Dossier: Guerres et famines - Témoignage
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Se tenir aux côtés des victimes de la guerre civile

Hervé, tu as été confronté à des souffrances terribles, liées à la guerre civile qui dévaste l’est de la RDC. Peux-tu nous dire comment cela est arrivé ?

Depuis de nombreuses années, je m’implique dans le ministère d’EFF international 1 , qui vise à former des animateurs fidèles et capables de transmettre les valeurs bibliques de la famille dans les pays de la Francophonie.
J’ai participé à une formation au Nord-Kasaï, une autre région blessée de RDC, avec une sœur de Bunia 2 qui s’occupait d’apporter la Parole de Dieu dans des camps de déplacés dans la région. Elle m’a demandé de venir former des collaborateurs chrétiens et j’y suis allé à cinq reprises, même si le trajet pour s’y rendre est très long et compliqué.

Quelle est la situation dans cette région et quels sont les types de souffrance auxquelles tu as été confronté ?

Depuis plus de 25 ans, des troubles et des guerres civiles ensanglantent cette région. Les rebelles passent de l’Ouganda ou du Rwanda en RDC et on ne sait pas bien qui manipule qui. Plus le pays est déstabilisé, plus les dirigeants et les firmes étrangères peuvent vendre à tout va les matières premières dont il regorge. En suscitant des guerres ethniques fratricides, ils instaurent un climat de peur, conduisant à des déplacements de population vers les villes ; les territoires se vident et la place est libre.
Les haines entre tribus, entre dominants et dominés, remontent à très longtemps et il suffit de mettre un peu d’huile sur le feu pour les attiser.
Le drame est que ce sont des chrétiens — de nom — qui se battent entre eux. Pour que des hommes puissent commettre de telles atrocités, seul un démon peut être derrière. La guerre n’est pas belle, c’est fait pour voler, pour piller, mais là on atteint un degré de perversité et d’abjection indicible. Je ne peux pas raconter ce que j’ai entendu. Ce sont des actes de barbarie dont les femmes et les enfants sont les premières victimes.

Comment sortir de cette spirale de violence ?

Un jour, alors que nous avions travaillé la veille sur le chemin du pardon en abordant le sujet avec une extrême douceur, un vieux monsieur a demandé la parole pour témoigner qu’il avait renoncé à la vengeance : « Mes voisins ont tué toute ma famille, à l’exception d’une seule de mes petites-filles de 6 ans. J’avais préparé un poison pour tuer mes voisins et hier soir, j’ai pris le poison et l’ai donné au pasteur. »

Que dire à des personnes ayant vécu des abominations à répétition ?

Toute parole est une insulte à leur souffrance, à leur cœur déchiré. Alors que puis-je leur apporter ? Les amener dans la présence de Jésus, présent comme il l’a promis (Mat 28.20), les aider à réaliser son regard de compassion sur eux, ses yeux sur eux, sa main sur eux, et les amener à demander au Seigneur une parole, une réponse, quelque chose juste pour eux.
Leur proposer un temps de silence, d’écoute pour eux, d’intercession silencieuse pour nous, et là, le Seigneur leur donne une parole, une réponse, un verset, un signe entre lui et eux. Ça vient de sa part, par son Esprit : c’est un cadeau de sa grâce.
Une femme qui avait atrocement souffert, après un temps de méditation, a reçu du Seigneur ce texte qu’elle nous a partagé : « Parce que je vis, tu vivras. » Bien d’autres ont témoigné de réponses analogues et sont repartis, au moins pour un temps, détendus, souriants, apaisés. Nous avons vu la consolation de l’Éternel agir !

Comment se sentir légitime face à de telles souffrances ?

Lors d’un séjour, comme les troubles reprenaient, les frères qui m’accueillaient m’ont littéralement jeté dans le dernier avion. À l’escale suivante, j’éprouvais le sentiment de les avoir abandonnés : j’allai retrouver mon confort occidental alors que, eux, risquaient des atrocités. Une sœur m’a appelé sur mon portable et m’a consolé : « Tu as fait ta part ; le reste appartient à Dieu. »

Quels textes sont d’un réconfort particulier pour ces chrétiens ?

Nous commençons par raconter l’histoire d’un pasteur déplacé à la suite de massacres et qui doute. Le premier pas est de les aider à trouver qui est Dieu dans la Bible, par exemple les textes où il dit : « Je suis… » Le Dieu qui est bon, qui tient tout dans sa main, qui délivre, qui demande d’attendre.
Aux femmes violées, nous lisons : « Ne rougis pas, car tu ne seras pas déshonorée ; Mais tu oublieras la honte de ta jeunesse. » (És 54.4) Nous les aidons à passer étape après étape, jusqu’à reconnaître la justice de Dieu qui rendra la vengeance. Et nous finissons par les textes sur le pardon.
Une difficulté supplémentaire est liée à la culture, parfois très éloignée de la nôtre. Par exemple, une femme violée est considérée comme adultère et doit payer une amende à sa belle-famille ! C’est l’occasion de citer Jean 8, où Jésus ne condamne pas une femme volontairement adultère : a fortiori une femme qui a involontairement subi un rapport souvent atroce.
« D’autres subirent les moqueries et le fouet, les chaînes et la prison ; ils furent lapidés, sciés, torturés  ; ils moururent tués par l’épée  ; ils [furent] dénués de tout, persécutés, maltraités. » (Héb 11.36 37) En RDC, nous y sommes en plein !
Ce que nous pouvons apporter, face à cet océan de souffrance, ne m’appartient pas. Je verse ma petite goutte d’huile et je crois dans l’abondement de Dieu.

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  1. https://eff-international.fr/
  2. Chef-lieu de la province de l’Ituri, au nord-est de la RDC, théâtre de combats sanglants depuis 2003.
Dossier : Guerres et famines
 

Gibert Hervé
Hervé, est formateur pour EFF International à travers des séminaires comme la « liberté en Christ », « la consolation » et divers autres thèmes concernant la famille. Marié avec Hélène depuis 41 ans, ils sont accompagnants dans un cadre psycho-spirituel.