Dossier: La famille, un défi pour aujourd’hui
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Rester à la maison : quel travail !

Repas de mariage — tout le monde s’installe à table et chacun essaye de faire un peu connaissance :
« Vous faites quoi dans la vie ?
– Ben, rien, enfin, si, je m’occupe de mes enfants.
– Ah bon, vous n’avez pas fait d’études ?
– Oui, oui, des études de médecine. »
Suit un « ah » de dépit (sous-entendu : « Vraiment, c’est un peu du gâchis ! »).
À la table d’à côté, la soirée commence par le même type de question :
« Vous travaillez ?
– Oui, je travaille dans une société d’assurance.
– Ah bon, vous n’avez pas d’enfants ?
– Oui, j’en ai trois.
– Mais qui s’en occupe ?
– Il y a une nounou qui vient le soir après l’école. »
Suit un « ah » réprobateur (sous-entendu : « Vraiment, est-elle bien à sa place, cette mère ? »).

Quelle mère de famille ne s’est jamais trouvée dans ce type de situation, se sentant jugée sur son choix de travailler au dehors ou de rester à la maison pour s’occuper de ses enfants ?

Et avant de connaître cette situation, laquelle n’a jamais eu quelques difficultés à faire ce choix ? Et auprès de qui a-t-elle pu trouver de l’aide ? Les idées reçues sont parfois tellement ancrées qu’il est difficile d’aborder ce sujet sereinement. Pour certain(e)s, la place de toute femme chrétienne qui se respecte est à la maison, auprès de ses enfants. Pour d’autres, ne pas mettre à profit plusieurs années d’études est vraiment dommage : une femme instruite devrait travailler en dehors de la maison.

Or le choix (si choix il y a) est souvent loin d’être simple. La Parole de Dieu nous encourage toujours dans notre rôle de femme chrétienne, auprès de notre mari et de nos enfants ; elle nous incite aussi à pratiquer les bonnes œuvres. Toutefois, bien qu’étant notre guide dans toutes nos décisions, la Bible ne nous donne pas de réponse toute faite sur le sujet du travail.

Je voudrais partager avec vous quelques réflexions sur ce sujet, sans avoir la prétention de trancher cette question et sans chercher à être exhaustive, mais plutôt pour donner quelques pistes à celles qui se trouvent devant ce choix.

Avant tout, évacuons un problème de vocabulaire : une femme qui reste à la maison travaille ! Quand quelqu’un qui ne me connaît pas me demande : « Et toi, tu travailles ? » (sous-entendu, en dehors de la maison), je réponds : « Oui, beaucoup, mais je ne suis pas payée ! » C’est vrai que, bien que restant à la maison, j’ai quand même l’impression de travailler !

Vivre, c’est choisir !

Toute notre vie nous sommes amenées à faire des choix. Celui-là est spécialement important. Mais, comme tous les autres, faisons-le :
• dans la prière,
• avec notre mari,
• avec sagesse, en pesant le pour et le contre,
• avec bon sens,
• en prenant conseil, sans oublier que personne ne doit nous imposer un choix.

Quelques questions à se poser avant de faire son choix

Parfois le choix n’est pas simple… Voici quelques questions qu’on peut se poser :

• Avons-nous, mon mari et moi, le même avis sur ce sujet ? Ce peut être l’occasion de parler (ou de reparler) à cœur ouvert de la place du mari et de la femme dans notre couple, de nos priorités, de la répartition des tâches ménagères, de notre rôle en tant que père et mère.

• Avons-nous besoin d’un deuxième salaire ? Ce sujet des finances est très délicat. Par exemple, vivre en région parisienne est très coûteux. Pour certains couples, la question ne se pose même pas : le mari et la femme doivent travailler pour faire face à toutes les dépenses. D’autres fois, la réponse n’est pas évidente : se priver d’un deuxième salaire revient en fait à diminuer son train de vie. Et il faut être honnête dans son choix. Là encore, il est indispensable que ce soit un choix fait à deux.

• Ai-je l’énergie pour faire face à la reprise d’un travail ? Chaque être humain a des capacités différentes, des dons différents, une santé différente. Travailler à la maison n’est pas de tout repos ; mais mener de front travail au dehors et travail à la maison peut sembler insurmontable. Chacune doit faire en fonction de ses capacités ; Dieu ne nous demande pas d’aller au-delà.

• Est-ce que je me vois « entre quatre murs » ? Bien sûr, élever des enfants donne des occasions de sortir de chez soi (!), mais quand on a un seul bébé, on reste quand même de longues heures enfermée pendant ses siestes. Faisons en fonction de notre caractère. Il peut être bien plus bénéfique pour tout le monde que la mère travaille, pourquoi pas à temps partiel, plutôt que de rester chez elle et d’être déprimée. Et si nous avons choisi de rester à la maison et que cela nous est un peu difficile, soyons bien persuadées que Dieu nous aidera dans cette situation.

Quand le choix paraît simple

Vous devez avoir un travail salarié pour une raison évidente : par exemple, votre mari n’est plus là ou il ne peut pas subvenir aux besoins de votre famille pour diverses raisons (maladie, handicap, chômage). Au contraire, vous restez à la maison pour une raison qui vous est propre : par exemple, vous aviez décidé en vous mariant que vous arrêteriez de travailler dès qu’un enfant arriverait, et vous assumez pleinement ce choix.

Assumer son choix

Quand le choix est fait, assumons-le ! Rien n’est pire que de vivre une situation en imaginant sans cesse ce que serait notre vie si on avait fait un autre choix. Dieu nous demande de vivre ici et maintenant, dans la joie et dans la paix. C’est Satan qui nous souffle : « Ce serait certainement mieux si tu étais dans une autre situation… tu pourrais faire ceci ou cela. »

C’est facile, me direz-vous, mais moi, je me retrouve à la maison parce que je n’ai pas le choix : mon mari voyage tout le temps, mon travail m’amenait à voyager aussi, nous n’avons pas de famille sur place ; l’organisation serait impossible, il nous faudrait deux nounous, et même une la nuit !

Ou bien, moi je suis obligée de travailler pour une raison financière, alors que je rêverais de rester à la maison…

Je ne vois qu’une solution : apporter votre situation à Dieu ; il la connaît déjà, il vous aidera à la supporter, ou, mieux encore, à vous y épanouir (?), et peut-être, plus tard, à en sortir…

Quelques avantages et quelques « risques » à rester à la maison

Pour le vivre depuis quelques années, et aussi pour en avoir beaucoup parlé avec des amies, je peux affirmer que travailler à la maison procure beaucoup de joies et peut nous apporter un plein épanouissement en tant que femme, quelles que soient les idées véhiculées dans la société. Par ailleurs, ce travail sollicite des compétences dans des domaines très variés. De plus, nous sommes plus flexibles dans la gestion de notre temps et plus disponibles pour notre famille, pour l’église, pour notre prochain. Il est vrai que notre disponibilité varie en fonction de l’âge des enfants. Et il ne serait pas sage de s’engager dans trop d’activités, au risque de ne plus avoir assez de temps pour sa famille…

On pourrait allonger la liste des privilèges à rester à la maison. Mais on oublie parfois de parler des difficultés que l’on peut y rencontrer. En voici quelques unes :

Perte d’estime de soi

Il faudrait plus que quelques lignes, et surtout quelqu’un de plus qualifié que moi, pour aborder ce sujet. Mais on peut constater que les mères au foyer ont parfois une fâcheuse tendance à se dévaloriser. Alors, si un mari lit cet article, n’oubliez pas de remercier régulièrement votre femme de tout le travail qu’elle accomplit, et dont vous n’avez pas toujours conscience. Et vous pouvez aussi essayer l’expérience suivante. Vous prenez une journée de congé et vous proposez à votre femme de « prendre sa journée » elle aussi, en vous laissant maison et enfants. Vous êtes plein d’entrain pour accompagner les enfants à l’école, leur préparer un bon repas à midi, faire tourner un lave-linge (c’est un peu plus long que prévu car depuis la naissance du petit dernier, vous ne l’avez plus utilisé…), aider aux devoirs en rentrant de l’école, tout en occupant la petite sœur qui n’aime pas trop être délaissée… Bref, le soir, quand votre femme rentre de son escapade, vous êtes content d’avoir bien profité de vos enfants, mais vous n’avez fait « que ça » et vous lui dites : « Je n’imaginais pas que c’était aussi fatigant de rester à la maison ! ». Maintenant, vous êtes en mesure de la comprendre encore mieux…

Difficulté à organiser ses journées

Quand les enfants sont tout-petits, la question ne se pose pas vraiment. Mais quand tous les enfants sont scolarisés, arrive une impression de liberté… relative. Liberté, car, après tout, on est seules « maîtres à bord de la maison », après Dieu. Et donc c’est à nous de décider si on va faire ses courses dès qu’on a amené les enfants à l’école, si on met tous les jours les petits plats dans les grands en passant la matinée à cuisiner, si on prend le temps d’un moment avec Dieu alors qu’il y aurait mille choses à faire, si on va voir une voisine malade, si on va faire une balade en forêt, etc.

Bien sûr, on peut s’organiser militairement, mais on risque alors de passer à côté de choses imprévues que Dieu avait peut-être préparées pour nous.

Ne pas assez autonomiser ses enfants

Là aussi, il est difficile de généraliser. Mais, en étant à la maison, une femme a sûrement davantage tendance à prévenir tous les besoins de ses enfants. C’est plus que normal pour un bébé : la maman est là pour ça ! Mais quand un enfant grandit, il me semble tout aussi normal de lui apprendre à participer à quelques tâches dans la maison — même s’il est parfois moins fatigant (car moins sujet à conflit !) de les faire à sa place ! Un ado (garçon ou fille) qui ne prend même pas la peine de porter son linge à laver dans le coffre à linge va peut-être avoir plus de mal quand il devra voler de ses propres ailes… Et aider sa mère est un bon moyen de lui montrer qu’on reconnaît son travail et qu’on la respecte.

Bien sûr, ce ne sont là que quelques aspects de la vie d’une femme au foyer, et ils ne sont pas du tout normatifs. Chacune a son propre vécu et rencontre des difficultés sur des points différents. Et certaines vivent cette situation dans une totale sérénité.

Changer ?

N’ayons pas peur du changement. Sans tout remettre en cause en permanence, n’hésitons pas à nous poser de temps en temps la question de notre situation professionnelle. Ce n’est pas parce qu’on a arrêté de travailler quand nos enfants sont nés, que cette situation doit durer jusqu’à la fin de notre vie. Là encore, chaque couple doit évaluer et gérer ses priorités, qui diffèrent d’un foyer à l’autre et évoluent aussi dans le temps.

Encourager

Nous sommes mère, belle-mère, sœur un peu plus âgée dans l’église. Nous avons parfois une idée bien arrêtée sur le sujet, idée forcément influencée par notre vécu. Alors essayons de ne pas penser que notre choix personnel (ou notre conviction sur ce sujet — les deux peuvent différer si nous ne nous sommes pas épanouies dans ce choix) est la meilleure solution pour toutes les femmes qui nous entourent, dans notre famille et dans notre église… Réalisons que chaque femme est différente, que chaque situation est différente et essayons de comprendre, d’avoir du discernement, surtout si on vient nous questionner. Bannissons les jugements à l’emporte-pièce ou les petites réflexions acides et culpabilisantes. Et encourageons-nous mutuellement à toujours chercher la place où Dieu nous veut !

Conclusion

Un choix difficile, d’autant que de lui va dépendre votre épanouissement, et donc forcément celui de votre famille… Alors beaucoup d’inquiétude ? Non, si nous sommes persuadées que notre Dieu est bon, qu’il veut notre bien, et si, quoi que nous décidions, nous faisons tout « comme pour le Seigneur » !

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Prohin Anne
Anne Prohin, mariée et mère de deux filles adultes, est collaboratrice de la revue Promesses. Orthophoniste de forma- tion, elle a interrompu son activité professionnelle il y a 20 ans pour s’im- pliquer bénévolement auprès des immigrés dans une association locale ainsi qu’à la Gerbe (association humanitaire chrétienne) où elle donne des cours de français langue étrangère.