Quelle attitude adopter envers ceux qui propagent des faussetés sur l’Écriture ?
Le texte qui suit, légèrement adapté, est extrait d’un discours tenu par J-H. Merle d’Aubigné devant des collègues pasteurs, peu avant 1850. L’auteur fut docteur en théologie et président de la direction de l’École de théologie évangélique de Genève. L’ensemble des trois discours prononcés à Genève lors de ces rencontres avait pour but d’affirmer l’autorité des Écritures dans un monde qui les conteste.
Le titre et les notes de bas de pages sont de la Rédaction.
Source : L’Autorité des Écritures inspirées de Dieu, Bureau de l’Alliance biblique, Genève, 1916.
Portrait de J-H. Merle d’Aubigné, par A. Baud-Bovy
Quand on est appelé à combattre une erreur, deux dangers se présentent : le premier, de n’avoir pas assez d’amour pour ceux qui se trompent ; le second, de n’avoir pas assez de décision contre l’erreur. Je demande à Dieu de me préserver de l’un et de l’autre. Il est des affections vraies et profondes qui résistent même à de grands naufrages : elles ont été tout au fond du cœur, et elles n’en sortiront jamais ; depuis quelque temps, je n’ai pas cessé de le sentir.
Mais, d’un autre côté, quand la base de la foi des chrétiens est attaquée, quand des jeunes, en qui l’Église plaçait beaucoup d’espoir, tombent dans le piège, entraînés par la nouveauté qui a tant de charmes à vingt ans, etmalheureusement, obstruent eux-mêmes l’entrée de leur carrière au moment où ils allaient la commencer ; quand on voit se répandre des doctrines directement opposées à celles qu’a enseignées le Seigneur de gloire, celui qui a apporté la vérité sur la terre, comment de telles choses nous laisseraient-elles muets ? « Ah! disait Calvin dans ces mêmes murs de Genève, un chien aboie bien quand on attaque son maître, et moi, je me tairais quand on attaque mon Seigneur et mon Dieu ! »
Toutefois, mes frères, je le déclare, je ne viens m’occuper ni d’un homme ni d’un enseignement particulier. Sans doute, cette réunion a une occasion spéciale ; mais mon intention est, non de lutter avec mes adversaires, mais d’affermir les cœurs de mes amis. Ne l’oubliez pas. La première de ces tâches serait pénible ; la seconde est pleine de douceur. Je ne viens pas parler à l’Église comme docteur, mais, comme ancien, prémunir ce troupeau et lui dire avec Jean : « L’ancien à ceux qu’il aime dans la vérité. Marchez dans ce que vous avez entendu dès le commencement. Nous parlons devant Dieu pour votre édification. »1
« S’il en est, disait Luther, qui reconnaissent que les écrits évangéliques sont la Parole même de Dieu, nous voulons bien parler avec eux ; mais avec ceux qui le nient, nous n’échangerons pas un mot. On ne doit pas discuter avec ceux qui rejettent les prima principia, les fondements essentiels. […] » Ainsi parle Luther. Je suivrai ce précepte.
Et en m’adressant à vous, qui êtes assemblés dans cet oratoire, je me rappellerai que présenter la vérité est le meilleur moyen de prévenir l’erreur. Il se pourrait que quelqu’un prétende un jour que le soleil n’a pas de lumière. Cela s’est vu, et, hélas ! pire encore. Si cette assertion était faite en présence de personnes auxquelles on me demanderait de prouver le contraire, je les prendrais par la main, je les sortirais de la cave, où, à la lueur d’une faible lampe, on aurait avancé cette étrange assertion, je leur montrerais le soleil, « semblable, dit le prophète, à un héros qui s’apprête à faire sa course » (Ps 19.6), et ce serait toute ma démonstration. […] Nous ne ferons pas autrement quand il s’agit de la Parole de Dieu.
Attaquées dans tous les siècles, attaquées maintenant encore, les saintes Écritures le seront aussi dans les siècles futurs. Mais vous connaissez le symbole qu’aimaient nos pères : une enclume sur laquelle trois hommes faisaient tomber les coups de leur marteau, et autour de l’enclume cette devise :
« Plus à me frapper on s’amuse,
Tant plus de marteaux on y use. »
Voilà l’histoire de la Parole écrite de Dieu.
Ne craignez donc point ! Si vous vous trouviezun jour au pied du Mont-Blanc,2 à la place où ce géant des monts jette dans la terre des inébranlables fondements, et que vous voyiez quelques petites fourmis, sortant de leur fourmilière, travailler, creuser, piquer, courir, prendre, l’une un brin d’herbe, l’autre un grain de sable, croiriez-vous que le Mont-Blanc va chanceler ? Et penseriez-vous que d’autres petites fourmis, telles que nous, dussent faire la guerre à leurs camarades pour empêcher nos Alpes gigantesques de s’écrouler ?– Non, certes. – Eh bien ! réunissez les efforts de tous les hommes qui ont en tout lieu et en tout temps attaqué la Parole de Dieu : il n’y a pas plus que cela. Je me trompe : il y a moins. La sainte Écriture, quand elle reçoit la piqûre des hommes, ne court pas même le danger auquel est exposé le Mont-Blanc quand une fourmi l’attaque. Jésus-Christ n’a pas dit seulement : « Le Mont-Blanc passera, » mais il a dit :« La terre (la terre avec ses plus hautes montagnes), la terre et les cieux passeront, mais mes paroles ne passeront point. »3