumentale et le chant choral y avaient une place importante. Une des tâches des lévites consistait à invoquer (faire mémoire), louer et célébrer l’Eternel, le Dieu d’Israël (1 Chr 16.4). Le jour où l’arche fut placée à Jérusalem, David chargea pour la première fois Asaph et ses frères, de célébrer l’Eternel (1 Chr 16.7). D’après le témoignage biblique, la liturgie cultuelle devait être grandiose pour ne pas dire somptueuse (1 Chr 15 et 16).
La composition des psaumes s’étend sur plusieurs siècles jusqu’à l’époque de l’exil (Ps 137). A l’origine du Psautier, il y avait sans doute des collections de poèmes (Ps 3-14; Ps 51-70; Ps 138-145), poèmes d’Asaph (Ps 73-83), poèmes des fils de Qoré (Ps 42-49), cantiques des montées ou des degrés (Ps 120-134), chants de louange (Ps 113-118; 146- 150). Il n’est cependant guère possible de savoir comment et quand ce recueil s’est formé sous sa forme actuelle. Il est constitué de cinq livres tout comme le Pentateuque. Chacun de ces livres se termine par une doxologie-prière à la gloire de Dieu (Ps 41.13; 72.18-19; 89.52; 106.48; 150.6).
Le terme « psaume » dérive du grec « psalmos », traduction d’un mot hébreu « mizmar « , qui signifie instrument de musique ou chant. En hébreu, on parle du « Livre des Louanges ». Quel que soit le titre que l’on retienne – Chants de Louange – il n’exprime qu’imparfaitement la diversité, la richesse et la profondeur que nous apportent les psaumes. Que l’étude et la méditation de quelques-uns d’entre eux nous permettent de percevoir à nouveau la présence du Dieu vivant. Que le Seigneur de toute sagesse renouvelle ainsi notre adoration et notre prière.
Psaume 1 : Les deux voies
Ce Psaume s’apparente au genre sapiential (Ps 32, 34 et 49). Son langage et son contenu reflètent le style et l’enseignement de la sagesse, en particulier des proverbes (2.10-15; 20- 22; 15.20-22). Ce poème didactique est en fait une introduction au recueil dans son ensemble. Il constitue un précis du psautier et place d’emblée le lecteur devant un choix décisif. Quoique sa composition littéraire soit indépendante, des traditions juives et chrétiennes primitives ont suggéré que ce psaume soit rattaché au Ps 2. En effet, dans le manuscrit grec le plus ancien de son Evangile, Luc, citant le psaume 2, parle du psaume 1 (Act 13.33). Peut-être faut-il y discerner le souci d’offrir, en guise d’introduction, une double perspective: une vision sapientiale et englobante (Ps 1) ; une vision prophétique et messianique (Ps 2).Le fondement du juste
Heureux l’homme (1 Rois 10.8 ; lac 1.25). Cette expression, pleine d’intensité, n’évoque pas un bonheur superficiel et facile, mais celui qui envahit en profondeur l’individu qui a trouvé la clef de l’existence et qui connaît sa raison d’être. Le juste est celui qui confesse que la crainte de l’Eternel (la piété) est le commencement ou le principe de la sagesse (Pr 1.7). Mais ce bonheur, que Dieu offre gratuitement à l’homme, suppose un choix qui rappelle la première parole de la loi (Ex 20.3) et annonce les paroles de Jésus: Nul ne peut servir deux maîtres (Mat 6.24). Ce choix est d’abord négatif. Il implique un sacrifice: renoncer à un certain type de mentalité et au style de vie qui l’accompagne. En effet, que peut trou- ver le fidèle (le juste) auprès de l’homme sans foi ni loi, rebelle contre Dieu (méchant) ; auprès de l’homme qui s’égare et manque à son devoir (pécheur) ; auprès de l’homme incroyant et méprisant qui ne pense qu’à son intérêt et à son ambition (moqueur) ? Un conseil trompeur, une voie tortueuse et une communauté bruyante et creuse! Mais le rejet des fausses sécurités et des valeurs éphémères entraîne ensuite un choix positif : se tourner résolument vers Dieu. et sa parole. On peut trouver son plaisir (sa joie, ses délices) auprès d’une femme (Gen 34.19) ou dans la possession de pierres précieuses (Es 54.12). Le sage le trouve dans l’instruction (la loi) de l’Eternel qu’il ne cesse de méditer. Ce terme est souvent associé au verbe dire (Ps 38.13) et suggère que la méditation est liée à la récitation ou à la répétition orale. Le fidèle ne se contente pas d’une lecture en diagonale. Il s’arrête auprès de la parole, il prend le temps de l’approfondir car il sait que, par elle, il a accès à la pensée même de Dieu (1 Cor 2.16). Il sait qu’elle est le chemin, la vérité et la vie (Jean 14.6). Le bonheur du juste est éclairé par l’image de l’arbre. Il est plénitude, abondance et vigueur. C’est ainsi que le fidèle qui a mesuré le prix de la grâce prospère. L’écoute de la sagesse lui apporte un bien-être qui dépasse son horizon matériel.La légèreté du méchant (versets 4 et 5)
Si le sage est comparé à un arbre qui plonge ses racines dans la riche terre de la parole de Dieu, l’insensé est comparé à la balle du blé qui s’envole au moment du vannage. Le rebelle a de la paille, « la légèreté et la stérilité ». On le reconnaît à son inconsistance et à son insécurité. Ayant tourné le dos à Dieu, il s’appuie sur son idole, oeuvre de ses mains. Lorsque vient l’épreuve, l’homme qui croit pouvoir prononcer seul la parole qui donne sens à sa vie, découvre avec horreur qu’elle est éphémère et qu’il s’appuie sur « rien ». Il ne lui reste que le néant! Dans de nombreux passages, l’image de la paille évoque le sort de l’infidèle au jour du jugement – qu’il s’agisse d’ailleurs du jugement de l’histoire ou du jugement dernier (Ps 35.5 ; Job 21.18; Mat 3.19). Sa fin n’a rien d’arbitraire. Elle est la conséquence d’un choix précis. Toutes fausses apparences de stabilité et d’appartenance communautaire seront dévoilées. Effondrement et expulsion seront le lot du méchant, du pécheur.Deux voies incompatibles (verset 6)
Le psalmiste termine son poème en nous plaçant devant les deux voies de la sagesse et de la folie. Le juste réussit sur le chemin de la sagesse parce que le Seigneur veille sur sa destinée. Il prend soin de celui qui se confie en lui. Le pécheur qui se confie aux lumières de sa raison ou de ses idoles se perd dans la nuit d’un salut illusoire. Avec Calvin, nous pensons que la fin de ce psaume fait allusion au grand jour du jugement quand Christ séparera les agneaux d’avec les boucs.Psaume 2: Le règne de Dieu dans un monde en crise
Genre, contexte et thème
Ce deuxième psaume, que certains ont rattaché au psaume 1, nous offre une perspective prophétique. Il nous situe d’emblée au cour de l’histoire de la révélation, de l’histoire du salut. On le considère généralement comme un psaume royal et peut-être même d’intronisation. Mais il pourrait fort bien faire allusion à un sacre (verset 3) après une période de difficultés. Le contexte historique n’est pas évident. Comme ce poème est attribué à David (Act 4.25), on a pensé à Hammon, le roi des Ammonites qui avait accablé d’outrages les serviteurs de David, lorsqu’ils lui avaient apporté des messages de sympathie et de paix de la part de leur maître. Quoi qu’il en soit, ce psaume dépasse largement l’horizon du règne davidique au sein des nations qui l’entourent. S’il est vrai qu’il peut évoquer le lien de Dieu avec David et sa dynastie, il se réfère aussi au règne messianique. Comme le souligne le NT, seul le Messie, c’est-à-dire Jésus, incarne pleinement la royauté qui est décrite dans ce texte. En fait, ce qui permet aux premiers chrétiens de faire ce rapprochement audacieux, c’est la notion du royaume de Dieu. Celui-ci est une constante de l’histoire de la révélation. La royauté davidique est l’ombre, le type de celle que Jésus-Christ est venu manifester en attendant de l’établir définitivement lors de son avènement.
Ce psaume se subdivise en quatre parties. Dans chaque strophe, un interlocuteur différent prend la parole : les nations, le Seigneur, le Messie et le psalmiste.
Les nations
Ce psaume commence par l’agitation et la révolte des nations de la terre et de leurs dirigeants contre Dieu et son roi. Les nations s’agitent comme les flots d’une mer déchaînée. Les peuples (ou les guerriers) rugissent, grondent, murmurent à vide. Selon les uns, leur turbulence est sans lendemain; selon d’autres, elle est meurtrière et produit la désolation. En fait, les dirigeants eux-mêmes sont à l’origine de ces convulsions politiques ! Pourquoi ? Ils sont hostiles à la souveraineté de Dieu. Aussi prennent-ils position avec arrogance et conspirent- ils contre toute manifestation de son règne. Ils ne supportent pas d’être une créature dont la vie et la sagesse dépendent de son créateur. Princes, dignitaires, ils ne supportent pas d’avoir à rendre des comptes! Dans leur aveuglement, ils s’élèvent contre le joug léger de Dieu et ses liens d’amour (Osée 11.4). Au delà de la royauté davidique, c’est celle du Messie qu’ils contestent et usurpent (Act 4.23-31) !Le Seigneur (versets 4 à 6)
Face à la « puissance terrifiante » des nations, Dieu est nullement impressionné. N’est-ce pas lui-même qui a installé le roi de son choix à Sion ? On perçoit un double mouvement dans l’attitude de Dieu: Le Seigneur de l’univers, le Roi des rois rit, il se moque. Il s’amuse et ridiculise les piteux et lamentables efforts des princes de la terre, pour se rendre autonomes, pour devenir dieu. Le juge de l’univers s’indigne face à l’outrageuse audace et l’arrogance des nations qui s’élèvent contre son oint. A son tour, le Seigneur prend la parole pour affirmer solennellement que la théocratie et le royaume sont fondés sur sa sainte volonté. Il s’est choisi la dynastie de David, type du roi par excellence: le Messie (2 Sam 7.4-17).Le Messie (versets 7 à 9)
Le roi est reconnu et établi par Dieu, L’Oint, le Messie le confirme en proclamant le contenu du décret royal qu’il a reçu lors de son sacre, Par ce décret, Dieu établit la dignité et l’autorité de son élu (tu es mon fils) ; il manifeste sa royauté (je t’ai engendré); il rappelle ses privilèges: la terre entière lui appartient (v 8) ainsi que la domination juste des nations (v 9). L’accomplissement de ce projet dépasse largement ce que la dynastie davidique a pu réaliser. Il est frappant de constater que le baptême (Mat 3.13-17), la transfiguration (Mat 17.1-8), et la résurrection (Rom 1.2-6) établissent la dignité et l’autorité de Jésus, Fils de Dieu. Celui à qui appartient les extrémités de la terre et la domination manifeste son règne par la proclamation efficace de l’Evangile en attendant son retour glorieux (Act 13.16-39).Le psalmiste (versets 10 à 12)
Dieu ne désire pas la mort du pécheur, mais qu’il se repente et vive. Le psaume se termine par un avertissement et une exhortation adressés aux nations. Par leur attitude folle, elles encourent un grave danger. Le psalmiste rejoint les deux voies – la sagesse et la folie – du psaume 1. A l’agitation, aux murmures, aux convulsions et aux révoltes des peuples, il propose le discernement, l’instruction, la piété et la joyeuse soumission. Sans l’hommage et le respect rendus au fils, il n’y a ni refuge ni bonheur dans un monde en crise (verset 12).Pour continuer l’étude de ces deux psaumes, nous vous proposons quelques questions qui vous permettront d’aller plus loin.
Psaume 1
1. Lire 1 Chr 15 et 16. Evoquer le culte que David inaugure à Jérusalem.
2. Comparer les Ps 1 et 2 et tâcher d’identifier les caractéristiques sapientiales et prophétiques.
3. Reprenez pour vous-même la démarche du sage.
4. Comparer Ps 1.1-3 et Jr 17.7 et 8. Rapprochements et différences.
5. Suivez attentivement la progression du psaume: v.l et 2; v.3 et 4; v.5 et 6. Relevez les éléments constitutifs des deux voies. Quel rapport y a-t-il entre le présent et le futur?
Psaume 2
1. Comparer le psaume 2 à la prophétie de Nathan 2 Sam 7:4-17. Quelle lumière ce rapprochement apporte-t-il à la perspective messianique de ce psaume?
2. Relisez tous les passages du NT cités dans cette étude et indiquez comment ]ésus-Christ est l’accomplissement de ce psaume.
3. Si le Christ est le chef de l’Eglise, comment ce psaume s’applique-t-il à la communauté des fidèles?
4. Dans un monde en crise, ce psaume nous appelle-t-il à nous réfugier dans un salut illusoire ou à être des témoins fidèles et sages du Christ au cour de la tempête? Expliciter votre réponse.
5. Quel enseignement doit-on tirer de ce psaume pour les hommes et les femmes qui nous gouvernent?