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Samson: l’homme de tous les espoirs

(Juges 13)

Si Samson vivait aujourd’hui, les équipes sportives s’arracheraient ses services à coups de millions de dollars. Arrière en rugby, personne ne passerait; attaquant, les meilleures défenses seraient enfoncées. En lutte, boxe, judo, les titres olympiques ne seraient que pure formalité. De leur côté, gouvernements et armées feraient tout pour l’embaucher comme garde de corps présidentiel ou comme membre d’une troupe de choc chargée de pénétrer les premières lignes ennemies.

Samson est unique. Jamais un homme n’a été aussi fort que lui. Déchirer un lion rugissant à mains nues; tuer mille hommes avec la mâchoire d’un âne; arracher, puis transporter sur ses épaules les portes massives d’une ville côtière au sommet d’une montagne située à plus de 60 kilomètres; briser les liens les plus solides comme du fil brûlé au feu; voilà de quoi nous laisser songeurs. A tort, beaucoup voudraient le ranger parmi les personnages mythologiques: qu’un monsieur Superman ait existé leur paraît impossible. Pour la Bible aucun doute n’est permis : Samson fut un homme en chair et en os doté par Dieu d’une force exceptionnelle.

Mais Samson est plus qu’un paquet de muscles. il est aussi une intelligence des plus lucides. Comme un champion d’échecs qui livre simultanément plusieurs parties les yeux fermés, Samson est prêt à relever tous les défis. Sa supériorité l’assure d’avance de la victoire. Ses énigmes sont fermées à toutes les perspicacités réunies.

La particularité de Samson se manifeste aussi par sa naissance. Comme pour les plus grands hommes de Dieu, un ange annonce sa conception miraculeuse et sa consécration au ministère dès le sein maternel. Gabriel a été envoyé pour Jean-Baptiste le plus grand prophète de l’ancienne alliance (Mat 11.11 ) et pour Jésus le Fils de Dieu (Luc 1.19, 26); l’ange de l’Eternel est présent pour Samson.

Quant au ministère de Samson, il est lui aussi exceptionnel. Contrairement à l’opinion répandue, notre juge n’est pas un homme charnel. Comme nous le montrerons dans trois prochaines études: aucune immoralité sexuelle, aucun égoïsme ou appât du gain, pas de mesquinerie, mais un sens profond du ministère, et un esprit sensible à la justice divine. Sa spiritualité est relevée à quatre reprises dans le livre des Juges (13.24; 14.6,19; 15.14), plus que celle de tous les autres juges réunis. Le Nouveau Testament le place, lui aussi, parmi les héros de la foi (Héb 11.32).

Si Samson est exceptionnel, il est aussi énigmatique. Ses paroles et gestes portent toujours plusieurs niveaux de compréhension. Ses actes symbolisent, jusque dans les moindres détails, une leçon spirituelle. Ni ses parents (14.4), ni ses contemporains de la tribu leader de Juda (15.11-13), ni les commentateurs modernes n’ont compris le sens de son ministère. Reproches et moqueries n’ont fait que pleuvoir sur cet homme. Autrefois comme aujourd’hui, Samson est un des personnages bibliques les plus mal compris.

Si le lecteur veut être éclairé sur cet enfant du soleil (c’est le sens de son nom), il devra laisser de côté certains clichés et préjugés. Le texte inspiré devra être le seul guide. Une étude du contexte servira de point de départ à notre réhabilitation de Samson.

Un peuple élu à l’agonie

Depuis quarante ans, le peuple élu vit sous la domination des Philistins (13.1), soit une durée deux fois plus étendue que toute autre oppression du temps des juges (20 ans du temps de Débora: 4.3). Contrairement aux situations antérieures, le châtiment infligé par l’Eternel ne produit aucun repentir. Même après quarante ans, le peuple continue, sans sourciller, à marcher dans la rébellion.

Le jugement de Dieu ne semble plus produire ses effets. L’humiliation par les ennemis est acceptée. Vingt ans, quarante ans. Israël ne réagit plus. Le peuple élu semble résigné à son sort. Il faut dire à la décharge de cette génération que la domination des Philistins est différente des autres. Ce peuple ne dévaste pas systématiquement le pays à la madianite, mais il se contente d’une cohabitation plus ou moins paisible avec Israël. Il ne s’oppose pas à des mariages interethniques si les autres peuples s’intègrent à ses coutumes et obéissent à ses autorités. Israël accepte cette soumission (15.9-13). Les compromis de la cohabitation paraissent préférables à la guerre. Pour Israël, la vie n’a pas de prix.

Les Juifs tiennent à la vie, mais sont-ils encore en vie? Physiquement peut-être, mais pour combien de temps ? Spirituellement, il ne reste rien. Comme l’électrocardiogramme qui a cessé d’osciller, l’apathie du peuple est révélatrice de la situation. La flamme de la spiritualité est éteinte. Dieu doit intervenir de façon radicale pour redonner vie à ce qui est moribond.

Vers une nouvelle création

L’Eternel va susciter une vie nouvelle. Pour cela, il va prendre une femme stérile, et à cette femme symbolisant la mort (puisque privée de descendance ), Dieu donnera la possibilité d’engendrer. Son enfant ne sera pas comme les autres. Porteur de toutes les promesses tant sur les plans physique, intellectuel que spirituel, Samson est le signe d’une nouvelle humanité.

Il faut noter ici que l’engendrement par une femme stérile apparaît dans l’Ecriture chaque fois que Dieu veut marquer du fer rouge une étape importante de son oeuvre rédemptrice. Isaac est le fils de la promesse; Samuel est un prêtre divinement mandaté pour oindre les deux premiers rois en Israël; Jean-Baptiste annonce le Messie. Le Christ lui-même est né d’une vierge. Dans son cas, le miracle symbolisant la nouvelle création est encore plus manifeste. Jésus est vraiment le nouvel Adam (Rom 5.12- 21). Ainsi, le miracle marque la rupture avec l’ordre (corrompu) du passé.

Samson annonce une nouvelle étape. Les hommes traditionnels ayant échoué, Dieu fait du neuf. Avec Samson, il préfigure la pleine rédemption liée au Messie.

La caractéristique première de ce nouvel être n’est pas sa force, mais sa consécration. Le récit de la naissance de Samson (le chapitre 13) s’étend à trois reprises sur le thème de la consécration (13.4-5,7, 14), alors qu’il se contente de signaler une fois seulement la force du juge: il commencera à sauver Israël de la main des Philistins (13.5). La consécration est fondamentale, la force secondaire. En fait, la première engendre la seconde. La consécration conduit à la force. Celui qui est attaché à Dieu est invincible, car Dieu est avec lui. Si Samson est fort, c’est parce qu’ il est consacré. Comme autrefois Israël était invincible dans ses jours de fidélité, Samson est invincible. La force du juge rappelle celle du peuple élu dans le passé.

Les signes de la consécration

La consécration de Samson sera marquée par deux éléments: l’un se rapporte à ce qui entre dans le corps (boisson et nourriture), l’autre à ce qui sort du corps (les cheveux qui poussent). Aucun vin ou liqueur ne seront bus, ni rien d’impur mangé; les cheveux ne seront jamais coupés. Ces prescriptions sont conformes aux lois sur le naziréat (Nomb 6). Comme Samson est consacré dès sa conception, l’ interdiction relative aux aliments est aussi imposée à sa mère pour le temps de la grossesse.

Comment comprendre ces deux symboles de la consécration ? Penchons nous pour commencer sur les aliments. Les nourritures impures ne posent pas de problème particulier puisqu’elles étaient interdites à tous les Juifs. Le cas du vin et des liqueurs est différent. Les Israélites en consommaient librement. En particulier lors de certaines fêtes, une partie de la dîme était dépensée devant la maison de l’Eternel. Vin, liqueurs et diverses nourritures de choix étaient servis à la famille élargie (Deut 14.26- 27). Pour le peuple, la seule interdiction attachée au vin et à tous les fruits de la vigne (comme à toute autre culture) était liée à l’année sabbatique. Le Juif devait faire relâche de tout travail; la vigne était laissée en friche et la récolte abandonnée à Dieu. Seuls les pauvres et les animaux pouvaient en disposer (Ex 23.11).

Pour les naziréens, la situation était différente. La loi du naziréat interdisait non seulement le breuvage alcoolisé (comme l’indique le livre des Juges), mais tout le fruit de la vigne (y compris pépins et peau: Nom 6.4). Ainsi, l’impossibilité de cueillir, et donc de consommer les fruits de la vigne, n’était plus limitée à la septième année. Certaines exigences de l’année sabbatique étaient étendues à toute la période consacrée au Seigneur. La remise d’ un septième à l’Eternel était insuffisante. La consécration totale exigeait un don total. L’engagement du naziréen le privait des fêtes où vin et liqueurs coulaient avec largesse. Sa vie ne lui appartenait plus. Détente, repos et festivités étaient repoussés à l’expiration de son engagement.

L’interdiction liée aux cheveux rejoint le symbolisme de l’année sabbatique. Ne pas couper les cheveux rappelle le repos de la terre. Vigne non taillée et cheveux non coupés se ressemblent, surtout lorsque ces derniers sont laissés libres au vent. De plus, comme la croissance des plantes, la croissance des cheveux est signe de fertilité. Si le produit de la terre (les récoltes) doit être abandonné au Seigneur, ainsi en sera-t- il du produit de la tête (les cheveux).

En offrant au Seigneur ses cheveux, le naziréen exprime symboliquement son désir de lui consacrer ses pensées (car l’activité principale de la tête est de type cérébral). Apporter ses cheveux au Seigneur, c’est s’engager à lui consacrer tout le produit de sa réflexion. Le Nouveau Testament exhorte, lui aussi, le fidèle à rejeter toute pensée impure et à être renouvelé dans son intelligence (Rom 12. 1-2; Eph 4.20-24).

Ainsi, si la consécration est liée à la force (comme nous l’avons vu plus haut), elle est aussi attachée à l’intelligence. Si elle produit la première, elle engendre aussi la seconde. Celui qui est consacré se remplira 1’esprit des pensées du Seigneur. Ce faisant, il ne pourra que dépasser en sagesse l’intelligence voilée des pécheurs.

A la lumière de ce qui précède, on peut ajouter une remarque sur l’interdiction liée au vin et aux liqueurs. Si le serviteur consacré doit s’abstenir de tout alcool, c’est aussi pour garder un esprit clair. Comme un gendarme en exercice doit s’abstenir de tout alcool, ainsi en est-il du naziréen pendant son temps de service. Certes, l’interdiction s’étend à tout le fruit de la vigne (y compris pépins, peau et raisins secs: Nom 6.3-4), mais n’est-ce pas pour mieux marquer l’absolu de cette loi? Aujourd’hui, des personnes sont parfois exhortées à s’abstenir de toute goutte d’alcool.

Un ministère d’éclaireur

Samson est totalement consacré au service du Seigneur. Mais pour quel ministère ? L’ange avait annoncé que le fils de Manoah commencerait à sauver Israël (13.5). Le peuple ne s’étant pas repenti comme les générations précédentes, le ministère de Samson ne consiste pas à délivrer Israël, mais seulement à commencer à le faire. La tâche prioritaire de Samson n’est pas de soulager ses frères de la main des Philistins, mais de les affranchir d’eux-mêmes, c’est à dire de leur péché.

Appelé fils du soleil, Samson doit chercher à éclairer ses contemporains sur leur situation, sur leur péché, sur leur incrédulité, sur les dangers du compromis et du syncrétisme religieux, mais aussi sur la force des fidèles et la certitude de leur victoire. Comment enseigner ce peuple endurci ? Par un discours? Mieux, par des exemples et des leçons de choses. Les chapitres 14 à 16 en sont remplis; ils seront l’objet de nos prochaines études.

Le symbolisme de l’ange et des parents

Samson est le personnage clé de notre texte, mais il n’est pas le seul acteur. Le chapitre 13 mentionne trois autres créatures: l’ange de l’Eternel, la mère de: Samson et Manoah son père. Leurs rôles ne sont pas négligeables.

La présence du messager céleste marque l’intérêt divin: l’Eternel s’engage directement en faveur de ce juge. Seul Gédéon avait été honoré par une telle présence, et suite à son appel miraculeux, la puissance divine s’était particulièrement manifestée durant son ministère: double prodige de la toison, puis surtout déroute de cent vingt mille hommes par une poignée de fidèles non armés (8. 10). Les autres juges n’avaient bénéficié ni d’une présence angélique ni de miracles aussi tangibles.

Si Dieu envoie un ange pour Gédéon et pour Samson, la présence divine pour Samson est encore plus manifeste. (1 )L’ange se révèle avant la conception (13.3), et pas seulement lors de l’appel (6.11). (2)ll apparaît à deux reprises et à deux personnes (la mère et le père) ; alors que Gédéon était le seul témoin d’une apparition unique. (3) Le miracle de l’offrande consumée est plus étonnant dans le cycle de Samson, car l’ange ne disparaît pas simplement (6.21), mais il monte dans la flamme (13.20). (4) Lors du deuxième prodige, des révélations supplémentaires sont apportées: l’offrande est appelée holocauste (13.16, 19) et l’ange sans dévoiler son nom précise quand même qu’il est un mystère (littéralement: merveilleux) (13.18).

Les actes de Samson seront à la hauteur de l’intervention de l’ange. Si Gédéon a dû limiter son armée à trois cents soldats, Samson est seul. Ses victoires sont encore plus éclatantes que celle du fils de Joas, car la présence de l’ange de l’Eternel dès la conception préfigure un ministère extraordinaire.

Si l’on passe aux parents, on peut noter que leur vie annonce le même message que la vie de leur fils: dans un monde sclérosé, l’espoir est possible si les incrédules laissent une petite place aux fidèles. Comme Samson, sa mère est sensible à l’Eternel, alors que Manoah est endurci à l’image d’Israël.

Dans la rencontre avec l’ange, la mère tient la première place. Le messager céleste vient vers elle, plutôt que vers le chef de famille. Même lorsque ce dernier implore Dieu, l’ange retourne vers la femme, et choisit de la rencontrer lorsque elle est seule. Par ailleurs, des deux conjoints, c’est l’épouse qui discerne rapidement la particularité de ce messager (il avait l’ aspect d’un ange de Dieu: 13.6); c’est encore elle qui avec bon sens rassure son mari sur l’ issue positive de l’entrevue avec l’ange(13.23).

L’homme, de son côté, cumule les imperfections. il doute des propos de sa femme puisqu’il veut lui-même entendre l’ange sur les directives à suivre (13.8). La simple répétition des instructions angéliques (13.14) témoigne de l’inutilité de la requête. Le mari doute de sa femme une deuxième fois, lors du retour de l’ange (Est-ce toi qui a parlé à cette femme?: 13.11).Manoah tarde à discerner la nature particulière de l’ ange (13.16), et quand enfin il la reconnaît, il en tire une mauvaise conclusion (13.22). Terrifié, l’homme semble avoir la mauvaise conscience de l’ incrédule et de l’endurci à qui la bonté du Seigneur est cachée.

Toute une génération est illustrée parce couple. Quand les chefs endurcis font obstacle à l’oeuvre divine, Dieu doit utiliser pour son oeuvre des gens placés, par nature, au second rang: une épouse plutôt qu’un mari; un inconnu de Dan plutôt qu’un magistrat de Juda. Le dépassement des structures hiérarchiques témoigne de la cécité des leaders qui ne peuvent manifestement plus servir de guide.

Le ministère du fils du soleil aura pour but de redonner du discernement au peuple. Dans nos prochaines études, nous nous efforcerons de comprendre le message de Samson, cet homme de tous les espoirs.

D.A.

     Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait.

Rom 12.2

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Arnold Daniel
Daniel Arnold a été, pendant de longues années, professeur à l’Institut biblique Emmaüs. Membre du comité de rédaction de Promesses, il est un conférencier apprécié et l’auteur de nombreux livres, parmi lesquels des commentaires sur des livres bibliques.