Un christianisme qui colle avec la réalité (2)
2. La nature et l’origine de la vie
La pensée humaniste et profane de notre monde moderne est tout entière dominée par la théorie de l’évolution. Sommairement, on peut dire que c’est l’affirmation que tout ce qui nous entoure en ce monde est apparu par hasard, sur des périodes extrêmement longues; qu’un Dieu créateur n’existe pas, pas plus qu’une cause première qui aurait généré l’extraordinaire diversité du monde naturel. Adhérer à cette affirmation nous oblige à accepter que l’ordre est né à partir du désordre, que des développements dus au hasard ont tissé les fils prodigieusement complexes et interdépendants de la vie, que la matière a donné le jour aux êtres vivants, que la vie inanimée a produit la vie pensante, et que de la vie pensante a surgi la vie consciente de l’homme.
Il est absurde de proposer à l’homme un système qui exige qu’il croie que 2 + 2 = 5, en ce qui concerne l’histoire de l’univers, non pas une, mais des milliers de fois. A l’inverse, le christianisme affirme que l’ordre, la diversité, la complexité de l’interdépendance et la beauté du monde naturel ont été créés par le Dieu souverain existant de toute éternité que nous révèle la Bible. L’ordre, la diversité et la beauté sont ainsi le résultat de l’activité créatrice de Dieu, et non le résultat d’un processus dû au hasard et à une sélection naturelle jamais prouvée. Pour l’Ecriture, c’est une vérité évidente et relevant du bon sens, que de regarder le monde et de voir qu’il est l’oeuvre d’un créateur. David écrivait: Les cieux racontent la gloire de Dieu; l’étendue céleste proclame l’ouvrage de ses mains (Ps 19.1), et Paul: les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’oeil nu, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages (Rom 1.20, Nouv. Ed. de Genève).
Lorsque nous regardons une belle toile, nous nous demandons: «Qui a peint cela?» Et nous faisons l’éloge de son auteur; de la même manière, quand nous contemplons l’univers, nous devrions en chercher à connaître l’auteur et le louer. Eternel, notre Seigneur! Que ton nom est magnifique sur toute la terre! Toi qui établis ta majesté au-dessus des cieux (Ps 8.1).
3. La nature de la vie humaine
Bertrand Russell résume ainsi le dilemme auquel est confrontée la pensée non-chrétienne lorsqu’elle applique le dogme de l’évolution à l’homme: «L’homme est la résultante de causes qui n’avaient pas prévu les effets qui en découleraient: son origine, son développement, ses espoirs et ses craintes, ses émotions et ses convictions ne sont que le produit d’associations d’atomes accidentelles… Aucun feu, aucun héroïsme, aucune pensée ni aucun sentiment aussi intenses soient-ils, ne peuvent préserver une vie au-delà de la tombe… Tout le labeur effectué au cours des âges, toute la ferveur, toute l’inspiration, toute l’éclatante expression du génie humain, sont voués à disparaître dans l’extinction générale de notre système solaire, et tout l’édifice des réalisations humaines sera inévitablement enfoui sous les décombres d’un univers en ruines.» (Bertrand Russel, «Pourquoi je ne suis pas un chrétien», Simon and Schuster; New York 1957).
Russell doit reconnaître que l’homme est différent, qu’il est unique dans ce monde; que ses exigences morales, sa créativité, son besoin d’aimer, ses actes d’héroïsme, sa pensée et son dévouement pour autrui, font qu’il occupe une place bien à part dans l’univers; mais Russell, comme l’ensemble de la philosophie profane moderne, n’apporte aucune explication à ce caractère unique. Certains intellectuels admettent, comme Russell, la spécificité de l’homme, mais sans pouvoir l’expliquer. D’autres essaient de la nier et insistent sur le fait que seule la complexité de l’homme en fait un être différent. Selon eux, l’homme n’est rien de plus qu’une composition chimique élaborée, un organisme physique comme le moustique ou la souris, mais d’une complexité telle qu’on peut le comparer à l’analyse digitale d’un ordinateur. Perry London, psychothérapeute américain, après avoir été séduit par cette vision de l’homme, reconnaît que cela implique que l’homme, de même que l’ordinateur, est totalement insignifiant; car s’il n’est qu’une mécanique, il n’est nullement responsable de ses actes, quels qu’ils soient. Finalement, la spécificité de l’homme est illusoire; ce que nous expérimentons tous les jours, l’amour, l’engagement, les choix, la créativité, la rationalité etc., n’a absolument aucun sens: ce ne sont que des ombres fugitives sur un mur, des jeux de lumière, fruit de la nature compliquée du cerveau. (Perry London, «Modes et implications morales de la psychothérapie», Holt, New York 1964).
En revanche, la foi chrétienne, elle, donne une explication sur la spécificité de l’homme. L’homme, homme et femme, est créé à l’image de Dieu. Dieu, personne infinie, a créé des hommes et des femmes, des êtres limités et néanmoins des personnes comme lui. Nous reflétons la nature de Dieu. Dieu est amour, dit l’apôtre Jean. Nous sommes faits pour aimer Dieu et pour nous aimer les uns les autres. Dieu est juste. Nous sommes faits pour distinguer entre le bien et le mal, pour discerner ce qui est juste, et pour choisir le bien et le vivre. Dieu est le Créateur. Nous sommes comme lui, responsables de nos choix, et faits pour créer la vie, les relations humaines, la beauté, l’ordre. Dieu communique: l’Ecriture parle d’une communication entre le Père, le Fils et l’Esprit, aujourd’hui aussi bien qu’avant que le monde ne fût. Nous sommes faits pour communiquer par le langage, entre nous et avec Dieu. Dieu est un Dieu d’ordre et non de chaos, de sens et non d’incohérence, de raison et non de l’absurde. Nous sommes des êtres rationnels, appelés à réfléchir sur nos vies et sur le monde dans lequel nous vivons. Ce que nous expérimentons, dans ses multiples facettes, fait de nous des êtres à part, qui portent la marque de ce qui caractérise la personnalité. Au lieu de nous lamenter sur le caractère illusoire de l’expression de notre personnalité dans un univers impersonnel, nous devrions nous réjouir, car en dépit de notre petitesse, nous sommes «chez nous» dans un univers créé par un Dieu en trois personnes.
4. L’éthique
Comment pouvons-nous savoir ce qui est bien et ce qui est mal? Perry London, cité plus haut, admet que si l’homme est une machine, il est vain de parler de bien et de mal et de responsabilité morale. Il ne nous viendrait pas à l’idée d’accuser un ordinateur de comportement criminel; de même, nous ne poursuivrons pas les animaux (desquels nous sommes censés descendre) devant les tribunaux pour infraction à la loi. Si l’homme n’est qu’un mécanisme, un organisme physique complexe, un descendant du rat et du cétacé, pourquoi le tenons-nous pour responsable de ses actes e: le considérons-nous comme un agent moral? London affirme que le bien, le mal et la responsabilité morale relèvent de l’imagination; en même temps, il admet que les hommes semblent en avoir besoin pour donner un sens à leur vie. Il poursuit en proposant des moyens de programmer les gens en vue de créer une société meilleure, oubliant que le terme «meilleur» n’a aucun sens, selon sa propre conception philosophique. Nous avons là une théorie du réel et du comportement humain qui ne peut expliquer pour quelle raison toutes les sociétés humaines distinguent entre le bien et le mal, et pourquoi elles considèrent l’être humain comme agent moral. De nos jours, cependant, nous voyons le fruit effrayant d’une philosophie qui gomme toute distinction ultime entre le bien et le mal. Nous le voyons en Occident, où le meurtre d’enfants à naître ou de nouveaux-nés handicapés est considéré comme une assistance médicale charitable. Nous le voyons dans le monde communiste, de façon criante au Cambodge, où un tiers sinon la moitié de la population a été tuée au nom d’une pure révolution marxiste. Le magazine Time» a commenté ainsi la transformation de toute une nation en un camp de concentration (31 juillet 1978, p. 39-40):
«L’absurde renversement des valeurs repose sur la conviction que des notions telles que la pureté ou la corruption peuvent avoir un sens en dehors d’un système absolu des valeurs, système qui résiste aux manipulations à volonté des gouvernements ou des groupes révolutionnaires. La révolution cambodgienne, prônant sa propre pureté dévaluée, a donné la preuve de ce qu’il arrive lorsque le refus marxiste des absolus moraux est vécu dans toute son acception par ses partisans. Pol Pot et ses amis décident de ce qui est bien, de ce qui est mal, et du nombre de cadavres qui doivent être empilés pour apaiser le démon rapace de la pureté.
L’Occident est aujourd’hui pénétré de la notion de relativisme moral; il lui répugne à admettre que le mal absolu puisse être une réalité. Cela explique pourquoi certains ont tant de mal à accepter le fait que l’expérience cambodgienne est un phénomène infiniment plus grave qu’une aberration révolutionnaire. En fait, c’est la conséquence mortelle et logique d’un système de valeurs athée et anthropocentrique mis en place par des êtres humains faillibles et investis d’un pouvoir absolu, et qui croient, à l’instar de Marx, que la moralité est définie par les détenteurs du pouvoir, et, à l’instar de Mao, que le pouvoir est au bout du fusil. Ce n’est pas un hasard si, aujourd’hui, en Europe, les sociétés marxistes les plus humaines sont celles qui, telle la Pologne ou la Hongrie, permettent la dilution de leur doctrine par ce que Soljenitsyne a appelé les vastes réserves de miséricorde et de sacrifice> de la tradition chrétienne.» (Article de D.Aikman, «Le Cambodge: une expérience en génocide»).
Le christianisme ne connaît pas le problème de l’incertitude quant à savoir ce qui est bien ou mal, de même qu’il n’hésite pas à affirmer que le mal absolu existe bel et bien. Le caractère de Dieu trouve son expression dans une bonté, une justice et une sainteté parfaites. Son caractère nous témoigne de ce qui est bien et juste, et tout comportement doit être évalué en fonction de son caractère et à la lumière du jugement dernier, lorsque toutes les actions, toutes les paroles et toutes les pensées des hommes seront vues telles qu’elles sont.
La loi de Dieu, dans l’Ecriture, exprime la justice de Dieu, et l’homme, fait pour refléter cette justice, est appelé à obéir à la loi de Dieu et à peser ses actes à la lumière de ce critère. Tous les hommes sont créés avec une conscience morale, la loi de Dieu écrite dans leur coeur; mais la conscience peut être obscurcie ou endurcie, soit en raison de la tradition culturelle, soit par les choix coupables de l’individu. Cependant, au-delà des circonstances, nous avons une référence absolue pour apprécier le bien et le mal, car nous pouvons jauger toutes les idées des hommes en fonction du caractère et de la loi de Dieu. Cela implique aussi que le chrétien peut se baser sur de solides fondements lorsqu’il est confronté à l’immoralité des agents du pouvoir que ce soit en démocratie ou sous une dictature, ou lorsqu’il doit faire face à la volonté de la majorité de nos sociétés occidentales, où l’éthique varie avec le consensus du jour.
Dès lors, au lieu d’être troublés par la doctrine biblique du jugement, nous devrions nous en réjouir et y voir l’une des gloires de la foi chrétienne. Tous les hommes ressentent au fond d’eux-mêmes que certaines choses sont bonnes et que d’autres sont mauvaises, bien qu’ils soient incapables d’en discerner la vraie raison, ni même d’appréhender l’essence des notions du bien et du mal, et celle de la responsabilité morale. Le chrétien peut, dans une totale assurance, affirmer qu’il existe une différence entre ces deux notions et qu’à la fin, lors du jugement, tout mal sera révélé et jugé.
(détails: voir No 93)