Dossier: L'autorité
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Repères sur les abus spirituels

Définition de l’abus

Le terme « abus » vient du latin abusus qui signifie « mauvais usage ». Il désigne le mauvais emploi, l’emploi excessif de quelque chose. Dans le domaine social, cette notion rejoint celle de l’injustice.
L’abus spirituel a été défini ainsi : « C’est le mauvais traitement infligé à une personne ayant besoin d’aide, d’encouragement et de soutien — traitement qui, au contraire, contribuera à affaiblir ou détruire sa vie spirituelle.1 »
C’est intéressant, mais cette définition est trop centrée sur l’expérience de l’individu abusé. Certaines personnes sont des hypersensibles qui sont trop facilement blessées ! Le sentiment d’être maltraité ne légitime pas forcément la qualification d’abus.
Je dirais donc qu’un abus est avant tout un péché commis sur autrui, notamment par un responsable d’Église. C’est l’Écriture qui doit définir ce qu’est ce péché, qu’il soit intentionnel ou pas, et c’est par ce biais que doit être évalué l’abuseur.
L’abus spirituel, au-delà de sa laideur intrinsèque, démotive et déresponsabilise ceux et celles qui en sont victimes. Bien souvent, cette perte de zèle s’accompagne d’une vraie tristesse, d’une dévalorisation de soi.

Le cadre spirituel général dans une Église

Le cadre suivant présente les éléments d’un code de conduite susceptible d’éviter une situation d’abus spirituel.

L’autorité est en Dieu seul

Dieu œuvre à tout réunir sous un seul chef, le Christ (Éph 1.9-10), qui est le chef suprême de l’Église (Éph 1.22 ; Col 1.18).
Ainsi, toute autorité humaine n’est que délégation et ceux qui la reçoivent en rendront compte à Dieu. Une telle délégation présuppose un cadre, des tâches spécifiques et des limites (cf. Mat 28.18-20 ; Héb 13.17). Prétendre posséder une autorité « de la part du Seigneur » pour parler à d’autres en dehors de ce cadre peut être une forme d’abus spirituel.

Le responsable a une obligation de moyens

La manière dont un responsable se comporte est plus importante que le résultat de son service. Il a une exigence de moyens mais pas de résultat — il ne doit pas changer sa manière de faire (douceur, enseignement) pour tenter d’obtenir un meilleur résultat (en utilisant, par exemple, la manipulation ou la menace).
Des comportements dénoncés ou encouragés dans l’Écriture forment un socle utile pour comprendre ce que peut être l’abus spirituel :
 Jésus dénonce l’hypocrisie des religieux : ils préfèrent leurs propres traditions à l’autorité de l’Écriture (Mat 15.1-9) ; ils disent mais ne font pas, exigent beaucoup des autres, cherchent à être admirés, exigent d’être appelés par leur titre, profitent financièrement des gens vulnérables, ne savent pas distinguer le secondaire de l’essentiel, notamment « le droit, la miséricorde et la fidélité », et sont incapables de reconnaître leur corruption intérieure (Mat 23).
 Paul demande au serviteur de Dieu de ne pas avoir de querelles, et de montrer de la bienveillance envers tous, y compris les adversaires qu’il doit reprendre avec douceur ; il compte sur l’œuvre de Dieu qui est toujours à l’origine de toute repentance authentique (2 Tim 2.24-26).
 Pierre exhorte les anciens à s’occuper de l’Église de bon cœur, sans aigreur, sans chercher à profiter de cette charge, sans menacer ou dominer, sans revendiquer leur statut, mais en étant surtout un exemple pour ceux que Dieu lui confie, en manifestant un esprit humble qui attend du Seigneur l’ultime approbation de son travail (1 Pi 5.1-5).
 Pierre, Jean, Jude et Paul mettent aussi l’accent sur la protection de l’Église face aux loups et aux diviseurs (1 Jean 4.1 ; 2 Cor 11.14 ; Tite 1.10 ; 3.10-11 ; Jude 1.4,18 ; cf. Apoc 2.18).
 1 Corinthiens 13 met en avant la prévalence de l’amour dans l’exercice des dons spirituels. Pierre fait de même (1 Pi 4.7-11). Aucun talent (enseignement, exhortation, conseil, etc.) n’a de valeur en l’absence d’amour.
L’exercice du ministère sans bienveillance ni paix est une forme d’abus spirituel.

Les chrétiens ont une exigence de soumission réciproque

Le N.T. contient aussi beaucoup d’exhortations sur la qualité relationnelle qui doit régner dans l’église :
• Toute l’Église doit vivre sous le principe d’une soumission mutuelle (Éph 5.21). Dans un certain sens, nous sommes chacun à la fois en position de leadership et en position de suiveur, y compris les pasteurs.
• Matthieu 18.15-20 place chaque disciple devant l’obligation d’être le gardien de son frère, quitte à demander l’arbitrage de la communauté. Et s’il n’écoute pas, d’être entouré de gens qui pourront arbitrer lorsqu’un avis adverse est exprimé. Galates 6.1-5 exhorte chacun à exercer de la douceur lorsqu’un frère défaille.
• Les relations dans l’église doivent être empreintes de douceur et viser l’unité (Phil 2 ; Col 3-4 ; Éph 4-6, etc.)
L’ambiance et la santé d’une église dépendent de la contribution de tous, et non de la seule expression du leadership de ses responsables.

Les chrétiens ont un devoir de respect envers les responsables

La Bible enseigne le principe du respect des responsables : « Obéissez à vos conducteurs et soyez-leur soumis. Car ils veillent au bien de vos âmes, dont ils devront rendre compte. Faites-en sorte qu’ils puissent le faire avec joie et non en gémissant, ce qui ne serait pas à votre avantage » (Héb 13.17 version Segond 21). Le choix de respecter et de suivre les responsables est propre au disciple (personne ne lui impose cette attitude).
Cette attitude est reprise dans plusieurs passages du N.T. (1 Thes 5.12-13 ; 2 Thes 3.14 ; 1 Cor 16.16 ; 1 Pi 5.5). Un comportement d’opposition et de rejet, de non-remise en cause de soi, est une forme d’abus spirituel inverse, envers les responsables.
En résumé, il y a bien dans les Églises des hommes et des femmes censés conduire les assemblées. Ceux-ci doivent s’acquitter de cette tâche avec bienveillance, conscients qu’ils ne font que servir ceux que Christ a rachetés. Ils devront rendre compte de leur service (Héb 13.17). Les membres des Églises doivent encourager ce service, tout en restant attentifs à ne pas se laisser entraîner par des attitudes ou des comportements coupables de responsables abusifs. Ensemble, l’Église porte la responsabilité de l’édification mutuelle, portée par l’Esprit Saint (cf. 1 Cor 12.7 ; 1 Pi 4.10-11).

Synthèse sur les abus spirituels

La pastorale de notre union d’Églises a conclu qu’il y a abus spirituel lorsqu’une personne (notamment un responsable) agit contrairement aux principes bibliques évoqués (particulièrement si c’est répétitif), notamment par un comportement :
• sans maturité spirituelle (c’est-à-dire sans un esprit de paix, de conciliation, de douceur, de patience et de vérité, etc.) ;
• ou sans exemplarité minimale (elle est empêtrée dans les comportements qu’elle dénonce) ;
• en exerçant une pression psychologique inacceptable (que ce soit par menaces, harcèlements, ton de la voix, contexte inapproprié, etc.) ;
• sur un groupe ou sur une personne (rencontre individuelle ou de groupe) ;
• en détruisant l’autonomie humaine, psychologique et spirituelle d’une personne ou d’un groupe (sans faciliter une prise de conscience de l’intéressé ou une discussion collective) ;
• en sorte que les décisions ou orientations d’une personne ou d’un groupe sont verrouillées (sans discussion ni avancements possibles en dehors des directives de l’abuseur) ;
• et ne viennent pas du cœur de l’individu ou du groupe concerné.
Il n’y a pas abus spirituel, lorsqu’une personne (même un responsable) rappelle les vérités morales ou théologiques de la Bible :
• avec respect et douceur ;
• jusqu’à demander la repentance et le changement ;
• même si cela aboutit à une discipline d’Église (cf. Mat 18) ;
• en restant toujours ouvert à être repris par d’autres (et notamment par d’autres responsables).

Le service du responsable doit donc s’exercer :
1. par l’exemple,
2. avec amour et douceur,
3. dans l’humilité,
4. en étant fidèle à la Bible,
5. en évitant les conflits,
6. en protégeant l’Église des « loups »,
7. en comptant sur Dieu.

Le comportement d’un chrétien doit être bienveillant, viser l’unité et l’encouragement réciproque. Il doit faciliter le ministère des responsables par une attitude constructive et respectueuse.
Pour prévenir les abus spirituels, il est nécessaire de créer une culture d’Église spirituellement équilibrée :
• Une ambiance de grâce : prédication, conseil, dialogue doivent exprimer que Christ est le seul héros de la Bible, et que le pécheur trouve un secours réel auprès de lui. Que personne n’est exempt de la difficulté du péché, et des luttes qu’elle génère.
• Une recherche sincère de sainteté : l’Église doit également être un groupe où l’on est encouragé à dépasser la médiocrité ambiante.
• Un environnement de transparence pour partager avec simplicité ses fardeaux ou ses manquements au sein de petits groupes qui se respectent suffisamment pour maintenir la confidentialité.
• Une culture d’encouragement réciproque : apprendre à donner et à recevoir des conseils. Apprendre à juger de l’intérêt d’en donner ou non, ou d’écouter ou non tel conseil !

 

 

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  1. David Johnson, Jeff Van Vonderen, Le pouvoir subtil de l’abus spirituel, Emeth Éditions, 1998.
Varak Florent
Florent Varak est pasteur, auteur de nombreux livres. Il est aussi conférencier, et professeur d’homilétique à l’Institut biblique de Genève. Il est le directeur international du développement des Églises au sein de la mission Encompass liée aux églises Charis France. Il est marié avec Lori et ont trois enfants adultes ainsi que quatre petits-enfants.