Dossier: La mission
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Sortir de sa bulle

Dans Actes 1.8, nous lisons que Dieu voulait que l’Évangile soit annoncé jusqu’aux extrémités de la terre. Dans le livre des Actes, nous voyons comment cette expansion de l’Évangile a débuté dans l’Église primitive. Cette expansion se poursuit aujourd’hui et durera jusqu’au retour de Jésus-Christ. Nous verrons au travers de ces lignes comment Dieu a mené cette action, quel sont les défis qui nous sont posés et comment l’Évangile peut être répandu autour de nous.

Dans le livre des Actes, nous constatons la progression géographique de la prédication de l’Évangile. L’Évangile est d’abord annoncé à Jérusalem auprès de la communauté juive, auprès de ceux qui ont la même langue et la même culture que les apôtres. Ensuite, c’est la Judée qui est évangélisée, une région parlant la même langue et de même culture, puis la Samarie, proche par la langue et par la culture. Le témoignage se poursuivra dans des langues et des cultures différentes, et plus tard ira jusqu’aux extrémités de la terre.

La mission commence donc près de chez nous, depuis notre porte, et va au loin,  jusqu’aux extrémités de la terre, et ce, avec l’extraordinaire aide du Saint-Esprit. Aucune œuvre ne peut subsister sans l’œuvre du Saint-Esprit et cette œuvre nous pousse à la mission, en référence à : « Vous serez mes témoins » (Act 1.8).

1. Deux visions : se laisser déranger par Dieu

Les deux visions sont des situations surprenantes. Dans notre ordinaire, Dieu intervient et peut nous mettre face à des situations extraordinaires, de manière à nous surprendre. Nous pouvons affirmer qu’au travers d’Actes 10.1-16, être surpris par Dieu signifie « se laisser déranger par Dieu ».

1.1. La vision de Corneille

Corneille est un chef de l’armée romaine, il est une figure du non-Israélite, impur car non-juif. C’est donc un homme infréquentable pour des Juifs ! Il est pourtant pieux et fait des aumônes, il a foi en Dieu, ce Dieu qui s’intéresse à tous les hommes, non pas uniquement à Israël. Les Juifs croyaient que Dieu s’intéressait à eux à l’exclusion des autres peuples. Ainsi, lorsque nous parlons de Dieu, nous ne devons pas faire connaître le Dieu qui nous appartiendrait, mais plutôt faire connaître le Dieu à qui nous appartenons. Il est au-dessus de tout homme, tout peuple, musulman, bouddhiste ou hindouiste ; il est Dieu.

Malgré sa ferveur, nous apprenons en Actes 11.13-14 que Corneille n’était pas sauvé au moment où l’ange lui est apparu. Dans tout peuple, il y a des hommes et des femmes qui sont de bonne volonté, qui ont un cœur bien disposé, qui font de bonnes œuvres mais qui ne sont pas sauvés pour autant ! Voilà pourquoi Dieu utilise Pierre pour annoncer le salut à Corneille. Comme Pierre, nous sommes appelés à nous appliquer au même travail d’annonce du salut. En effet, une âme religieuse n’est pas une âme sauvée.

1.2. La vision de Pierre

Simon Pierre vivait chez un tanneur à Jaffa. Le travail du tanneur consiste à tuer les animaux et à traiter leur peau, il est donc en contact direct avec des cadavres. Ainsi et selon Lévitique 11.39, Pierre risquait de se souiller s’il touchait l’un de ces cadavres. Mais Dieu préparait Pierre à la vision qu’il allait recevoir.

À midi, Pierre monte sur la terrasse pour prier, ce qui montre l’importance que Dieu a dans la vie de Pierre. Suite à ce temps de prière, Dieu lui parle par une vision. Nous découvrons ici une autre dimension de la communion avec Dieu dans la prière : l’écoute de Dieu. Alors que Pierre a faim, Dieu se manifeste à lui au travers d’une vision qui l’invite à tuer et à manger. Comme la vision se répète à trois reprises, Pierre devient attentif. Dieu fait son travail dans la vie de Pierre. Il réagit d’abord comme un Juif ne voulant pas manger d’animaux impurs. Pierre est amené à transgresser la loi religieuse et le code culturel liés à son vécu. Il est d’abord choqué par la vision, mais, par la suite, il accepte le projet de Dieu.

Dans nos vies, il y a des interdits liés à notre éducation et à nos origines religieuses. Ceux-ci nous influencent dans notre manière d’approcher les autres. Lorsque j’ai grandi à Madagascar, j’ai été éduqué à manifester de la haine envers une ethnie. Cette éducation a pris racine en moi et a freiné ma vie chrétienne, jusqu’au jour où j’ai compris que cela m’empêchait d’annoncer l’Évangile aux gens de cette ethnie. Dieu, par sa grâce, a travaillé en moi pour que je sois affranchi de ces interdits.

Il y a des interdits qui déterminent notre vie et qui nous empêchent d’aller au-delà et d’être disponibles pour ce que Dieu veut accomplir à travers nous. Y a-t-il  dans nos vies, des interdits reçus pendant notre éducation ou issus de notre culture, qui constituent un facteur de blocage dans la transmission de l’Évangile ?

Relevons un autre détail : d’abord Dieu nous transforme afin que nous puissions annoncer le Seigneur et franchir les différentes barrières qui nous séparent de l’autre. Si nous ne nous laissons pas transformer par le Seigneur, nous aurons beaucoup de peine dans notre approche vis-à-vis de celui qui est différent.

J’ai connu le responsable d’une mission qui avait eu une image très négative des Roms[1]. Or, un Rom est venu frapper à sa porte. Le voyant, le missionnaire a été saisi de préjugés. Après un long moment d’hésitation, il a finalement fait entrer le Rom chez lui. Au fil de la discussion, il s’est rendu compte que son visiteur était chrétien. Ils ont prié ensemble pour un sujet précis. Quelques jours plus tard, le Rom est revenu vers son hôte pour lui dire que le Seigneur avait exaucé leur prière. Dieu a travaillé le cœur de ce missionnaire pour qu’il puisse accueillir celui qui était l’objet de ses préjugés.

Soyons donc sensibles au fait que nous avons été éduqués avec toutes sortes de préjugés, d’interdits et d’images négatives liés à une culture, à un peuple ou à toute autre chose qui nous différencie de notre prochain, images qui reviennent lorsque nous sommes confrontés à une situation ou aux gens qui les incarnent. Sommes-nous prêts à nous laisser déranger par Dieu ?

2. Deux rencontres : aller vers l’autre devancé par l’Esprit 

Luc nous prépare à cette rencontre extraordinaire entre Pierre et Corneille. Ce que Dieu montre à Pierre est en quelque sorte le contraire de la logique du chauvinisme spirituel : « La bénédiction qui provient du Dieu au-dessus des nations, n’appartient pas aux seuls Juifs, mais également aux nations ». Dieu a fait comprendre à Pierre le partage de la bénédiction du salut aux autres peuples, afin qu’il ne la garde pas captive pour Israël.

Dans les versets 17 à 33, nous assistons à deux rencontres initiées par Dieu. Il y a tout d’abord celle de Pierre avec les envoyés de Corneille, puis celle de Pierre avec Corneille.

2.1. Rencontre de Pierre avec les trois envoyés de Corneille

Il est midi, Pierre a faim. On pourrait penser qu’il a eu une hallucination lorsque, sur le toit, il voit la nappe descendre du ciel avec des animaux. Pourtant, cette triple apparition donne de la crédibilité à cette vision. Pierre authentifie l’origine quand il dit : « Non, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur » (v. 14). Finalement, il est informé par le Saint-Esprit que les trois envoyés de Corneille allaient se présenter à la porte de la maison où il résidait.

Comment Pierre a-t-il pu discerner que cette vision venait de Dieu ? Comment a-t-il su que c’était le Saint-Esprit qui parlait ?

Pierre passait du temps avec Dieu, il connaissait donc Dieu, il avait une relation avec lui au travers de la communion et la prière, il savait que cela venait de Dieu.

Quand Jésus a dit : « Je connais mes brebis, et elles me connaissent » (Jean 10.14), il nous montre que sa voix peut être reconnue. C’est en passant du temps avec Jésus, que l’on arrive à discerner sa voix, même si on ne le voit pas physiquement. Ainsi, nous apprenons à connaître la voix du Seigneur, ce qui implique :
– une relation et une communion avec lui,
– le don préalable et la réception du Saint-Esprit,
– la capacité de reconnaître le Saint-Esprit parler. Le Saint-Esprit n’est pas uniquement une puissance, mais une personne.

Il y a donc cinq éléments qui attestent  que les faits qui venaient de se produire ne venaient pas de son imagination ou du diable, mais de Dieu :
– la triple vision,
– la disponibilité de Pierre,
– l’interpellation de l’Esprit sur le moment,
– la venue des trois envoyés,
– les paroles des trois envoyés.

Pierre manifeste une compréhension progressive du plan de Dieu. Alors qu’il est sur le toit, il est perplexe et réfléchit à ce qu’il vient de vivre. Mais l’arrivée des trois envoyés et la parole du Saint-Esprit : « Voici, trois hommes te demandent ; lève-toi, descends, et pars avec eux sans hésiter, car c’est moi qui les ai envoyés » (v. 19-20), ont convaincu Pierre qu’il devait se mettre en route avec eux. Tout d’abord, Pierre a laissé entrer les hommes impurs dans son logement. Puis ils ont voyagé ensemble pendant plus d’une journée. Au risque d’être vu par d’autres Juifs, il a cheminé avec eux ; mais que se sont-ils dit tout au long du chemin ? Ce temps passé ensemble les a aidés à mieux se connaître. On peut penser que Pierre a parlé de sa foi ou que les envoyés ont posé des questions sur sa foi.

Lorsque je vous demande : « Comment ça va ? », vous pouvez répondre poliment « ça va » mais aussi répondre en parlant de votre foi, en partageant ce que vous vivez avec des chrétiens comme avec des non-chrétiens.

2.2. Rencontre entre Pierre et Corneille

Finalement en arrivant auprès de Corneille, Pierre donne ce témoignage : « En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point de favoritisme. » (v. 34) Pierre a donc mené toute une réflexion. Cela nous apprend que le discernement de la volonté de Dieu n’exclut pas la réflexion. Pierre a compris progressivement que personne n’est impropre au salut. Il fallait donc annoncer l’Évangile à ce païen représenté par Corneille.

Luc a pris du temps dans la rédaction de ce chapitre afin de nous expliquer la rencontre avec cet homme impur. Il donne plusieurs indices qui ont conduit Pierre à comprendre cela :
– Pierre habitait chez Simon le tanneur qui tuait des animaux en tous genres,
– Pierre a reçu une triple vision,
– Pierre a offert l’hospitalité aux envoyés de Corneille,
– Pierre a voyagé avec les envoyés de Corneille.

Aux versets 28 et 29, Pierre dit à Corneille qu’il savait qu’il est interdit à un Juif de fréquenter un étranger ou d’entrer chez lui. Pierre était en train de transgresser la loi, mais Dieu lui avait fait comprendre qu’il ne fallait considérer aucun être humain comme souillé ou impur. Pierre avait compris la vision qu’il avait eue à Jaffa. Sa vision de Dieu en fut renouvelée. Dieu a ainsi accompli dans la vie de Pierre une transformation de mentalité et d’attitude. N’enfermons donc personne dans nos raisonnements charnels excluant certains d’être sauvés ou d’être aimés de Dieu. N’enfermons pas Dieu dans notre système de pensée. Laissons Dieu nous transformer. Allons vers l’autre, devancés par le Saint-Esprit.

3. Conclusion

Pour résumer, les deux visions (Actes 10.1-16) nous invitent à nous laisser déranger par Dieu. Les deux rencontres (Actes 10.17-33) nous encouragent à aller vers l’autre, devancé par l’Esprit. Mais avant tout, sortons de notre bulle, c’est-à-dire laissons-nous surprendre par Dieu pour aller au-delà de nos préjugés personnels ou culturels, de notre propre vision de lui, de nos cercles d’amis et de nos églises !

 

[1]     Peuple nomade venu d’Inde vers le Moyen-Orient puis l’Europe, très largement présent en Europe centrale. Le terme désigne à la fois une branche spécifique originaire d’Europe orientale et balkanique, et l’ensemble des Gitans, Tsiganes, Manouches, Bohémiens, Sintés, Kalés, etc.

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Jonah Nirine
Nirine Jonah, de nationalités suisse et malgache, est au bénéfice d’expériences missionnaires et pastorales depuis 1995. Il est le doyen de la formation biblique interculturelle à l’Institut Biblique et Missionnaire Emmaüs à Saint-Légier en Suisse.