Dossier: Vivre en disciple
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Suivre, marcher et demeurer

Une des activités principales du Seigneur Jésus sur la Terre était la formation de ses disciples pour la mission qu’il allait leur confier. Quelles sont les étapes essentielles de ce processus ? Si autant de pages des Evangiles sont consacrées à cet enseignement, cela signifie qu’il est particulièrement important pour nous encore aujourd’hui.
Nous décrirons dans cet article trois phases essentielles du processus de formation, basées sur Marc 1.14-20 (l’appel), Matthieu 11.28-30 (la marche aux côtés du Christ), et Jean 15.1-17 (être en Christ), en nous inspirant largement des réflexions de Daniel Bourguet1.
Suivre Christ, un pas d’obéissance (Marc 1.14-20).
Au début du magnifique récit de Marc, le baptême de Jésus par Jean marque le lancement de son ministère, lorsque Dieu son Père déclare publiquement : « Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis toute mon affection.  ». Ainsi sa légitimité a été établie par Dieu lui-même. Il est donc naturel que Jésus soit ensuite le centre de l’histoire des disciples. C’est lui qui appelle ses disciples et non l’inverse.
Quel regard pose Jésus sur ces jeunes hommes pour qu’ils se sentent en confiance et le suivent ? Citons Bourguet : « Obéir à l’appel du Christ, c’est laisser son regard d’amour percer notre cœur. »
Dans quelles situations est-ce que j’arrive, ou n’arrive pas, à me laisser toucher par le regard du Seigneur ? Je peux avoir de la peine à aimer mon véritable visage. Est-ce que mon regard ou celui des autres prend le dessus sur celui de Dieu ? Si je commets un impair au travail, j’ai souvent du mal à me le pardonner, je peux le ruminer longtemps. Revenir au regard du Seigneur, c’est découvrir ce que son regard pur voit en moi.
Jésus appelle Simon et André, auparavant disciples de Jean (Jean 1.40) à devenir pêcheurs d’hommes, autrement dit devenir ce que Jésus est, pas moins !
L’obéissance des disciples est remarquable. Le verset 22 relève l’autorité de Jésus : « Ils étaient frappés de sa doctrine ; car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes. »
Les douze disciples ne sont pas des hommes de premier plan de la capitale Jérusalem – il n’y a ni Lévite ni Pharisien, ni membre du sanhédrin
– mais des gens de professions très diverses (pêcheurs, taxateur, etc). Jésus demande d’abord l’obéissance et la volonté de se mettre en marche, pas un certain niveau social ou intellectuel. Il n’appelle pas ceux qui se croient compétents, mais il équipera ceux qu’il appelle.
Il appelle au minimum deux disciples à la fois, le minimum ecclésial, sans doute pour s’entraider, mais aussi pour apprendre à collaborer et affiner leurs caractères mutuellement.
Les disciples laissent aussitôt les filets, c’est-à-dire leur source de revenu, leur pain, l’entreprise familiale. Ils sortent de la barque et quittent leurs acquis, ainsi que leur père et patron. Ils veulent suivre Christ, donc ils laissent même ce qui leur est cher.
Ils apprennent à renoncer (idem en Mat 16.24). Le renoncement, c’est enlever certaines choses de nos vies pour se consacrer à des choses plus importantes. Ce n’est pas une fin en soi, mais une conséquence d’un choix plus excellent. Thomas Merton l’a formulé ainsi : « Le bonheur consiste à trouver ce qui est essentiel dans ma vie, et à renoncer avec joie à tout le reste. »
L’abandon à Christ, pour le laisser régner, est une étape ultérieure. On peut le définir comme le fait de descendre du trône de sa vie, et de laisser Christ régner sur ses rêves, ses passions2.
En plusieurs situations, Jésus montrera la nécessité de cet abandon à ses disciples. Par exemple, Pierre doit abandonner ses filets lors de son appel. Plus tard, il doit sortir du bateau et marcher sur l’eau pour constater lui-même son impuissance et la puissance de Christ.
S’il n’était pas sorti, il n’aurait pas appris à croire. Bonhoeffer dit que celui qui a reçu l’appel doit sortir de sa situation au sein de laquelle il ne peut pas croire, pour se mettre dans la situation qui seule permet la foi3.

En résumé, c’est Jésus qui appelle, et ma réponse consiste en un pas d’obéissance et un pas de foi. Ma réponse doit être sans condition, et mon engagement doit être de laisser Jésus prendre la direction de ma vie.

Marcher au rythme de Christ (Matthieu 11.28-30)

Daniel Bourguet propose de voir l’image du joug comme une offre faite aux disciples, à ceux qui le suivent déjà. Elle contient quatre injonctions :

  • Venez : approche de Christ, c’est lui qui donne le repos (v. 28)
  • Prenez : il te confie une charge qu’il tire avec toi (v. 29)
  • Apprenez : marche à côté de lui, apprends à l’écouter et à vivre son humilité et sa douceur (v. 29)
  • Recevez : la charge que te confie le Christ est bonne et légère, elle procuré le repos de l’âme. (v. 30)

Jésus nous invite : « Venez à moi », venez auprès de moi. Par rapport à l’appel des disciples (Marc 1), il y a une progression : il ne s’agit plus simplement de suivre le Seigneur, mais d’être auprès de lui. C’est une progression dans l’intimité. L’étape suivante nous est révélée par Jean 15, dans la parabole du cep et des sarments, où Jésus nous appelle à être en lui.
Où en suis-je dans mon intimité avec le Seigneur ? Ai-je le désir de passer à l’étape suivante ?
La fatigue et la charge sont des obstacles à identifier et nommer. Les possibilités sont nombreuses : trop plein d’activités, trop plein d’émotions (p. ex. Marthe en Luc 10.38-42), l’impression de porter seul une lourde charge comme Élie en 1 Rois 19, etc.
Après une journée harassante, le Seigneur invite ses disciples : « venez à l’écart dans un lieu désert, et reposez-vous un peu » (Marc 6.31). Le Seigneur n’a pas promis une vie paisible et sans difficulté, mais si la charge est écrasante, je dois alors me demander si je vise la bonne cible.
Comment parvenir au repos de l’âme ? L’âme est le siège des désirs où prennent parfois place la jalousie, la culpabilité et bien d’autres sentiments qui nous tourmentent. Marcher sciemment hors du chemin prévu par Dieu active la mauvaise conscience et l’agitation intérieure (Jér 6.16). Mais celui qui se sait en route sur la bonne voie, portant la charge que Dieu lui confie, a cette assurance de combattre le bon combat, comme écrivait Paul en 2 Tim 4.7. Certes, il peut parfois être fatigué physiquement. Le Seigneur s’adresse à des gens fatigués et chargés, et leur demande de prendre une charge de plus ! Mais qui tire le joug avec moi ?
Le Christ ! Savoir que le Seigneur tire à mes côtés est bel et bien source de repos pour mon âme.
Les bœufs, ou les chevaux, portent des œillères lorsqu’ils sont en attelage. De la même manière, je ne vois pas physiquement le Christ à côté de moi, mais je sens sa présence.
Lorsqu’un jeune cheval doit apprendre à tirer un attelage, on le met aux côtés d’un ancien, qui donne le rythme. Le jeune fougueux apprend à avancer de manière constante, dans la bonne direction. Quel cadeau de pouvoir apprendre aux côtés du Seigneur ! Pour tirer la charge efficacement avec le Christ, il faut marcher dans la même direction, tirer à la même force, et avancer au même rythme. Mon rôle est d’aligner mes objectifs sur ceux du Christ, me mettre à son diapason, à l’écoute de son Esprit.
La douceur et l’humilité sont ce qui manque le plus dans nos relations humaines, car elles sont peu valorisées dans notre société. Dans un attelage, si l’un manque de douceur et fait des à-coups, se cabre, ou part au galop, cela blesse l’autre, car le joug repose aussi sur l’autre. Prions pour vivre ce fruit de l’Esprit dans notre couple, dans notre église, au travail.
L’humilité du cœur, la véritable humilité, demande une profonde conversion du regard, telle qu’elle permet d’estimer l’autre supérieur à moi-même, sans me faire tomber dans l’auto-dévalorisation.
Si ma charge vient du Christ et que je la porte avec lui, elle ne sera pas écrasante. Si je marche au rythme et à côté du Christ, j’apprends aussi à renoncer aux charges qu’il ne m’a pas assignées. Et je vis le repos de l’âme.

Être en Christ et porter du fruit éternel (Jean 15.1-17)

Le rôle du vigneron est tenu par Dieu. Jésus parle du vigneron comme étant Dieu son Père, son Papa. Il taille ce qui produit déjà du fruit pour augmenter la quantité. Il canalise l’énergie (émon-der) et évite les pertes (purifier) pour qu’un maximum de sève arrive aux fruits. Cette image nous enseigne que la sanctification ne se fait pas sans douleur pour le chrétien.

Le rôle du cep est tenu par Jésus. Il distribue la sève, les nutriments aux sarments. Il y a plusieurs sarments sur un cep. La récolte ne provient pas d’un seul sarment, de même la récolte ne provient pas que de moi. Le cep ne porte pas lui-même des fruits : Jésus me fait la grâce de participer à sa gloire ! Il en a fait de même avec ses disciples, qui ont non seulement baptisé, mais aussi chassé les démons, guéri les malades, distribué les 5 pains et 2 poissons.
Le fruit rend la gloire de Dieu visible auprès des hommes. Il est écrit « porter du fruit », et non « produire du fruit ». C’est un rappel à l’humilité. C’est une grâce de Dieu qu’il m’utilise tel que je suis pour sa gloire, mais je ne peux me prévaloir de fabriquer ce fruit tout seul, sans lui.
Le fruit est pour le vigneron. Tout fruit que je porte est pour Dieu le Père ! De lui, par lui et pour lui sont toutes choses (Rom 11.36).
Il n’y a pas de chrétien sans fruit, et c’est rassurant ! Qu’on le veuille ou non, Dieu fait de bonnes œuvres à travers nous. Jean invite à ne pas se contenter de peu, car il montre une gradation dans la fécondité : tu peux porter du fruit (v. 2b), encore plus de fruit (v. 2c), beaucoup de fruit (v. 5b), du fruit éternel (v. 16). Aspire à beaucoup de fruit, à du fruit éternel !
Jésus t’aime autant que son Père l’aime ! Jésus décrit un flux d’amour qui part du Père, passe par lui puis par nous, et qui rejaillit dans nos relations. Il faut d’abord se laisser aimer par le Christ, avant de se mettre à aimer. Mais je suis souvent le coude du tuyau. Pourquoi puis-je éprouver de la peine à me laisser aimer par Dieu ? Je veux mériter son amour, je suis obnubilé par le « faire », et je n’arrive pas à « être ». La voix de mon entourage est plus importante que celle de Dieu,  j’ai été tellement déçu en voyant les comportements autour de moi, etc. Le pardon permet d’être libre des attentes non comblées. Dieu peut te révéler tes blocages, refus et craintes pour t’en libérer. Il offre un amour parfait, bien plus grand que celui d’un proche.
« Demeurer » est une expression typique de Jean qui a trois significations :
a) s’attarder, rester, s’arrêter ;
b) habiter, avoir son domicile ;
c) persister, subsister.
Jean parle de demeurer en Christ (v. 4) et de demeurer dans son amour (v. 9b) : il y a une notion de durée et une notion de proximité. Jean décrit une relation intime et constante avec Jésus. Avant l’obéissance, il y a l’amour de Dieu. On obéit au Seigneur parce qu’il nous aime et non pour qu’il nous aime. Ensuite, il n’est pas demandé d’être en Christ, mais d’y demeurer, de persévérer. En effet, dès la conversion je suis en Christ, une création nouvelle.
Comment demeurer en Dieu ? « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour » (v. 10) Je ne peux pas prétendre demeurer en Dieu si je pèche délibérément, sans confesser mon péché.
Comment Jésus est-il demeuré en Dieu ? Il nous a montré l’exemple : par l’obéissance à Dieu, par ses temps privilégiés avec Dieu son Père à l’écart de la foule, en aimant ses prochains, guérissant, enseignant, etc.
Dans les Évangiles, Jésus utilise plusieurs images pour parler de l’intimité avec lui. On est tour à tour enfants de Dieu, frères et sœurs de Jésus, disciples, brebis. Parfois, il nous appelle amis par opposition à serviteurs, c’est dire que notre relation ne se limite pas à une simple obéissance, à une exécution d’ordres.
La source pour porter du fruit éternel, c’est une relation personnelle et intime avec Jésus. Et ainsi j’apprends à recevoir son amour et à aimer les autres. Je me rappelle aussi que je suis choisi pour aller et porter du fruit pour l’éternité (v. 16).

Multiplier comme Christ

Les évangiles enseignent au moins trois positions du disciple relativement à Christ. L’intimité avec le Christ va crescendo : suivre Christ, marcher à son côté, et demeurer en lui. Selon la situation, on est appelé tantôt à l’une ou l’autre position.
La finalité (porter du fruit pour l’éternité) est directement liée à l’intimité de ma relation avec Jésus. Cette finalité est mise en évidence par les dernières paroles du Christ avant de monter vers son Père : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, […] et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mat 28.19-20). Le cycle est complet lorsque le disciple fait lui-même des disciples.
Alors, allons-y !

Suivre ChristMarcher à côté du ChristÊtre en Christ
PassageMarc 1.14-20Mat 11.28-30Jean 15.1-17
ObjectifPécheurs d’hommesRepos en DieuPorter des fruits éternels
DemandéSuivre Christ (obéissance)Apprendre de Christ, partager sa charge avec le Christ, marcher aux côtés? du ChristÊtre émondé, demeurer en Christ, observer ses commandements, s’aimer les uns les autres
CadeauRegard du ChristDouceur et humilité du ChristAmour du Christ (sève), joie et plénitude
À laisserRevenu, familleMon fardeauDes branches non fructueuses !

 

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  1. Daniel Bourguet Devenir Disciple, , Ed. Olivétan, 2006.
  2. Nathan Bramsen, What if Jesus meant what he said, Ed. Emmaüs International, 2017
  3. Dietrich Bonhoeffer, Vivre en disciple, Ed. Labor et Fides, 2009
Dossier : Vivre en disciple
 

Bourgeois Fabien
Fabien Bourgeois est marié à Cosette et papa de deux filles de 10 et 9 ans. Ils s’impliquent dans une église locale à Sonceboz (CH) et auprès de la jeunesse de leur réseau d’églises. Ils ont à cœur que les jeunes s’engagent dans une vie de disciple active et authentique pour rayonner et glorifier Dieu.